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Décisions

Cass. 3e civ., 17 juin 2021, n° 19-16.640

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Barbieri

Avocats :

SCP Ohl et Vexliard, SCP Piwnica et Molinié

Limoges, du 25 févr. 2019

25 février 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 25 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-18.724), par acte du 30 juillet 2001, [S] [F], décédée en 2006, et son fils [K] ont donné à bail à M. [G] des parcelles agricoles.

2. Par déclaration du 29 juillet 2013, M. [F] et son épouse ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et expulsion du preneur pour défaut d'exploitation personnelle et sous-location ou co-exploitation avec le beau-frère de celui-ci.

3. Mme [X] [F] et M. [G] [F], donataires de la nue-propriété des parcelles, sont intervenus volontairement à l'instance d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [G] fait grief à l'arrêt d'ordonner la résiliation du bail rural du 30 juillet 2001 à ses torts et son expulsion sous astreinte, alors :

« 1°/ que, en vertu de l'article L. 411-37, I du code rural et de la pêche maritime, « sous réserve des dispositions de l'article L. 411-39, l, à la condition d'en aviser le bailleur au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée, le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts. Cette société doit être dotée de la personnalité morale ou, s'il s'agit d'une société en participation, être régie par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine » ; que, pour ordonner la résiliation du bail rural aux torts de monsieur [G], l'arrêt attaqué a retenu qu'il existait entre ce dernier et monsieur [S] une société créée de fait, mais que l'article L. 411-37, I précité n'autorisait pas la mise à disposition des terres louées à une telle société ; qu'en statuant ainsi, cependant que la commune absence de personnalité morale de la société en participation et de la société créée de fait, qui explique que les dispositions du code civil relatives à la première soient applicables à la seconde, justifiait que l'article L. 411-37, I précité le soit également, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 1873 du code civil ;

2°/ que, en tout état de cause, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie que la contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37, I du code rural et de la pêche maritime est de nature à lui porter préjudice ; qu'en retenant que l'article L. 411-37, I n'autorisait pas la mise à disposition des terres louées à une société créée de fait, et que cette mise à disposition constituait une cession de bail interdite par l'article L. 411-35 du code, justifiant que le bailleur soit regardé comme fondé à solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1° du même code, cependant que la contravention aux obligations dont monsieur [G] était tenu en application de l'article L. 411-37 du code rural relevait des dispositions de l'article L. 411-31, II, 3° du même code, lesquelles prévoyaient la résiliation du bail pour le cas uniquement où la contravention était de nature à porter préjudice au bailleur, ce qui ne ressortait pas de l'arrêt attaqué, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31, II, 1° et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime par fausse application et les articles L. 411-31, II, 3° et L. 411-37 dudit code. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article L. 411-37, I, du code rural et de la pêche maritime autorise la mise à la disposition des biens loués au profit d'une société dotée de la personnalité morale ou, à défaut, d'une société en participation régie par des statuts ayant date certaine, mais ne prévoit pas qu'une telle mise à disposition soit possible au profit d'une société créée de fait.

6. Elle a relevé qu'il résultait des éléments produits aux débats la volonté de MM. [G] et [S] de collaborer à une entreprise commune sans pour autant constituer une personne morale, ni établir de statuts.

7. Elle en a exactement déduit que M. [G], preneur en titre, ne pouvait se prévaloir de la faculté de procéder à une telle mise à disposition en vue d'une co-exploitation informelle avec un tiers.

8. En second lieu, la cour d'appel a constaté que M. [G] avait organisé la co-exploitation avec M. [S] des terres objet du bail et retenu que celle-ci constituait une cession de bail interdite comme contrevenant aux dispositions d'ordre public de l'article L. 411-35 du code précité.

9. Elle en a exactement déduit que la résiliation du bail était encourue sans qu'elle ait à se prononcer sur la gravité du manquement, ni à rechercher s'il était de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds au préjudice des bailleurs.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. M. [G] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [F] une somme à titre de dommages-intérêts, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui interviendra du chef du deuxième moyen de cassation reprochant à la cour d'appel d'avoir ordonné la résiliation du bail rural en date du 30 juillet 2001 aux torts de M. [G], entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt attaqué condamnant ce dernier à payer au bailleur la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral que la cour d'appel a placé elle-même dans sa dépendance expresse en retenant qu'il présentait "un lien de causalité direct et certain avec le manquement imputable à monsieur [G]". »

Réponse de la Cour

12. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.