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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 20 novembre 2012, n° 11/01803

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société d'Importation Leclerc 'Siplec' (SA), Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc 'SC Galec' (SA)

Défendeur :

Menport (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Brylinski, Mme Orsini

Avocats :

Me Minault, Me Gillot, Me Dumeau, Me Lederman

TGI Nanterre, ch. 1, du 10 févr. 2011, n…

10 février 2011

Vu l'appel interjeté le 7 mars 2011, par la société d'Importation Leclerc 'Siplec' et la société coopérative de Groupements d'achats des centres Leclerc 'Galec' d'un jugement rendu le 10 février 2011 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

* dit qu'en important, en offrant à la vente et en diffusant les modèles de chaussures référencés Galec W8203-13, W8211-07 et W8184-08 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles référencés R6423B, R6559B, R6137, R5778, J130, J0180 et J111, créés par la société Menport, la société Galec et la société Siplec se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de modèles,

* dit que la société Galec et la société Siplec se sont également rendues coupables d'actes distincts de concurrence déloyale au préjudice de la société Menport,

* interdit à la société Galec et à la société Siplec de fabriquer, d'importer, de distribuer, d'offrir à la vente ou de vendre sous quelque forme que ce soit, les modèles de chaussures référencés Galec W8203-13, W8211-07 et W8184-08 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles référencés R6423B, R6559B, R6137, R5778, J130, J0180 et J111, créés par la société Menport, y compris sous d'autres références et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée, passé un délai de 8 jours suivant la signification du jugement,

* ordonner à la société Galec et à la société Siplec de remettre à la société Menport le stock de produits contrefaisants, dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 15.000 euros par jour de retard passé ce délai,

* condamné in solidum la société Galec et la société Siplec à payer à la société Menport la somme de 271.600 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon,

* condamné in solidum la société Galec et la société Siplec à payer à la société Menport la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale,

* ordonné la publication du dispositif du jugement dans 4 journaux ou périodiques au choix de la société Menport et aux frais avancés in solidum de la société Galec et de la société Siplec, sans que le coût global de ces insertions à la charge de ces société ne puisse excéder la somme de 25.000 euros hors taxes,

* condamné in solidum la société Galec et la société Siplec à payer à la société Menport la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 28 juin 2012, par lesquelles la société d'Importation Leclerc 'Siplec' et la société coopérative Groupements d'achat des centres Leclerc 'Galec' demandent à la cour de:

* confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le modèle de botte Siplec référencé W07LX02B ne constitue pas une contrefaçon du modèle de botte Menport référencé R6136,

* pour le surplus, infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

* dire la société Menport mal fondée en son action en contrefaçon et en concurrence déloyale,

* la débouter de ses demandes,

* dire la société Menport mal fondée en son appel incident et l'en débouter,

* condamner la société Menport au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 20 juillet 2012, aux termes desquelles la société Menport prie la cour de:

•            confirmer le jugement en ce qu'il a:

* dit qu'en important, en offrant à la vente et en diffusant les modèles de chaussures référencés Galec W8203-13, W8211-07 et W8184-08 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles référencés R6423B, R6559B, R6137, R5778, J130, J0180 et J111, créés par la société Menport, la société Galec et la société Siplec se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de modèles,

* dit que la société Galec et la société Siplec se sont égalent rendues coupables d'actes distincts de concurrence déloyale au préjudice de la société Menport,

* interdit à la société Galec et à la société Siplec de fabriquer, d'importer, de distribuer, d'offrir à la vente ou de vendre sous quelque forme que ce soit, les modèles de chaussures référencés Galec W8203-13, W8211-07 et W8184-08 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles référencés R6423B, R6559B, R6137, R5778, J130, J0180 et J111, créés par la société Menport, y compris sous d'autres références et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée, passé un délai de 8 jours suivant la signification du jugement,

* ordonner à la société Galec et à la société Siplec de remettre à la société Menport le stock de produits contrefaisants, dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 15.000 euros par jour de retard passé ce délai,

* ordonné la publication du dispositif du jugement dans 4 journaux ou périodiques au choix de la société Menport et aux frais avancés in solidum de la société Galec et de la société Siplec, sans que le coût global de ces insertions à la charge de ces société ne puisse excéder la somme de 25.000 euros hors taxes,

