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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. c, 15 juin 2017, n° 16/21482

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Leopard (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ponsot

Conseillers :

Mme Cesaro-Pautrot, Mme Cesaro-Pautrot

T. com. Cannes, du 13 juin 2013

13 juin 2013

Vu le jugement contradictoire du tribunal de commerce de Cannes du 13 juin 2013

, ayant, notamment, débouté M. M. de ses demandes aux motifs qu'il ne démontrait pas que l'

affectio societatis n'existait pas au moment de la signature du contrat de société ;

Vu la déclaration du 11 juillet 2013, par laquelle M. Thibaut M. a relevé appel de cette décision ;

Vu l'arrêt de défaut du 11 juin 2015, par lequel la cour a :

- infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- prononcé l'annulation de la société SAS Leo-Pard, immatriculée au RCS de Cannes sous le

n°750.663.650,

- ordonné la liquidation de la société Leo-Pard,

- désigné M. Thibaud M. en qualité de liquidateur,

- condamné M. Alexandre S. à payer à M. Thibaud M. ès qualités de liquidateur de la SAS Leo-Pard la somme de 26771,21 euros,

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- dit que la totalité du boni de liquidation sera attribuée à M. Thibaud M.,

- condamné M. Alexandre S. à payer à M. Thibaud M. la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. Alexandre S. aux entiers dépens dont distraction ;

Vu l'opposition reçue le 11 juin 2015 et les conclusions déposées le 28 septembre 2015 aux termes de laquelle M. Alexandre S. et la SAS Leo-pard demandent à la cour de :

- leur donner acte de leur opposition,

- de la déclarer recevable et bien fondée, et, y faisant droit,

- rétracter l'arrêt rendu le 11 juin 2015 en toutes ses dispositions, par application des articles 571 et 572 du code de procédure civile,

- le déclarer nul et de nul effet,

- confirmer en conséquence le jugement rendu le 13 juin 2013 par le tribunal de commerce de Cannes en ce qu'il a débouté M. M. de ses demandes,

- condamner M. M. au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'arrêt de la cour du 15 septembre 2016 ayant prononcé la radiation de l'affaire pour défaut de diligence de l'opposant ;

Vu la requête en réinscription au rôle et fixation reçue au greffe le 21 octobre 2016 et les conclusions notifiées le 11 avril 2017, aux termes desquelles M. Thibaud M. demande à la cour de :

- réinscrire l'affaire au rôle de la cour,

- le recevoir en son action et la dire bien fondée,

- débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, et, confirmant l'arrêt rendu en toutes ses dispositions,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- prononcer l'annulation de la SAS Leo-Pard, immatriculée au RCS de Cannes sous le n°750.663.650,

- ordonner la liquidation de la société Leo-Pard,

- désigner M. Thibaud M. en qualité de liquidateur,

- condamner M. Alexandre S. à lui payer ès qualités de liquidateur de la SAS Leo-Pard la somme de 26.771,21 euros,

- dire n'y avoir lieu à astreinte,

- dire que la totalité du boni de liquidation sera attribuée à M. Thibaud M.,

- condamner M. Alexandre S. à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- y ajoutant, condamner M. S. au paiement de la somme de 2.000 euros, motif pris du caractère abusif de son opposition,

- condamner M. Alexandre S. aux entiers dépens dont distraction ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que MM. Thibaud M. et Alexandre S. ont signé le 27 mars 2012 les statuts de la société Leo-Pard, société par actions simplifiée dont l'objet social est la conciergerie de luxe et les prestations de services ;

Que la société ainsi créée a été immatriculée au RCS le 11 avril 2012, M. S. étant nommé aux fonctions de président et M. M. à celles de directeur général ;

Que par courrier du 17 juillet 2012, M. M. a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse contre M. S. pour abus de bien social et abus de confiance ;

Que par acte en date du 3 octobre 2012, M M. a saisi le tribunal de commerce de Cannes d'une demande de résolution judiciaire de la société, sollicitant en outre sa désignation afin d'effectuer toutes démarches à l'effet de dissoudre et liquider la société, l'attribution du bonus de liquidation , la condamnation sous astreinte de M. S. à rembourser la somme de 32 450 euros, et l'allocation de dommages et intérêts ;

