CA Amiens, ch. économique, 12 septembre 2019, n° 18/02336
AMIENS
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grandjean
Conseillers :
Mme Grevin, Mme Paulmier-Cayol
PRONONCE :
Le 12 Septembre 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre a signé la minute avec M. Pierre DELATTRE, Greffier.
DECISION
La SAS IDEFI spécialisée en conseil et formation en performance commerciale, relation client et management opérationnel a été constituée en 1995 par M. D. et la SAS PHYDINVEST, société patrimoniale elle-même constituée par M. D..
M. Daniel R. et Mme Sabine R. épouse M. ont investi en 2009 dans le capital social de la société IDEFI en 2009 en même temps que Marcel D. qui était par ailleurs en relation professionnelle avec Mme M..
Le 11 juin 2009 plusieurs conventions ont été formalisées entre les parties :
- une augmentation du capital de la société IDEFI par la création de 150 000 actions nouvelles d'un euro chacune , souscrite par M. R. pour 70 000 actions, Mme M. pour 50 000 actions et Marcel D. pour 30 000 actions ,
- un pacte d'associés conclu par les cinq actionnaires de la société IDEFI,
- une promesse unilatérale de cession de droits sociaux selon laquelle M. R., Mme M. et Marcel D. en tant que promettants, se sont engagés irrévocablement jusqu'au 30 juin 2016 à vendre à M. D. leurs 150 000 actions de la société IDEFI moyennant un prix déterminable selon une formule convenue avec un minimum de 2€ par action, le bénéficiaire disposant de l'option au terme d'un délai de cinq ans à compter de la signature de la promesse,
- une promesse unilatérale d'achat de droits sociaux en vertu de laquelle M. D. en tant que promettant s'est engagé irrévocablement à acheter à M. R., Mme M. et Marcel D. leurs 150 000 actions de la société IDEFI moyennant un prix déterminable selon la même formule avec un minimum de 2€ par action, les bénéficiaires disposant de l'option au terme d' un délai de cinq ans à compter de la signature de la promesse.
Les promesses réciproques prévoyaient que la cession et l'acquisition s'effectueraient à première demande des bénéficiaires.
Le 4 février 2015, M. R. et Mme M. ont notifié à M. D. leur volonté de lever l'option d'achat prévue dans la promesse d'achat.
La cession n'ayant pas eu lieu en raison d'un désaccord sur le prix d'achat, M. R. et Mme M. ont assigné en justice M. D. afin notamment que la cession des actions soit ordonnée.
Par un jugement du 22 mai 2018, le tribunal de commerce de Compiègne :
- a dit que les promesses de cession et d'achat de droits sociaux procurent un avantage exagéré à l'une des parties et a fixé la valeur de rachat de l'action à 1,35 €,
- a ordonné la cession des 50 000 actions de la SAS IDEFI détenues par Mme Sabine M. à M. Philippe D. au prix de 67 500€,
- ordonné la cession des 70 000 actions de la SAS IDEFI détenues par M. Daniel R. à M. Philippe D. au prix de 94 500 €,
- dit qu'à défaut de réalisation de la cession dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, celui-ci vaudra cession des actions,
- dit que les frais de la cession seront à la charge de M. D.,
- condamné M. D. à payer à Mme Sabine M. la somme de 67 500 € et à M. R. la somme de 94 500 €,
- dit que l'ensemble des condamnations porteront des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification du jugement,
- débouté Mme M. et M. R. de leur demande au titre de la clause pénale,
- condamné M.D. à régler les sommes mises à charge sous astreinte de 1/1000ème des montants par jour de retard dans les 30 jours de la signification du jugement,
- condamné M. D. à payer à Mme M. et M. R. chacun la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme Sabine M. et M. Daniel R. ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 25 juin 2018.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 14 mars 2019, les appelants demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a réduit le prix de vente de2 € à 1,35€ et a débouté les demandeurs au titre de la clause pénale, et le confirmer pour le surplus,
- de débouter M. D. de ses demandes,
- de condamner M. D. à payer à Mme M. la somme de 100 000 € et à M. R. la somme de 140 000 €,
- de condamner M. D. à payer la somme de 10 000 € à Mme M., et la somme de 14 000 € à M. R. en application de l'article 8 c de la promesse d'achat du 11 juin 2009,
- d'assortir l'ensemble des condamnations des intérêts de retard au taux légal à compter du 4 février 2015, date de la mise en demeure,
- de liquider l'astreinte prononcée par le jugement déféré à hauteur de 1/1000ème des condamnations de première instance à compter du 25 juin 2018 soit 30 jours après la signification du jugement et ce, conformément au dispositif de ce dernier,
- de condamner M. D. à payer à Mme M. et M. R. chacun la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance par application de l'article 696 du code de procédure civile.
