Cass. 2e civ., 2 décembre 2021, n° 20-12.851
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
M. Delbano
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Ortscheidt
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2019), M. [V] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 4 octobre 2012 par la société Sodaic sécurité (Sodaic), titulaire d'un marché de sécurité confié par la société Aéroports de Paris. M. [V] a été désigné en qualité de représentant de section syndicale.
2. Le marché public Aéroports de Paris a été attribué à la société Checkport sécurité (la société Checkport) avec effet au 1er août 2017.
3. Une autorisation de transfert de ce salarié à la nouvelle société, eu égard à son statut de salarié protégé, a été sollicitée auprès de l'inspection du travail, qui l'a accordée le 11 juillet 2017. La société Checkport a été avisée de cette autorisation le 16 août 2017.
4. Considérant que cette transmission était intervenue plus de quinze jours après le transfert du marché, la société Checkport a considéré que M. [V] était resté dans les effectifs de la société Sodaic et ne lui a pas fourni de travail.
5. M. [V] a pris acte de la rupture du contrat de travail avec la société Checkport et a saisi un juge des référés d'une demande de réintégration dirigée à l'encontre des deux sociétés.
6. Par ordonnance de référé du 15 décembre 2017, le juge a mis hors de cause la société Sodaic et a ordonné sous astreinte à la société Checkport la reprise du contrat de travail. Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel du 24 janvier 2019.
7. Par ordonnance du 1er mars 2019, le juge des référés a liquidé l'astreinte.
8. M. [V] a saisi un conseil des prud'hommes d'une demande tendant à requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
9. Par jugement du 30 avril 2019 qui a fait l'objet d‘un appel, le conseil des prud'hommes a débouté M. [V] de toutes ses demandes au motif que la société Checkport n'était pas son employeur.
10. La société Checkport a interjeté appel de l'ordonnance du 1er mars 2019.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. La société Checkport fait grief à l'arrêt d'ordonner la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 15 décembre 2017, de la condamner à verser à M. [V] la somme de 16 400 euros au titre de la liquidation d'astreinte arrêtée au 27 juillet 2018, aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée, à l'inverse du jugement au fond qui vient s'y substituer ; que par ordonnance de référé rendue le 15 décembre 2017, le conseil des prud'hommes de Bobigny a « ordonné à la société Checkportsécurité la reprise du contrat de travail de M. [V] » assortissant cette condamnation d'une astreinte ; que par jugement rendu au fond le 30 avril 2019, le conseil des prud'hommes de Bobigny a débouté M. [V] de sa demande tendant à voir imputer la rupture de son contrat de travail, dont il avait pris acte aux torts de la société Checkportsécurité faute pour cette dernière d'avoir repris son contrat de travail, après avoir jugé que la société Sodaic « ne pouvait transférer M. [V] et que son transfert devait être considéré comme nul » et que « M. [V] ne saurait prétendre être salarié de la société Checkport et qu'elle ne lui aurait jamais fourni de travail puisqu'il n'a jamais été transféré dans celle-ci » ; qu'en retenant que ce jugement ne tranchait pas les mêmes contestations que celles soumises à la juridiction des référés, et que le rejet par la juridiction du fond des demandes de M. [V] dirigées contre la société Checkportsécurité tendant à faire juger que la rupture de son contrat de travail devait s'analyser en un licenciement nul, n'avait pas d'incidence sur l'obligation antérieurement constatée par le juge des référés, pesant sur cette société, de reprendre à compter du 1er août 2017 le contrat de travail de l'intéressé, la cour d'appel a violé les articles 480 et 488 du Code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 480 et 488 du code de procédure civile :
12. Selon le premier de ces textes, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a autorité de la chose jugée dès son prononcé. Aux termes du second, l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée.
13. Pour confirmer l'ordonnance de référé du 1er mars 2019 et liquider l'astreinte à une certaine somme, l'arrêt retient que l'ordonnance de référé est exécutoire de plein droit en application de l'article 489 du code de procédure civile, qu'elle a été confirmée par un arrêt du 24 janvier 2019 et que l'argument de la société est inopérant dès lors que le jugement ne tranche pas les mêmes contestations que celles soumises à la juridiction de référé.
14. En statuant ainsi, alors que le jugement, revêtu dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée, avait, dans son dispositif, débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes, parmi lesquelles figurait celle de voir reconnaître le transfert de son contrat de travail à la société Checkport et la reconnaissance de sa qualité de salarié de cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.