Cass. 1re civ., 29 juin 2022, n° 19-17.125
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Kloda
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet Munier-Apaire, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2019), un jugement du 1er février 1995, réputé contradictoire, a condamné M. [V] à garantir partiellement la société Nouvelle vision, qui lui avait confié la maîtrise d'oeuvre de travaux d'aménagement de locaux qu'elle avait pris à bail, des indemnités qu'elle avait été condamnée à payer à ses bailleurs en réparation des désordres affectant les lieux loués.
2. Un arrêt du 31 janvier 2013 a annulé la signification de ce jugement, effectuée par la SCP [M] Garnier-Mouchel, huissier de justice, et dit le jugement non avenu.
3. M. [M] a été destitué et la SCP à laquelle il appartenait dissoute.
4. Le 17 septembre 2013, la société Nouvelle vision a assigné à nouveau M. [V] en indemnisation de ses préjudices et a appelé en garantie la Chambre nationale des huissiers de justice, devenue la Chambre nationale des commissaires de justice.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen délibéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après débats à l'audience publique du 15 décembre 2021, où étaient présents : M. Pireyre président, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mme Jollec, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre
Enoncé du moyen
6. La société Nouvelle vision fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites ses actions contre M. [V], tant au titre de sa responsabilité contractuelle d'architecte qu'au titre de sa responsabilité délictuelle pour fausse déclaration, alors « que l'effet interruptif de prescription résultant d'une action en justice se prolonge jusqu'à ce que le litige trouve sa solution, de sorte que le nouveau délai de prescription ne commence à courir qu'à compter de la décision qui met définitivement fin à l'instance ; que lorsqu'un jugement est déclaré non avenu, l'assignation initiale conserve son effet interruptif, le litige n'ayant pas trouvé sa solution ; qu'en considérant en l'espèce que l'assignation délivrée le 16 novembre 1992 par la société Nouvelle Vision à M. [V] a produit un effet interruptif jusqu'au jugement du 1er février 1995, jugement non avenu, et que le délai de prescription décennal a recommencé à courir à compter de cette date, de sorte que la réitération de l'assignation initiale en date du 17 septembre 2013 était tardive, la cour d'appel a violé les articles 2244 du code civil et 478 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir.
8. Aux termes de l'article 478 du code de procédure civile, le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date. La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.
9. La citation en justice introduit une instance qui s'éteint par le dessaisissement du juge, résultant notamment d'un jugement.
10. L'effet interruptif de la citation en justice se poursuit jusqu'à l'extinction de l'instance qu'elle a introduite.
11. Lorsque le jugement est non avenu par application de l'article 478 précité, la réitération de la citation introduit une nouvelle instance.
12. Il en résulte que cet effet interruptif cesse à la date du prononcé du jugement rendu, sur la citation primitive, par la juridiction ainsi dessaisie, quand bien même ce jugement serait, par la suite, déclaré non avenu.
13. La reprise de la procédure par réitération de la citation primitive n'étant enfermée dans aucun délai, l'interprétation retenue au paragraphe 11 est conforme aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle concourt au respect des règles du procès équitable et participe d'une bonne administration de la justice.
14. Ayant à bon droit retenu que l'assignation, délivrée le 16 novembre 1992, avait produit un effet interruptif jusqu'à la fin de l'instance résultant du jugement du 1er février 1995, de sorte que le délai de prescription avait recommencé à courir à compter de cette date, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de prescription de dix ans était expiré à la date de la réitération de l'assignation, au mois de septembre 2013, et que l'action en garantie exercée à l'encontre de M. [V] était prescrite.
159. Le moyen est, dès lors, mal fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.