Cass. 2e civ., 4 mars 2021, n° 19-25.291
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
M. Cardini
Avocat général :
M. Aparisi
Avocats :
SCP de Nervo et Poupet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 octobre 2019) et les productions, M. K..., affilié auprès de la caisse régionale du régime social des indépendant d'Aquitaine aux droits de laquelle se trouve l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Aquitaine (l'Urssaf), s'est vu délivrer quatre contraintes, la première du 21 janvier 2013, signifiée le 4 mars 2013, la deuxième du 14 novembre 2013, signifiée le 4 décembre 2013, la troisième du 14 janvier 2014, signifiée le 7 février 2014, et la quatrième du 12 août 2015, signifiée le 30 octobre 2015.
2. Le 28 février 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été dénoncé à M. K....
3. M. K... a interjeté appel du jugement d'un juge de l'exécution, qui a déclaré nulles et de nul effet les significations du 4 décembre 2013 et du 14 janvier 2014 des contraintes en date du 14 novembre 2014 et du 14 janvier 2014, déclaré nulles et de nul effet les procédures de saisie-vente mais uniquement en ce qu'elles ont pour objet le recouvrement de sommes en vertu des contraintes en date du 14 novembre 2013 et du 14 janvier 2014, débouté M. K... de ses autres contestations, validé, en conséquence, les commandements aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de carence pour le recouvrement de sommes en vertu des contraintes en date du 21 janvier 2013 et du 12 août 2015.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. K... fait grief à l'arrêt de valider les commandements aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de carence pour le recouvrement de sommes en vertu de la contrainte du 21 janvier 2013, alors « que le manquement d'un affilié au RSI à son obligation de déclarer son changement de situation ou d'adresse ne décharge pas l'huissier instrumentaire de son obligation de procéder à des recherches suffisantes pour signifier un acte ; que la cour d'appel, qui a retenu la régularité de la signification de la contrainte à une ancienne adresse de M. K..., au motif que l'exposant ne justifiait pas d'avoir informé le RSI/Urssaf de son changement de domicile, mais sans constater que l'huissier avait fait les recherches suffisantes lui permettant de s'assurer que l'adresse à laquelle il s'est rendu était celle du domicile de M. K..., a violé l'article 655 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 655, alinéa 1er, et 656 du code de procédure civile :
5. Selon le premier de ces textes, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. Selon le second, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile.
6. Le manquement d'un affilié à un régime de sécurité sociale à son obligation de déclarer son changement de situation ou d'adresse ne décharge pas l'huissier de justice de son obligation de procéder à ces diligences.
7. Pour valider le commandement aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de carence pour le recouvrement de sommes en vertu de la contrainte du 21 janvier 2013, signifiée le 4 mars 2013, l'arrêt retient qu'en application des dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, tout employeur ou travailleur indépendant a l'obligation d'indiquer à l'organisme de recouvrement, sous huitaine, les changements intervenus dans sa situation et que M. K... ne démontrait pas avoir satisfait à cette obligation.
8. L'arrêt retient encore que l'Urssaf démontre qu'une précédente mise en demeure du mois de septembre 2012 envoyée à l'adresse invoquée par M. K... lui a été retournée par les services postaux avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » et que l'adresse située dans la commune de [...] correspondait à celle du siège social d'une société dont M. K... était le gérant, le nom de K... figurant en outre toujours sur la boîte aux lettres.
9. L'arrêt en déduit qu'il ne pouvait être fait grief à l'Urssaf d'avoir procédé à l'envoi d'une mise en demeure à une ancienne adresse du débiteur, sans vérifier si celui-ci l'avait informé de son changement de domicile et sans préciser la date à laquelle elle avait eu connaissance de cette nouvelle adresse.
10. En statuant ainsi, alors que la seule indication du nom du destinataire de l'acte sur la boîte aux lettres, n'était pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte, la cour d'appel, qui s'est fondée sur le motif inopérant selon lequel le destinataire de l'acte ne justifiait pas avoir informé l'organisme social de son changement d'adresse, sans constater que l'huissier de justice avait fait des recherches suffisantes pour signifier l'acte, a violé le texte susvisé.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir le prononcé de l'irrecevabilité et la nullité de la contrainte en date du 14 novembre 2013, signifiée le 4 décembre 2013, et de la contrainte en date du 14 janvier 2014, signifiée le 7 février 2014, et de valider en conséquence le commandement aux fins de saisie-vente en date du 28 février 2018 et le procès-verbal de carence pour le recouvrement des sommes émis en vertu des contraintes en date des 14 novembre 2013 et 14 janvier 2014, alors « que la saisine de la cour d'appel est limitée aux seuls chefs critiqués du jugement ; lorsque l'appelant n'a pas frappé d'appel un chef du jugement qui n'a pas fait l'objet d'un appel incident, la cour d'appel ne peut infirmer la décision de ce chef ; qu'en l'espèce, M. K... a relevé appel du jugement de première instance, et précisé qu'il demandait l'infirmation du jugement de première instance, sauf en ce qui concernait la contrainte du 14 novembre 2013 signifiée le 4 décembre 2013 et la contrainte du 14 janvier 2014 signifiée le 7 février 2014 ; que l'Urssaf n'a pas formé d'appel incident et a demandé au fond la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il l'avait condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en infirmant le jugement qui avait déclaré nulles les significations des contraintes du 14 novembre 2013 et du 14 janvier 2014, la cour d'appel a violé les articles 4 et 562 du code de procédure civile. »
Réponse de la cour
Vu l'article 562 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
13. Pour valider le commandement aux fins de saisie-vente en date du 28 février 2018 et le procès verbal de carence pour le recouvrement de sommes émis en vertu des contraintes en date du 21 janvier 2013, 14 novembre 2013, 14 janvier 2014 et 12 août 2015, l'arrêt infirme le jugement en ce qu'il a déclaré nulles et de nul effet les significations des 4 décembre 2013 et 7 février 2014 des contraintes en date du 14 novembre 2013 et du 14 janvier 2014, déclaré nulles et de nul effet les procédures de saisie-vente mais uniquement en ce qu'elles ont pour objet le recouvrement de sommes en vertu des contraintes en date du 14 novembre 2013 et du 14 janvier 2014 et, statuant à nouveau dans cette limite, rejette la demande présentée par M. K... tendant à obtenir le prononcé de l'irrecevabilité et la nullité de la contrainte en date du 14 novembre 2013, signifiée le 4 décembre 2013, et de la contrainte en date du 14 janvier 2014, signifiée le 7 février 2014.
14. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions qu'aux termes de la déclaration d'appel, M. K... sollicitait l'infirmation du jugement, sauf en ce qui concerne la contrainte du 14 novembre 2013, signifiée le 4 décembre 2013, et la contrainte du 14 janvier 2014, signifiée le 7 février 2014, et que le dispositif des conclusions de l'Urssaf ne comportait aucun appel incident, la cour d'appel a violé l'article susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.