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Décisions

Cass. 2e civ., 19 mai 2022, n° 21-13.062

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Delbano

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SARL Le Prado - Gilbert

Chambéry, du 7 janv. 2021

7 janvier 2021


Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [M] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [Z].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 janvier 2021), le 18 août 2012, un tribunal de grande instance a condamné M. [M] et Mme [Z], titulaires d'un bail consenti par M. [N], à payer à celui-ci diverses sommes dues en exécution de ce contrat.

3. La liquidation judiciaire de Mme [Z] a été prononcée par un jugement du 14 juin 2013, puis a été clôturée pour insuffisance d'actif le 13 novembre 2015, M. [N] ayant alors reçu un certificat d'irrecouvrabilité à la suite de la déclaration de sa créance.

4. Par ordonnance du 20 novembre 2014, M. [N] a obtenu de saisir sur les rémunérations du travail de M. [M] la somme de 21 020,68 euros, correspondant à la moitié des condamnations prononcées le 18 août 2012. Cette somme a été entièrement payée au créancier le 2 juillet 2015.

5. Le 11 mai 2017, M. [N] a assigné M. [M] et Mme [Z] devant un tribunal de grande instance, pour obtenir qu'ils soient solidairement tenus au paiement de leurs dettes locatives arrêtées par le jugement du 21 janvier 2013.

6. M. [M] a fait appel du jugement ayant notamment déclaré irrecevable la demande de M. [N] tendant à la condamnation solidaire des débiteurs, ayant constaté que ces derniers étaient tenus solidairement au paiement des sommes dues en exécution du bail et jugé que l'obligation au paiement pesant sur eux était solidaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [M] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. [N] à son encontre et de dire qu'il est solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, alors « que la seconde demande en paiement d'une même dette locative, formée à l'encontre des mêmes parties, est irrecevable comme se heurtant à l'autorité attachée au jugement ayant déjà statué sur cette demande, d'un montant identique, quoiqu'initialement sans solidarité ; qu'en déclarant cependant recevable la demande de M. [N] tendant à voir M. [M] solidairement tenu, avec Mme [Z], d'une dette locative de 36.324,84 € au titre de l'occupation de locaux entre le 1er avril 2011 et le 15 octobre 2012, tandis que par un jugement du 21 janvier 2013, le tribunal d'instance d'Annecy les avait condamnés au paiement de cette somme, sans autre précision et donc conjointement, ce dont il résultait que la demande formée contre les mêmes parties et tendant au paiement de la même dette locative, quoique désormais avec solidarité, se heurtait à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 21 janvier 2013, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil :

8. Il résulte de ce texte qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

9. Pour déclarer recevable l'action de M. [N] à l'encontre de M. [M] et dire qu'il est solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, l'arrêt énonce qu'il ne peut être déduit de l'absence d'invocation de solidarité entre M. [M] et Mme [Z], lors de l'instance précédente, que M. [N] aurait renoncé à se prévaloir de cette modalité de sa créance, et relève que le jugement du 21 janvier 2013 a reconnu que M. [N] détenait une créance à l'encontre de M. [M] et de Mme [Z], de sorte que la demande qu'il formule dans la présente instance ne tend pas à la reconnaissance du même droit, dans la mesure où, s'il se prévaut toujours de la même créance à l'égard des mêmes personnes, il argue de la solidarité entre elles, ce qui modifie, en la confortant, la consistance de son droit.

10. En se déterminant ainsi, alors qu'il appartenait à M. [N] de solliciter, dès l'instance relative à la première demande, la condamnation solidaire des débiteurs, de sorte que sa seconde demande, portant sur le caractère solidaire de la condamnation irrévocablement prononcée, ne tendait qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal d'instance, une décision revêtue de l'autorité de chose jugée à leur égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, invoqués par le demandeur au pourvoi.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue sur le fond.

13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 à 10 qu'il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes de M. [N] à l'encontre de M. [M].

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'action de M. [N] à l'encontre de M. [M], et dit que M. [M] est solidairement tenu au paiement de la datte locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes de M. [N] à l'encontre de M. [M].