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Décisions

ADLC, 30 juin 2023, n° 23-DCC-137

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Make Distribution par le groupe IBL

ADLC n° 23-DCC-137

30 juin 2023

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 25 avril 2023, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Make Distribution par le groupe IBL, formalisée par un protocole d’accord signé entre les sociétés IBL Ltd., Victor Bellier Participation, BDM CO et Make Distribution en date du 14 octobre 2022, un contrat conclu le 23 mars 2023 entre les mêmes parties et un protocole de conciliation homologué par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis-de-La-Réunion en date du 24 mai 2023 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. La société IBL Ltd. (ci-après, « IBL » ou « l’acquéreur »), dont 68,95 % des droits de vote sont détenus par la société GML Ltée, société elle-même détenue directement ou indirectement par les consorts Lagesse à hauteur de plus de 70 %, est la société de tête du groupe mauricien IBL, actif dans plusieurs secteurs d’activité et présent dans 19 pays. Sur l’île de La Réunion, IBL est présente dans les secteurs de l’hôtellerie, du bâtiment et de la construction et de l’imprimerie. Par ailleurs, d’une part, elle produit et embouteille, des eaux de source et des boissons gazeuses sans alcool via la société Edena, d’autre part, elle distribue ces eaux embouteillées et ces boissons gazeuses sans alcool ainsi que d’autres boissons (boissons rafraichissantes sans alcool, bières, vins, champagnes et spiritueux) qu’elle importe de l’île Maurice et de la métropole, via la société Phoenix Réunion.

2. La société Make Distribution (ci-après, « Make Distribution » ou « la cible »), détenue directement à hauteur de [Confidentiel] % par la société Victor Bellier Participation (ci-après « VBP »), elle-même détenue à 100 % par la société anonyme Adrien Bellier, et indirectement par VBP, au travers de la société BDM CO, à hauteur de [Confidentiel]%, exploite quatre hypermarchés situés à Sainte-Marie, Saint-Denis, Saint-André et Saint-Paul sous enseigne « Run Market Partenaire Intermarché »1.

B. L’OPÉRATION

3. Selon les termes, d’une part, du protocole d’accord signé entre les sociétés IBL Ltd., Victor Bellier Participation, BDM CO et Make Distribution en date du 14 octobre 2022 pour lequel IBL a bénéficié d’une dérogation à l’effet suspensif de contrôle des concentrations en application de l’article L. 430-4 du code de commerce le 26 octobre 2022, d’autre part, du contrat conclu le 23 mars 2023 entre les mêmes parties intitulé « Term sheet – Actionnariat de Make Distribution »2 et du jugement d’homologation du 24 mai 2023 du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis-de-La-Réunion, l’opération consiste en l’acquisition de 51 % du capital et des droits de vote de Make Distribution par IBL.

4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la cible par IBL, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (IBL : 929,7 millions d’euros pour l’exercice clos le 30 juin 2022 ; Make Distribution : 152,8 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (IBL : [≥ 15 millions] d’euros pour l’exercice clos le 30 juin 2022 ; Make Distribution : 152,8 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au III de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les marchés concernés par l’opération sur l’île de La Réunion sont la production et la distribution d’eaux de source embouteillées et de boissons gazeuses sans alcool (A), l’approvisionnement en produits à dominante alimentaire (B), la distribution en gros de produits alimentaires (C) et la distribution au détail de produits à dominante alimentaire (D).

A. LES MARCHÉS DE L’EMBOUTEILLAGE ET DE LA DISTRIBUTION DES EAUX DE SOURCE ET DES BOISSONS GAZEUSES SANS ALCOOL

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

7. La pratique décisionnelle a envisagé plusieurs segmentations du marché de l’eau en bouteille et des boissons gazeuses et rafraichissantes sans alcool, en fonction notamment du type de produit, du canal de distribution, du niveau d’approvisionnement ou du positionnement commercial.

a) Segmentation selon le type de produit

Les eaux de source embouteillées

8. Le secteur des eaux embouteillées comprend les eaux de source et les eaux minérales3. Ces deux types d’eaux se définissent comme des eaux naturelles d’origine souterraine, dont l’exploitation est soumise à un agrément des autorités compétentes et qui ne font pas l’objet d’un traitement chimique, de désinfection biologique ou d’une quelconque adjonction de produits. Les eaux minérales présentent, en outre, des caractéristiques définies par la loi (composition physico-chimique stable et qualité).

