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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 7 juillet 2023, n° 21/01559

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vuillet Fourrages (SARL)

Défendeur :

Société d'Equipement de Matériel Agricole (SAS), Amazon (SA), Krone France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

Mme Manteaux, M. Leveque

Avocats :

Me Pauthier, Me Ruelle- Weber, Me Billaudel, Me Letondor, Me Boizel, Me Tournier, Me Simon

TJ Lons-le-saunier, du 29 juill. 2021, n…

29 juillet 2021

Selon facture en date du 24 décembre 2014, la SAS Société d'équipement de matériel agricole (SEMAG) a acquis auprès de la SA Amazone (Amazone) une presse à bottes carrées neuve de marque Krone bénéficiant d`une extension de garantie pendant une durée de deux ans.

La société SEMAG a ensuite vendu cette presse à la SARL Vuillet Fourrages (Vuillet), suivant facture du 29 avril 2015.

Le 6 juillet 2016, un incendie s'est déclaré sur la presse.

Par exploits des 5 et 6 juillet 2017, la société Vuillet et son assureur, la SA MMA IARD, ont fait assigner les sociétés SEMAG et Amazone devant le tribunal de grande instance de Lons le Saunier en indemnisation du préjudice consécutif à l'incendie.

La société Amazone a fait assigner en intervention forcée la SAS Krone France.

Le 22 novembre 2018, le juge de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 25 septembre 2019, concluant à l'inflammation au contact de parties chaudes de la presse des poussières et brins de paille accumulés en partie haute du châssis, en l'absence de protection ou déflecteur empêchant cette accumulation.

La société Vuillet, comme son assureur, ont sollicité que le tribunal constate qu'un vice caché affectait la presse, ou, à défaut, qu'il constate que la presse était encore sous garantie.

La société SEMAG a demandé que la société Vuillet et son assureur soient déboutés de leurs demandes, subsidiairement que sa condamnation soit prononcée solidairement avec celle des sociétés Krone et Amazone.

La société Amazone a conclu au rejet des demandes formées à son encontre, ou, à défaut, que la société Krone la garantisse de toute condamnation, qu'elle estimait ne pouvoir en tout état de cause excéder 113 000 euros.

La société Krone a réclamé le rejet des demandes des autres parties à son encontre, à défaut a demandé une contre-expertise aux fins de déterminer l'origine des désordres, et a contesté les indemnisations sollicitées.

Par jugement en date du 29 juillet 2021, le tribunal a :

Moyens

- déclaré irrecevables les conclusions récapitulatives ainsi que la pièce n° 19, notifiées le 12 mai 2021 par la société à responsabilité limitée Vuillet ;

- débouté la société MMA et la société Vuillet de leurs demandes ;

- condamné in solidum la société MMA et la société Vuillet à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4 500 euros à chacune des sociétés SEMAG, Amazone et Krone France ;

- condamné in solidum la société MMA et la société Vuillet aux dépens.

Pour parvenir à cette décision, le tribunal a retenu :

- que la notification des conclusions du 12 mai 2021 et de la pièce n° 19 étaient intervenues après l'ordonnance de clôture du 6 mai 2021 et étaient donc irrecevables en vertu de l'article 802 alinéa 1er du code de procédure civile ;

- que la facture de la société Amazone en date du 24 décembre 2014 prévoyait une extension de garantie de deux ans, pièces et main-d’œuvre, consentie par le constructeur, sous réserve d'une révision annuelle validée par l'inspecteur régional, les pièces d'usure et les accidents en étant exclus ; que la société Krone, contrairement à ce qu'elle soutenait, était tenue de cette garantie selon le protocole de séparation conclu le 29 juin 2016 avec les sociétés Krone GmbH, Krone KG et Amazone, par lequel elle s'engageait à reprendre à compter du 1er juillet 2016 la garantie des produits livrés en France jusqu'à cette date ; que, cependant, la société Krone n'était tenue que dans les limites de cette garantie, qui n'était due que si l'acquéreur avait réalisé une révision de la presse au cours de la première année, ce qui n'était pas démontré en l'espèce ;

- que, concernant la garantie de conformité, la société Vuillet avait accepté la presse sans réserve, de sorte qu'un défaut de conformité ne pouvait plus être invoqué en raison d'une absence de protection contre l'amoncellement de pailles et de poussière ; qu'au surplus, le fait que la société Krone n'ait pu fournir aucun certificat de conformité autorisant l'évolution du matériel était sans emport pour apprécier si la presse était conforme à la commande ;

