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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 27 février 2013, n° 11/11787

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

My Pant's (SARL)

Défendeur :

Mango France (SARL), Chez Mercaders, Mango-On Line (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme Chokron, Mme Gaber

Avocats :

Me Belfayol Broquet, Me Galichet, Me Champagner Katz, Me Fromantin, Me Lederman

TGI Paris, du 28 avr. 2011, n° 10/07942

28 avril 2011

Vu le jugement rendu contradictoirement le 28 avril 2011 par le tribunal de grande instance de Paris.

Vu l'appel interjeté le 23 juin 2011 par la SARL MY PANT'S.

Vu les dernières conclusions de la SARL MY PANT'S, signifiées le 31 juillet 2012.

Vu les dernières conclusions de la SARL MANGO France, de la société de droit espagnol PUNTO FA S.L. et de la société de droit espagnol MANGO-ON-LINE, signifiées le 19 novembre 2012.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 décembre 2012.

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

Considérant qu'il suffit de rappeler que la SARL MY PANT'S a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements et chaussures et commercialise notamment un modèle de pantalon dénommé 'Dublin', décliné dans une version short dénommée 'Antonio'.

Qu'estimant qu'un pantalon identique au sien était commercialisé par les sociétés PUNTO FA, MANGO France et MANGO-ON-LINE sous la dénomination 'Soldado', la société MY PANT'S a fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 25 mars 2010 dans les locaux de la SARL MANGO France avant de faire assigner ces trois sociétés le 26 avril 2010 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire.

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

- annulé les procès-verbaux de constat des 19 et 28 mai 2010,

- déclaré la SARL MY PANT'S irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit,

- dit que les sociétés PUNTO FA, MANGO France et MANGO-ON-LINE ont commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant une copie servile du pantalon 'Dublin' de la société MY PANT'S créant un risque de confusion avec ce dernier,

- dit que les sociétés défenderesses n'ont pas commis d'actes distincts de parasitisme,

- fait injonction aux sociétés défenderesses de cesser de représenter notamment sur leurs catalogues et le site Internet www.mangoshop.com et de commercialiser le pantalon 'Soldado' sous astreinte de 500 € par infraction constatée, passée la signification de sa décision, se réservant la liquidation de l'astreinte,

- dit n'y avoir lieu à rappel et confiscation du pantalon 'Soldado',

- rejeté la demande de communication d'informations comptables,

- condamné in solidum les sociétés PUNTO FA, MANGO France et MANGO-ON-LINE à payer à la société MY PANT'S la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à publication de sa décision.

I : SUR LA VALIDITÉ DES PROCÈS-VERBAUX DE CONSTAT DES 19 ET 28 MAI 2010 :

Considérant que la SARL MY PANT'S conclut à la validité des procès-verbaux de constat des 19 et 28 mai 2010 au motif que l'huissier de justice n'avait pas à mentionner sa qualité en procédant à l'achat en ligne du modèle de pantalon argué de contrefaçon 'Soldado', les règles protectrices de la saisie-contrefaçon n'ayant pas à être appliquées pour un constat d'achat.

Considérant que les sociétés intimées concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé les procès-verbaux de constat des 19 et 28 mai 2010, ceux-ci s'apparentant à une saisie-contrefaçon, l'huissier ne s'étant pas contenté de constater que le modèle de pantalon 'Soldado' était en vente sur Internet mais a procédé lui-même à l'achat d'un exemplaire de ce pantalon et l'a réglé par ses propres moyens.

Considérant qu'il ressort des termes du procès-verbal de constat du 19 mai 2008 que l'huissier de justice ne s'est pas contenté de procéder à la description du site de vente en ligne exploité par les sociétés intimées et du modèle de pantalon argué de contrefaçon, mais s'est livré, sans avoir au préalable décliné sa qualité (alors qu'il disposait sur le formulaire d'une rubrique à cette fin intitulée 'Nom 2'), à l'ouverture d'un compte client à son nom personnel et à l'acquisition d'un exemplaire du modèle de pantalon 'Soldado' qu'il a ensuite, à réception, placé sous scellé suivant procès-verbal du 28 mai 2010.