Rappelant que la promesse d'achat consentie par M. D. n'était assortie d'aucune condition suspensive, les appelants soutiennent que leur action est recevable et que la levée d'option est régulière au regard des stipulations du contrat.
Ils indiquent que l'engagement de M. D. n'est pas conditionné au rachat simultané des parts de tous les bénéficiaires de la promesse, peu important que Marcel D., décédé depuis lors n'ait pas levé l'option.
Ils font valoir que la clause d'agrément statutaire n'a pas vocation à s'appliquer entre associés cédants et cessionnaire et soulignent qu'il appartenait le cas échéant au président, M. D. de soumettre le projet de cession à l'agrément de l'assemblée générale des associés au sein de laquelle ils sont majoritaires.
Ils font valoir que la clause de fixation du prix de la promesse unilatérale d'achat signée par M. D. est valable et doit recevoir application notamment en ce qu'elle fixe un prix minimum de 2 euros par action.
Ils reprochent aux premiers juges d'avoir violé le contrat en visant de façon illégitime l'article 1844-1 du code civil . Ils contestent toute fraude aux dispositions de l'article L. 225-248 du code de commerce qui impose une réduction du capital social lorsque les capitaux propres de l'entreprise ne peuvent être rétablis à la moitié au moins du capital social et ils réfutent toute atteinte au pacte social. Ils fustigent la distinction suggérée par M. D. entre les associés selon qu'ils sont ou non bailleurs de fonds.
Ils indiquent que le promettant-acquéreur ne peut se prévaloir de la clause par laquelle les bénéficiaires entendaient se répartir leurs droits en cas de vente partielle des 150 000 actions.
Ils soulignent que la clause pénale doit recevoir application sans être réduite en l'absence d'excès manifeste de son montant.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 21 décembre 2018, M. Philippe D. demande à la cour :
- de déclarer les appelants irrecevables et mal fondés en leur recours et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le caractère non écrit de la clause de prix et en ce qu'il a débouté M. R. et Mme M. de leur demande au titre de la clause pénale,
- d'infirmer le jugement dans le surplus de ses condamnations,
- de juger irrecevable l'action de M. R. et Mme M. en ce que leur levée d'option est irrégulière et les débouter de toutes leurs demandes,
- subsidiairement, de dire non écrite la clause de prix de 2 € l'action en application de l'article 1844-1 du code civil,
- à titre plus subsidiaire, juger la réduction du prix de cession à 1,35 euros l'action opérée par le tribunal arbitraire et ultra petita,
- à titre infiniment subsidiaire, en application de l'article 7B§2 de la promesse unilatérale d'achat, dire que la répartition des actions vendues entre les bénéficiaires, doit se faire au prorata de leur participation dans le capital social, et de dire que la cession ne peut porter que sur 21 280 actions pour M. R. et 10 870 actions pour Mme M.,
- de débouter M. R. et Mme M. de leurs demandes au titre de la clause pénale et de l'astreinte, et à titre subsidiaire, les limiter au nombre d'actions vendues,
- en toutes hypothèse, de condamner in solidum Mme M. et M. R. à lui payer la somme de 10 000 € à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner in solidum aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de maître P..
M. D. expose le contexte dans lequel a été opérée l'augmentation de capital de la société IDEFI alors en difficulté, à la valeur nominale des actions sans prime d'émission, sur l'initiative de Marcel D. dans lequel il avait toute confiance et qui réalisait des prestations au bénéfice de la société IDEFI.
Il soutient que le décès de Marcel D. survenu le 10 janvier 2010 a totalement bouleversé l'équilibre des conventions passées et que M. R. et Mme M. ont néanmoins entendu le contraindre au rachat forcé de leurs actions.
L'intimé fait valoir que les termes de la convention litigieuse impliquent que les trois bénéficiaires ou leurs héritiers lèvent l'option simultanément.
Il soutient que la cession ne peut intervenir sans recours à la procédure d'agrément prévue par les statuts.
Sous le visa de l'article 1844-1 du code civil, il dénonce le caractère léonin de la clause de prix en ce qu'elle fixe un prix minimum de 2 euros par action, très supérieur à la valeur réelle ; il propose plusieurs évaluations de l'action de la société IDEFI à la date de la levée de l'option.
