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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 26 novembre 2013, n° 12/01652

NÎMES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rolland

Conseillers :

Mme Collière, M. Soubeyran

Avocats :

Me Dubourd, SCP Lobier Mimran Gouin Lezer, Me Jonzo

Cons. prud’h. Nîmes, du 16 févr. 2012

16 février 2012

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame X, divorcée Y était engagée par l'EURL Y, exploitant un restaurant sous l'enseigne le pêcheur au Grau du Roi selon contrat à durée déterminée saisonnier courant de juillet à octobre 2006 en qualité d'employée polyvalente.

Soutenant avoir ensuite continué à travailler sans être déclarée à compter de novembre 2006 jusqu'en novembre 2007, date à compter de laquelle elle se voyait remettre des bulletins de paie pour un montant net de 1.500 euros, non payé, elle saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes en paiement de diverses sommes, lequel par jugement contradictoire en date du 16 février 2012, la déboutait de l'ensemble de ses demandes ainsi que les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles.

Par acte en date du 14 mars 2012, Madame X a régulièrement interjeté appel.

L'EURL était placée en liquidation judiciaire le 2 novembre 2010, Maître TORELLI étant désigné en qualité de liquidateur.

Par conclusions développées à l'audience, Madame X demande d'infirmer le jugement et de :

- dire et juger que durant la période du 1er Novembre 2006 à Novembre 2007, elle a travaillé au service de l'EURL Y, constatant qu'elle n'a reçu pour cette période aucun salaire ni accessoire

- condamner Maître TORELLI, ès-qualités, et les AGS CGEA de TOULOUSE au paiement des sommes suivantes :

* 21.249 euros au titre du rappel des salaires du 1er Novembre 2006 au 1er Novembre 2007

* 2.124,90 euros au titre des congés payés y afférents

- dire et juger qu'elle a fait l'objet d'un travail dissimulé,

- condamner Maître TORELLI ès-qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Y et les AGS CGEA de TOULOUSE au paiement de la somme de 10.620 euros au titre de dommages et intérêts.

Elle soutient que :

- la période de novembre 2007 à février 2009, date de rupture des relations contractuelles est couverte par l'arrêt de la Cour de ce siège en date du 10 novembre 2009 statuant sur appel de l'ordonnance de référé et portant condamnation de L'EURL Y à lui payer la somme de 26.855,64 euros au titre de solde de salaire.

- il avait été convenu qu'elle s'associerait dans le restaurant par le rachat total ou partiel des parts sociales, les salaires non versés représentant le prix d'acquisition.

- antérieurement, elle démontre par plusieurs attestations qu'entre la fin du contrat à durée déterminée saisonnier et novembre 2007, elle a continué à travailler en qualité de directrice.

- elle se trouvait sous lien de subordination comme le démontre d'autres attestations ; ses fonctions n'ont pas changé entre juillet 2006 et février 2009. Son salaire moyen s'élevait à 1.770,75 euros qu'elle réclame sur douze mois.

Maître TORELLI, liquidateur de L'EURL Y, demande de confirmer le jugement déféré et d'y ajouter en condamnant Madame X à la répétition des avances indues de salaires, soit la somme de 29.568,42 euros bruts et au paiement de la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Nîmes pour le surplus.

Il soutient que :

- il appartient à Madame X de démontrer l'existence d'un lien de subordination, ce qu'elle ne fait pas puisque ex-épouse du gérant, associée de fait , elle indique elle-même qu'il était convenu d'une association.

- les sommes allouées par la Cour d'appel étant versées à titre de provisions, il y a lieu à répétition.

Par conclusions développées à l'audience, l'AGS et le CGEA de Toulouse formulent les mêmes demandes en soutenant la même argumentation et demandent encore de faire application des dispositions légales du code du travail et revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des salaires que de ses conditions et garanties.

MOTIFS

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait , dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

Il ressort des pièces et des débats que :

- Madame Danielle X est l'ex-épouse de Monsieur Y, gérant de L'EURL Y qui exploitait un restaurant à LE GRAU DU ROI.

- Elle a signé un contrat à durée déterminée saisonnier le 1er juillet 2006, conclu pour une durée minimale de onze semaines et les bulletins de salaire lui ont été délivrés pour la période travaillée en qualité d'employée polyvalente de juillet à octobre 2006.

- pour la période postérieure de novembre 2006 à octobre 2007, il n'existe aucun contrat de travail signé de L'EURL Y pas plus que de bulletins de salaire.

- pour la période du 1er novembre 2007 au 16 février 2009, un certificat de travail est produit de même que des bulletins de salaire couvrant l'intégralité de la période pour un emploi de directrice. Madame X produit également un contrat à durée indéterminée uniquement signé par elle portant sur l'emploi de directrice à compter du 1er novembre 2007.

