Cass. com., 20 février 2007, n° 05-18.322
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Collomp
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Waquet, Farge et Hazan
Vu la communication faite au procureur général ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Pau, 31 mai 2005), qu'aux termes d'une décision irrévocable du 14 avril 1999, la cour d'appel de Paris a, en exécution de deux protocoles d'accord qui avaient été souscrits le 12 octobre 1992 entre la SCI Les Terrasses de l'Adour, la société SNC SEG Fayat, anciennement dénommée SNEG Fayat et la Banque mutuelle industrielle "BMI" (la BMI) aux droits de laquelle se trouve la société Bureau de mobilisation de créances et d'investissements "BMCI" (la BMCI) pour régler le litige né du défaut de règlement par la première de travaux que la seconde avait exécutés, fixé le montant de la créance résiduelle de cette dernière à la somme de 1 356 260 francs et condamné solidairement la SCI et la BMCI au paiement de cette somme avec intérêts au taux contractuels de 17 % à compter du 1er octobre 1994 ; que celle-ci, s'avisant que, ce faisant, les juges du fond avaient accordé la capitalisation des intérêts déjà inclus dans la somme de 1 356 260 francs en l'absence de toute demande d'anatocisme ou de toute clause contractuelle le stipulant, a fait assigner la SNC SEG Fayat en restitution d'une somme de 1 614.366 francs ou 246 108,51 euros ; que l'arrêt a rejeté cette prétention en retenant qu'en statuant comme elle avait fait, la cour d'appel de Paris avait "implicitement mais nécessairement" décidé de faire jouer l'anatocisme sur une demande elle-même implicitement formulée par la SNC SEG Fayat de sorte que la BMCI était irrecevable à remettre en cause la chose définitivement jugée ;
Attendu que la BMCI fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article 1154 du code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière ; que la demande d'anatocisme doit être expresse et alléguer que les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que c'est le cas aussi de la décision la consacrant qui doit être expresse ; que dès lors en l'espèce, en décidant que la SNC SEG Fayat avait fait une demande implicite d'anatocisme parce qu'elle avait demandé le paiement de 1 356 000 francs et des intérêts au taux contractuels de 17 % et que cette demande implicite avait été implicitement admise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ qu'en vertu de l'article 1351 du code civil, l'autorité de chose jugée n'a lieu que sur ce qui a fait l'objet d'un débat entre les parties et a été effectivement tranché par le juge ; qu'en l'absence de demande expresse d'anatocisme, le juge ne peut trancher cette question ; que dès lors, en l'espèce, en décidant qu'elle pouvait se voir opposer l'autorité de chose jugée d'une décision admettant implicitement l'anatocisme sur le fondement d'une demande elle-même implicite, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu qu'il incombe aux parties de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à justifier son rejet total ou partiel ; que la BMCI n'ayant développé devant les juridictions parisiennes que des contestations relatives au principe même de son obligation sans discuter l'évaluation de la créance revendiquée par la SNC SEG Fayat ni faire valoir que la somme de 1 356 000 francs étant déjà l'addition d'une créance en principal et d'une créance d'intérêts, il n'était pas possible, en l'absence de convention ou de demande expresse, d'obtenir qu'elle produise, à son tour et pour le tout, des intérêts au taux contractuel, il s'en déduisait que l'action engagée par l'intéressée qui ne tendait qu'à remettre en cause, par un nouveau moyen qui n'avait pas été développé en temps utile, la condamnation irrévocable prononcée à son encontre, était irrecevable ; que par ces seuls motifs, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.