Que par jugement contradictoire du 13 juin 2013, le tribunal de commerce de Cannes a débouté M. M. de ses demandes aux motifs qu'il ne démontrait pas que l'affectio societatis n'existait pas au moment de la signature du contrat de société ;

Que le 11 juillet 2013, M. M. a relevé appel de cette décision ;

Que par arrêt avant dire droit en date du 30 octobre 2014, la cour a invité M. Thibaud M. à faire signifier à la société Léo-Pard la déclaration d'appel, dans le délai d'un mois de la notification par le greffe de cette décision ;

Que par arrêt de défaut du 11 juin 2015, la cour, infirmant le jugement en toutes ses dispositions, a notamment prononcé l'annulation de la société pour défaut d'affectio societatis dès la constitution de la société, ordonné la liquidation de la société et désigné M. Thibaud M. en qualité de liquidateur, et condamné M. Alexandre S. à payer à M. Thibaud M. ès qualité de liquidateur de la SAS Leo-Pard la somme de 26771,21 euros ;

Attendu que le 11 juin 2015 M. S. et la SAS Leo-pard ont formé opposition à cette décision ;

Que l'affaire ayant été fixée une première fois à l'audience du 17 février 2016, le conseil de M. S. a sollicité et obtenu le renvoi de l'affaire à l'audience du 1er juin 2016, au motif que son client était incarcéré et que l'avocat plaidant rencontrait de ce fait des difficultés pour constituer son dossier et répliquer aux écritures notifiées pour le compte de M. M. ;

Que par courrier du 30 mai 2016, le conseil de M. S. a sollicité un nouveau renvoi, précisant que son client avait quitté la maison d'arrêt mais rencontrait des difficultés pour obtenir la communication de son dossier par son ancien conseil ;

Qu'en l'absence de toute diligence de l'opposant depuis sa saisine, la cour a, par arrêt du 15 septembre 2016 prononcé la radiation de l'affaire en application des dispositions de l'article 381 du code de procédure civile ;

Que M. M. en a sollicité le rétablissement le 21 octobre 2016 et a notifié de nouvelles conclusions le 11 avril 2017 ;

Que les opposants n'ont pas repris de nouvelles écritures depuis leur demande d'enrôlement reçue le 25 septembre 2015 ;

Attendu qu'au soutien de son appel, M. M., invoque principalement l'absence d'affectio societatis dès la constitution de la société, et précise qu'il en résulte la nullité du contrat de société en application des articles 1832 et 1844-7 du code civil ;

Qu'il invoque également la disparition de l'affectio societatis du fait de l'inexécution par M. S. de ses obligations et une mésentente entre associés entraînant la paralysie de la société ;

Qu'aux termes de leurs uniques conclusions devant la cour, notifiées le 28 septembre 2015, M. S. et la SAS Leo-Pard, contestent le fait que M. S. n'aurait pas effectué le moindre apport et n'aurait réalisé aucune affaire, et qu'il aurait créé la société Leo-Pard dans le seul dessein d'obtenir de la trésorerie pour ses besoins personnels ; que M. S. entend démontrer qu'aucun détournement de fond n'a eu lieu au préjudice de la société et de M. M. ;

Attendu qu'il résulte des articles 235-1 du code de commerce et 1844-10 du code civil que la nullité d'une société par actions peut être poursuivie pour violation des dispositions de l'article 1832 du code civil, aux termes duquel 'la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur

industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter (...) Les associés s'engagent à contribuer aux pertes' ; que la preuve de l'absence d'affectio societatis peut être rapportée par tous moyens, et il peut être tenu compte de comportements significatifs postérieurs à la conclusion du contrat ;

Attendu qu'en l'espèce, M. M. démontre en premier lieu, par la production de ses relevés de compte bancaire et de ceux de la société, avoir lui-même libéré la totalité du capital social en réglant, outre sa propre part de 2.450 euros par chèque encaissé le 23 mars 2012, la somme de 2.550 euros correspondant à la part de M. S. par chèque encaissé le 26 mars 2012 ;