Considérant qu'il s'évince de ces éléments que l'huissier de justice a outrepassé les limites d'un constat d'achat pour opérer, sans y avoir été autorisé selon les voies de droits, une saisie-contrefaçon ; qu'en conséquence c'est à raison que les premiers juges ont annulé les procès-verbaux de constat des 19 et 28 mai 2010, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

II : SUR LA TITULARITÉ DES DROITS D'AUTEUR DE LA SARL MY PANT'S SUR LE MODÈLE DE PANTALON 'DUBLIN' :

Considérant que les premiers juges ont retenu que la SARL MY PANT'S pouvait se prévaloir d'une présomption de titularité des droits à compter du 10 novembre 2008, date de première commercialisation du pantalon revendiqué.

Considérant que les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE soutiennent que la SARL MY PANT'S ne justifie pas clairement de la titularité de ses droits sur le modèle de pantalon 'Dublin' revendiqué, celui-ci étant encore, au 28 octobre 2008, dans sa phase de développement, la date effective de commercialisation étant parfaitement inconnue et que tout au plus la seule date de commercialisation certaine est du mois d'août 2009.

Considérant que la SARL MY PANT'S, après avoir rappelé l'histoire de la création du modèle de pantalon 'Dublin', fait valoir que les premières livraisons et facturations de ce modèle sont intervenues au mois de novembre 2008.

Considérant ceci exposé, que l'exploitation non équivoque d'une oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom et en l'absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'oeuvre du droit de propriété intellectuelle.

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que le modèle de pantalon revendiqué par la SARL MY PANT'S au titre des droits d'auteur est bien référencé par cette société sous la dénomination 'Dublin' tel qu'il apparaît notamment dans ses catalogues saisonniers dès 2009.

Considérant que les premières factures de vente du modèle de pantalon 'Dublin' aux détaillants remontent au 10 novembre 2008, à savoir aux sociétés 'Carnaby' à Perpignan, 'Le Mundo' à Morzine et 'Secret Garden' à Cannes ; que sont jointes à ces factures la copie du récépissé Colissimo de La Poste de l'envoi des vêtements.

Considérant que ces factures sont confirmées par l'expert-comptable de la SARL MY PANT'S qui atteste le 27 mai 2010 de la commercialisation du modèle de pantalon référencé 'Dublin' depuis le 10 novembre 2008 pour un chiffre d'affaires arrêté au 17 mai 2010 de 503.612 €.

Considérant dès lors que la SARL MY PANT'S identifie précisément l'oeuvre qu'elle revendique et justifie de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation sous son nom ; qu'elle peut donc revendiquer la titularité des droits de propriété intellectuelle sur le modèle de pantalon 'Dublin'.

Considérant en conséquence que c'est à raison que les premiers juges ont dit que la SARL MY PANT'S pouvait se prévaloir d'une présomption de titularité des droits d'auteur à compter du 10 novembre 2008 sur le pantalon 'Dublin', le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

III : SUR L'ORIGINALITÉ DU MODÈLE DE PANTALON 'DUBLIN' :

Considérant que la SARL MY PANT'S fait valoir qu'elle ne revendique pas un monopole sur les genres 'treillis' ou 'slims' mais un modèle associant ces deux formes en présentant une combinaison de caractéristiques uniques dont l'ensemble révèle l'effort créatif de son auteur ayant, par ses choix esthétiques, conféré une physionomie propre qui distingue le modèle de pantalon 'Dublin' des autres modèles de pantalon s'inscrivant dans les mêmes tendances de la mode.

Considérant qu'elle rappelle que l'appréciation de l'originalité doit s'effectuer de manière globale et que les éléments communiqués par les sociétés intimées ne sont pas de nature à remettre en cause l'originalité du modèle de pantalon 'Dublin', faute d'avoir une date certaine.

Considérant que les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE répliquent que le modèle de pantalon 'Dublin' est dénué de toute originalité, les éléments revendiqués étant les plus banals qui soient, la société MY PANT'S s'étant contentée de reprendre les formes de pantalon 'treillis' et 'slim', très en vogue et particulièrement banales.

Considérant qu'elles concluent à la confirmation du jugement entrepris qui a dit que les éléments revendiqués par la SARL MY PANT'S sont trop banals pour conférer au pantalon 'Dublin' une originalité particulière et a en conséquence déclaré cette société irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit.

