CE, 4e et 5e sous-sect. réunies, 18 février 2010, n° 316987
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigouroux
Rapporteur :
M. Vernier
Rapporteur public :
M. Thiellay
Avocat :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin et 10 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE, dont le siège est situé Cité Oyanas BP 730 à Cayenne (97300) ; la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 13 561,74 euros au titre de la perte de l'indemnité d'occupation fixée par ordonnance du juge des référés du tribunal d'instance de Cayenne en date du 25 octobre 1996, pour la période du 2 février 2004 au 11 février 2008, à raison du logement occupé illégalement par M. A et, d'autre part, les indemnités de 6 000 euros et 3 000 euros respectivement pour la privation de jouissance du bien et les troubles de gestion ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions présentées devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 modifiée ;
Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Vernier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE,
Considérant qu'aux termes de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : Si l'expulsion porte sur un local affecté à l'habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu, sans préjudice des dispositions des articles L. 613-1 à L. 613-5 du code de la construction et de l'habitation, qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement. (...) Dès le commandement d'avoir à libérer les locaux à peine de suspension du délai avant l'expiration duquel l'expulsion ne peut avoir lieu, l'huissier de justice chargé de l'exécution de la mesure d'expulsion doit en informer le représentant de l'Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant dans le cadre du plan départemental (...) ; qu'aux termes de l'article 50 du décret du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution, et relatif en particulier à la réquisition de la force publique : La réquisition contient une copie du dispositif du titre exécutoire(...).Toute décision de refus de l'autorité compétente doit être motivée. Le défaut de réponse dans un délai de deux mois équivaut à un refus (...) ; qu'aux termes de l'article 197 du même décret : L'huissier de justice envoie au préfet ... par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception copie du commandement d'avoir à quitter les locaux ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le concours de la force publique ne peut être légalement accordé avant l'expiration du délai de deux mois qui suit la notification au préfet du commandement d'avoir à quitter les lieux antérieurement signifié à l'occupant ; que le préfet saisi d'une demande de concours moins de deux mois avant l'expiration de ce délai, qu'il doit mettre à profit pour tenter de trouver une solution de relogement de l'occupant, est légalement fondé à la rejeter en raison de son caractère prématuré ; qu'il appartient alors à l'huissier de renouveler sa demande à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du commandement ; que le préfet dispose alors d'un délai de deux mois pour se prononcer sur la demande et qu'en l'absence de réponse à l'expiration de ce délai, celle-ci est réputée avoir été rejetée ; que le refus même légalement opposé d'accorder le concours de la force publique engage la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une ordonnance de référé du tribunal d'instance de Cayenne du 25 octobre 1996, rendue au profit de la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE, le président de ce tribunal a ordonné l'expulsion de M. A occupant sans titre d'un logement appartenant à cette société ; que copie des commandements de quitter les lieux signifiés à l'occupant les 17 février 1997 et 15 septembre 2003 ont été notifiés au préfet de Guyane le 2 décembre 2003 ; que cette notification était accompagnée d'une demande de concours de la force publique ; que cette demande , adressée à l'autorité de police alors que le délai de deux mois à l'issue duquel le concours de la force publique pouvait être légalement accordé n'était pas expiré, présentait ainsi un caractère prématuré ; qu'il en résulte qu' en jugeant que, faute pour la société d'avoir notifié au préfet le commandement d'avoir à quitter les lieux plus de deux mois avant la demande de concours de la force publique, celle-ci, présentée le 2 décembre 2003 n'avait pu saisir valablement le préfet , le tribunal administratif de Cayenne, qui n'a pas entaché son jugement de dénaturation, n'a pas commis une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE GUYANE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.