CA Aix-en-Provence, ch. 4 et 5, 9 décembre 2021, n° 19/03828
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Adecco France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salvan
Conseillers :
Mme Alvarade, M. Leperchey
FAITS ET PROCEDURE
Mme Sonia M. a été engagée par la SAS ADECCO FRANCE suivant contrat de qualification à compter du 1er janvier 2001, puis suivant plusieurs contrats à durée déterminée. La relation s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2004. Elle occupait le poste de responsable de recrutement niveau 4 coefficient 200 et percevait un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 2899,72 euros pour une durée de travail de 151,67.
Mme M. a été mise à disposition de la société AJILON CALL CENTER SERVICES. Plusieurs avenants et conventions étaient ainsi régularisés entre le 14 février 2016 et le 4 décembre 2016.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du travail temporaire.
La SAS ADECCO FRANCE employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 novembre 2016, Mme M. a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 22 novembre 2016 et par lettre du 5 décembre 2016, adressée sous la même forme, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme M. a saisi la juridiction prud'homale, le 14 novembre 2017, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 12 février 2019, le conseil de prud'hommes de Nice a :
- dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse;
- condamné la société ADECCO FRANCE à payer à Mme Sonia M. la somme de 37.648,93 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société ADECCO FRANCE à payer à Mme Sonia M. la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit ne pas avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire plus de ce qu'elle n'est de droit ;
- débouté Mme Sonia M. du surplus de ses demandes ;
- débouté la société ADECCO FRANCE de sa demande reconventionnelle ;
- condamné la société ADECCO FRANCE aux entiers dépens.
Mme M. a interjeté appel de cette décision. La SAS ADECCO FRANCE a relevé appel incident.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 22 mars 2021, Mme M., appelante, a formulé ses prétentions comme suit :
'1. Déclarer Sonia M. recevable en ses conclusions et bien fondée en ses demandes,
2. Débouter la société ADECCO FRANCE de l'ensemble de ses demandes,
3. Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de NICE le 12 février 2019 en ce qu'il a :
- jugé le licenciement de Sonia M. notifié le 5 décembre 2016 dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société ADECCO FRANCE à verser à Sonia M. les sommes suivantes :
37.648,93 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société ADECCO FRANCE aux entiers dépens ;
- débouté la société ADECCO FRANCE de sa demande reconventionnelle,
4. Infirmer le jugement rendu pour le surplus,
Statuant à nouveau,
5. Condamner la SAS ADECCO FRANCE à payer à Sonia M. les sommes de :
' 32.307,06 €, à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période du 20 octobre 2014 au 8 décembre 2016,
' 3.230,70 € brut au titre des congés payés y afférents,
' 29.566,59 euros, indemnité de congés payés comprise, à titre de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
' 17.398,32 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
' 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail,
' 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles sur le repos hebdomadaire,
' 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail,
' 10.202,12 € à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement, ou à titre subsidiaire la somme de 988,26 €,
' 1.050 € brut, congés payés y afférents inclus, à titre de rappel de prime d'ancienneté pour l'année 2016,
' 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes pour les demandes à caractère salarial et à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire, et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
6. Condamner la SAS ADECCO FRANCE à remettre à Sonia M. un bulletin de salaire, un certificat d travail et une attestation pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 € par jour de retard,
7. Condamner la SAS ADECCO FRANCE en tous les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 21 juin 2019, la SAS ADECCO FRANCE, intimée, demande à la cour de voir :
'- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement de Mme M. en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société ADECCO à verser 37.648,93 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau :
- débouter Mme M. de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ses autres dispositions;
- condamner Mme M. à verser à la société ADECCO la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 août 2021.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail :
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Mme M. observe qu'elle devait normalement effectuer 36h80 par semaine, conformément aux dispositions de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail de la société ADECCO FRANCE, contrairement à son contrat de travail et ses bulletins de paie qui mentionnent une durée de 35 heures et un horaire mensuel de 151h67, considérant qu'il y a lieu de retenir une durée hebdomadaire de travail de 36h80.
