DĂ©cisions

Cass. com., 30 aoĂ»t 2023, n° 22-20.076

COUR DE CASSATION

ArrĂȘt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Comptoir national de l'or, Gold Trade

DĂ©fendeur :

Gold Cash Market 38 (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat gĂ©nĂ©ral :

M. Debacq

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SAS Buk Lament-Robillot

Faits et procédure

1. Selon l'arrĂȘt attaquĂ© (Paris, 3 fĂ©vrier 2021), en 2011, la sociĂ©tĂ© Comptoir national de l'or (la sociĂ©tĂ© CNO), qui dĂ©veloppe sous la marque « Comptoir national de l'or » un rĂ©seau spĂ©cialisĂ© dans le rachat de l'or, a signĂ© plusieurs contrats de franchise avec la sociĂ©tĂ© Gold Cash Market 38 (la sociĂ©tĂ© Gold Cash) qui exploite des boutiques d'achat et de vente d'or avec une exclusivitĂ© territoriale.

2. Les contrats comportaient, en leur article 16, une clause de non-concurrence applicable aprÚs leur cessation, aux termes de laquelle pendant toute la durée du contrat et pendant une durée d'une année à compter de leur date de cessation pour quelque cause que ce soit, le concessionnaire s'engageait expressément à ne pas poursuivre une activité concurrente à celle du concédant, portant sur la vente ou l'achat de métaux précieux dans le territoire concédé, sous quelque forme que ce soit et, notamment, en qualité d'entrepreneur individuel, mandataire social, associé, salarié, prestataire de services ou membre d'un réseau concurrent.

3. Soutenant que certaines clauses du contrat, dont la clause précitée, étaient constitutives d'un déséquilibre significatif, au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, et reprochant à sa cocontractante le non-respect du principe d'exclusivité territoriale, la société Gold Cash a, le 31 juillet 2014, assigné la société CNO en réparation de son préjudice.

4. La sociĂ©tĂ© Gold Trade est volontairement intervenue Ă  l'instance au soutien des intĂ©rĂȘts de la sociĂ©tĂ© CNO.

5. Au cours de l'année 2016, les contrats liant les parties ont pris fin.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa premiĂšre branche

Enoncé du moyen

6. La sociĂ©tĂ© CNO et la sociĂ©tĂ© Gold Trade font grief Ă  l'arrĂȘt de dire que les clauses de non-concurrence post-contractuelles figurant Ă  l'article 16 des contrats de franchise signĂ©s entre les parties sont rĂ©putĂ©es non Ă©crites et de dĂ©bouter la sociĂ©tĂ© CNO de sa demande de dommages et intĂ©rĂȘts pour violation de la clause de non-concurrence, alors « qu'aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rĂ©troactif ; qu'aux termes de l'article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 aoĂ»t 2015, l'article L. 341-2 du code de commerce rĂ©putant non Ă©crites les clauses ayant pour effet, aprĂšs l'Ă©chĂ©ance ou la rĂ©siliation d'un contrat de distribution, de restreindre la libertĂ© d'exercice de l'activitĂ© commerciale de l'exploitant, s'applique Ă  l'expiration d'un dĂ©lai d'un an Ă  compter de la promulgation de la loi ; que pour rĂ©puter non Ă©crites les clauses de non-concurrence prĂ©vues Ă  l'article 16 des contrats signĂ©s entre les parties et dĂ©bouter la sociĂ©tĂ© CNO de sa demande de dommages intĂ©rĂȘts pour violation de la clause de non-concurrence, l'arrĂȘt relĂšve que l'article 31 II de la loi du 6 aoĂ»t 2015 dispose que le I de cet article, qui crĂ©Ă© l'article L. 341-2 du code de commerce, s'applique Ă  l'expiration d'un dĂ©lai d'un an Ă  compter de la promulgation de la loi. Il retient qu'il s'en dĂ©duit qu'un an aprĂšs la promulgation de la loi, est rĂ©putĂ©e non Ă©crite toute clause ayant pour effet, aprĂšs l'Ă©chĂ©ance ou la rĂ©siliation d'un des contrats mentionnĂ©s Ă  l'article L. 341-1, tel le contrat de distribution, de restreindre la libertĂ© d'exercice de l'activitĂ© commerciale de l'exploitant qui l'a prĂ©cĂ©demment souscrit, qu'en l'espĂšce, les contrats de franchise ont Ă©tĂ© signĂ©s entre les parties les 29 mars et 8 juillet 2011 pour une durĂ©e de cinq annĂ©es, qu'ils sont arrivĂ©s Ă  Ă©chĂ©ance les 5 mars et 8 juillet 2016 et n'ont pas Ă©tĂ© renouvelĂ©s, et que la clause de non-concurrence post-contractuelle d'une durĂ©e d'une annĂ©e Ă©tait cependant bien en cours lors de l'entrĂ©e en vigueur de l'article L. 341-2 le 6 aoĂ»t 2016 qui est dĂšs lors applicable au litige ; qu'en statuant ainsi, quand la loi nouvelle ne peut, sauf rĂ©troactivitĂ© expressĂ©ment stipulĂ©e par le lĂ©gislateur, inexistante en l'espĂšce, remettre en cause la validitĂ© d'une clause contractuelle rĂ©gie par les dispositions en vigueur Ă  la date oĂč le contrat a Ă©tĂ© passĂ©, la cour d'appel a violĂ© l'article 2 du code civil, ensemble l'article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 aoĂ»t 2015. »

