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Décisions

CA Riom, 2e ch., 4 juillet 2000, n° 99/02022

RIOM

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lambotte

Conseillers :

Mme Heems, M. Ben Kemoun

TGI Clermont-Ferrand, du 8 juin 1999

8 juin 1999

EXPOSE DU LITIGE :

Par déclaration du 13 juillet 1999, X a interjeté appel du jugement rendu le 8 juin 1999 par le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND qui a :

- homologué le rapport d’expertise déposé le 30 mars 1998 par A

- condamné en conséquence X payer à Y une somme de 119.772,92 Francs pour solde de tout compte, et ce avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- débouté X de sa demande de dommages-intérêts ;

- rejeté tout autre chef de demande ;

- dit que X supportera les entiers dépens comprenant les frais d'expertise technique.

L’appelante rappelle :

- qu’elle a vécu avec Y cependant onze ans et que de ces relations est né un fils, Z, le 16 décembre 1986 ;

- qu’après la séparation du couple, Y l'a faite assigner devant le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND par acte d’huissier du 25 avril 1997 pour obtenir le prononcé de la liquidation de la société de fait ayant existé entre eux ainsi que la désignation d’un expert charge de procéder à I’estimation de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers acquis pendant la vie commune et de chiffrer le montant des travaux réalisés ;

- que par jugement du 18 novembre 1997, le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND a ordonné une mesure d’expertise technique confiée à A;

- que l’expert a déposé son rapport le 30 mars 1998 ;

- que le 8 juin 1999 la décision querellée a été rendue.

Par conclusions récapitulatives du 24 mai 2000, X demande à la Cour : 

- de débouter Y de l'ensemble de ses demandes ;

- de condamner Y lui payer la somme de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- subsidiairement, au cas où la Cour recevrait Y en son action, de condamner celui-ci à lui payer la somme de 90.000 Francs à titre d’indemnité d’occupation ainsi que la somme de 64.680,76 Francs en remboursement de sa part de frais ;

- infiniment subsidiairement, d’ordonner une contre-expertise.

Elie expose :

- que la vie commune entre Y W et elle ne saurait s’analyser en une société de fait et qu’il n’y a donc pas lieu à liquidation d’une telle société ;

- que les travaux effectués ou finances par Y ainsi que les différentes dépenses réglées par celui-ci pendant le concubinage peuvent être considérés comme une participation aux charges d’une vie commune de 10 ans, voire comme la conséquence d’une intention libérale ;

- que son prétendu enrichissement trouve sa cause dans les relations de concubinage n’ouvrant ainsi droit à aucune indemnisation ;

- qu’elle a acquis seule ses différents biens immobiliers et a contracte et remboursés seul le crédit relatif à ces biens ;

- que l’achat des meubles et des voitures et le paiement des différents frais relatifs aux véhicules sent d’inclure dans le cadre de l’obligation naturelle dont chacun des concubins est débiteur envers l’autre ;

- que les mouvements opérés entre les comptes des concubins s’expliquent par le fait que Y ne pouvait normalement disposer d’un compte bancaire ou postal sans risque d’une saisie-arrêt ou d’une opposition ;

- qu’elle a payé pour 135.650,51 Francs de charges communes dont Y devra rembourser la moitié ;

- que dans l’hypothèse retenue par le Tribunal, Y serait redevable d’une indemnité d’occupation de 90.000 Francs.

Dans ses dernières écritures du 23 mat 2000, Y intimé, conclut au débouté des demandes de X et à la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne le principe de la dette de X. Par appel incident, il demande à la Cour de condamner X à lui paver :

- la somme de 346.916,02 Francs outre intérêts au taux légal à compter du 25 avril 1997, date de l’assignation ;

- la somme de 15.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il fait valoir :

- que durant des années, il a existé une communauté d’intérêts entre les parties, laquelle a permis à X de bénéficier de moyens qui n’étaient aucunement en rapport avec son niveau de vie et de sa situation personnelle ;

- que les dépendances et la construction de la maison appartenant à X ont été financées et édifiées grâce à son investissement personnel à lui tant sur le plan financier que temporel ou physique ;

- que X doit lui rembourser les factures de travaux, les achats d’animaux et de véhicules qu’il a régularisés pour un montant de 232.668,78 Francs, outre un acompte de 8.000 Francs qu’il a versé pour l’achat du terrain à Madame B outre la somme de 106.247,24 Francs représentant les remboursements d’emprunt immobilier pour la période d’octobre 1990 à décembre 1993 ;

- qu’il n’a pas à verser d’indemnité d’occupation puisqu’il a reçu toutes les dépenses de communauté pendant onze ans.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur l’existence d’une société de fait entre les parties ;

Attendu qu’une liquidation-partage de biens entre ex-concubins suppose nécessairement l’existence d’une indivision ou d’une société de fait ;

Attendu qu’en l’espèce il n’y a pas d’indivision entre les parties, celles-ci ne possèdent pas de biens en commun ;

Attendu que la seule cohabitation même prolongée de personnes non mariées qui se sont en apparence comportées comme des époux ne suffit pas à donner naissance entre elles à une société, la jurisprudence exigeant de façon constante l’existence d’une volonté des concubins de collaborer à un objet social déterminé, des apports en commun et l’intention de participer aux bénéfices et aux pertes ;

Attendu que Y ne justifie pas de l’existence d’une entreprise commune différente de la cellule familiale ;

Attendu que les parties avaient des comptes bancaires séparés, la procuration dont bénéficiait Y  sur le compte de sa concubine étant sans incidence sur le caractère personnel dudit compte ;

Attendu que X est seule propriétaire du bien immobilier qui constituait le domicile familial des concubins ; que cette propriété a été acquise pour partie par des fonds dont rien ne permet de penser qu’ils provenaient de Y et pour partie au moyen d’un emprunt contracté par X et remboursé par des mensualités prélevées sur son compte ; que ce compte était approvisionné à la fois par des versements de Y mais également par les prestations sociales, salaires et allocations chômage perçus par X ; qu’il est en conséquence impossible d’affirmer que les versements de Y ont été affectés plus au remboursement de l’emprunt immobilier qu’au règlement des charges de la vie courante ; qu’en réalité, ces versements ainsi que la participation tant physique que financière de Y aux travaux effectués sur la propriété de sa concubine s’analysent, non comme des apports en industrie, mais comme une contribution aux charges d’une vie commune de onze ans voire comme la conséquence d’une intention libérale entre concubins ;

Attendu qu’en l’absence de toute entreprise commune, de tout compte commun et de toute acquisition immobilière commune, l’existence d’une société de fait entre Y et X n’est pas établie ; que Y sera en conséquence débouté de ses demandes de ce chef ;

2/ Sur les dommages-intérêts :

Attendu que I’appel formé par X étant fondé, Y sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu qu’au vu de la discussion sérieuse dont a fait l’objet le présent litige, la procédure engagée par Y ne revêt aucun caractère abusif ; que X sera également déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu que compte tenu du contexte familial de l’affaire et du fait que les deux parties bénéficient de I’aide juridictionnelle totale, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l’une ou l’autre des parties ; qu’en outre, chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel à l’exception des frais d’expertise qui seront partages par moitie ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré,

DECLARE l’appel principal et l’appel incident recevables en la forme ;

AU FOND :

REFORME le jugement déféré ;

DEBOUTE X de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande au titre de I ‘article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel, a l’exception des frais d’expertise qui seront partages par moitie ;

DIT que les dépens seront recouverts comme en matière d’aide juridictionnelle.