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Décisions

CE, 4e et 5e sous-sect. réunies, 30 août 2006, n° 277760

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Rapporteur :

M. Sanson

Commissaire du gouvernement :

M. Chauvaux

Avocat :

SCP Masse-Dessen

CE n° 277760

30 août 2006

Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES, enregistré le 21 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, faisant partiellement droit à la demande de la société civile immobilière Siber venant aux droits de la Caisse Mutuelle d'Assurance et de Prévoyance, a condamné l'Etat à verser à ladite société la somme de 14 595,18 euros au titre des indemnités d'occupation impayées par un occupant sans titre d'un appartement dont elle propriétaire ;

2°) statuant au fond, de rejeter la demande présentée par la SCI Siber devant le tribunal administratif de CergyPontoise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Sanson, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP MasseDessen, avocat de la SCI Siber,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par jugement en date du 13 juillet 2000, le tribunal d'instance du Raincy a autorisé, en cas de défaut de paiement échelonné d'arriérés de loyer, l'expulsion de M. et de tous occupants de son chef…avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu du logement que la Caisse Mutuelle d'Assurance et de Prévoyance (CMAP), aux droits de laquelle vient la SCI Siber, lui avait donné en location à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) en vertu d'un bail du 7 août 1995 ; que, par jugement du 7 janvier 2005, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait partiellement droit aux conclusions de la SCI Siber et condamné l'Etat à verser à celle-ci une indemnité de 14.595,18 euros en réparation du préjudice causé par le refus opposé à sa demande de concours de la force publique pour assurer l'exécution du jugement du tribunal d'instance du Raincy autorisant l'expulsion ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 1751 du code civil, le droit au bail du local qui sert effectivement à l'habitation des deux époux est réputé appartenir à l'un et l'autre de ceux-ci et que, par suite, M. et Mme doivent être regardés comme titulaires, chacun à titre personnel, du bail qui a été conclu avec la Caisse Mutuelle d'Assurance et de Prévoyance pour l'occupation dudit logement établi au nom de M. ou Mme ; que, d'autre part, il est constant que le jugement susmentionné du tribunal d'instance n'a autorisé, sous condition, l'expulsion que de M. , seul assigné à comparaître par la Caisse Mutuelle d'Assurance et de Prévoyance et n'a été signifié qu'au seul ; qu'il en résulte que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en déduisant dudit jugement que le tribunal a nécessairement rendu un jugement également opposable à l'épouse de M. , a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de CergyPontoise du 7 janvier 2005 ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, si la SCI Siber était fondée à se prévaloir de la décision du tribunal d'instance du 13 juillet 2000 pour solliciter le concours de la force publique en vue de l'expulsion de M. , le sous-préfet du Raincy ne pouvait, sans outrepasser ses pouvoirs, accorder ledit concours pour l'expulsion de Mme ; que, par suite, même si M. avait seul été expulsé, le préjudice subi par la SCI Siber, tant du fait de l'occupation des lieux que des sommes restant dues au titre du bail, aurait subsisté ; que, dans ces conditions, les préjudices invoqués par la SCI Siber du fait du refus de l'administration de prêter le concours de la force publique pour l'exécution du jugement du tribunal d'instance n'ont pas de caractère certain et ne sauraient, par suite, donner lieu à réparation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par la SCI Siber devant le tribunal administratif et tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable des divers préjudices qu'elle a subis du fait du refus de concours de la force publique et soit condamné à la réparation desdits préjudices et au versement de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions de la SCI Siber tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SCI Siber de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 7 janvier 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Siber devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et les conclusions de cette même société présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à la SCI Siber.