Elle précise qu'en dehors des événements particuliers comme l'Euro 2016, elle accomplissait les horaires suivants :
Lundi : 8h-12h / 14h-17h
Mardi : 8h-12h / 14h-17h30
Mercredi : 8h-12h / 14h-17h
Jeudi : 8h-12h / 14h-18h
Vendredi : 8h-12h / 14h-17h18
Elle fait valoir que les conditions de travail au sein de la société ADECCO FRANCE ne lui permettaient pas d'effectuer son travail dans le temps imparti, ce pendant toute la durée d'exécution du contrat de travail,
qu'elle a été contrainte d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires, et seules quelques heures lui ont été payées sous forme de primes intitulées « primes de mission », sans que ne puisse être précisé le montant exact du temps de travail accompli et qu'il n'ait été tenu compte des majorations légales, en contravention avec les lois et règlements applicables,
qu'au cours de l'été 2016, elle a été chargée d'importants événements sur la Côte d'Azur (l'Euro 2016, concert...) qui l'ont conduite, à effectuer encore plus d'heures supplémentaires et à travailler jusqu'à 16 heures par jour,
que la charge de travail était telle que pour mener à bien ses différentes missions, elle devait travailler régulièrement durant ses congés ainsi que les samedis et dimanches, sans pouvoir bénéficier de temps de repos,
Elle sollicite le paiement d'une somme de 32.642,62 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période du 20 octobre 2014 au 8 décembre 2016 (2014 : 1.026,61 euros ; 2015 : 6.363,84 euros ; 2016 : 26.543,73 euros, soit un total de 33.934,18 euros) après déduction des primes de mission versées sous couvert de salaire à hauteur de 1627,12 euros, et produit à l'appui de ses demandes :
- les tableaux détaillés des heures réalisées d'octobre 2014 à décembre 2016, mentionnant journellement ses heures d'arrivée, ses heures de départ et ses pauses déjeuner de 12h à 13h30,
- de nombreux courriels rédigés du 1er mars au 15 novembre 2016, démontrant qu'elle travaillait avant 8h00 et après 18h00 (pièce 5), à titre d'exemple:
le 19 mars 2016, sa journée a débuté à 6h51 par la vérification de l'ensemble des contrats de la rotonde ,
le 21 septembre 2016, elle a travaillé après 22h00, adressant deux courriels à son équipe ainsi qu'à Céline DE P. respectivement à 22h20 et 22h17,
les 24 et 29 mars 2016, elle a rédigé des courriels professionnels à 18h50, 22h14, 22h21, 22h27 et 23h32,
le 30 septembre 2016, elle a envoyé des courriels professionnels à 00h59 et à 1h02 et le lendemain, à 8h12 elle a débuté sa nouvelle journée de travail,
- les SMS d'accréditation qu'elle a envoyés le samedi 26 mars 2016, les 6 et 7 avril 2016, pendant ses RTT, le 16 mai 2016 (jour férié), les samedi 4 et 25 juin 2016 et le dimanche 5 juin 2016,
- les attestations rédigées par des collègues de travail, ainsi :
Mme Jessica J., indique le 13 juin 2017 : « J'atteste également que lors de la préparation de l'Euro, entre février et juin 2016, elle a régulièrement travaillé chez elle en plus et en dehors des heures d'ouverture de l'agence. L'ensemble de l'équipe l'a aidé dans la saisie des dossiers de candidature, étant donné le volume très important de nouvelles inscriptions ['] Pendant cette période, je confirme avec reçu régulièrement des mails en dehors des heures de travail et jusqu'à tard le soir, ainsi que le week-end »,
Mme Sandra S., déclare le 12 juin 2017 : « (Mme M.) ne restait pas à l'agence durant la pause déjeuner de 12h à 13h45 mais travaillait très régulièrement de chez elle le soir et le week-end. J'ai souvent été en copie de mails envoyés aux clients hors des heures de travail...nous avons à plusieurs reprises travaillé le samedi, voire le dimanche et très souvent nous dépassions nos horaires la semaine »,
Mme F. et M. M. attestent de sa présence continue lors de l'Euro 2016, déclarant que :
- le 12 juin 2016, elle a commencé sa journée à 8h00 à l'agence, puis s'est rendue à 10h30 au stade de Nice et l'a terminée aux alentours de minuit,
- les 17, 22 et 27 juin 2016, elle a débuté sa journée à 8h00, puis s'est rendue au stade pour terminer sa journée à minuit,
- les comptes-rendus d'entretien annuel relevant son investissement au travail.