* condamné in solidum la société Galec et la société Siplec à payer à la société Menport la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

•            l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant,

* dire qu'en important, en offrant à la vente et en diffusant le modèle de chaussure référencé W07LX02B, reproduisant les caractéristiques du modèle référencé R6136, la société Galec et la société Siplec se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de ce modèle,

* condamner solidairement la société Galec et la société Siplec au versement de la somme de 377.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de ses huit modèles originaux,

* condamner solidairement la société Galec et la société Siplec au versement de la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice résultant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire,

* ordonner à la société Galec et à la société Siplec de publier à leurs frais l'intégralité de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site internet www.e-leclerc.com pendant une période de deux mois à compter du huitième jour suivant la signification de l'arrêt, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé ce délai et selon certaines modalités,

* condamner solidairement la société Galec et la société Siplec au versement de la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :

* la société Galec est la centrale de référencement du mouvement E.Leclerc,

* la société Siplec est une coopérative nationale qui met au service des adhérents son savoir faire dans le domaine du négoce international,

* la société Menport a pour activités la création, la fabrication et la commercialisation en gros et au détail de chaussures pour femme,

* elle revendique la titularité de droits d'exploitation sur deux modèles de chaussures référencés R6423B et R6559B dont la création a été constatée par procès-verbal d'huissier le 21 mars 2007,

* ces modèles ont été commercialisés sous la marque Muratti dans la collection hiver 2007,

* au cours du mois d'octobre 2008, la société Menport aurait découvert l'offre à la vente dans les magasins à l'enseigne Leclerc d'un modèle de chaussure référencé W8203-13 griffé Tissaia reproduisant, selon elle, les caractéristiques de ses deux modèles,

* dûment autorisée par ordonnance présidentielle, la société Menport a fait procéder le 12 novembre 2008, à une saisie contrefaçon au siège social de la société Galec,

* au cours de ces opérations, était confirmée la commande par la société Siplec du modèle litigieux,

* entre temps, la société Menport a été informée de la commercialisation dans un magasin à l'enseigne E.Leclerc de trois autres modèles référencés W8211-07, W8184-08 et W07LX02B contrefaisant, selon elle, six autres de ses modèles originaux,

* c'est dans ces circonstances, que le 11 décembre 2008, la société Menport a assigné la société Galec et la société Siplec devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon et en concurrence déloyale;

Sur la demande de mise hors de cause de la société Galec:

Considérant que la société Galec sollicite sa mise hors de cause; qu'elle conteste avoir importé, sélectionné, commandé, offert à la vente, assuré la promotion des quatre modèles de bottes et bottines contestés; qu'elle soutient que ces modèles d'origine chinoise ont été sélectionnés, commandés, importés et vendus aux coopératives régionales du mouvement Leclerc par la seule société Siplec; qu'elle ajoute que le fait que ces articles portent une référence Galec sur un certain nombre de documents internes n'est pas significatif et qu'est également inopérante l'utilisation sur les modèles de sa marque Tissaia;

considérant que la société Menport rappelle que la société Galec est la coopérative nationale de référencement du mouvement Leclerc et qu'il est difficile d'imaginer qu'un produit importé de Taïwan par la société Siplec puisse se retrouver en vente au sein d'une centrale d'achats E.Leclerc sans avoir été préalablement référencé par la société Galec; qu'elle relève que l'implication de la société Galec dans l'offre à la vente des quatre modèles est confirmée par les mentions présentes sur les trois tableaux de répartition par centrales d'achats afférents aux modèles et figurant également sur les factures émises par la société Siplec; qu'elle ajoute que les quatre modèles ont été commercialisés sous la marque Tissaia dont est titulaire la société Galec; qu'elle fait enfin valoir être fondée à penser que les catalogues promotionnels reproduisant le modèle de bottine référencé W8203-13 sont édités par la société Galec, qui assure la promotion globale des produits commercialisés au sein des centres E.Leclerc, catalogues mentionnant le site internet édité par la société Galec;

considérant que dans le tableau de répartition des livraisons par centrales du modèle W8203-13 figure la mention 'Ref.Galec: 4679015"

que sur les trois tableaux de répartition afférents aux modèles W8211-07, W8184-08 et W07LX02B apparaissent les références 'Ref.Galec: 4479015", 'Ref.Galec: 4579015", 'Ref.Galec: 4579023";