Considérant ceci exposé que la SARL MY PANT'S revendique non pas la forme de pantalon dite 'treillis' ou 'slim' mais la combinaison des caractéristiques suivantes sur le pantalon 'Dublin' :

- un pantalon ayant une forme fuselée à partir du genou et un style près du corps en une toile semi épaisse 100% coton lavé,

- une longueur de jambe délibérément allongée pour permettre un revers de plusieurs centimètres, l'entrejambe un peu lâche de style décontracté et les pinces aux genoux formant un pli horizontal,

- deux poches biais situées sous la ceinture présentant une double surpiqûre et dont les points supérieurs sont assortis d'un rivet à chaque extrémité,

- deux poches gousset (ou ticket) à l'intérieur de ces deux poches, de forme carrée présentant une double surpiqûre courant tout autour de la poche et dont le point supérieur gauche est assorti d'un rivet,

- deux grandes poches au niveau des cuisses présentant des plis créant un effet de volume : deux poches plaquées, à soufflet et à rabat pressionné (pression à l'intérieur au centre) de forme hexagonale, dont les coins supérieurs sont assortis d'un rivet à chaque extrémité, les rabats présentant une forme incurvée et une double surpiqûre courant tout autour de la poche,

- deux poches identiques sur les fesses,

- la couture d'un empiècement formant un demi-cercle au creux du dos, au centre, en dessous de la ceinture présentant une double surpiqûre,

- des passants larges pour la ceinture de style 'treillis' dont l'extrémité inférieure est cousue en deçà de la ceinture,

- des rivets argentés placés aux extrémités de chaque poche.

Considérant que si certains des éléments qui composent ce modèle sont connus ou, pris séparément, appartiennent au fonds commun de la mode (tels que la forme fuselée, le style près du corps, la matière utilisée, la présence de poches, de passants pour ceinture ou les rivets), en revanche leur combinaison telle que revendiquée (poches en biais sous la ceinture avec une double surpiqûre et un rivet avec, à l'intérieur, des poches gousset avec une double surpiqûre et un rivet, poches plaquées aux cuisses à soufflet et rabat avec une double surpiqûre et un rivet à chaque extrémité des coins supérieurs, couture en demi-cercle au dos en dessous de la ceinture, passants larges cousus en-deçà de la ceinture, rivets argentés) dès lors que l'appréciation de la cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, confère à ce modèle une physionomie propre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur, lui permettant de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur.

Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société MY PANT'S fondées sur la contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit et que, statuant à nouveau de ce chef, il sera jugé que le modèle de pantalon 'Dublin' bénéficie de la protection au titre des droits d'auteur des livres I et III du code de la propriété intellectuelle.

IV : SUR LA CONTREFAÇON :

Considérant que la SARL MY PANT'S soutient que le modèle de pantalon 'Soldado' produit et commercialisé par les sociétés intimées reprend à l'identique l'ensemble des caractéristiques originales de son modèle de pantalon 'Dublin', produisant une impression d'ensemble identique, seul le coloris étant différent.

Considérant qu'elle fait valoir que le caractère servile de la copie réalisée par les sociétés intimées augment le risque de confusion et aggrave les actes de contrefaçon.

Considérant qu'elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris qui a déclarée irrecevables ses demandes fondées sur la contrefaçon et réclame la destruction de tous les modèles contrefaisant le modèle 'Dublin' ainsi que de l'ensemble des supports et documents commerciaux représentant ledit modèle contrefaisant par un huissier à son choix et aux frais avancés des sociétés intimées.

Considérant qu'elle réclame in solidum aux sociétés intimées les sommes suivantes :

- 109.428 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droit d'auteur,

- 10.000 € en réparation du préjudice subi du fait des investissements exposés,

- 20.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la représentation du modèle contrefaisant sur les catalogues des sociétés intimées,

- 20.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la représentation du modèle contrefaisant sur le site Internet <mangoshop.com>,

- 40.000 € en réparation du préjudice moral.