L'employeur rétorque qu'aucune des attestations établies par les anciens collègues de travail de la salariée ne contient d'indication sur les jours de travail concernés, se bornant à affirmer de manière générale qu'elle travaillait en dehors de l'agence,
que les tableaux qu'elle a reconstitués, qui ne sont accompagnés d'aucun justificatif précis, comme une fiche temps ou un relevé d'heures devront être rejetés pour être insuffisants au regard de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation,
que les copies de courriels produites ne permettent pas d'établir le fait qu'elle répondait directement à ses sollicitations ou aux clients,
que les SMS reçus de Mme DE P. ont été envoyés pendant les heures de travail ou ne comportent aucune sollicitation directe pour effectuer une quelconque tâche, certains l'enjoignant au contraire d'arrêter de travailler en dehors de ses horaires et de sa propre initiative,
que Mme M. ne peut prétendre qu'elle a effectué des heures supplémentaires non réglées en 2016 pour préparer l'Euro 2016 alors qu'elle a travaillé pour le compte de la société AJILON dans le cadre de conventions de mise à disposition et d'avenants à son contrat de travail, comprenant tous un article 3 énonçant que « pendant la durée de la mise à disposition, le collaborateur sera soumis aux dispositions relatives à l'aménagement du temps de travail et aux horaires de l'entreprise utilisatrice », ces avenants et conventions étant accompagnés de feuilles d'émargement signées par Mme M., qu'elle n'a jamais contestées,
que les primes qu'elle a perçues ne correspondent pas au paiement de prétendues heures supplémentaires, mais à la rémunération des missions qu'elle a acceptées d'effectuer au sein de la société AJILON,
qu'elle réclame le paiement d'heures qu'elle n'a jamais réalisées, qu'ainsi le 12 juin 2016, elle a commencé sa journée à 8h30 pour la terminer à 19h30, alors qu'elle soutient avoir travaillé de 8h à minuit,
qu'elle ne pourra qu'être déboutée de ses demandes.
Les éléments produits par la salariée sont toutefois suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir effectuées afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, aux fins d'établir les heures effectivement accomplies.
Compte tenu de l'ampleur des missions confiées à la salariée en particulier en 2016, l'employeur ne pouvait ignorer que la prestation de travail ne pouvait être effectuée pendant les horaires de travail impartis, alors qu'il ne manquait pas de relever, lors des entretiens individuels qu'« elle ne comptait pas son temps de présence », ou qu'elle exerçait une « activité soutenue sans relâche tout au long de l'année ».
Il n'est pas fondé à rejeter toute valeur probante aux copies de courriels versées au dossier, dès lors que la salariée produit des tableaux détaillés de ses heures, corroborés par les attestations de collègues de travail et qu'elle justifie avoir consacré de nombreuses heures à la préparation d'événements importants, sans qu'il ne puisse être objecté qu'elle officiait dans le cadre de la mise à disposition de la société AJILON pour des missions d'une journée et qu'elle était rémunérée par l'entreprise utilisatrice, ni apporter la contradiction par la production de quelques relevés d'émargement, alors qu'il n'est pas en mesure de discuter utilement les horaires que la salariée indique avoir effectués, notamment les 17, 22 et 27 juin 2016.
Toutefois, il n'est pas établi que les primes perçues par la salariée correspondaient au paiement d'heures supplémentaires, l'examen de ses bulletins de salaire démontrant qu'elle a perçu des primes de mission AJILON, précisément aux périodes de mise à disposition.
La somme de 33.934,18 euros, telle que calculée au décompte de la salariée est justifiée dans son principe, mais sera limitée au montant de sa demande, soit 32.642,62 euros. Il lui sera octroyé ladite somme, outre les congés payés y afférents.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Les dispositions des articles L3121-11 et D 3121-14 du code du travail, auxquels fait référence la convention collective, énoncent que toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos, le contingent annuel d'heures supplémentaires étant fixé à 220 heures par salarié.
L'article 18-IV de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 précise qu'au-delà du quota annuel, toute heure supplémentaire réalisée ouvre droit à un repos compensateur de 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.
En application de ses dispositions, la salariée est fondée à réclamer l'équivalent en salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos dont elle n'a pu bénéficier, sur la base des heures travaillées dépassant le contingent annuel de 220 heures, pour un total de 29.566,59 euros, congés payés inclus.
