Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-13.810
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Rapporteur :
Mme Perony
Avocat général :
M. Allix
Avocats :
SCP Lesourd, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le cadre de la mise en oeuvre de mesures de réduction des coûts, la société Servair 1 (la société) a décidé courant 2005 de transférer les locaux syndicaux installés dans le bâtiment principal de l'établissement dans des locaux situés sur un parking, dans l'enceinte de l'entreprise ; que plusieurs syndicats s'opposant à cette mesure, elle a saisi le juge des référés pour être autorisée à effectuer le transfert vers le nouveau site des matériels et documents se trouvant dans leurs locaux, demande qui a été rejetée par ordonnance du 9 mai 2005 ; que le 12 octobre 2005, la société a fait procéder au déménagement des locaux syndicaux en présence d'un huissier désigné par ordonnance rendue sur requête ; que par ordonnance du 28 novembre 2005, le juge des référés a ordonné la réintégration des syndicats demandeurs dans leurs anciens locaux ; que la cour d'appel par un arrêt rendu en référé, a infirmé cette ordonnance ;
Sur les quatrième branche du moyen unique du pourvoi du syndicat CFDT Servair 1 et troisième moyen du pourvoi des syndicats CGT des salariés de la Servair 1 et sud aérien réunis :
Attendu que les syndicats font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de provision sur dommages-intérêts, alors, selon le moyen du pourvoi du syndicat CFDT qu'en opérant le "déménagement" la société Servair a usurpé la garde des choses ainsi déménagées dont elle était responsable, qu'en les déboutant au motif que les détériorations relevées sur le matériel syndical ne suffisaient pas à établir les incidents qui s'étaient produits le jour du déménagement et à imputer aux syndicats la responsabilité des dommages causés aux biens leur appartenant, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, et alors, selon le moyen du pourvoi des deux autres syndicats, qu'en opérant de force le déménagement, la société Servair a usurpé la garde des choses qu'elle déménageait, et dont elle était ainsi devenue responsable ; que la seule constatation de la détérioration de ces biens qu'elle devait restituer dans l'état où elle les avait pris, entraînait sa responsabilité, que la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et l'article 809 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que les constats établis le 19 octobre 2005 à l'initiative du syndicat CFDT et faisant état de détériorations relevées à cette date sur le matériel ne suffisent pas à établir que des incidents se sont produits le jour du déménagement et à imputer à la société la responsabilité des dommages ; que par ce seul motif, elle a pu décider qu'il existait une contestation sérieuse quant à l'octroi d'une provision ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal du syndicat CFDT Servair 1 et le premier moyen du pourvoi incident des syndicats CGT et sud aérien pris en ses trois premières branches :
Vu l'article 809 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de réintégration dans les locaux, l'arrêt retient que l'employeur peut unilatéralement substituer de nouveaux emplacements à ceux mis à la disposition des syndicats, à condition que la nouvelle implantation présente des avantages comparables à ceux de l'ancienne et que le changement n'affecte pas l'exercice de l'activité syndicale et relève que les syndicats ne démontrent pas avec l'évidence requise en référé que la nouvelle implantation nuit à l'exercice de leurs activités et permet à l'employeur d'exercer sur celle-ci un contrôle critiquable, qu'ainsi le caractère illicite du trouble allégué par les syndicats du fait du transfert de leurs locaux en d'autres lieux n'est pas manifeste ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'expulsion des syndicats du local jusqu'alors mis à leur disposition s'était réalisée sans titre exécutoire, la demande présentée à cette fin par la société ayant été rejetée le 9 mai 2005 par le juge des référés, ce qui caractérisait une voie de fait constitutive d'un trouble manifestement illicite justifiant des mesures de remise en état, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi principal et le deuxième moyen du pourvoi incident des syndicats CGT et sud aérien pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 412-1, L. 412-17, L. 412-9 du code du travail ensemble l'article L. 120-2 du même code ;
Attendu que l'employeur ne peut apporter des restrictions aux libertés individuelles et collectives des salariés et de leurs représentants qui ne seraient justifiées par un motif légitime et proportionnées au but recherché ;
Attendu que pour décider que l'installation des locaux syndicaux dans une annexé située dans l'enceinte de l'entreprise ne nuisait pas à l'exercice des activités syndicales et ne caractérisait pas un trouble illicite, la cour d'appel énonce que le fait que ces locaux ne soient plus installés dans le bâtiment principal mais dans une annexe qui se trouve dans l'enceinte de l'entreprise ne suffit pas à caractériser la volonté de l'employeur de marginaliser l'activité des syndicats en rendant l'accès à celle-ci plus difficile et que les syndicats ne démontrent pas avec l'évidence requise en référé que la nouvelle implantation nuit à l'exercice de leurs activités et permet à l'employeur d'exercer sur elles un contrôle critiquable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les syndicats faisaient valoir que pour se rendre dans les nouveaux locaux, il fallait passer sous un portique électronique, présenter un badge et subir éventuellement une fouille, sans que de telles mesures soient justifiées par des impératifs de sécurité et proportionnées au but recherché, ce dont il résulte que le trouble apporté à la liberté syndicale était manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens des pourvois :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de provision à valoir sur la réparation du préjudice, l'arrêt rendu le 13 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, pour qu'il soit statué sur les points restant en litige.