que les factures émises par la société Siplec à l'ordre des centrales d'achat mentionnent les références utilisées par la société Galec et portent systématiquement la mention 'Ref.Galec';

qu'il n'est pas démenti que les quatre modèles de bottes ou bottines litigieux ont été commercialisés sous la marque Tissaia dont est titulaire la société Galec, sans que cette dernière fasse état d'une quelconque fraude dans l'exercice de ses droits ou prérogatives;

qu'en outre, le modèle de bottine référencé W8203-13 a été divulgué sur un catalogue promotionnel mentionnant le site internet ' www.e-leclerc.com' qui reproduit les catalogues papiers distribués sur le territoire national et qui est édité par la société Galec ainsi qu'il résulte de la propre charte qu'elle a mise en ligne;

considérant que de l'ensemble de ces éléments, il ressort, ainsi que l'a retenu le tribunal, que les modèles de bottes et bottines contestés ont bien été référencés par la société Galec et ont été offerts à la vente sous sa marque, de sorte qu'elle ne saurait être mise hors de cause;

Sur la contrefaçon:

Considérant que les sociétés Galec et Siplec ne remettent pas en cause la titularité des droits de la société Menport sur les huit modèles de chaussures revendiquées;

Sur le modèle référencé W07LX02B:

Considérant que la société Menport soutient que le modèle référencé W07LX02B

reprend l'ensemble des caractéristiques du modèle de mi-botte original portant la référence R6136;

qu'elle caractérise ce modèle par la combinaison des éléments suivants:

- un modèle de mi-botte plate, au bout pointu relevé,

- la totalité de l'arrière lacée de bas en haut,

- une série de surpiqûres apparaissant sur le devant du pied;

qu'elle fait valoir que le modèle vendu dans les magasins E.Leclerc, à l'exception de la hauteur de la tige, présente une forme identique avec un bout relevé et un talon plat de forme carrée, un laçage à l'arrière de bas en haut sur toute la hauteur de la tige, des surpiqûres recouvrant le devant du pied;

considérant que les sociétés appelantes répliquent que le système de laçage situé à l'arrière et un bout de tige pointu et surpiqué sont des éléments communs que l'on retrouve sur beaucoup de modèles et que pour le reste, les deux modèles diffèrent radicalement;

considérant que le modèle W07LX02B est une botte alors que le modèle de la société Menport est une demi-botte lui conférant un aspect plus proche de la boots; que la partie haute de la tige du modèle Menport est coupée en biais, celle du modèle contesté étant droite; que des oeillets de couleur bronze figurent en haut et en bas du laçage situé à l'arrière du modèle Menport alors que le modèle W07LX02B en est dépourvu; qu'à la différence du modèle revendiqué, le modèle contesté comporte des surpiqûres parallèles sur le contrefort du talon, rappelant celles de la pointe et donnant l'impression que la partie haute de la botte s'insère dans une sorte de mocassin ;

que ces différences affectent sensiblement l'impression d'ensemble qui se dégage de l'examen des modèles et excluent tout risque de confusion dans l'esprit de la clientèle à laquelle ils sont destinés;

considérant que la décision déférée, qui a écarté le grief de contrefaçon du modèle R6136 de la société Menport, sera confirmée;

Sur le modèle référencé W8203-13:

Considérant que la société Menport expose que le modèle de bottine vendu dans les magasins E.Leclerc sous la référence W8203-13 constitue la copie servile du modèle de bottine original référencé R6423B;

qu'elle ajoute que le modèle litigieux reprend également les caractéristiques essentielles de son modèle de mi-botte référencé R6559B;

considérant que la société Menport caractérise son modèle R6423B par la combinaison suivante:

- un bottillon au bout pointu et au talon carré de 6 centimètres,

- le devant de la chaussure comprenant deux découpes, l'une de forme rectangulaire et l'autre en forme de coeur inversé se caractérisant par leurs bords effilochés,

- une très large bride, dont les bords sont effilochés, entourant la chaussure au niveau de la cheville,

- sur cette bride, l'apposition sur le côté extérieur d'une applique constituée de deux petits carrés couleur métal,