Sur la demande au titre du travail dissimulé :
Il résulte des dispositions de l'article L 8223-1 du code du travail que le salarié dont l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-1 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Mme M. fait valoir que l'employeur avait parfaitement connaissance de la charge de travail qu'il lui imposait pour en être à l'initiative,
que l'intention de dissimuler les heures de travail est caractérisée par le fait que toutes les demandes de paiement des heures supplémentaires qu'elle a formulées oralement sont restées sans suite, mais également par le versement par l'employeur de «primes de mission » en règlement de certaines heures supplémentaires qu'elle a effectuées, l'employeur ne pouvant ignorer les conséquences en termes de valorisation du travail, pratique utilisée sur toute la durée travaillée.
Il n'est toutefois pas démontré que l'employeur a sciemment fait travailler la salariée au-delà de la durée légale du travail sans la rémunérer de l'intégralité de ses heures, ou qu'il a sciemment omis de déclarer les heures supplémentaires effectuées, alors que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de salaire, n'étant pas par ailleurs établi que les primes lui ont été versées en rémunération d'heures supplémentaires et qu'elles ne correspondaient pas aux missions réalisées dans le cadre de sa mise à disposition, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande d'indemnité.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail et le manquement à l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. ». Sur le fondement de ces dispositions, l'employeur peut être sanctionné en raison de graves manquements à ses obligations.
En application de l'article L 4121-1 précité, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Mme M. fait grief à la SAS ADECCO FRANCE d'avoir violé les dispositions relatives au repos journalier et au dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail.
Elle précise que la convention collective prévoit un repos hebdomadaire de 2 jours par semaine, invoquant en outre les termes de l'article L. 3132-1 du code du travail interdisant de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine et de l'article L.3131-1 du même code qui prévoit que : « Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ».
Mme M. indique qu'elle n'a pas bénéficié du temps de repos légal de 11 heures entre deux jours de travail, notamment, durant l'Euro 2016, pour avoir terminé sa journée de travail à plusieurs reprises vers minuit et repris son poste le lendemain à 8h00, ne cumulant donc que 9 heures de repos, qu'elle a subi un préjudice qu'elle évalue à 5000 euros dès lors qu'elle a présenté un état extrême de fatigue et une tension permanente, ce dont elle avait alerté son employeur (SMS du 10 février et du 8 juin 2016).
Elle ajoute que quant au dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail, l'article L. 3121-20 du code du travail dispose que la durée hebdomadaire de travail calculée au cours d'une même semaine ne peut dépasser quarante-huit heures, l'article L. 3121-18 du code du travail énonce que la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dans des cas déterminés, et l'article L. 3121-19 du code du travail prévoit : « Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures ».
Elle soutient que tout au long de l'exécution de son contrat de travail et surtout durant l'été 2016, elle n'a pas ménagé ses efforts, travaillant jusqu'à '17' heures d'affilée pendant l'Euro 2016, qu'elle a subi un préjudice du fait de ces dépassements, se traduisant par un état de fatigue extrême et une tension permanente atteignantsur son environnement familial. Elle sollicite un somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.
Au regard des fréquents dépassements constatés en particulier entre avril et juillet 2016, il sera alloué à Mme M. les sommes de 1000 euros en réparation de son préjudice au titre du non-respect du repos journalier et de 1000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail.
Sur le rappel au titre de l'indemnité légale de licenciement
Les indemnités doivent être calculées en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail.
La part du rappel de salaire pour heures supplémentaires réalisées, correspondant à la période de référence doit donc être intégrée dans la base de calcul du salaire moyen, la rémunération à prendre en compte se fixant à la somme brute de 5.111,70 euros au lieu de 2788,81 euros.
Compte tenu de son ancienneté, 16 ans et 1 mois, à la date du licenciement, Mme M. indique qu'elle est fondée à réclamer une somme de 20.446,80 euros, qu'ayant perçu la somme de 10.244,68 euros, la SAS ADECCO FRANCE reste lui devoir une somme de 10.202,12 euros.
La somme en cause, justifiée, et non utilement contestée lui sera accordée.