9. Concernant une éventuelle distinction entre eau plate et eau gazeuse, la Commission européenne4, sans se prononcer plus avant sur la délimitation exacte du marché, a indiqué qu’une substituabilité du côté de l’offre militait en faveur d’un marché global de produits, compte tenu du fait que la majorité des producteurs produisaient à la fois de l’eau plate et de l’eau gazeuse et qu’une grande partie d’entre eux utilisaient la même marque pour ces deux types d’eau. Toutefois, dans la même décision, la Commission a précisé qu’une distinction entre eau plate et eau gazeuse du côté de la demande pouvait être soutenue. En effet, la Commission a relevé que les consommateurs d’eau plate ne se tourneraient pas vers l’eau gazeuse en cas d’augmentation significative et régulière du prix de l’eau plate ; à l’inverse, les consommateurs d’eau gazeuse se tourneraient plus facilement vers l’eau plate en cas d’augmentation de prix. L’Autorité de la concurrence5 a quant à elle envisagé la possibilité de segments distincts, tout en laissant ouverte la définition exacte du marché pertinent.

10. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de trancher au cas d’espèce cette question, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la définition retenue.

11. En l’espèce, Edena produit des eaux de source plates et gazeuses.

Les boissons gazeuses et rafraichissantes sans alcool

12. Les autorités de concurrence6 distinguent, au sein des boissons sans alcool les boissons gazeuses sans alcool (ci-après, « BGSA ») des boissons rafraichissantes sans alcool (ci- après, « BRSA »). Au sein des BGSA, une segmentation supplémentaire est opérée entre les boissons à base de cola et celles sans cola. Les BRSA sont subdivisées à leur tour entre les jus de fruits, les sirops (incluant les concentrés) et les « soft drinks ».

13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette segmentation à l’occasion de l’analyse de la présente opération.

14. En l’espèce, Edena produit des BGSA avec et sans cola.

b) Segmentation selon le canal de distribution

15. La pratique décisionnelle7 en matière de boissons, alcoolisées ou non, opère généralement une segmentation du marché en fonction du canal de distribution. Elle distingue la commercialisation de boissons destinées à la consommation hors domicile (cafés, hôtels, restaurant, ci-après, « CHR ») dite on trade ou circuit hors domicile (ci-après, « CHD »), de la commercialisation de boissons destinées à la consommation à domicile, distribuées par les grandes et moyennes surfaces (ci-après, « GMS ») dite off trade.

16. S’agissant du secteur des eaux embouteillées (plates et gazeuses), la pertinence d’une telle distinction est confirmée par la pratique décisionnelle8.

17. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette segmentation à l’occasion de l’analyse de la présente opération.

c) Segmentation selon le niveau d’approvisionnement

18. Sur le circuit off trade, Edena commercialise ses eaux auprès de plusieurs GMS sur l’île de La Réunion.

19. La chaîne d’approvisionnement comprend trois niveaux : un niveau amont sur lequel Edena et Phoenix Réunion sont présentes, mettant en relation les fournisseurs et les GMS, via l’intermédiaire grossiste Phoenix Réunion, et un niveau aval mettant en relation les GMS et le consommateur final sur lequel Make Distribution intervient. Aussi bien le marché amont que le marché aval de l’approvisionnement est donc concerné par l’Opération.

20. Sur le circuit on trade, Phoenix Réunion commercialise les eaux produites par Edena auprès des établissements de CHD ou auprès d’intermédiaires (libre-service de gros ou « Cash and Carry »). Ainsi, Phoenix Réunion intervient uniquement au stade de l’approvisionnement des établissements de CHD, directement ou par le biais d’intermédiaires.

21. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette segmentation à l’occasion de l’analyse de la présente opération.

d) Segmentation selon le positionnement du produit

22. En matière de produits alimentaires, les autorités de concurrence distinguent, dans certains cas, les produits vendus sous marque de fabricant (« MDF ») et ceux vendus sous marque de distributeur (« MDD »). En l’espèce, l’ensemble des boissons produites par Edena, eaux de source embouteillées et BGSA, est commercialisé sous MDF.

23. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette segmentation à l’occasion de l’analyse de la présente opération.

2.  LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

24. Les marchés des eaux embouteillées9 et des BGSA10 ont été considérés comme des marchés de dimension nationale par les autorités de concurrence. En effet, les obstacles à l’accès au marché, les préférences des consommateurs et les réglementations relatives notamment à l’étiquetage des bouteilles sont des facteurs qui diffèrent d’un marché national à l’autre.

25. Toutefois,  s’agissant  des  départements  et  régions  d’Outre-Mer  (dénommées  ci-après « DROM »), l’Autorité de la concurrence a relevé11 qu’il convenait de retenir le caractère spécifique des circuits d’approvisionnement des marchés concernés et a envisagé que les marchés géographiques pertinents puissent être limités au DROM concerné12.

26. Il ressort de l’instruction menée par l’Autorité en cette occasion que, s’agissant des boissons, les produits locaux sont fortement représentés dans les ventes de la grande distribution, en raison notamment du coût de transport de ces produits pondéreux depuis la métropole.

27. En l’espèce, les parties sont présentes à l’île de La Réunion, de sorte que l’analyse des effets de l’opération sera limitée à l’île de La Réunion pour l’ensemble des marchés de boissons concernés.

B. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS À DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

28. Dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire, les marchés amont de l’approvisionnement correspondent à la vente de biens de consommation courante par les producteurs à des clients tels que les grossistes, avant leur revente à des détaillants (grandes surfaces alimentaires, ci-après « GSA », et grandes surfaces spécialisées, ci-après « GSS ») ou à d’autres entreprises (par exemple, la restauration hors foyer, ci-après « RHF »)13.

29. Les autorités de concurrence distinguent habituellement autant de marchés qu’il existe de familles ou groupes de produits14. Les catégories suivantes ont ainsi été distinguées :

- produits de grande consommation : (1) liquides, (2) droguerie, (3) parfumerie et hygiène, (4) épicerie sèche, (5) parapharmacie, (6) produits périssables en libre- service ;

- frais traditionnel : (7) charcuterie, (8) poissonnerie, (9) fruits et légumes, (10) pain et pâtisserie fraîche, (11) boucherie ;

- bazar : (12) bricolage, (13) maison, (14) culture, (15) jouets, loisir et détente, (16) jardin, (17) automobile ;

- électroménager, photo, cinéma et son : (18) gros électroménager, (19) petit électroménager, (20) photo et ciné, (21) hi-fi et son, (22) TV et vidéo ;

- textile : (23) textile et chaussures.

30. La Commission européenne a également envisagé une segmentation en fonction des canaux de distribution15. Dans la décision Carrefour/Promodès16, elle relève qu’« il existe des indices sérieux permettant de penser que certains marchés de l’approvisionnement peuvent également être définis en fonction des canaux de distribution, de telle sorte que l’approvisionnement du secteur du commerce de détail à dominante alimentaire pourrait constituer un marché autonome ». L’Autorité de la concurrence a également identifié un marché distinct de l’approvisionnement en produits alimentaires destinés aux GSA17.

31. Par ailleurs, au sein de ce dernier marché, l’Autorité a envisagé une segmentation en fonction du positionnement commercial du produit (marque de fournisseur ou « MDF », marque de distributeur ou «MDD »)18.

32. Il n’y a pas lieu de remettre en cause les segmentations retenues par la pratique décisionnelle de l’Autorité dans le cadre de la présente décision.

33. En l’espèce, IBL, via Edena, est active en tant que producteur d’eaux de source embouteillées et de BGSA sous MDF qu’elle vend à Phoenix Réunion, filiale d’IBL, qui la distribue aux GSA. Make Distribution s’approvisionne auprès de Phoenix Réunion pour ces boissons.

2.  LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

34. Les autorités de concurrence19 considèrent, s’agissant de la délimitation géographique, que les marchés de l’approvisionnement sont essentiellement de dimension nationale, tout en n’excluant pas que, pour certaines catégories de produits, la dimension du marché puisse, en partie, être plus étroite.

