CE, 2 septembre 2003, n° 259866
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
Vu la requête, enregistrée le 29 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat , présentée par LA SOCIÉTÉ SAGEP, dont le siège est 53 rue de Châteaudun à Paris (75009) ; M. Francis X, demeurant ... ; Mme Marie-Christine Y, épouse X, demeurant ... ; M. Dominique Z, demeurant ... ; Mme Marie A, épouse Z, demeurant ... ; LA SOCIÉTÉ CATHFRANC, dont le siège est 24 rue du Mont Thabor à Paris (75001) ; LA SOCIÉTÉ E.U.R.L. JCP, dont le siège est 51 avenue Jean Jaurès à Lyon (7ème) ; les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 12 août 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de prendre toute mesure nécessaire propre à assurer l'exécution immédiate de l'ordonnance de référé rendu le 16 mars 1998 par le président du tribunal de grande instance de Paris ordonnant l'expulsion d'occupants sans titre de l'immeuble sis 7, cité Falguière à Paris 15ème ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 6000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que si la société SAGEP a acquis des locaux déjà occupés, elle ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que la carence de l'Etat perdure pendant plus de cinq années ; qu'ainsi la condition d'urgence a été écartée à tort par le juge des référés ; qu'il importe peu à cet égard que les autres copropriétaires aient omis de réitérer leur demande de concours de la force publique, lequel leur aurait aussi été refusé au motif de l'impossibilité de reloger à court terme les familles ; qu'il ne peut être opposé aux requérants la négligence tenant à ce qu'ils n'ont pas intenté plus tôt une demande en référé, dès lors que la jurisprudence n'était pas encore établie en cette matière ; que le préjudice économique est constant ; que l'état de l'immeuble se dégrade rapidement ; que les conditions d'hygiène et de sécurité ne sont plus réunies ; que la carence de l'Etat porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d'une demande justifiée par l'urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ; que si l'article L. 522-1 du même code énonce dans son premier alinéa que le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire et prévoit dans son deuxième alinéa qu'une audience publique est tenue lorsqu'il est demandé au juge de prononcer les mesures visées à l'article L. 521-2, il est spécifié à l'article L. 522-3 que ces formalités ne sont pas exigées notamment lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, qu'elle est irrecevable ou mal fondée ;
Considérant que les requérants demandent au juge des référés d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, au préfet de police de prendre les mesures nécessaires à l'exécution de l'ordonnance de référé du 16 mars 1998 par laquelle le vice-président délégué du tribunal de grande instance de Paris a ordonné l'expulsion des occupants sans titre de l'immeuble dont ils sont propriétaires à Paris, 7 cité Falguière ;
Considérant qu'il incombe à l'autorité administrative d'assurer, en accordant au besoin le concours de la force publique, l'exécution des décisions de justice ; que le droit de propriété, qui constitue une liberté fondamentale confère à son titulaire la liberté de disposer d'un bien ; que le refus de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision juridictionnelle ordonnant l'expulsion d'un immeuble porte atteinte à cette liberté fondamentale ; que les exigences de l'ordre public peuvent toutefois justifier légalement, tout en engageant la responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'égalité devant les charges publiques, un refus de concours de la force publique ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de constat dressé le 26 août 2003, que l'expulsion de plusieurs familles comportant de nombreux enfants est susceptible, en l'absence de solutions de relogement, d'entraîner des troubles à l'ordre public ; que le refus du préfet de police d'accorder le concours de la force publique ne peut être regardé comme entaché d'une illégalité grave et manifeste nécessaire à l'application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les requérants ne sont fondés ni à se plaindre que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande, ni à demander la somme de 6000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ SAGEP et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIÉTÉ SAGEP, à M. Francis X, à Mme Marie-Christine Y, à M. Dominique Z, à Mme Marie A, à la SOCIÉTÉ CATHFRANC, à la SOCIÉTÉ E.U.R.L. JCP.