Sur le rappel au titre de la prime d'ancienneté
Mme M. fait valoir que conformément au programme de fidélité de la société ADECCO FRANCE, il est prévu le versement d'une prime forfaitaire annuelle de fidélité (anciennement dénommée prime jubilé), au mois de juin, qu'elle que soit la date anniversaire du collaborateur, sous réserve que ce dernier ne soit pas en instance de départ au 30 juin; qu'elle a bénéficié de cette prime pour ses 5 et 10 ans d'ancienneté, ayant reçu 150 € de chèques cadeaux pour ses 5 ans et 650 € en chèques cadeaux, pour ses 10 ans, qu'ayant acquis 15 ans d'ancienneté au 1er janvier 2017, elle aurait dû percevoir au mois de janvier 2017 une prime de 1050 €, alors qu'elle faisait partie des effectifs au 1er janvier 2017, qu'il ne peut lui être opposé qu'elle était en instance de départ à la suite de son licenciement, ce qui s'analyse en une condition supplémentaire non prévue dans le programme de fidélité de la société.
La SAS ADECCO FRANCE répond que ce programme qui ne couvre que l'année 2010, n'a jamais été renouvelé ni contractualisé.
Il est cependant produit au dossier une mouture actualisée du programme de fidélité ADECCO, dans le but de rendre la prime de fidélité plus visible et plus simple et prévoyant, notamment, que « la prime est versée en juin pour tous quelque soit la date anniversaire du collaborateur, sous réserve d'être présent et de ne pas être en instance de départ au 30 juin. »
Si Mme M. était présente au 1er janvier 2017, à la date anniversaire de son embauche, ce n'était plus le cas au 30 juin 2017, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier son droit à la prime de fidélité, de sorte que sa demande sera rejetée.
* * *
Les manquements au titre du temps de travail sont caractérisés, l'employeur étant tenu de respecter les dispositions en vigueur régissant les horaires et le temps de travail en vertu de son obligation de sécurité, dont il doit assurer l'effectivité. Pour autant, l'exécution déloyale du contrat de travail n'est pas caractérisée au cas d'espèce, la cour relevant que s'il est sollicité des dommages et intérêts de ce chef, à hauteur de 5000 euros, aucune somme n'est sollicitée au titre du non-respect de l'obligation spécifique de sécurité.
Sur le licenciement :
Aux termes de l'article L1235-1 du code du travail le juge a pour mission d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.
Selon l'article L1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.
Les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement et si un doute subsiste, il doit profiter au salarié.
La lettre de licenciement en date du 5 décembre 2016 est ainsi motivée:
'Nous faisons suite à l'entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 22 novembre 2016, auquel vous avez été régulièrement convoquée par courrier et au cours duquel vous étiez assistée de Monsieur Laurent W..
Les explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien, en réponse aux griefs qui vous ont été exposés, ne nous permettent cependant pas de modifier notre appréciation des faits reprochés.
Par la présente, nous vous notifions ainsi votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Cette décision trouve sa motivation en les faits suivants :
Vous avez été engagée par la société Adecco France, le 01 janvier 2001, et exercez aujourd'hui les fonctions de Responsable de Recrutement au sein de l'agence de Nice.
A ce titre, vos principales missions consistent à mettre à l'emploi des candidats, assurer la continuité des missions tout en respectant les règles de l'entreprise dans la délégation et rédiger les contrats de mission et de mise à disposition dans le respect des dispositions légales.
Or, force est de constater que, sur ce dernier point, ce n'est pas le cas. Pire encore, vous vous permettez de prendre des décisions engageant la responsabilité pénale de votre directrice d'agence et ce sans l'en informer.
Ainsi, à titre d'exemple, Mme L. P. a été mise à la disposition de la société Compass du 16 au 30 août 2016. Les contrats de mission et de mise à disposition ont été rédigés avec retard pour encadrer cette mise à disposition par Julia B., stagiaire au sein de l'agence. Selon cette dernière, vous lui avez indiqué que le contrat était faux.
Vous avez pris le parti de taire cette erreur (qui n'en était pas une) auprès de votre directrice et avez décidé, pour une raison que nous ignorons, de refaire ce contrat mais sur la période du 16 octobre au 31 octobre 2016 (période différente de la période d'activité réelle et décalée de 2 mois dans le temps, avec une amplitude de dates identique).