En l'absence de tout contrat de travail opposable à L'EURL Y pour l'ensemble de la période intéressée, le contrat produit n'étant pas signé de l'employeur, il appartient à Madame X de caractériser le lien de subordination dans lequel elle se trouvait placée envers l'employeur.

Les pièces produites par Madame X échouent dans la démonstration qui lui incombe.

Il n'est pas contesté ni contestable que Madame X a apporté sa force de travail au profit de L'EURL Y.

Madame A, monsieur B, madame C, madame D (pièce 15), salariés, clients du restaurant ou mère de l'appelante, attestent qu'elle occupait le poste de responsable du restaurant, recevait les représentants, gérait la comptabilité et procédait à l'encaissement pendant le service.

Toutefois, aucune des attestations produites en première instance ne mentionnait que Madame X recevait des ordres et directives de Monsieur Y.

S'il n'est pas interdit de compléter son dossier en cause d'appel en obtenant la délivrance d'attestations complémentaires, encore faut-il que les nouvelles pièces n'entrent pas en contradiction formelle avec les précédentes et ne soient pas commandées par les nécessités de l'adaptation des faits à la situation juridique.

Telle est la situation manifeste de l'espèce où Madame X se voyant dénier l'existence d'un contrat de travail par les premiers juges au regard de l'absence de lien de subordination a cru utile de solliciter messieurs E, F et mesdames C et A pour une nouvelle salve d'attestations rédigées en 2012 (pièces 19 à 22) lesquelles mentionnent qu'elle recevait des ordres et des directives de Monsieur Y, comme les autres salariés. La tardiveté de ces attestations, leur généralité exclusive de tout constat circonstancié doivent conduire à les écarter des débats, ce d'autant plus qu'elles sont en dissonance totale avec les faits caractérisés par celles produites en première instance qui excluent tout lien de subordination et tout contrat de travail.

Ainsi, Madame C, mère de l'appelante, relatait dans son attestation de 2009 (pièce 10) que sa fille et son ex-mari avaient décidé de monter une affaire ensemble, s'orientant vers la restauration. Monsieur Y achetait le restaurant le Pêcheur et lui proposait d'entrer en parts dans la société au moyen de son salaire, ce qui constituait un capital/travail. Elle précise encore avoir dû aider financièrement sa fille qui lui avait expliqué devenir associée et que Patrick la traitait comme telle ; qu'elle se considérait comme associée et que Monsieur Y lui avait laissé les pleins pouvoirs.

C'est d'ailleurs ainsi que Monsieur Patrick Y rédigeait le 17 octobre 2007 un document duquel il résulte qu'il lui donnait pouvoir d'agir en ses lieu et place pour ce qui concerne la totalité de la gestion de la société, tant au niveau du personnel qu'au niveau de la gestion proprement dite.

Monsieur F (pièce 11) atteste qu'il a été embauché le 2 juillet 2008 par Madame X qui lui indiquait être l'associée de Monsieur Y et qu'elle était, au même titre que lui sa patronne ; ami de Monsieur Y, celui-ci lui avait indiqué que Madame X ne percevait pas de salaire car ils rentraient en part dans le restaurant, ce qu'il appelait 'capital/travail'... Monsieur Y, indisponible pendant un mois suite à un accident avait précisé aux salariés que son associée, Madame X, dirigeait la totalité du personnel et du restaurant.

Madame X le confirme dans ses écritures lorsqu'elle écrit : 'il était convenu entre les parties que Madame X s'associerait dans le restaurant par le rachat total ou partiel des parts sociales, les salaires non versés représentant le prix d'acquisition.'

Il en résulte que Madame X était engagée avec Monsieur Y dans une société créée de fait au sens de l'article 1832 du code civil à qui elle apportait son industrie et que les parties s'inscrivaient à compter de l'expiration du contrat à durée déterminée initial dans des relations exclusives de tout contrat de travail.

Il convient de confirmer la décision des premiers juges.

Il convient également d'y ajouter en portant condamnation de Madame X a répéter au CGEA de TOULOUSE, gestionnaire de L'AGS la somme de 29.568,42 euros bruts qui lui a été allouée par cette Cour statuant sur appel d'une ordonnance de référé, somme versée à titre de provision au terme d'une décision qui n'a pas autorité de chose jugée.

Il convient encore d'allouer au CGEA de Toulouse la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Madame X à restituer au CGEA de TOULOUSE, gestionnaire de l'AGS, la somme de 29.568,42 euros bruts,

Condamne Madame X à payer au CGEA de TOULOUSE la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes demandes et prétentions plus amples ou contraires,

Condamne Madame X aux dépens d'appel.