Considérant que les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE ne font pas valoir de moyens en ce qui concerne les actes de contrefaçon mais contestent les mesures réparatrices réclamées par la SARL MY PANT'S qui ne justifie pas de ses différents postes de préjudices.

Considérant qu'elles concluent au débouté de la SARL MY PANT'S de l'intégralité de ses demandes.

Considérant qu'il ressort de l'examen comparatif des modèles en cause auquel la cour s'est livré, que le modèle de pantalon 'Soldado' produit et commercialisé par les sociétés intimées reprend à l'identique l'ensemble des caractéristiques du modèle 'Dublin' revendiqué par la SARL MY PANT'S, à savoir sa forme fuselée et un style près du corps, des poches biais avec des rivets aux extrémités et, à l'intérieur, des poches gousset également assorties d'un rivet, deux poches au niveau des cuisses à soufflet et rabats de forme incurvée avec une double surpiqûre, aux coins supérieurs assortis d'un rivet, des passants larges pour la ceinture à l'extrémité inférieure cousue en-deçà de la ceinture, une couture en demi-cercle au dos en-dessous de la ceinture avec une double surpiqûre.

Considérant qu'il ressort de cette comparaison une impression d'ensemble identique entre ces deux modèles, le pantalon 'Soldado' apparaissant comme la copie servile du pantalon 'Dublin', qu'ainsi les sociétés intimées se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon portant atteinte aux droits d'auteur dont est titulaire la SARL MY PANT'S sur son modèle de pantalon 'Dublin' en faisant fabriquer, en important et en commercialisant leur modèle de pantalon 'Soldado', notamment en le présentant en ligne sur le site Internet <mangoshop.com> ainsi que cela ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 17 mars 2010.

Considérant que pour mettre fin à ces actes de contrefaçon il sera fait interdiction aux sociétés intimées de représenter, notamment sur leurs catalogues et sur leur site Internet <mangoshop.com> et de commercialiser le pantalon 'Soldado' sous astreinte provisoire pour une durée de quatre mois, de 500 € par infraction constatée passée la signification du présent arrêt, la liquidation de cette astreinte restant de la compétence du juge de l'exécution.

Considérant qu'il convient également d'ordonner, conformément aux dispositions de l'article L 331-1-4, 1er alinéa du code de la propriété intellectuelle, le rappel des circuits commerciaux et la destruction, aux frais avancés in solidum des sociétés intimées (sur simple présentation des devis justificatifs), de tous les modèles de pantalon 'Soldado' contrefaisants ainsi que de l'ensemble des supports et documents commerciaux représentant ledit modèle contrefaisant, ce par huissier de justice au choix de la SARL MY PANT'S, en tous lieux sur le territoire national.

Considérant qu'en ce qui concerne les mesures réparatrices, l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte.

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que la commercialisation du modèle de pantalon contrefaisant 'Soldado' a commencé le 15 mars 2010 et que si les sociétés intimées ont donné le 22 avril 2010 l'ordre d'en suspendre la commercialisation, ce n'est toutefois qu'à partir du 10 juin 2010 que ce pantalon n'a plus été accessible à la vente en ligne sur leur site Internet.

Considérant que selon les documents comptables remis à l'occasion de la saisie-contrefaçon du 25 mars 2010 puis ultérieurement le 08 avril 2010, il apparaît qu'au 31 mars 2010, la SARL MANGO France avait vendu, au prix unitaire de 35 €, 136 exemplaires du pantalon, auxquels s'ajoutent 114 exemplaires vendus par les franchisés à l'enseigne MANGO.

Considérant qu'en quinze jours d'exploitation, ce sont donc 250 exemplaires du pantalon contrefaisant qui ont été vendus, qu'il convient, pour évaluer la masse contrefaisante, de tenir compte des ventes encore intervenues à ce même rythme jusqu'au 22 avril 2010 dans les magasins et jusqu'au 10 juin 2010 sur Internet ; qu'ainsi cette masse contrefaisante peut être évaluée à 1.000 exemplaires avec une marge de 22,49 € par pantalon vendu, soit un bénéfice réalisé par les sociétés intimées de 22.490 €.