Il fait valoir que monsieur R. et madame M. échappent ainsi à leur obligation de contribuer aux pertes de l'entreprise alors qu'ils avaient vocation à participer au développement de l'entreprise et n'étaient donc pas de simples bailleurs de fonds. Il souligne que la clause de prix minimum assurait à l'investissement qu'ils ont consenti un rendement de 100 % sur cinq ans.
Il dénonce une fraude et une violation du pacte social de la part des nouveaux associés qui ont investi en sachant que les titres de la société IDEFI devraient être annulés à hauteur des pertes non imputées sur les réserves en application de l'article L225-248 du code de commerce et qui se sont prémunis de la perte annoncée de la valeur de leurs titres par la clause de prix minimum. Il soutient que cette clause de prix minimum doit être réputée non écrite.
L'intimé fait valoir à titre subsidiaire que monsieur et madame R. ne peuvent prétendre au rachat de leurs titres qu'à proportion du capital social qu'ils détiennent.
Il dénonce le caractère excessif des pénalité et astreinte convenues.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été close le 13 juin 2019.
MOTIFS
En l'absence de tout moyen à l'appui de l'exception d'irrecevabilité de l'appel , il y a lieu de déclarer M. R. et Mme R. épouse M. recevables en leur appel.
Créée en 1995 avec un capital de 40 000 euros, la SAS IDEFI rencontrait en 2009 des difficultés économiques importantes : le procès-verbal de l'assemblée générale des associés tenue le 8 octobre 2009 mentionne que les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2009 font apparaître que les capitaux propres de la société sont devenus inférieurs à la moitié du capital social ; M. D., président de la société indique dans ses écritures que le chiffre d'affaires de l'entreprise était en baisse constante depuis plusieurs années, que le résultat d'exploitation était déficitaire (perte de 174 000 euros en 2008) ; malgré la souscription par le président lui-même à une augmentation de capital de 40 000 actions à un euro l'action au mois d'avril 2009, M. D. a recherché des partenaires extérieurs ; M. D. indique que 'compte tenu de l'absence de valeur d'IDEFI', l'augmentation de capital réservée à M. R., Mme M. et M. D. a été convenue 'au pair', soit au nominal sans prime d'émission'.
Dans ce contexte, M. D. et la société Phydinvest d'une part, M. R., Mme M. et Marcel D. d'autre part se sont rapprochés pour convenir que les trois derniers souscriraient à une augmentation de capital en acquérant au total 150 000 actions nouvelles et ont signé le 11 juin 2009 un pacte d'associés.
Le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire des associés le même jour en présence des trois futurs associés mais composée uniquement des deux associés titulaires des 80 000 actions conférant alors un droit de vote (soit M. D. et la société Phydinvest), porte expressément et unanimement agrément des trois nouveaux associés selon le projet présenté, renoncement de la société Phydinvest et de M. D. à leur droit préférentiel de souscription, décision d'augmenter le capital selon le projet présenté et constat de la libération immédiate des 150 000 nouvelles actions par les versements en numéraires des trois nouveaux associés sur un compte bloqué chez un notaire au nom de la société IDEFI sous l'intitulé 'augmentation de capital à réaliser'.
***
La promesse unilatérale d'achat consentie par M. D. (promettant) à M. R., Mme M. et Marcel D. indique que ces trois derniers sont dénommés dans le corps de l'acte le 'Bénéficiaire' ou les 'Bénéficiaires'.
M. D. soutient que la levée d'option faite par M. R. et Mme M. est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été faite simultanément par Marcel D. ou les ayants-droit de celui-ci.
L'article 7 B du contrat intitulé 'Levée de la promesse' dispose :
'Le Bénéficiaire pourra manifester à tout moment, à compter de l'expiration d'un délai de cinq (5) ans à compter de la signature des présentes, sa volonté de lever la présente promesse et d'exiger la vente de tout ou partie des Actions si bon lui semble par lettre recommandée avec accusé de réception à l'adresse du promettant telle qu'indiquée en tête des présentes.
Etant précisé qu'en cas d'option pour la vente d'une partie seulement des actions, et sauf accord contraire entre les Bénéficiaires, les actions vendues seront réparties entre les Bénéficiaires au prorata de leur participation dans le capital social.
Par ailleurs, il est expressément convenu que le Promettant en cas de levée totale de l'option par les Bénéficiaires, à l'expiration de la 5ième année pourra exiger que le rachat des Actions soit échelonné sur trois années de la manière suivante [...]'
