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Décisions

Cass. 1re civ., 24 septembre 2009, n° 08-10.517

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Rapporteur :

Mme Gelbard-Le Dauphin

Avocat général :

M. Sarcelet

Avocats :

Me Foussard, SCP Gaschignard

Caen, du 30 oct. 2007

30 octobre 2007

Sur les trois moyens réunis :

Attendu qu'en 1960 Mme X... a autorisé M. Y... et Mme Y..., ses anciens employés, à demeurer à titre gracieux dans une maison lui appartenant ; que les époux Y... ayant continué à occuper les lieux après le décès de la prêteuse, survenu le 1er août 1962, M. Jean Jacques B..., héritier de celle ci, " leur a donné congé " par une lettre recommandée du 27 juin 2000 pour loger son fils, M. Jean Louis B..., dans l'immeuble en cause ; que par arrêt du 3 septembre 2002, devenu irrévocable, la cour d'appel de Caen a débouté MM. Jean Jacques et Jean Louis B... (les consorts B...) de leurs demandes en infirmant le jugement qui leur avait donné acte de leur besoin pressant et imprévu de reloger M. Jean Louis B... et avait en conséquence ordonné l'expulsion des époux Y... ; que, par acte du 28 janvier 2005, les consorts B... ont assigné M. et Mme Y... en sollicitant leur expulsion ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 30 octobre 2007) de les déclarer irrecevables en cette demande alors, selon les moyens :

1° / que s'il incombe désormais au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, le droit au procès équitable exclut que cette fin de non-recevoir soit opposée à une demande fondée sur une nouvelle cause motif pris de ce qu'elle avait déjà été formulée, fût-ce sur une autre cause, dans le cadre d'une précédente procédure, dès lors que la solution ainsi posée a été dégagée postérieurement tant à la décision qui a clos la première procédure qu'à l'introduction de la seconde procédure et qu'en l'état du droit positif existant à l'époque, le demandeur était autorisé à formuler cette demande dans le cadre d'une instance distincte postérieure ; qu'au cas d'espèce, la demande visant à obtenir la fin du commodat et l'expulsion des époux Y... telle que rejetée par l'arrêt du 3 septembre 2002, rendu antérieurement au revirement de jurisprudence du 7 juillet 2006, était fondée sur le besoin pressant et imprévu du prêteur de reprendre le bien, cependant que la demande formulée dans la présente instance était fondée sur le droit de résiliation unilatéral du prêteur et donc sur une cause distincte ; qu'à supposer que les juges du second degré aient entendu lui opposer la fin de non-recevoir tirée de la nécessité de concentrer les moyens invoqués à l'appui d'une demande dès la première procédure telle qu'issue de l'arrêt d'Assemblée plénière du 7 juillet 2006, ils ont violé l'article 6. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2° / que toute personne a droit au respect de ses biens ; qu'à supposer toujours que les juges du second degré aient entendu opposer la fin de non-recevoir tirée de la nécessité de concentrer les moyens invoqués à l'appui d'une demande dès la première procédure telle qu'issue de l'arrêt d'Assemblée plénière du 7 juillet 2006, cette solution aboutit en l'espèce à priver le prêteur de toute possibilité de reprendre le bien donné en commodat ; que de ce point de vue, l'arrêt a été rendu en violation des articles 544 et 545 du code civil, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3° / que, quelle que soit la manière dont l'autorité de chose jugée est entendue, en tout état de cause, elle ne peut faire obstacle à ce que la partie qui a été précédemment déboutée se prévale d'un élément nouveau ; que cet élément nouveau peut résider dans l'édiction d'une règle nouvelle, quand bien même elle résulterait de la jurisprudence ; qu'en l'espèce, à la date à laquelle l'arrêt du 3 septembre 2002 a été rendu, le droit de résiliation unilatéral du prêteur était exclu, même si le prêt était à durée indéterminée ; que depuis un arrêt de la première chambre civile du 3 février 2004, le prêteur peut résilier le prêt à tout moment, dès lors qu'il est à durée indéterminée, peu important que le besoin de l'emprunteur n'ait pas cessé ; qu'à raison de ce fait nouveau, la demande des consorts B... devait être déclarée recevable ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 480 du code de procédure civile, 1351 du code civil et 6. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 12 du code de procédure civile et 1184, 1875, 1880 et 1888 du code civil.

4° / qu'une décision de justice rejetant une demande de résiliation judiciaire du contrat ne peut avoir pour effet de priver une partie de son droit de résiliation unilatérale ; qu'au cas d'espèce, les consorts B... se prévalaient d'une résiliation unilatérale par leurs soins du contrat de commodat par le jeu de l'assignation en date du 28 janvier 2005 ; qu'en opposant dans ces conditions, pour juger la demande irrecevable, la chose jugée par l'arrêt du 3 septembre 2002, quand ce dernier s'était borné à rejeter une demande de résiliation judiciaire du commodat, les juges du fond ont violé, par fausse application, les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile et, par refus d'application, les articles 1184 et 1875 du code civil ;

Mais attendu qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle ci ; que l'arrêt attaqué, constatant que les consorts B... avaient été déboutés de leur demande d'expulsion des époux Y... par arrêt du 3 septembre 2002, n'a pu qu'en déduire, en l'absence de faits nouveaux venus modifier la situation ainsi antérieurement reconnue en justice, et sans encourir les griefs de violation de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 544, 545 du code civil et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention précitée, qu'ils étaient irrecevables en leurs prétentions tendant aux mêmes fins puisqu'ils entendaient à nouveau obtenir, en se fondant en particulier sur le droit de résiliation unilatérale reconnu au prêteur lorsque le prêt est à durée indéterminée, la résiliation du contrat liant les parties et l'expulsion des époux Y... ; que les moyens ne sont fondés en aucun de leurs griefs ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.