Considérant qu'en ce qui concerne le manque à gagner subi par la SARL MY PANT'S, il ressort de l'attestation délivrée le 27 mai 2010 par la SELARL d'expertise comptable COEXPAU, que la marge réalisée par la société MY PANT'S par la commercialisation en gros du modèle de pantalon référencé 'Dublin' est de 33,16 € HT.

Considérant que selon cette attestation, le chiffre d'affaires réalisé par la société MY PANT'S par la commercialisation du pantalon 'Dublin' a connu une diminution de 34 % à compter du 15 mars 2010 par comparaison à la même période pour 2009, soit une perte de chiffre d'affaires de 23.584 € ; qu'enfin les coûts de création et de promotion engagés par cette société depuis la commercialisation le 10 novembre 2008 de ce modèle de pantalon s'élèvent à la somme globale de 206.45 € HT.

Considérant en outre que les actes de contrefaçon ont contribué à la banalisation et à la dépréciation du modèle de pantalon 'Dublin', occasionnant un préjudice moral.

Considérant en conséquence qu'en fonction de l'ensemble des éléments de la cause la cour évalue à 22.490 € le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droit d'auteur, à 10.000 € le préjudice subi du fait des investissements exposés par la SARL MY PANT'S et à 40.000 € le préjudice moral.

Considérant en revanche que les demandes d'indemnisation au titre de la représentation du modèle contrefaisant d'une part sur les catalogues des sociétés MANGO et d'autre part sur le site Internet de ces sociétés ne sont pas justifiées, ces postes de préjudices étant déjà réparés au titre du préjudice moral, faute de justifier de l'existence de préjudices distincts.

Considérant dès lors que les sociétés intimées seront condamnées in solidum à payer à la SARL MY PANT'S à titre de dommages et intérêts les sommes susdites de 22.490 €, 10.000 € et 40.000 €, cette société étant déboutée pour le surplus de ses demandes indemnitaires.

V : SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE ET PARASITAIRE :

Considérant que la SARL MY PANT'S soutient que les sociétés intimées ont délibérément créé un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre les modèles de pantalon en cause en faisant fabriquer une copie servile et en faisant usage du pantalon 'Dublin' lors du défilé de mode des sociétés MANGO ; qu'elles pratiquent en outre un prix très nettement inférieur grâce aux économies réalisées en termes d'investissements et de coûts de création, se plaçant dans le sillage du succès du modèle 'Dublin'.

Considérant qu'elle fait valoir qu'ainsi les sociétés intimées ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts des actes de contrefaçon, engageant leur responsabilité civile délictuelle.

Considérant qu'elle réclame à ce titre la somme de 300.000 € en réparation du préjudice subi.

Considérant que les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE contestent l'existence de faits de concurrence déloyale et parasitaire, aucun fait distinct de la copie servile n'étant établi, les quelques ressemblances ne résultant que de l'extrême banalité des caractéristiques du modèle 'Dublin' et les sociétés intimées ayant simplement commercialisé un modèle s'inscrivant dans les mêmes tendances de la mode, ce qui ne constitue pas un comportement de nature déloyale ou parasitaire.

Considérant qu'elles soutiennent en outre que c'est bien leur modèle 'Soldado' qui apparaît en photographie lors du défilé de mode MANGO.

Considérant enfin qu'elles font valoir que la somme de 300.000 € réclamée à titre de dommages et intérêts est totalement disproportionnée.

Considérant que les faits allégués résultant de la copie servile du pantalon 'Dublin' ont déjà été invoqués par la SARL MY PANT'S au titre de la contrefaçon, comme en constituant une circonstance aggravante (page 24 de ses conclusions) et ne sauraient dès lors être à nouveau invoqués au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

Considérant par ailleurs que le pantalon 'Soldado' n'est pas vendu à perte ou à vil prix.

Considérant d'autre part qu'il n'est nullement établi que les sociétés intimées auraient fait usage d'un authentique pantalon 'Dublin' lors d'un défilé de mode organisé par les sociétés MANGO ; qu'en effet la SARL MY PANT'S ne produit à cette fin qu'une photographie d'un mannequin portant un pantalon dont il n'est pas possible d'affirmer, au seul vu de ce document, qu'il s'agit nécessairement du pantalon 'Dublin' et non pas du pantalon 'Soldado', alors surtout que la SARL MY PANT'S elle-même fait valoir que le pantalon 'Soldado' n'est qu'une copie servile du pantalon 'Dublin' (ainsi qu'il l'a été d'ailleurs jugé).

