Cass. 3e civ., 8 janvier 1997, n° 95-11.014
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Boscheron
Avocat général :
M. Baechlin
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 novembre 1994), que, par actes du 29 octobre 1990, la société Nielsen a signé deux baux de locaux à usage commercial situés dans un immeuble acquis par la société Ufifrance Immobilier en l'état futur d'achèvement; que ces actes précisaient que la date prévisionnelle de livraison était fixée au 15 juin 1992 et prévoyaient une faculté de renonciation à poursuivre l'exécution des baux par la société Nielsen, selon certaines modalités, avant cette date; que le 30 octobre 1991, la société Nielsen a informé la société Ufifrance Immobilier de sa renonciation aux baux conclus le 29 octobre 1990;
Attendu que la société Ufifrance Immobilier fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en exécution des obligations découlant des baux visant notamment à obtenir le paiement des loyers échus depuis le 15 juin 1992, alors, selon le moyen, "qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 3-1 du décret du 30 septembre 1953 que le preneur ne peut donner congé qu'à l'expiration du bail d'une période triennale; que la cour d'appel a constaté, en l'espèce, que les parties étaient liées par un contrat de bail commercial en date du 29 octobre 1990; qu'en décidant, néanmoins, que la société Nielsen avait pu valablement résilier ce contrat par lettre recommandée du 30 octobre 1991, la cour d'appel a violé l'article 35 du même décret";
Mais attendu qu'ayant relevé que les parties avaient prévu de régir leurs relations entre la date de signature des contrats et la date de prise d'effet du bail, laquelle était différée jusqu'à la livraison de l'immeuble, par des dispositions particulières et notamment par la possibilité pour la société Nielsen de renoncer à poursuivre l'exécution du contrat moyennant une contrepartie financière, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le sens et la portée des actes qui lui étaient soumis, a pu en déduire que cette faculté de renonciation, antérieure à la prise d'effet du bail, se trouvait régie par le droit commun des contrats et n'était pas soumise aux règles d'ordre public du statut des baux commerciaux;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Nielsen fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ufifrance Immobilier une certaine somme au titre de travaux exécutés dans les lieux, alors, selon le moyen "1 ) que s'il est vrai qu'aux termes de l'articles 5-2 a) des deux conventions conclues le 29 octobre 1990, la société Nielsen s'était engagée à rembourser au bailleur le coût des travaux demandés par elle dans le cas où elle renoncerait à poursuivre l'exécution du bail entre le 30 avril 1991 et le 15 juin 1992, cette même clause était restée muette s'agissant de la poursuite des travaux postérieurement à l'exercice par la société Nielsen de son droit de résiliation; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'à la suite de la décision par la société Nielsen de résilier les conventions conclues le 29 octobre 1990, la société Ufifrance Immobilier avait pris l'initiative de demander à celle-ci quel sort il convenait de donner aux travaux en cours, qu'il en résultait nécessairement que dans la commune intention des parties, les conventions conclues le 29 octobre 1990 n'avaient aucunement mis à la charge de la société Nielsen le coût des travaux préconisés quelle que soit la date de réalisation de ceux-ci; qu'en se fondant, néanmoins, sur ces conventions pour condamner la société Nielsen à supporter une telle charge, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du Code civil; 2 ) qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Nielsen avait valablement usé le 30 octobre 1991 de son droit de résiliation qui lui avait été reconnu dans chacune des deux conventions conclues le 29 octobre 1990; qu'ainsi, les deux conventions ayant nécessairement cessé de produire tout effet à la date du 30 octobre 1991, et en l'absence de toutes stipulations contraires initialement convenues entre les parties, la société Nielsen ne pouvait être tenue d'aucune obligation au titre des travaux poursuivis postérieurement à l'exercice par cette société de son droit de résiliation; qu'en décidant, néanmoins, que la société Nielsen devait prendre en charge le coût des travaux poursuivis au delà du 30 octobre 1991, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du Code civil; 3 ) que le silence ne vaut pas acceptation ;
qu'en mettant à la charge de la société Nielsen le coût des travaux effectués postérieurement au 30 octobre 1991 au motif qu'à la suite de l'envoi le 29 novembre 1991 par la société Ufifrance Immobilier d'une lettre aux termes de laquelle il était demandé à la société Nielsen si elle souhaitait que les travaux soient arrêtés, la société Nielsen n'avait pas répondu par écrit à cette demande, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil; 4 ) que, dans ses conclusions d'appel, la société Nielsen avait fait valoir que la société Ufifrance Immobilier n'avait obtenu un permis de construire modificatif concernant le restaurant inter-entreprises qu'à la date du 12 décembre 1991; qu'ainsi les pièces versées aux débats devaient être considérées comme de simples devis, les travaux ne pouvant avoir été engagés de manière conséquente dans un espace aussi court; qu'en affirmant que les factures versées aux débats par la société Ufifrance Immobilier démontraient qu'au 30 août 1991 les travaux étaient déjà réalisés à 40 % sans s'expliquer sur la date d'obtention du permis de construire modificatif, la cour d'appel n'a pas répondu à un moyen déterminant et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile";
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la société Nielsen s'était engagée dans les conventions conclues le 29 octobre 1990 à rembourser au bailleur le coût d'aménagement du monte-charge, de la réalisation du restaurant inter-entreprises et de tous autres travaux demandés par elle, que si une clause de résolution de plein droit au 31 avril 1991 disposait que le remboursement se ferait sur justificatifs des sommes engagées par le bailleur à cette date, aucune précision n'était stipulée à cet égard pour le cas de renonciation, et que la société Nielsen n'avait formulé postérieurement à cette renonciation aucune observation à une lettre de la société Ufifrance Immobilier relative à la poursuite des travaux du restaurant inter-entreprises, la cour d'appel, a souverainement apprécié le sens et la portée des actes qui lui étaient soumis en retenant que la société Nielsen était redevable du coût des travaux en leur entier et non seulement de ceux engagés à la date du 30 octobre 1991 non contractuellement prévus;
Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu que la société Ufifrance Immobilier justifiait par des factures, avoir réglé une certaine somme à ce titre, la cour d'appel a, sans être tenue de suivre la société Nielsen dans le détail de son argumentation, légalement justifié sa décision de ce chef;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.