Au-delà du fait que Julia B. était strictement interdite de faire des contrats et en qualité de tutrice, il vous appartenait de vérifier si elle respectait cette interdiction, vous avez pris délibérément la décision de faire un contrat à une salariée intérimaire au mois d'octobre alors qu'elle a travaillé au mois d'août.
Il ne s'agit pas d'un cas isolé puisque nous nous sommes également aperçus que vous avez rédigé un contrat de mission et de mise à disposition concernant la mise à disposition de Mme L., du 15 au 16 septembre 2016 alors que cette dernière a réellement travaillé du 14 au 15 août 2016 pour le client CAMAIEU!
Lors de notre entretien préalable, vous avez nié avoir fait ces contrats en prétextant qu'ils avaient dû être réalisés par une tierce personne. Vos collègues auraient, selon vous indiqué dans la rubrique « délégué par '' votre nom. Or cet argument n'est pas recevable informatiquement et ce pour les 2 contrats réalisés hors délai.
Vous n'êtes pas censée ignorer que vos décisions, au-delà des risques civils et pénaux qu'elles génèrent sont sources d'insécurité juridique au niveau de la paie et de la facturation.
Vos agissements mettent en péril l'image et la qualité de service de notre société attendues par nos clients.
Ces événements ne sont pas isolés puisque votre manager vous a déjà alerté, dans le cadre de votre plan d'action individuel sur le nombre important de contrats et de Déclaration Préalable à l'Embauche réalisés en retard. Elle vous a demandé d'être alertée en cas de difficulté.
Manifestement, ces alertes n'ont pas eu le résultat attendu sur votre comportement professionnel et vous persistez à ne pas tenir (pas) compte de ses consignes.
Par ailleurs, vous vous étiez engagée, en qualité de tuteur, à la formation de votre stagiaire, Julia B.. Force est de constater que cela n'est pas le cas, encore une fois. Vous n'avez pas assuré votre rôle de maître de stage et avez eu un comportement désobligeant à son égard. La société Adecco France s'engage auprès de l'emploi des jeunes. Nous avons une obligation morale et professionnelle vis-à-vis des étudiants que nous accueillons. Votre attitude est en totale décalage avec les valeurs de notre société.
L'ensemble de ces faits, erreurs, mensonges ne peuvent pas être acceptés. C'est la raison pour laquelle nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour non-respect de vos obligations contractuelles et professionnelles.(...)'
Il est ainsi reproché à la salariée :
- de ne pas avoir respecté ses obligations en termes de rédaction des contrats de mission et de mise à disposition, en matière de formation et d'avoir en outre eu un comportement désobligeant à l'égard de la stagiaire qu'elle avait la charge de former.
Sur le non-respect des règles en matière de rédaction des contrats de mission et de mise à disposition engageant la responsabilité pénale de la directrice d'agence.
- Concernant la mise à disposition de Mme LOPES P., salarié intérimaire
Il est reproché à Mme M. d'avoir laissé à Mme B., stagiaire, le soin de rédiger des contrats de mission et de mise à disposition, notamment celui de Mme LOPES P. du 16 au 30 août 2016 et d'en avoir rédigé de nouveaux pour corriger cette erreur, à des dates ne correspondant pas à la réalité de la période travaillée de cette salariée (du 16 au 31 octobre 2016), alors que la directrice d'agence, Mme DE P. avait déjà attiré son attention sur le fait que les stagiaires, qui ne disposaient pas d'habilitation, ne pouvaient rédiger de tels contrats et qu'il lui incombait de vérifier qu'elle respectait cette interdiction.
- Concernant la mise à disposition de Mme L., il est reproché à Mme M. d'avoir rédigé des contrats de mission et de mise à disposition du 15 au 16 septembre 2016, alors que la salariée intérimaire a travaillé du 14 au 15 août 2016.
Sur le non-respect des obligations en matière de formation de Mme B. et le comportement désobligeant à son égard.
La SAS ADECCO FRANCE fait valoir que Mme M. prenait régulièrement en charge la formation de stagiaires au sein de l'agence sans avoir jamais émis une quelconque contestation,
qu'en sa qualité de responsable, elle était tenue d'assurer la formation des stagiaires qui lui étaient confiées.
