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Décisions

Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-16.331

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Besson

Avocat général :

M. Grignon Dumoulin

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Grenoble, du 14 janv. 2020

14 janvier 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble,14 janvier 2020), le 30 mai 2009, M. [P], alors qu'il était passager d'un scooter assuré par la société MACIF (la MACIF), a été victime d'un accident de la circulation.

2. La société chargée de l'entretien de la chaussée à l'endroit de l'accident, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), a accepté de prendre en charge les dommages résultant de cet accident.

3. À la suite d'une expertise amiable organisée à son initiative, la MACIF a conclu le 6 octobre 2010 avec M. [P] une première transaction, prévoyant le paiement à ce dernier d'une indemnité globale réparant certains postes de préjudice et réservant l'indemnisation de divers autres postes.

4. Le 19 janvier 2011, M. [P] et la MACIF ont conclu une seconde transaction, aux termes de laquelle l'assureur a versé à la victime des indemnités complémentaires au titre du déficit fonctionnel permanent, de l'incidence professionnelle et de la perte de gains.

5. Ayant subi plusieurs interventions chirurgicales entre le 20 février 2013 et le 23 mars 2015, et se prévalant d'une aggravation des blessures de M. [P] résultant de l'accident du 30 mai 2009, ce dernier et son épouse ont obtenu la désignation d'un expert médical en référé, puis ont assigné la MACIF, la société Axa ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse), aux fins d'annulation de la transaction conclue le 19 janvier 2011 et d'indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens et le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de M. et Mme [P], ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, pris en leur deuxième branche, qui est identique

Enoncé du moyen

7. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de débouter M. [P] de ses demandes au titre de l'aggravation de son préjudice, de limiter à certaines sommes la condamnation de la MACIF au titre de la période ayant couru du 20 février 2013 au 26 avril 2015, et de déclarer irrecevable la demande formée par M. [P] au titre du poste de perte de gains professionnels futurs, alors « que l'aggravation du dommage peut résulter de nouveaux préjudices résultant des soins prodigués à la victime postérieurement à la consolidation, fût-ce pour améliorer son état séquellaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil, et L. 211-19 du code des assurances, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, l'article L. 211-19 du code des assurances, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

8. Selon le premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

9. Selon le second, la victime peut, dans le délai prévu par l'article 2226 du code civil, demander réparation de l'aggravation du dommage qu'elle a subi à l'assureur qui a versé l'indemnité.

10. L'arrêt, pour décider que M. [P] n'a pas été victime d'une aggravation de son préjudice postérieurement à la transaction conclue au mois de janvier 2011, énonce que, lorsqu'à la suite de sa consolidation une victime qui a bénéficié d'une indemnisation se soumet à de nouveaux soins médicaux ou chirurgicaux qui ont pour but d'améliorer son état, les conséquences de ces nouveaux soins ou interventions ne peuvent être qualifiées d'aggravation de l'état initial.

11. En statuant ainsi, alors que l'aggravation du dommage initial causé par un accident peut découler de nouveaux préjudices résultant des soins qui ont été prodigués à la victime postérieurement à sa consolidation, en vue d'améliorer son état séquellaire résultant de cet accident, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident de la société Axa

Enoncé du moyen

12. La société Axa fait grief à l'arrêt de fixer la créance globale de la caisse depuis la date de l'accident, jusqu'au 26 juin 2015, à la somme de 285 520,37 euros, alors :

1°/ qu'en accueillant la demande de la CPAM de l'Isère qui avait chiffré ses débours à hauteur de 285 520,37 euros, au simple motif que la prise en charge de M. [P] par la CPAM remontait au jour de l'accident, sans répondre aux conclusions par lesquelles l'exposante avait fait valoir que la caisse avait déjà été remboursée de ses débours, au titre du préjudice initial subi par M. [P], dans le cadre de l'exécution du second protocole régularisé le 19 janvier 2011, ce qui était établi par les pièces n° 12 et 13 produites par la MACIF, de sorte qu'elle ne pouvait en être payée une seconde fois, ces frais déjà réglés étant pourtant repris, dans la déclaration de créance de la caisse du 18 juillet 2018, à hauteur de 83 481,84 euros, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en faisant droit à la demande de la CPAM de l'Isère qui avait chiffré ses débours à hauteur de 285 520,37 euros, au simple motif que la prise en charge de M. [P] par la CPAM remontait au jour de l'accident, sans répondre aux conclusions par lesquelles l'exposante faisait valoir que la CPAM de l'Isère ne pouvait prétendre, pour la période postérieure au 20 février 2013 (tous les frais antérieurs lui ayant déjà été réglés), qu'au remboursement des frais se trouvant en lien avec les séquelles initiales subies par M. [P], outre que l'exposante ne pouvait avoir à payer des arrérages de rente viagère qu'elle avait déjà réglées sous forme de capital dans le cade de l'exécution du protocole du 19 janvier 2011, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

14. L'arrêt, pour fixer la créance globale de la caisse depuis le 30 mai 2009, date de l'accident, jusqu'au 26 juin 2015, retient qu'au vu du décompte de créance, il s'agit des débours de la caisse depuis l'accident, que la société Axa déclare prendre en charge les frais que la caisse a supportés entre le 20 février 2013 et le 26 avril 2015, tout en ajoutant avoir déjà remboursé les débours de la caisse du 30 mai 2009 au 30 mai 2010, et que force est de constater que le point de départ de la prise en charge de M. [P] par la caisse remonte au jour de l'accident.

15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Axa, qui soutenait que la caisse avait déjà été remboursée de ses débours au titre du préjudice initial subi par M. [P], en exécution du second protocole régularisé le 19 janvier 2011, et que la société Axa ne pouvait être tenue de payer des arrérages de rente viagère qu'elle avait déjà réglées sous forme de capital en exécution du même protocole, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Mise hors de cause

16. ll n'y a pas lieu, s'agissant de la cassation prononcée sur le pourvoi incident de la société Axa, de mettre hors de cause M. et Mme [P], qui seront présents devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [P] de ses demandes au titre de l'aggravation de son préjudice, déclare irrecevable sa demande au titre des perte de gains professionnels futurs, et condamne la société MACIF à lui payer, au titre de la période ayant couru du 20 février 2013 au 26 avril 2015, les sommes de 28 102,50 euros (tierce personne à titre temporaire), 13 739,05 euros (DFT), 9 669,49 euros (PGPA), 300 euros (préjudice esthétique temporaire), 10 000 euros (souffrances endurées), 700 euros (préjudice esthétique permanent)], et en ce qu'il fixe à la somme de 285 520,37 euros la créance globale de la caisse depuis la date de l'accident jusqu'au 26 juin (en réalité, avril) 2015, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. et Mme [P] ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.