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Décisions

Cass. 2e civ., 1 juillet 2021, n° 20-14.849

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Durin-Karsenty

Avocat général :

M. Aparisi

Avocat :

SCP Lyon-Caen et Thiriez

Versailles, du 10 mars 2020

10 mars 2020


Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, (Versailles, 10 mars 2020), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-15.836), et les productions, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société Cenor viande.

2. Ayant formé opposition à ce jugement, la société Cenor viande et son gérant, M. [F], ont déposé une requête en récusation à l'encontre de trois juges de ce tribunal et formé une demande de renvoi devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime du tribunal de commerce de Bobigny.

3.Par un arrêt du 6 juin 2019, la Cour de cassation a cassé l'ordonnance, rendue par le premier président de la cour d'appel de Paris le 17 avril 2018, qui a rejeté la requête en récusation et suspicion légitime déposée par M. [F] et la société Cenor Viande.

4. Le 22 janvier 2020, M. [F] et la société Cenor viande ont déposé au greffe de la cour d'appel de Versailles une requête en récusation multiple et demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, avec demande de sursis à statuer sur renvoi de la Cour de cassation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa dernière branche

Enoncé du moyen

6. M. [F] et la société Cenor viande font grief à l'ordonnance de rejeter la requête tendant à ce que soit ordonné le sursis à statuer de toute décision juridictionnelle du tribunal de commerce de Bobigny dans le cadre de la procédure collective concernant la société Cenor viande, que soit prononcée la récusation des juges de la 9ème chambre du tribunal de commerce de Bobigny et le renvoi, pour cause de suspicion légitime à l'égard du tribunal de commerce de Bobigny, de cette procédure collective devant une autre juridiction alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'à cet égard, la circonstance que l'ensemble des décisions rendues par une juridiction l'ont toutes été en la défaveur d'une partie et en violation des règles essentielles de la procédure est de nature à faire naître un doute objectif sur l'impartialité de cette juridiction et aÌ fonder une demande de renvoi devant d'autres juges pour cause de suspicion légitime ; que M. [F] et la société Cenor viande faisaient valoir qu'ils n'avaient pas été régulièrement convoqués aÌ l'audience du 18 janvier 2018 au terme de laquelle le tribunal de commerce a prononcé par jugement du 31 janvier 2018 la clôture de la liquidation judiciaire de la société pour insuffisance d'actifs, que cette audience s'était tenue hors la présence du mandataire liquidateur et des autres parties à l'instance, qu'aucune des pièces sur lesquelles s'est fondé le tribunal n'avait été préalablement communiquée au débiteur ou à son conseil, que ces anomalies faisaient suite à de nombreuses autres commises par le même tribunal à leurs dépens consistant notamment à avoir appelé à l'audience du 3 novembre 2015 des tiers à la procédure de redressement judiciaire en qualité de demandeurs à l'instance, à n'avoir pas répondu à la demande de sursis présentée aÌ cette audience par la société Cenor viande, à avoir fait convoquer le président du tribunal de commerce de Chartres à l'audience du tribunal de commerce de Bobigny du 15 mars 2016 en qualité là encore erronée de demandeur au motif que le président de ce tribunal estimait que la société Cenor viande aurait pu être en état de cessation des paiements, et à avoir converti d'office le redressement en liquidation judiciaire sans appeler la société débitrice à l'audience ; que les exposants en déduisaient qu'aÌ tous les stades de la procédure, ces irrégularités répétées et systématiques démontraient que le tribunal avait adopté un comportement discriminatoire à leur égard, les privant du droit aÌ un procès équitable, en violation des règles de convocation et de saisine de la juridiction consulaire, et en accordant aux autres parties à l'instance des prérogatives exorbitantes du droit processuel ; qu'en se bornant à énoncer que « le défaut d'impartialité d'une juridiction ne peut résulter du seul fait qu'elle ait rendu une ou plusieurs décisions défavorables à la partie demanderesse à la récusation ou favorables à son adversaire et que fût-il démontré que les magistrats concernés auraient commis des erreurs de procédure, même répétées, ou des applications erronées des règles de droit, de telles erreurs, qui ne pourraient donner lieu qu'à l'exercice des voies de recours, ne sauraient établir la partialité ni des magistrats qui ont rendu les décisions critiquées ni des magistrats de l'ensemble du tribunal, pris dans leur ensemble, non plus que faire peser sur eux un doute légitime sur leur impartialité » sans mieux s'expliquer sur les moyens développés par M. [F] et la société Cenor viande, le premier président a privé son ordonnance de base légale au regard de l'article L. 111-8 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 1032 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction. En l'absence de dispositions dérogeant à cette règle en matière de demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, la juridiction de renvoi après cassation est saisie par déclaration effectuée au secrétariat de cette juridiction par la partie la plus diligente.

8. L'ordonnance du premier président énonce qu'à la suite de la cassation de l'ordonnance du 17 avril 2018 du premier président de la cour d'appel de Paris par l'arrêt de la Cour de cassation du 6 juin 2019, M. [U], au nom et pour le compte de la société Cenor viande et de son gérant M. [F], a, par requête déposée le 22 janvier 2020 au greffe de la cour d'appel de Versailles, sollicité, d'une part, que soit ordonné le sursis à statuer de toute décision juridictionnelle du tribunal de commerce de Bobigny dans le cadre de la procédure collective concernant la société Cenor viande jusqu'au prononcé de la présente ordonnance, d'autre part, que soit prononcée la récusation des juges de la 9ème chambre du tribunal de commerce de Bobigny et a demandé le renvoi, pour cause de suspicion légitime à l'égard du tribunal de commerce de Bobigny, de cette procédure collective devant une autre juridiction.

9. Il résulte de ce qui précède que la juridiction du premier président de la cour d'appel de Versailles, saisie par requête et non par déclaration déposée au greffe de cette juridiction, n'a pas été valablement saisie.

10. Par ce motif de pur droit, relevé d'office dans les conditions prévues aux articles 1015 et 620, alinéa 1er du code de procédure civile, l'ordonnance du premier président se trouve légalement justifiée.

11.Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.