Elle produit à l'appui des griefs invoqués :
- la lettre du 16 décembre 2016 adressée par M. W. qui a assisté la salariée lors de l'entretien préalable,
- la déclaration préalable à l'embauche de Mme L. effectuée le 15 septembre 2016 à 13H,
- le compte-rendu d'entretien annuel 2014/2015, établi le 7 janvier 2015,
mentionnant au titre des 'relations avec les équipes - Points à développer : ('). Meilleure prise en charge mais à améliorer avec les stagiaires tout au long de leur stage, m'assurer qu'elles comprennent bien ce que je leur demande voir reformuler pour éviter les impairs» et en conclusion, au titre du 'bilan -axes d'amélioration pour l'année à venir : ...Il me semble nécessaire que Sonia travaille encore plus sur la transmission de son savoir auprès des autres collaborateurs et stagiaires en intégrant de la pédagogie dans son mode de communication'.
Sur le premier ensemble de griefs
Mme M. conteste les faits qui lui sont reprochés, ses contestations ayant été reprises dans un courrier circonstancié adressé à l'employeur postérieurement à son licenciement par lettre du 22 février 2017, et indique qu'elle a en réalité été licenciée pour avoir réclamé le paiement d'heures supplémentaires qu'elle a effectuées en 2016.
Elle fait valoir s'agissant de Mme LOPEZ P., que le client, la société COMPASS a fait part tardivement le 16 septembre 2016 de sa demande de réalisation d'un contrat d'intérim pour la période du 16 au 30 août 2016, qu'elle en a informé sa direction par courriel du 19 septembre 2016 qui lui a répondu que la demande avait été traitée par Mme Sandra P., ce qui est confirmé par l'envoi le 4 octobre 1016 par cette dernière d'un courriel au client.
Elle produit à l'appui de ses contestations :
- le courriel du 19 septembre 2016 adressé à Mme DE P.,
- le courriel en réponse de sa direction en date du 20 septembre 2016 lui indiquant que Mme P. avait déjà traité la demande,
- le courriel adressé le 4 octobre 2016 au client par Mme P. lui réclamant notamment la demande de régularisation concernant Mme L. sur le site de la colline Cojasor.
La cour relève à l'examen des pièces produites par la salariée et en particulier des courriels échangés avec la société COMPASS, dont il n'est pas permis de douter de leur objet, dès lors qu'il y est mentionné 'Cojasor La colline - L. P. Jessica août', qu'à la suite d'une demande formulée avec retard par le client, une régularisation a été opérée par la SAS ADECCO FRANCE, Mme DE P. en ayant été préalablement avisée par la salariée par courriel du 19 septembre 2016 'que faisons-nous pour ce contrat' et qu'en tout état de cause, la salariée n'a pas traité ladite demande qui a été suivie par Mme Sandra P. (courriel du 4 octobre 2016), ce dont sa directrice était parfaitement informée (son courriel du 20 septembre 2016).
Il n'est par ailleurs pas discuté que Mme B. a rédigé le contrat de mission, alors qu'elle n'était pas habilitée à le faire. Il n'est cependant pas démontré que la salariée, en sa qualité de tutrice, chargée de formation, devait en assumer la responsabilité, au lieu et place de la directrice d'agence, qui a reconnu avoir constaté que Mme B. rédigeait des contrats, y compris après lui avoir interdit cette tâche pendant le restant de son stage, ainsi que cela résulte du compte-rendu d'entretien préalable au licenciement du 22 novembre 2016.
S'agissant de Mme L., elle indique que s'il lui est arrivé d'établir des contrats avec retard, elle a toujours obtenu l'assentiment préalable de sa direction, ce qu'a reconnu Mme DE P. lors de l'entretien préalable, qu'elle n'a jamais antidaté de contrats, qu'elle n'a pu établir la déclaration préalable à l'embauche qui a été validée le 15 septembre 2016 à 13 heures, alors qu'elle n'est jamais présente à l'agence durant la pause déjeuner, puisqu'elle doit récupérer sa fille au collège,
qu'en outre le retard dans l'établissement du contrat est imputable au client en ce qu'il a transmis la demande le 16 août 2016, alors qu'elle était en congé sur cette période,
que par ailleurs, elle avait alerté à plusieurs reprises Mme DE P. sur le fait que des contrats avaient été rédigés par des collègues qui ont apposé son nom sans qu'elle en soit l'auteur, alors que ce problème devait être évoqué lors d'une réunion et a été rappelé lors de l'entretien préalable,
que contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement, le plan d'action individuel intervenu au mois d'avril 2016 aux termes duquel son attention aurait été attirée sur le nombre important de contrats et de déclarations préalables à l'embauche réalisés en retard, ne mentionne aucun élément à ce sujet,
que toutefois si elle a bien été alertée sur des retards dans les déclarations préalables à l'embauche, elle s'en est expliquée oralement faisant part à sa supérieure hiérarchique d'une surcharge de travail,
que du reste, ces alertes étaient adressées à l'ensemble du personnel de l'agence et ne la visait pas en particulier.