En l'absence de toute disposition imposant expressément aux trois nouveaux associés de lever l'option simultanément et de concert, l'utilisation alternative du terme 'le Bénéficiaire' au début de l'article puis du terme 'Les bénéficiaires' à la fin de l'article, corrobore le fait que les parties n'ont pas entendu conférer quelque portée juridique spécifique à ces libellés présentés comme alternatifs en première page du contrat.
Par ailleurs, en prévoyant expressément que la levée de l'option puisse porter sur une partie seulement des actions, l'accord n'a pas exclu que cette partie ne soit détenue que par un ou deux des nouveaux associés ; il a au contraire prévu que le nombre total d'actions vendues soit , sauf accord contraire entre les bénéficiaires, réparti entre les bénéficiaires afin que leur participation relative entre eux au capital de la société reste identique.
Il s'induit de ce qui précède que M. D. est mal fondé à soutenir que la levée d'option devait être commune et simultanée aux trois nouveaux associés.
L'intimé fait valoir que la levée d'option qui consacre l'achat des actions de M. R. et de Mme M. par lui-même devait faire l'objet d'un agrément par l'assemblée générale des associés de la société IDEFI conformément aux dispositions statutaires de la société.
La version de ces statuts annexée au procès-verbal de l'assemblée générale des associés réunie le 11 juin 2009 et celle mise à jour au 15 décembre 2015 disposent sans ambiguïté en leur article 12.3.1 que toute mutation même entre associés est soumise à l'agrément préalable de l'assemblée générale des associés. Mais elles ajoutent que 'le président et/ou le Directeur Général prend toutes dispositions nécessaires pour consulter les associés devant statuer sur l'agrément, dans le mois de la réception de la notification [du projet]'.
Dans ces circonstances, M. D. ne saurait se prévaloir du fait qu'en sa qualité de président de la société IDEFI, il n'a pas soumis la levée de l'option à l'agrément de l'assemblée générale des associés, étant observé que les seuls droits de vote de M. R. et Mme M., cédants (120 000) dont les statuts prévoyaient la prise en compte, dépassaient la majorité requise pour que l'agrément soit acquis.
En conséquence, est régulière la levée par M. R. et Mme M. de l'option qui leur a été consentie dans la promesse unilatérale d'achat faite par M. D..
***
M. D. soutient que la clause de la promesse unilatérale d'achat qu'il a consentie et qui fixe un prix minimum d'achat à 2 euros l'action doit être réputée non écrite en ce qu'elle est léonine, qu'elle est contraire au pacte d'associés et qu'elle résulte d'une fraude.
L'article 1844-1 du code civil dispose que la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.
Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites.
Il est un fait que la promesse de rachat d'actions à prix plancher n'a pour objet que la transmission de droits sociaux entre associés et qu' elle est en elle-même sans incidence sur la participation aux bénéfices et aux pertes dans les rapports sociaux.
Elle ne peut donc entrer dans le champ de l'alinéa 2 de l'article précité que si elle contrevient à un pacte d'associés constituant un prolongement des statuts destiné à modifier la répartition des bénéfices dans l'intérêt du seul bénéficiaire ou si elle procède d'une fraude.
En l'espèce, le pacte d'associés conclu le 11 juin 2009 entre M. D., la société Phydinvest, M. R., Mme M. et Marcel D. dénomme les deux premiers 'Associés historiques' et les trois derniers 'Investisseurs'. Le 'Rappel des conditions d'association' mentionne que la société souhaite renforcer ses fonds propres.
L'article III intitulé 'Objet du pacte d'associé' dispose :
'Le présent pacte a pour objet d'organiser les relations harmonieuses entre les signataires [...] Les signataires ont fait part de leur intention d'apporter leur appui au bon déroulement de ces dispositions. Ils s'engagent à mettre tout en oeuvre pour permettre la bonne application des dispositions statutaires telles qu'elles se présentent à la date de signature des présentes et la pérennité des éléments déterminants du concours des Investisseurs. Le présent pacte a donc pour objet notamment (i) de définir les modalités d'intervention des Investisseurs et en complément des dispositions statutaires, (ii) de définir les relations entre les Associés Fondateurs et les Investisseurs quant aux modalités de leur sortie.'