- une fermeture éclair latérale située sur le côté intérieur;

qu'elle fait valoir que son modèle R6559B est une mi-botte qui se caractérise par la combinaison originale des mêmes caractéristiques que celles du modèle de bottine R6423B, le devant de la chaussure comprenant une découpe en forme de coeur inversé aux bords effilochés;

considérant que pour s'opposer au grief de contrefaçon, les sociétés Siplec et Galec répliquent que la société Menport ne rapportent pas la preuve de l'originalité de ces deux modèles;

mais considérant que les sociétés appelantes ne produisent aucun élément de nature à établir que les combinaisons revendiquées seraient communes en matière de bottes ou bottines;

que la société Menport n'a pas repris des éléments banals, mais combiné ces éléments dans une association qui révèle l'empreinte de sa personnalité et qui rend les deux modèles revendiqués éligibles à la protection du droit d'auteur;

considérant que le modèle de bottine mis en vente dans les magasins E.Leclerc sous la référence W8203-13 reprend les caractéristiques des deux modèles opposés, à savoir; la forme de la bottine, un bout pointu, un talon carré, des découpes sur le devant, l'une de forme rectangulaire, l'autre en forme de coeur inversé, présentant des bords effilochés, une large bride aux bords effilochés sur laquelle est apposée une applique constituée de deux petits carrés couleur métal;

que le jugement, qui a retenu le grief de contrefaçon de ces deux modèles, sera confirmé de ce chef;

Sur le modèle W8211-07:

Considérant que la société Menport fait valoir que le modèle de botte vendu dans les magasins E.Leclerc sous la référence W8211-97 reprend l'ensemble des caractéristiques essentielles de ces deux modèles de botte originaux référencés R6137 et R5778;

que la société Menport caractérise ces deux modèles par la combinaison des éléments suivants:

•            modèle R6137:

- une botte à talon haut en biseau, à bout pointu relevé,

- la totalité de l'avant lacée jusqu'au devant du pied,

- un contrefort agrémenté d'une série de surpiqûres en arc de cercle,

- deux surpiqûres suivant la longueur du laçage de part et d'autre;

•            modèle R5778:

- les mêmes éléments que le modèle R6137,

- à l'exception de son talon plat et de l'arrêt des surpiqûres à la fin du laçage;

considérant que les sociétés Siplec et Galec soulèvent l'absence de démonstration du caractère prétendument original des modèles revendiqués et soutiennent que la contrefaçon ne saurait résulter de la simple présence, commune aux trois modèles, d'un système de laçage en partie avant et d'un zip sur le côté, d'une semelle de forme pointue en partie avant, de surpiqûres fréquemment utilisées par les fabricants de chaussures;

qu'elles ajoutent que le modèle W8211-97 est de couleur noire unie à la différence des deux modèles Menport, est muni d'une semelle à talon épais et droit lui donnant un aspect plus massif, n'est pas rehaussé de part et d'autre d'une surpiqûre;

mais considérant que si le système de laçage, un zip, une semelle de forme pointue appartiennent au fonds commun de l'univers de la chaussure, les combinaisons, telles que revendiquées, dès lors que l'appréciation portée par la cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par la combinaison des différents éléments propres aux modèles et non par l'examen de chacun de ces éléments pris individuellement, confèrent aux modèles revendiqués une esthétique particulière qui les rend éligibles à la protection au titre du droit d'auteur;

considérant que le modèle W8211-97 reprend la forme identique de la botte à bout pointu et relevé, le laçage sur tout l'avant de la chaussure, le contrefort agrémenté d'une série de surpiqûres en arc de cercle;

que les différences tenant à la couleur, à l'absence de surpiqûre de part et d'autre du laçage sont insuffisantes à écarter la même impression d'ensemble qui se dégage des modèles en présence;

que la décision déférée, qui a retenu le grief de contrefaçon, sera également confirmée sur ce point;

Sur le modèle W8184-08:

Considérant que la société Menport fait valoir que le modèle de botte référencé W8184-08, vendu dans les magasins à l'enseigne E.Leclerc reprend les caractéristiques essentielles de ses trois modèles de botte originaux référencés J130, J0180 et J111;

qu'elle caractérise le modèle J130 par la combinaison des éléments suivants:

- une botte cuissarde sur semelle gomme, à talon plat,

- des boutons de dimensions différentes et de couleur dorée apposés en quinconce sur le devant de la chaussure ainsi qu'en haut de la botte,