Elle produit :
- le compte-rendu d'entretien préalable établi le 3 décembre 2016,
- les attestations de salariés qui déclarent qu''elle ne restait jamais à l'agence lors de sa pause déjeuner entre 12 heures et 13h45 ' (Mme J., Mme F....),
- le plan d'action individuel au titre de 2016,
- les courriels du 8 novembre, 22 septembre, 3 et 14 octobre 2016, concernant des retards récurrents dans les déclarations préalables à l'embauche visant plusieurs membres du personnel.
La cour considère, au regard des circonstances décrites par la salariée, que ces faits ne peuvent raisonnablement lui être imputés alors que plusieurs salariés ont déclaré qu'elle n'était jamais présente à l'heure à laquelle la déclaration préalable à l'embauche a été éditée, le directeur de zone, M. P., reconnaissant à l'issue de l'entretien préalable 'une absence évidente de preuve', ce dont il résulte qu'il subsiste un doute qui doit profiter à la salariée.
Sur le second grief
Mme M. fait valoir que la formation de stagiaires ne constitue pas une obligation contractuelle et professionnelle entrant dans le champ de ses missions,
qu'elle a cependant tout mis en œuvre aux fins d'assurer sa formation de Mme B.,
que cependant elle a dû faire face a une surcharge de travail liée à la préparation de l'EURO 2016 dans le cadre de la mise à disposition au sein de la société AJILON, ce dont était conscient l'employeur.
La cour observe que l'obligation de formation ne figure pas au titre des obligations contractuelles mais relève de la responsabilité de chacun de former les nouveaux arrivants. La salariée ne conteste toutefois pas sérieusement avoir été défaillante dans la tâche qui lui avait été confiée de former Mme B., expliquant sa carence par un surcroît de travail.
Ce seul grief ne peut toutefois justifier un licenciement.
En considération de l'ensemble de ces éléments, il conviendra de dire que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de confirmer le jugement critiqué.
Sur les conséquences du licenciement:
Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme M. comptait au moins deux années d'ancienneté et la SAS ADECCO FRANCE employait habituellement au moins onze salariés.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme M. peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l'espèce un salaire de 5111,70 euros.
En raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement, comme étant née en 1974, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, du fait qu'elle a retrouvé un emploi le 7 février 2017, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi en lui allouant la somme de 37.648,93 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont la confirmation est sollicitée.
Sur les intérêts:
Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 37.648,93 euros et du présent arrêt pour le surplus.
Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2, du code civil.
Sur les autres demandes:
La cour ordonnera à la SAS ADECCO FRANCE de remettre à Mme M. les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais non-répétibles:
La SAS ADECCO FRANCE qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à Mme M. une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :
dit que le licenciement de Mme Sonia M. était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
alloué à Mme Sonia M. une somme de 37.648,93 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
rejeté les demandes de Mme Sonia M. au titre du rappel de prime d'ancienneté, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SAS ADECCO FRANCE à payer à Mme Sonia M. les sommes suivantes :
32.642,62 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires,
3264,26 euros au titre des congés payés y afférents,
29.566,59 euros, congés payés inclus, au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
1000 euros au titre du non-respect du repos journalier,
1000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail,
10.202,12 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,
Ordonne à la SAS ADECCO FRANCE de remettre à Mme Sonia M. un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 37.648,93 euros et du présent arrêt pour le surplus,
Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil,
Y ajoutant,
Condamne la SAS ADECCO FRANCE à payer à Mme Sonia M. une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS ADECCO FRANCE aux dépens d'appel,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.