Que ces mêmes pièces établissent également que M. M. a, seul, alimenté le compte courant de la société par un chèque de banque de 20.000 euros encaissé le 17 mars 2012 et un virement de 10.000 euros en date du 20 avril 2012 ;

Que les relevés de compte de la société pour la période du 22 mars au 30 juin 2012 ne font apparaître aucune autre opération créditrice, donc aucun versement de M. S., cette absence d'encaissement confirmant en outre l'absence de toute affaire réalisée par la société ;

Que le solde du compte courant de la société, d'un montant de 35.000 euros au 20 avril 2012, a été ramené à 8.228,79 euros au 30 juin 2012 et fait ainsi apparaître de nombreuses opérations débitrices pour un montant total de 26.771,21 euros en trois mois, dont 17.310 euros correspondent à des virements à destination du compte de M. S., alors qu'aucune rémunération du président n'avait été fixée, et le reste à des utilisations de la carte bancaire dont M. S. avait la disposition en sa qualité de président ;

Que le libellé des opérations fait apparaître que M. S. a utilisé la carte bancaire pour effectuer des retraits d'espèces au distributeur automatique de billets et pour régler quotidiennement de très nombreuses dépenses telles que notes de bars, restaurants, boîtes de nuit, hôtels, billets d'avion, péage, essence, achats sur Internet, achats de vêtements de marques...sans rapport apparent avec l'objet social ;

Qu'il s'évince de ces éléments que M. S., qui n'a pas effectué le moindre apport et n'a réalisé aucune affaire, et qu'il a créé la société Léo-Pard dans le seul dessein d'obtenir de la trésorerie pour ses besoins personnels ;

Que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ces circonstances permettent d'établir un défaut d'affectio societatis dès la constitution de la société, justifiant que soit prononcée l'annulation du contrat de société, le jugement déféré étant, en conséquence, infirmé ;

Qu'en application des dispositions des articles L235-10 et L237-20, il y lieu d'ordonner la liquidation de la société et de désigner un liquidateur, en la personne de M. M. ;

Que M. S., qui a débité le compte de la société d'une somme totale de 26.771,21 euros à des fins étrangères à l'intérêt social sera condamné au remboursement de cette somme ;

Que M. M. justifiant avoir lui-même avancé sur ses deniers personnels la totalité des apports, sa demande tendant à l'attribution de la totalité du boni de liquidation sera accueillie ;

Que le détournement, par M. S. à son profit personnel, des fonds apportés par M. M., et l'anéantissement du projet professionnel constitué par la création et le développement de cette société, ont occasionné à ce dernier un préjudice qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Que l'opposition formée par M. S., qui n'a soumis aucun moyen de fond à la cour et a, ensuite, suscité le report de l'examen de l'affaire sans daigner reprendre de nouvelles écritures après qu'il a recouvré la possibilité d'assurer sa défense, apparaît abusive et justifie l'allocation d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Que M. S., qui succombe, sera condamné aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE recevable l'opposition formée par M. Alexandre S. ;

MET à néant l'arrêt rendu par la cour le 15 juin 2015 ;

INFIRME le jugement rendu le 13 juin 2013 par le tribunal de commerce de Cannes ;

STATUANT à nouveau,

- PRONONCE l'annulation de la société SAS Leo-Pard, immatriculée au RCS de Cannes sous le n°750.663.650 ;

- ORDONNE la liquidation de la société Leo-Pard ;

- DÉSIGNE M. Thibaud M. en qualité de liquidateur ;

- CONDAMNE M. Alexandre S. à payer à M. Thibaud M. ès qualités de liquidateur de la SAS Leo-Pard la somme de 26.771,21 euros ;

- DIT que la totalité du boni de liquidation sera attribuée à M. Thibaud M. ;

- CONDAMNE M. Alexandre S. à payer à M. Thibaud M. le somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Y AJOUTANT

- CONDAMNE M. Alexandre S. à payer à M. Thibaud M. le somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère abusif de l'opposition ;

CONDAMNE M. Alexandre S. à payer à M. Thibaud M. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande des parties,

CONDAMNE M. Alexandre S. aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.