- ces boutons étant reliés à la botte par une série d'élastiques doubles en élasthane;

que le modèle J111 présente les mêmes caractéristiques à l'exception des boutons qui sont en cuir marron;

que le modèle J0180 présente également les mêmes caractéristiques à l'exception de sa matière qui est en cuir de couleur noire;

considérant que les sociétés Galec et Siplec contestent le caractère prétendument original de ces trois modèles et subsidiairement le grief de contrefaçon;

or considérant qu'en choisissant de souligner le devant de la botte par des boutons de dimensions différentes apposés en quinconce reliés à la botte par une série d'élastiques doubles, la société Menport a manifesté son empreinte personnelle rendant ces modèles protégeables par le droit d'auteur;

considérant que force est de constater que le modèle W8184-08 est également orné de boutons de dimensions inégales reliés à la botte par une série d'élastiques;

que les différences alléguées par les sociétés Siplec et Galec tenant à la couleur et à la matière des bottes en présence, à la taille des boutons et à leur couleur argentée, sont mineures et sont sans effet sur la contrefaçon, à défaut d'affecter l'impression d'ensemble qui se dégage des combinaisons protégées;

que le jugement entrepris, qui a retenu le grief de contrefaçon, sera confirmé;

Sur le actes de concurrence déloyale:

Considérant que la société Menport soutient qu'il existe des actes distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon qui constituent des actes de concurrence déloyale;

qu'elle fait valoir qu'en reproduisant l'ensemble des caractéristiques de huit modèles originaux, les sociétés Siplec et Galec ont créé un risque de confusion dans l'esprit du consommateur quant à l'origine des produits ayant pour conséquence le détournement d'une partie de sa clientèle;

qu'elle invoque la reprise par les sociétés Siplec et Galec d'une véritable gamme de produits originaux;

qu'elle soutient qu'en profitant indûment des investissements qu'elle a réalisés, les sociétés appelantes ont pu offrir à la vente quatre modèles de chaussures qu'elles savaient contrefaisantes à des prix défiant toute concurrence;

qu'elle ajoute que la commercialisation par les sociétés Galec et Siplec des quatre références litigieuses a porté atteinte à son image;

considérant que les sociétés Galec et Siplec, qui contestent tout acte de concurrence déloyale, font valoir que la société Menport fonde son action en concurrence déloyale sur les mêmes faits que son action en contrefaçon à savoir l'imitation de ses modèles;

qu'elles soutiennent par ailleurs que les faits prétendument distincts invoqués au soutien de l'action en concurrence déloyale ne sont ni probants ni démontrés;

qu'elles exposent notamment que la société Menport ne rapporte aucunement la preuve des investissements qu'elle dit avoir consacrés à la création et à la promotion de ses modèles, que la différence de prix de vente n'est pas significative dès lors que les produits vendus dans les magasins E.Leclerc sont de qualité distincte ne s'adressant pas à la même clientèle dans un réseau de distribution différent, qu'elles ont ignoré l'existence des modèles de la société Menport et n'avaient aucun moyen de les connaître compte tenu de leur notoriété inexistante, qu'en outre, elles ont pris les précautions raisonnables en ce qui concerne l'importation des modèles;

considérant que les sociétés en présence étant des sociétés concurrentes, seul peut être examiné le bien fondé de la demande en concurrence déloyale sur le risque de confusion à l'exclusion d'agissements parasitaires;

que la concurrence déloyale suppose la commission d'actes distincts de la contrefaçon, de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public;

considérant que la société Menport ne verse aux débats aucun document permettant d'établir le nombre de chaussures présentées aux collections automne/hiver 2006/2007, 2007/2008 de sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer que les sociétés Galec et Siplec auraient copié une gamme de ses produits;

qu'aucun élément ne corrobore l'affirmation de la société Menport selon laquelle les modèles revendiqués auraient bénéficié d'un considérable succès commercial auprès de la clientèle qui ne pouvait passer inaperçu auprès des sociétés Siplec et Galec;

que la pratique de prix moins élevés ne suffit pas à caractériser des actes de concurrence déloyale; qu'il n'est pas démontré que les prix pratiqués seraient abusivement bas ou que les ventes seraient réalisées à perte;

que le profit tiré du travail et des investissements qu'a pu consacrer la société Menport pour la création et la commercialisation de ses modèles et l'atteinte portée à son image par la commercialisation de modèles contrefaisants d'une qualité médiocre, vendus dans des magasins de grande distribution, doivent être pris en compte pour évaluer le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et ne constituent pas des actes distincts de concurrence déloyale;

considérant dès lors, que le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en concurrence déloyale;