Il s'induit de ces dispositions particulièrement claires d'une part que le pacte d'associés est un complément, une prolongation des statuts de la société IDEFI, d'autre part que les parties ont établi une différenciation entre deux catégories d'associés, M. R., Mme M. et Marcel D. étant dénommés investisseurs.
L'adhésion ainsi exprimée par M. R. et Mme M. aux statuts de la société IDEFI consacre leur engagement social au sens de l'article 1832 du code civil et notamment celui de contribuer aux pertes éventuelles.
En prévoyant une 'clause de sortie des investisseurs' qui renvoie aux promesses croisées d'achat et de vente portant sur leurs titres signées simultanément , limitées dans le temps, aux termes desquelles M. R. et Mme M. ne pouvaient lever l'option de céder qu'au terme d'une période de cinq années à compter de la signature du contrat, le pacte d'associés a consacré l'obligation des nouveaux associés de contribuer aux pertes susceptibles d'intervenir pendant cette période quinquennale.
A cet égard, la situation particulièrement obérée de la société IDEFI en 2009 telle que mentionnée ci-dessus et notamment le caractère fortement déficitaire de l'activité rendait réel le risque de perte à court terme.
Il ressort également des écritures des parties que leurs volontés d'entreprendre en commun se sont rejointes sur la base des résultats attendus de la contribution promise par Marcel D. à la société IDEFI et dont la quantification n'était pas certaine à court terme.
Dans ces circonstances, il n'est pas avéré que la clause fixant un prix minimum au rachat d'actions promis par M. D. ait eu pour effet, de facto, d'anéantir l'engagement inhérent au contrat de société pris par M. R. et Mme M..
Monsieur D. soutient que le caractère particulièrement élevé du prix minimum de rachat des actions, fixé au double du prix d'achat initial, caractérise un déséquilibre de la convention passée entre les associés.
Or, la situation particulièrement compromise de la société IDEFI détenue intégralement par M. D. directement ou par l'intermédiaire de la société Phydinvest qui fait écrire par l'intimé 'Compte-tenu de l'absence de valeur d'IDEFI, cette augmentation de capital est réalisée 'au pair'' et le montant considérable des augmentations de capital réalisées en 2009 (le capital social passant de 40 000 euros à 230 000 euros) qui a permis d'éviter la dissolution de la société prévue par l'article L 225-248 du code de commerce, convainquent que M. R. et Mme M. n'auraient pas consenti cet investissement sans la promesse de rachat et la clause de prix minimum au regard du risque financier qu'ils prenaient.
Cette clause dans sa nature comme dans son montant a manifestement eu pour objet d'assurer l'équilibre des engagements en garantissant aux bénéficiaires un retour sur un investissement auquel ils n'auraient pas consenti sans les promesses.
Pour autant que cela puisse avoir une incidence sur le point en litige, il faut observer que contrairement à ce que soutient M. D. qui a conservé, seul, la présidence de l'entreprise, M. R. et Mme M. n'ont jamais eu vocation à participer à l'animation de l'entreprise au-delà d'une participation au comité de direction auquel les statuts de la société interdisent toute immixtion dans la gestion courante et confient un rôle purement consultatif.
Si elle s'inscrit dans un contrat de société, la contribution des intéressés est donc celle de simples bailleurs de fonds.
Il ressort des éléments du dossier que l'ensemble des protagonistes avaient mis leur confiance dans la capacité de Marcel D. à contribuer au redressement de l'entreprise en réalisant des prestations de conseil en développement et d'assistance dans le suivi administratif. Son décès survenu au mois de janvier 2010 a sans doute mis en échec les prévisions favorables ainsi échafaudées par les associés.
Pour autant, en indiquant dans ses conclusions que 'cette circonstance non prévue dans le pacte d'associés [le décès de Marcel D.] a compromis totalement l'équilibre des conventions passées [...]', M. D. semble admettre lui-même que les conventions passées étaient initialement équilibrées ; il attribue à cette circonstance conjuguée à l'absence d'apports stratégiques effectifs, la faible valeur des actions de la société IDEFI résultant de l'absence d'expansion de la société.
Or, une clause contractuelle ne saurait être réputée non écrite en raison de circonstances imprévues, survenues postérieurement à son adoption.
C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu, sous le visa de l'article 1844-1 du code civil, que les promesses de cession et d'achat de droits sociaux procuraient un avantage exagéré à l'une des parties.
Dans ces circonstances, ils ne pouvaient substituer de leur propre chef une valeur de rachat de l'action au prix minimum de rachat librement négocié par les parties.