35. L’Autorité considère néanmoins les marchés géographiques en matière d’approvisionnement de produits alimentaires et non-alimentaires comme pouvant être limités à chaque DROM et a retenu que, lorsque les parties à une opération sont simultanément actives à La Réunion, l’analyse devait être menée au niveau de ce département20.

36. En l’espèce, l’analyse sera menée sur le territoire de l’île de La Réunion.

C. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

37. S’agissant de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires, les autorités de concurrence21 retiennent l’existence de marchés distincts par canal de distribution : GMS, CHD et industrie agro-alimentaire (ou « IAA »).

38. Du fait notamment de la forte spécialisation des grossistes-importateurs dans les DROM, l’Autorité a retenu une segmentation des marchés de la distribution en gros de produits alimentaires à destination des GMS par grandes familles de produits (boissons, produits frais, produits secs, produits surgelés, produits périssables en libre-service, droguerie- parfumerie-hygiène, etc.)22 et en fonction du canal de distribution.

39. Il n’y a pas lieu de remettre en cause les segmentations retenues par la pratique décisionnelle de l’Autorité dans le cadre de la présente décision.

40. En l’espèce, IBL via Phoenix Réunion est active en tant que grossiste-importateur pour les boissons suivantes : boissons rafraichissantes sans alcool (autres que BGSA), bières, vins, champagnes et spiritueux. Make Distribution s’approvisionne auprès de Phoenix Réunion pour ces boissons.

2.  LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

41. L’Autorité a envisagé l’existence d’un marché de la distribution de gros aux GMS à l’échelle de chaque DROM, correspondant à l’activité des grossistes-importateurs. Comme cela a été constaté par l’Autorité dans le cadre de son avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer, les grossistes-importateurs sont des acteurs structurants dans le modèle de distribution ultramarin23. La spécificité de ce circuit d’approvisionnement et son caractère essentiel dans l’approvisionnement des GSA justifient qu’un marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires soit retenu pour chaque DROM24.

En l’espèce, l’analyse sera menée sur le territoire de l’île de La Réunion.

D. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DE PRODUITS À DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

42. S’agissant de la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle distingue six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail ou supérettes (moins de 400 m²), (v) les maxi discompteurs et (vi) la vente par correspondance25.

43. L’Autorité de la concurrence considère que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. La pratique distingue ainsi26 :

− un marché comprenant uniquement les hypermarchés ; et

− un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²).

44. Il n’y a pas lieu de remettre en cause les segmentations retenues par la pratique décisionnelle de l’Autorité dans le cadre de la présente décision.

45. En l’espèce, Make Distribution exploite quatre hypermarchés.

2.  LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

46. L’Autorité considère qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence s’apprécient généralement sur deux zones différentes :

- une première zone (« zone primaire ») où se rencontrent la demande des consommateurs et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- une seconde zone (« zone secondaire ») où se rencontrent la demande des consommateurs et l’offre des supermarchés et autres formes de commerce équivalentes situées à moins de 15 minutes en voiture. Ces dernières peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés et les magasins discompteurs implantés dans la zone secondaire27.

47. L’Autorité considère que l’analyse concurrentielle ne porte que sur la zone secondaire lorsque le magasin cible est un supermarché, la zone primaire n’étant prise en compte que lorsque le magasin cible est un hypermarché.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

48. Make Distribution, qui exploite quatre hypermarchés, est active, en tant qu’offreur, sur les marchés aval de la distribution au détail à dominante alimentaire et également, en tant qu’acheteur, sur le marché amont d’approvisionnement en produits à dominante alimentaire. IBL est uniquement active sur les marchés de la production d’eaux de source embouteillées et de BGSA, de l’approvisionnement en eaux de source embouteillées et de BGSA, et de la distribution en gros d’autres boissons aux circuits GMS et CHD.

49. Il en résulte que la puissance d’achat sur les marchés amont de l’approvisionnement du nouvel opérateur aux circuits GMS et CHD sur l’île de La Réunion demeure inchangée.

50. En conséquence, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur l’ensemble des marchés concernés.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

51. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval (verrouillage des intrants), ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (verrouillage de clientèle).