RĂ©ponse de la Cour

Vu l'article 2 du code civil et l'article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

7. Aux termes du premier de ces textes, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Il en résulte que, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, la validité des contrats reste régie par la loi sous l'empire de laquelle ils ont été conclus.

8. Selon le second, l'article L. 341-2 du code de commerce réputant non écrites les clauses ayant pour effet, aprÚs l'échéance ou la résiliation d'un contrat de distribution, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant, s'applique à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.

9. Pour rĂ©puter non Ă©crite la clause de non-concurrence post-contractuelle et rejeter la demande de la sociĂ©tĂ© CNO en paiement de dommages et intĂ©rĂȘts au titre de la violation de cette clause, l'arrĂȘt retient que l'article 31, II, de la loi du 6 aoĂ»t 2015 dispose que le I de cet article, qui crĂ©e l'article L. 341-2 du code de commerce, s'applique Ă  l'expiration d'un dĂ©lai d'un an Ă  compter de la promulgation de la loi. Il relĂšve que les contrats de franchise ont Ă©tĂ© signĂ©s entre les parties les 29 mars et 8 juillet 2011 pour une durĂ©e de cinq annĂ©es, qu'ils sont arrivĂ©s Ă  Ă©chĂ©ance les 5 mars et 8 juillet 2016, n'ont pas Ă©tĂ© renouvelĂ©s et que la clause de non-concurrence post-contractuelle, d'une durĂ©e d'une annĂ©e, Ă©tait en cours lors de l'entrĂ©e en vigueur, le 6 aoĂ»t 2016, de l'article L. 341-2 du code de commerce et en dĂ©duit que ce texte est, dĂšs lors, applicable au litige.

10. En statuant ainsi, en l'absence de disposition expresse du législateur prévoyant une application de la loi du 6 août 2015 aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement, il dit que les clauses de non-concurrence post-contractuelles figurant Ă  l'article 16 des contrats de franchise signĂ©s entre les parties sont rĂ©putĂ©es non Ă©crites, dĂ©boute la sociĂ©tĂ© Comptoir national de l'or de sa demande de dommages et intĂ©rĂȘts pour violation de la clause de non-concurrence et statue sur les dĂ©pens et l'application de l'article 700 du code de procĂ©dure civile, l'arrĂȘt rendu le 3 fĂ©vrier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'Ă©tat oĂč elles se trouvaient avant cet arrĂȘt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composĂ©e