Sur le préjudice:

Considérant que la société Menport fait valoir que son préjudice doit être évalué en prenant compte de son gain manqué, des bénéfices réalisés par les sociétés Galec et Siplec, de la banalisation et la dévalorisation des modèles originaux;

considérant que les sociétés Galec et Siplec répliquent que la société Menport ne peut sérieusement invoquer une banalisation et une dévalorisation de ses modèles alors qu'ils n'ont rencontré qu'un très faible succès commercial, n'ont plus été vendus pour trois d'entre eux à la fin de l'année 2006, pour le quatrième à la fin de l'année 2007;

qu'elles font valoir que la société Menport ne rapporte pas la preuve de ses investissements consacrés à la création et la promotion de ses modèles;

que s'agissant du gain manqué, elles relèvent que la société Menport ne fournit aucune preuve tangible des marges qu'elle revendique sur ses modèles et que la marge qui doit être retenue est la marge nette et non la marge brute;

considérant que l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer le montant des dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte;

considérant en l'espèce que le premier juge a justement retenu qu'ont été importées 5.040 paires de bottines référencées W8203-13, 5.856 paires de bottines référencées W8211-07, 1.860 paires de bottines référencées W8184-08, que la société Menport a fourni des factures et attestations de son commissaire aux comptes permettant de dégager, pour chacun des modèles contrefaits, une marge brute pour laquelle les sociétés Galec et Siplec ne justifient d'aucune contestation sérieuse, sans fournir d'élément de nature à remettre en cause les montants avancés;

qu'après avoir examiné les éléments produits par la société Menport quant à la marge brute moyenne rapportée à la masse contrefaisante, le premier juge a exactement évalué le gain manqué à la somme de 241.600 euros;

que sur la base de la même masse, des prix d'achat et de vente des modèles contrefaisants à partir des éléments recueillis lors des opérations de saisie-contrefaçon, il s'avère que la vente des quatre modèles contrefaisants a permis de dégager un bénéfice d'environ 196.700 euros;

que de sorte, le premier juge a fait une exacte appréciation du préjudice en condamnant la société Siplec et la société Galec au paiement de la somme de 241.600 euros à laquelle doit être ajoutée la réparation du préjudice subi par la banalisation et la dévalorisation des modèles contrefaits de la société Siplec;

qu'en effet, peu important que les modèles revendiqués n'aient rencontré qu'un faible succès commercial, la vente de modèles contrefaisants au sein d'hypermarchés anéantit la valeur patrimoniale des modèles originaux, exclut désormais que ces modèles puissent être reconduits et génère un préjudice qui a été exactement réparé par le tribunal par l'allocation d'une indemnité de 30.000 euros;

considérant par voie de conséquence, que la décision déférée, qui a alloué à la société Menport la somme de 271.600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, mérite confirmation;

considérant que les mesures d'interdiction, de confiscation afin de destruction, notamment la remise à la société Menport des stocks des modèles contrefaisants, de publication telles qu'ordonnées par le tribunal, seront confirmées, sauf à y ajouter la mention du présent arrêt;

Sur les autres demandes:

Considérant que le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application;

qu'en vertu de ce texte, il y a lieu de faire partiellement droit aux prétentions de la société Menport, au titre de ses frais irrépétibles exposés à l'occasion de ce recours, contre les sociétés Siplec et Galec qui succombent et doivent supporter la charge des dépens;

PAR CES MOTIFS

statuant par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a retenu des actes de concurrence déloyale imputables à la société Siplec et à la société Galec,

L'infirme sur ce point et statuant à nouveau :

Déboute la société Menport de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale,

Y ajoutant,

Dit que la mesure de publication devra faire mention du présent arrêt devenu définitif,

Condamne in solidum la société d'Importation Leclerc 'Siplec' et la société coopérative Groupements d'achat des centres Leclerc 'Galec' à payer à la société Menport la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Rejette toutes autres demandes contraires à la motivation,

Condamne in solidum la société d'Importation Leclerc 'Siplec' et la société coopérative Groupements d'achat des centres Leclerc 'Galec' aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.