52. L’Autorité de la concurrence considère qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci.

53. IBL étant présent sur les marchés amont de l’approvisionnement, en tant que fournisseur pour les eaux de source embouteillées et BGSA et en tant que grossiste-importateur pour d’autres boissons alcoolisées ou non, il convient d’examiner les éventuels effets verticaux qu’entraînera le renforcement de sa position sur le marché de la distribution en aval. Sur les marchés aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire, les parts de marché des quatre hypermarchés exprimées en surface de vente de Make Distribution, qui demeurent inchangées postérieurement à l’opération, varient entre [20-30] et [40-50] % sur les zones primaires et entre [10-20] % et [20-30] % sur les zones secondaires autour de chaque hypermarché.

ENTRE LES MARCHÉS DE L’APPROVISIONNEMENT EN EAUX EMBOUTEILLÉES ET BGSA (FOURNISSEURS LOCAUX) ET LE MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE

54. Les parties sont présentes, préalablement à l’opération, à différents niveaux de la chaîne de valeur.

55. Ainsi, IBL via Edena produit des eaux de source embouteillées ainsi que des BGSA. Sur le marché de l’approvisionnement en eaux de source à destination des GMS, IBL via Phoenix Réunion détient [50-60] % et [30-40] % de parts de marché respectivement sur les segments des eaux embouteillés plates et des eaux embouteillées gazeuses. Sur le marché de l’approvisionnement en BGSA à destination des GMS, IBL via Phoenix Réunion détient moins de 3 % de part de marché, qu’il s’agisse de boissons avec ou sans cola.

56. Make distribution s’approvisionne auprès d’IBL via Phoenix Réunion pour proposer ces boissons aux consommateurs finals dans ses quatre hypermarchés.

57. Au regard des parts de marché d’IBL sur les marchés de l’approvisionnement en eaux de source embouteillées (plates ou gazeuse) des GMS, la nouvelle entité pourrait décider à l’issue de l’opération de ne plus approvisionner les concurrents présents sur le marché aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire (verrouillage des intrants).

58. Cependant, s’agissant des eaux de source embouteillées (plates ou gazeuses), l’approvisionnement des magasins de Make Distribution sous enseigne Run Market représente moins de 3 % des ventes d’Edena ou de Phoenix Réunion.

59. Dès lors, l’opération ne permettra pas à IBL de reporter une part importante des ventes réalisées actuellement auprès des magasins concurrents sur les magasins de Make Distribution sans avoir des effets négatifs sur sa propre rentabilité. IBL n’aurait pas intérêt à priver les concurrents de la nouvelle entité sur le marché aval de leur approvisionnement dans la mesure où ceux-ci représentent l’essentiel de ses débouchés.

60. Make Distribution pourrait décider, pour ses magasins, de ne plus s’approvisionner auprès des concurrents d’IBL sur les marchés de la production et de l’approvisionnement en eaux de source embouteillées plates et gazeuses les privant ainsi d’un débouché en vue de les évincer de ces marchés (verrouillage de clientèle).

61. Cependant, le marché de la production des eaux embouteillées est limité sur l’île de La Réunion.

62. Ainsi, s’agissant des eaux plates embouteillées, le 2e opérateur – la société Cilam - détient environ [40-50] % de part de marché, les autres opérateurs détenant des parts de marché non significatives. Dès lors, que ce soit Edena ou Cilam, ces deux opérateurs sont incontournables. Si Make Distribution venait à favoriser les eaux plates embouteillées par Edena au détriment de celles produite par la société Cilam, compte tenu de la part de marché de cette dernière sur le marché de la production et commercialisation d’eaux de source embouteillées à La Réunion, de la présence de débouchés importants en dehors de Make Distribution et du chiffre d’affaires réalisé par le groupe auquel la société Cilam est adossée, cette dernière ne risque pas d’être évincée du marché.

63. S’agissant des eaux gazeuses embouteillées, Edena fait face à deux opérateurs concurrents détenant des parts de marché importantes, soit [20-30] % pour Chan ou Teung et [10-20] % pour Nestlé Waters. Si Make Distribution venait à favoriser les eaux de source embouteillées par Edena au détriment de celles produite par les sociétés Chan ou Teung ou Nestlé Water, compte tenu de la part de marché de ces dernières sur le marché de la production et commercialisation d’eaux gazeuses embouteillées à La Réunion, de la présence de débouchés importants en dehors de Make Distribution et notamment du chiffres d’affaires réalisés par le groupe auquel Nestlé Water est adossé, ces sociétés ne risquent pas d’être évincées du marché.