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'acte de concurrence déloyale et prononcé une condamnation à ce titre et que, statuant à nouveau, la SARL MY PANT'S sera déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

VI : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant qu'à titre de réparation complémentaire, la SARL MY PANT'S demande la publication judiciaire du dispositif de l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou publications à son choix et aux frais avancés des sociétés intimées ainsi que sur la page d'accueil de leur site Internet <mangoshop.com> sous astreinte.

Considérant que compte tenu de ce que la commercialisation des pantalons contrefaisants a cessé depuis plus de 32 mois, la publication du présent arrêt n'apparaît pas nécessaire à titre de mesure complémentaire de réparation aux dommages et intérêts déjà alloués, lesquels constituent une réparation adéquate et suffisante des préjudices subis par la SARL MY PANT'S.

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à cette demande de publication judiciaire concernant sa décision et qu'en cause d'appel la SARL MY PANT'S sera déboutée de cette demande concernant le présent arrêt.

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SARL MY PANT'S la somme complémentaire de 10.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, cette somme comprenant notamment les frais de saisie-contrefaçon, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance.

Considérant que les sociétés intimées, parties perdantes tenues à paiement, seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant que pour les mêmes motifs elles seront condamnées in solidum au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les procès-verbaux de constat des 19 et 28 mai 2010, en ce qu'il a dit que la SARL MY PANT'S peut se prévaloir d'une présomption de titularité des droits d'auteur à compter du 10 novembre 2008 sur le pantalon 'Dublin', en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à publication de sa décision et en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et sur la charge des dépens de la procédure de première instance.

Infirme le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau sur les chefs du jugement ainsi infirmés :

Dit que le modèle de pantalon 'Dublin' bénéficie de la protection au titre des droits d'auteur des livres I et III du code de la propriété intellectuelle, dont la SARL MY PANT'S est titulaire.

Dit qu'en fabriquant, en important et en commercialisant le pantalon référencé 'Soldado', copie servile du pantalon 'Dublin', tant dans leurs magasins qu'en ligne sur leur site Internet <mangoshop.com>, les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE ont commis des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits d'auteur dont est titulaire la SARL MY PANT'S sur son modèle de pantalon 'Dublin'.

Fait interdiction aux sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE de représenter, notamment sur leurs catalogues et sur leur site Internet <mangoshop.com> et de commercialiser le pantalon 'Soldado' sous astreinte provisoire pour une durée de quatre mois, de CINQ CENTS EUROS (500 €) par infraction constatée passée la signification du présent arrêt.

Dit que la liquidation de cette astreinte restera de la compétence du juge de l'exécution.

Ordonne le rappel des circuits commerciaux et la destruction, aux frais avancés in solidum des sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE (sur simple présentation des devis justificatifs), de tous les modèles de pantalon 'Soldado' contrefaisants ainsi que de l'ensemble des supports et documents commerciaux représentant ledit modèle contrefaisant, ce par huissier de justice au choix de la SARL MY PANT'S, en tous lieux sur le territoire national.

Condamne in solidum les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE à payer à la SARL MY PANT'S à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

- VINGT DEUX MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT DIX EUROS (22.490 €) pour le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droits d'auteur,

- DIX MILLE EUROS (10.000 €) pour le préjudice subi du fait des investissements exposés par la SARL MY PANT'S,

- QUARANTE MILLE EUROS (40.000 €) pour le préjudice moral.

Déboute la SARL MY PANT'S du surplus de ses demandes indemnitaires en dommages et intérêts.

Déboute la SARL MY PANT'S de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

Déboute la SARL MY PANT'S de sa demande de publication judiciaire du présent arrêt dans dix revues et sur le site Internet <mangoshop.com>.

Condamne in solidum les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE à payer à la SARL MY PANT'S la somme complémentaire de DIX MILLE EUROS (10.000 €) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, lesquels comprendront les frais de saisie-contrefaçon.

Déboute les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE de leur demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum les sociétés MANGO France, PUNTO FA et MANGO-ON-LINE aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.