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Décisions

Cass. com., 23 février 1988, n° 86-13.309

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Hatoux

Avocat général :

M. Cochard

Avocats :

SCP Peignot et Garreau, SCP Boré et Xavier

Aix-en-Provence, du 10 janv. 1986

10 janvier 1986

Attendu, selon l'arrêt déféré et les pièces produites, que l'administration des Douanes italienne a émis, le 28 février 1980, un acte intitulé " Ingiunzione " pour obtenir paiement par la société de droit français Caillaud et Cie, transitaire et commissionnaire en douanes, de prélèvements communautaires et de pénalités estimés dus à l'occasion de l'importation en Italie de marchandises originaires de pays tiers, au moyen de faux documents destinés à justifier un transit interne qui avaient, au cours du transport, été substitués aux documents exactement établis lors de la déclaration souscrite à Anvers (Belgique) par la société Caillaud ; que l'Administration italienne a demandé aux autorités françaises, au titre de l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances commnautaires, de faire notifier " l'ingiunzione " à la société Caillaud et de faire procéder au recouvrement de la créance ; que la notification a été faite le 9 juin 1980 par des agents de l'administration française des Douanes et que la société Caillaud a refusé d'en donner décharge ; que, le 27 février 1981, la Commission interministérielle pour l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances communautaires (la Commission interministérielle), créée par décret du 28 novembre 1979, a décidé de donner une suite favorable à la demande de recouvrement présentée par les autorités italiennes et a prescrit qu'une contrainte soit décernée contre la société Caillaud par le receveur principal régional des douanes à Marseille (le receveur) ; que celui-ci a émis le titre le 10 avril 1981 et l'a fait signifier à la société Caillaud le 22 avril 1981 ; que cette société a fait opposition à cette contrainte devant le tribunal d'instance ; que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a débouté la société Caillaud de son opposition ; .

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir condamné la société Caillaud à payer à l'administration des Douanes une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, aux motifs, selon le pourvoi que " la procédure prévue par l'article 367 du Code des douanes n'ayant pas été suivie, l'article 700 du nouveau Code de procédure civile est applicable en l'espèce ", alors que, selon l'article 367 du Code des douanes, l'instruction de l'opposition à contrainte est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part et d'autre, qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé cette disposition par refus d'application ;

Mais attendu que l'article 367 du Code des douanes ne comporte aucune dérogation à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que, par ce motif de pur droit substitué au motif erroné énoncé par la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié du chef critiqué ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il l'a fait, aux motifs, selon le pourvoi, sur l'application du décret du 28 novembre 1979, que ce texte pose des règles de procédure applicable à des créances nées antérieurement mais ayant fait l'objet d'une injonction de payer et d'une contrainte postérieures, alors que le décret du 28 novembre 1979 qui crée une nouvelle procédure de poursuites en recouvrement de droits de douanes dus à un Etat étranger, membre de la Communauté européenne, en vertu d'une créance de ses services douaniers relative à des importations frauduleuses de marchandises, ne peut s'appliquer rétroactivement à une créance née antérieurement à sa promulgation ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé par fausse application le décret du 28 novembre 1979 ;

Mais attendu que le décret du 28 novembre 1979 fixe les modalités selon lesquelles les créances communautaires entrant dans les prévisions des directives du Conseil et de la Commission et de l'article 381 bis du Code des douanes doivent être recouvrées sur le territoire national ; que la cour d'appel a considéré à bon droit que ce texte était applicable à une créance faisant l'objet d'un titre exécutoire postérieur à sa promulgation, même si le fait générateur de cette créance était antérieur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le deuxième moyen :

Vu les articles 345 et 381 bis du Code des douanes ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la contrainte invoquée par la société Caillaud, l'arrêt a retenu que cet acte se référait à la décision prise par la Commission, sur la demande des autorités italiennes, de recouvrer la créance conformément au droit communautaire et au décret du 28 novembre 1979, et au vu de " l'ingiunzione " qui lui était annexée ;

Attendu, cependant, que, pour atteindre le résultat prescrit par la directive n° 86-308 prise le 15 mars 1976 par le Conseil des communautés européennes et par celle n° 77-794 du 4 novembre 1977 prise par la Commission des communautés en ce qui concerne l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d'opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole ainsi que des prélèvements agricoles et de droit de douane, l'article 82 de la loi du 30 décembre 1977, dont les dispositions ont été codifiées à l'article 381 bis du Code des douanes, prévoit que les créances considérées nées dans un Etat membre de la communauté sont recouvrées dans les mêmes conditions que les créances similaires nées sur le territoire national, et que l'article 8 du décret du 28 novembre 1979 dispose que, sur une demande de l'autorité habilitée d'un Etat membre de la communauté, la Commission fait procéder par les services compétents au recouvrement des créances faisant l'objet d'un titre exécutoire conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables au recouvrement des créances similaires nées sur le territoire national ; que, dès lors, pour

exécuter la décision de la Commission prescrivant le recouvrement de la créance communautaire née en Italie, le receveur ne pouvait que se conformer aux prescriptions de l'article 345 du Code des douanes prévoyant l'emploi d'une contrainte pour le recouvrement des droits et taxes de toute nature que l'administration des Douanes est chargée de percevoir ; que, toutefois, cette contrainte devait faire, par elle-même, preuve de sa régularité et spécialement mentionner les textes servant de fondement légal à son émission ;

Attendu, en conséquence, qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, alors qu'il résultait des constatations de l'arrêt que la contrainte litigieuse ne visait pas l'article 381 bis mais seulement l'article 345 du Code des douanes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 680 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 362 du Code des douanes ;

Attendu qu'en vertu du second texte, les notifications des jugements et autres actes de procédure en matière douanière sont faites à la partie autre que l'Administration conformément aux règles du nouveau Code de procédure civile, et doivent par conséquent comporter les mentions prévues à son article 680 ;

Attendu que, pour rejeter l'exception tirée par la société Caillaud de l'irrégularité de la notification de " l'ingiunzione " en ce qu'elle n'indiquait pas la juridiction italienne devant être saisie d'un éventuel recours, l'arrêt a retenu que la société Caillaud ne démontrait pas que, pour être exécutoire, l'injonction devait mentionner devant quelle juridiction devait être portée l'opposition dont les délais lui étaient précisés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'acte de notification établi par les agents français des douanes indiquait, outre le délai de recours ouvert, les modalités selon lesquelles il pouvait être exercé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 367 du Code des douanes ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, en matière douanière, en première instance et en appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre, d'où il suit que les parties ne sont pas obligées de recourir au ministère d'avocat ou d'avoué ;

Attendu que l'administration des Douanes et la société Caillaud ont constitué avoué devant la cour d'appel, et que cette juridiction a mis à la charge de la société Caillaud les dépens en précisant que l'avoué de l'Administration pourrait recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 699 du nouveau Code de procédure civile était sans application en la cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième, quatrième et cinquième branches du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 1986, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.