En conséquence il y a lieu de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que les promesses de cession et d'achat de droits sociaux procuraient un avantage exagéré à l'une des parties et fixé la valeur de rachat de l'action à 1,35 euros et de débouter M. D. de sa demande tendant à faire réputer non écrite la clause de la promesse unilatérale d'achat fixant à 2 euros le prix minimum de rachat d'une action.
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L'article 7 B de la promesse unilatérale de rachat des droits sociaux ajoute, après avoir indiqué les modalités applicables à la levée d'option, 'Etant précisé qu'en cas d'option pour la vente d'une partie seulement des actions, et sauf accord contraire entre les Bénéficiaires, les actions vendues seront réparties entre les Bénéficiaires au prorata de leur participation dans le capital social.'
Sans incidence sur l'obligation du promettant, cette clause a manifestement pour objet de régir les rapports des bénéficiaires entre eux et ne saurait être interprétée comme permettant au promettant d'échapper à sa promesse lorsque l'un des investisseurs ne lève pas l'option.
Il faut d'ailleurs observer que la lecture proposée par M. D. aurait imposé d'attraire à l'instance les ayants-droit de Marcel D..
En conséquence, M. D. est redevable envers M. R. de la somme 140 000 euros correspondant au prix de rachat de 70 000 actions et envers madame R. épouse M. de la somme de 100 000 euros correspondant au prix de rachat de 50 000 actions. Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné les cessions correspondantes sauf à réformer les prix de ces cessions et de prononcer condamnation à l' encontre de M. D. à hauteur de ces montants augmentés des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015, date à laquelle la cession devait être réalisée.
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La promesse de rachat prévoit une pénalité de 10 % du prix de rachat à l'encontre de la partie qui ne régularise pas l'acte définitif de vente après avoir été mise en demeure de le faire ou qui ne paie pas le prix convenu à la date ultime fixée à cet effet.
En application de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, le juge peut réduire une clause pénale lorsque celle-ci s'avère manifestement excessive.
En l'espèce, en l'absence de préjudice spécifique allégué en lien avec le retard de paiement du prix de rachat par M D. autre que celui qui résulte de la privation des sommes dues, l'économie générale de l'accord conclu entre les parties confère à la clause précitée un caractère excessif qui justifie sa réduction à la somme de 1 500 euros pour M. R. et de 1 000 euros pour Mme M..
La promesse de rachat prévoit aussi 'à titre d'astreinte et d'indemnité forfaitaire et par application de l'article 1152 du code civil, une indemnité égale à un millième (1/1000ème) du prix par jour de retard à compter du jour de la réception par la Partie défaillante de la mise en demeure d'avoir à réitérer l'acte définitif de vente.'
Mais dès lors qu'il est sollicité la confirmation du jugement qui prévoit qu'à défaut de régularisation des actes de cession dans un délai fixé, la décision judiciaire vaudra acte de cessions, il n'y a pas lieu de prononcer cette astreinte qui s'analyse en une clause pénale supplémentaire par sa référence à l'article 1152 du code civil, et dont le caractère excessif au regard de son cumul avec les autres dispositions mises en oeuvre justifie la réduction à 0 euro.
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Succombant dans ses prétentions principales, M. D. supporte les dépens d'appel.
L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il suit.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
déclare M. R. et Mme R. épouse M. recevables en leur appel ;
réforme le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
déclare régulière la levée d'option faite par M. R. et Mme M. en exécution de la promesse unilatérale de rachat consentie par M. D. ;
déboute M. Philippe D. de l'ensemble de ses prétentions ;
ordonne le rachat par M. D. des 70 000 actions de la société IDEFI appartenant à M. R. au prix de 2 € l'action et condamne M. D. à payer à M. R. la somme de 140 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015 ;
ordonne le rachat par M. D. des 50 000 actions de la société IDEFI appartenant à Mme. R. épouse M. au prix de 2 € l'action et condamne M. D. à payer à Mme. R. épouse M. la somme de 100 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015 ;
dit qu'à défaut de régularisation des actes de cession dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, celui-ci vaudra acte de cessions des actions de la société IDEFI ;
dit que les frais de la cession seront à la charge de M. Philippe D. ;
condamne M. D. à payer à M. R. la somme de 1 500 euros et à Mme R. épouse M. la somme de 1 000 euros au titre de la clause pénale ;
déboute M. R. et madame R. épouse M. de toutes autres demandes ;
condamne M. Philippe D. aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. R. la somme de 3 000 euros et à Mme M. la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel.