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Décisions

Cass. 2e civ., 19 mai 2022, n° 20-23.529

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Bohnert

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SAS Buk Lament-Robillot, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Aix-en-Provence, du 12 déc. 2019

12 décembre 2019


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2019), Mme [R], propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme [T] et M. [B], leur a délivré un congé pour vente.

2. Estimant ce congé frauduleux, Mme [T] a assigné Mme [R] devant un tribunal d'instance pour obtenir notamment la nullité du congé et le paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de jouissance. Un jugement du 5 décembre 2012, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 4 juillet 2014, a rejeté ces demandes.

3. En 2017, Mme [T] a assigné Mme [R] devant un tribunal d'instance afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices découlant du congé frauduleusement délivré.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 juillet 2014, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, qu'il faut notamment que la chose demandée soit la même ; qu'en jugeant irrecevables les demandes de Mme [T] comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 4 juillet 2014 devant laquelle cette dernière avait demandé, à titre subsidiaire, la nullité du congé pour vente en raison d'un prix manifestement excessif proposé par la bailleresse et l'octroi de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance causé par l'état du logement, la cour d'appel, saisie en l'occurrence par Mme [T] d'une demande tendant à la condamnation de Mme [R] à des dommages et intérêts en raison du seul caractère frauduleux du congé que cette dernière lui avait délivré, a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Mme [R] conteste la recevabilité du moyen au motif que celui-ci est nouveau.

6. Cependant, Mme [T] ayant soutenu dans ses écritures devant la cour d'appel que la demande formée dans cette nouvelle instance n'était pas la même que celle ayant donné lieu à l'arrêt du 4 juillet 2014, le moyen n'est pas nouveau.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :

8. Il résulte du premier de ces textes que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

9. Pour déclarer irrecevables les demandes présentées par Mme [T], comme se heurtant à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 4 juillet 2014, l'arrêt retient que celle-ci a déjà saisi le tribunal d'instance de Marseille d'une demande tendant à voir prononcer la nullité du congé et qu'elle a été déboutée de cette demande par arrêt confirmatif du 4 juillet 2014 et qu'au regard de l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt, ses demandes qui tendent notamment à obtenir le prononcé de la nullité du congé, dont est invoqué le caractère frauduleux, doivent être déclarées irrecevables.

10. En statuant ainsi, alors que l'action tendant à obtenir la nullité du congé et l'indemnisation des troubles de jouissance subis durant l'occupation du logement n'avait pas le même objet que l'action en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance frauduleuse du congé pour vendre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.