DÉCISION

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 23-118 est autorisée.

NOTES

1 Make Distribution a été créée en vue du rachat notamment des quatre hypermarchés cédés par la société Groupe Bernard Hayot dans le cadre des engagements pris par cette dernière dans la décision n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020 autorisant la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot.

2 Le contrat porte sur la détention du capital et les modalités de gouvernance de la société.

5 Décision n° 12-DCC-84 de l’Autorité de la concurrence du 27 décembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société RP Diffusion par la société Financière de Plouguiel.

6 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-21 précitée ; arrêté du 24 novembre 1999 TCCC/Pernod Ricard (Orangina) et la lettre C2007-158 du ministre de l’économie du 12 décembre 2007 aux conseils de la société PepsiCo ainsi que la décision n° 14-DCC-123 de l’Autorité de la concurrence du 21 août 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Brasserie Lorraine par la société Antilles Glaces ; voir également la décision de la Commission européenne n° M.2504 – Cadburry Schweppes/Pernod Ricard du 29 octobre 2001.

7 Lettre n° C2008-129 précitée ou Décision Autorité n° 11-DCC-187 du 31 décembre 2011.

8 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-84 du 21 juin 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de Holding Saint Amand par la société Alma.

9 Décisions de la Commission européenne n° M.1065 et de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-84 précitées.

10 Voir notamment l’arrêté du ministre de l’économie du 24 novembre 1999 TCCC/Pernod Ricard (Orangina) et la lettre C2007-158 du ministre de l’économie du 12 décembre 2007 aux conseils de la société PepsiCo ainsi que la décision de la Commission européenne M.2504 – Cadburry Schweppes/Pernod Ricard du 29 octobre 2001.

11 Voir l’avis de l’Autorité de la concurrence n° 09-A-45 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les DOM.

12 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-197 du 30 décembre 2010 relative à la prise de contrôle d’un fonds de commerce par la société Ho Hio Hen Investissements Outre-Mer, n°11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmaras, n° 13-DCC-43 du 29 mars 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hyper CK par la société Groupe Bernard Hayot et n° 14-DCC-123 précitée.

17 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-90 et n° 17-DCC-11 précitées,  n° 15-DCC-80 du 26 juin 2015 relative à la prise de contrôle par Pomona SA de huit adhérents du réseau Relais d’Or Miko et de la société Lux Frais et n °15-DCC-141 du 27 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de Davigel par Bain Capital.

18 Voir les avis de l’Autorité de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997 relatif à la prise de participation de la société Carrefour dans le capital de la société Grands Magasins B (GMB), n° 98-A-06 du 5 mai 1998 relatif à l'acquisition par la société Casino-Guichard-Perrachon de la société TLC Béatrice Holdings France SA (enseignes Franprix-Leader Price), n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution et la décision n° 17-DCC-11 précitée.

19 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 19-DCC-180 relative à la prise de contrôle exclusif de la société NDIS par la société SAFO.

20 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020.

21 Voir les décisions de la Commission européenne du 8 mars 2000 rendue dans l’affaire M.1802, Unilever/Amora Maille, et du 28 septembre 2000 rendue dans l’affaire M.1990, Unilever/Bestfoods ; voir également les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-66 du 30 mai 2014 relative à la prise de contrôle de trois fonds de commerce de distribution alimentaire par le groupe SAFO-GHD, n° 13-DCC-43 du 29 mars 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hyper CK par la société Groupe Bernard Hayot et n° 19-DCC-180.

22 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-173 du 28 novembre 2011 relative à la cession du fonds de commerce de la SED Saint-François aux sociétés Carcom et Établissements Jacques Nouy et n° 11-DCC-134 du 2 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot.

23 Voir avis de l’Autorité de la concurrence n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 précité.

24 Voir les avis de l’Autorité de la concurrence n° 09-A-45 et n° 19-A-12 ainsi que les décisions n° 11-DCC- 134 et n° 19-DCC-180 précitées.

25 Avis de l’Autorité de la concurrence n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence Outre-Mer

26 Ibid.

27 Voir les décisions de l’Autorité n° 12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises et n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA.