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Décisions

Cass. 3e civ., 26 janvier 2022, n° 20-20.223

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Andrich

Avocat :

SCP Bénabent

Montpellier, du 10 sept. 2019

10 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 septembre 2019), le 31 août 2013, M. [F] [Z], nu-propriétaire d'un logement (le nu-propriétaire) dont M. [A] [Z] donateur s'est réservé l'usufruit (l'usufruitier), l'a donné à bail à Mme [J] (la locataire).

2. Le 20 mai 2016, le nu-propriétaire a délivré à la locataire, un congé pour reprise au profit de sa belle-fille, à effet du 31 août 2016, puis l'a assignée en validité de ce congé.

3. L'usufruitier est intervenu à l'instance au soutien de la demande.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer que le nu-propriétaire avait qualité pour agir et, en conséquence, de valider le congé délivré le 20 mai 2016, sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, aux fins de reprise par sa belle-fille, de déclarer qu'elle était occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2016 et d'ordonner son expulsion, ainsi que celle de tout occupant de son chef, alors « que l'intervention volontaire de l'usufruitier, qui a seul qualité pour conclure un bail d'habitation et délivrer congé au locataire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, à l'instance qui oppose le nu-propriétaire, bailleur, au preneur, n'est pas de nature à donner qualité à agir au premier ; qu'en se fondant, pour juger que M. [F] [Z] pouvait délivrer le congé et agir en justice aux fins de validation de ce congé, sur la circonstance inopérante que M. [A] [Z], usufruitier, était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action, la cour d'appel a violé les articles 122 et 330 du code de procédure civile, 595 et 1984 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 595 du code civil et les articles 122, 329 et 330 du code de procédure civile :

5. Il résulte des deux premiers textes, que seul l'usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et que le défaut de qualité à agir constitue une fin de non recevoir.

6. Selon les deux derniers textes, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.

7. Pour déclarer recevable l'action du nu-propriétaire, après avoir donné acte de son intervention à l'usufruitier, l'arrêt retient que ce dernier est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir l'action.

8. En statuant ainsi, alors que seule l'intervention de l'usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte, était de nature à permettre d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La locataire fait grief à l'arrêt de valider le congé délivré le 20 mai 2016 par le nu-propriétaire sur le fondement de l'article 25-8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 aux fins de reprise par sa belle-fille, alors « que dès lors que seul l'usufruitier a le pouvoir pour conclure un bail sur les biens immobiliers et qualité pour donner congé au locataire, en cas de bail irrégulièrement conclu par une personne autre que l'usufruitier, c'est au regard de l'usufruitier, qui détient seul le droit de jouissance sur le bien, qu'il convient d'apprécier la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise; qu'en jugeant que M. [F] [Z] nu-propriétaire pouvait, en sa qualité de bailleur, se prévaloir du bénéfice du droit de reprise dans les conditions de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, et que le congé ainsi délivré au bénéfice de Mme [K] dont il indiquait qu'il s'agissait de sa belle-fille, respectait les dispositions légales et était valable, la cour d'appel a violé les articles 595, 1984 du code civil et 25-8 de la loi du 6 juillet 1989. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 595, alinéa 1, du code civil et 25-8, alinéa 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :

10. Il résulte du premier de ces textes que seul l'usufruitier, ayant qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut délivrer un congé et agir en validité du congé pour reprise.

11. Selon le second de ces textes, à peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de cette reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

12. Par l'effet combiné de ces dispositions, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu'au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l'usufruitier.

13. Pour valider le congé, pour reprise, notifié par le nu-propriétaire, l'arrêt retient que ce congé respecte les dispositions légales, dès lors qu'il précise que le bénéficiaire de la reprise est sa belle-fille et que ce lien avec celle-ci est établi par la production d'un certificat de vie commune depuis plus d'une année à la date de délivrance du congé avec la mère de la bénéficiaire dont le livret de famille est produit.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.