- que l'expert judiciaire affirmait que la presse n'était pas dotée de protections suffisantes installées par le constructeur pour éviter l'agglomération de paille et de poussières en partie haute du châssis, ce qui entraînait nécessairement un risque d'incendie ; que, pour arriver à cette conclusion, et conclure à un défaut de fabrication, l'expert ne s'était appuyé que sur une seule source d'information, en l'occurrence un article du site Agrisur consultable en ligne ; que cette unique source, contestée par la société Krone, n'avait pas été complétée par d'autres avis sur un aspect essentiel de la démonstration développée par l'expert relatif à la température à laquelle le risque d`inflammation de la paille et du foin devenait réel , que cette conclusion était, au final, trop générale pour être retenue comme étant la seule cause de l'incendie, de sorte que la réalité du vice caché n'était pas démontrée.

Par déclaration d'appel transmise au greffe le 24 août 2021, la société Vuillet sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée, in solidum avec la MMA à verser 4 500 euros au titre de l'article 700 aux sociétés SEMAG, Amazone, Krone, ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises le 20 mai 2022, la société Vuillet demande à la cour :

Vu les articles 1604, 1641, 1644, 1647, 1104, 1231-1 et 1240 du code civil,

- de la recevoir en son appel ;

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée in solidum avec la compagnie MMA à verser la somme de 4 500 euros à chaque partie défenderesse au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Statuant de nouveau,

- de juger que la presse de marque Krone immatriculée DRR-244-VA vendue par la société SEMAG, par l'intermédiaire de la société Amazone, était entachée d'un vice caché lors de la conclusion de la vente ;

- de juger que la chose vendue était affectée d'un défaut de conformité, consistant en un défaut de construction antérieur à la livraison ;

- de juger que lors de la survenue du sinistre, la machine était sous garantie contractuelle pièces et main d'œuvre ;

- de juger que les sociétés SEMAG, Amazone et Krone engagent leur responsabilité contractuelle et en tout état de cause délictuelle pour avoir respectivement vendu, distribué et fabriqué un engin agricole présentant un risque anormal d'incendie ;

En conséquence,

- de débouter les sociétés SEMAG, Amazone et Krone de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- de condamner in solidum la société SEMAG, vendeur, la société Amazone, distributeur, et la société Krone, fabricant, à lui verser les sommes suivantes en indemnisation de son préjudice financier, avec intérêts au jour de la décision à intervenir :

* Indemnité principale : 199 696,48 euros

* Pertes d'exploitation : 157 037,20 euros

* Frais supplémentaires : 6 212 euros

* Frais d'expertise amiable : 14 608,22 euros

- de condamner in solidum la société SEMAG, vendeur, la société Amazone, distributeur, et la société Krone, fabricant, à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- de condamner in solidum la société SEMAG la société Amazone et la société Krone à lui verser la somme de  7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

- de condamner in solidum la société SEMAG, la société Amazone et la société Krone à lui verser la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- de condamner in solidum la société SEMAG, la société Amazone et la société Krone aux entiers dépens.

La société SEMAG, dans ses conclusions du 15 février 2022, demande à la cour :

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

A titre principal,

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de débouter les sociétés MMA et uillet Fourrages de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- de condamner la société Vuillet Fourrages à payer à la société Société d'équipement de matériel agricole (SEMAG) la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, si par impossible la cour retenait la responsabilité de la société SEMAG :

- de condamner solidairement les sociétés Amazone SA et Krone France à garantir la société Société d'équipement de matériel agricole (SEMAG) de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Vuillet Fourrages ;

- de condamner solidairement les sociétés Amazone SA et Krone FRance à payer à la société Société d'équipement de matériel agricole (SEMAG) la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de les condamner aux entiers dépens.

La société Krone, dans ses conclusions du 7 mars 2023 demande à la cour :

Vu les articles 1165 ancien, 1382 ancien, 1604 et 1641 du code civil,

Vu les articles 9, 238 et 246 du code de procédure civile,

A titre principal,

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- de débouter Vuillet Fourrages, SEMAG et Amazone de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Krone France ;

A titre très subsidiaire, si la cour considérait ne pas être suffisamment informée sur les causes du sinistre pour pouvoir décider sur les demandes de Vuillet Fourrages :

- de désigner tel expert technique qu'il plaira à la cour, spécialisé en matériel agricole et en incendie ;

- de dire que l'expert devra au titre de sa mission dire si les désordres ont été causés par un vice caché, une non-conformité, une intervention défectueuse, un défaut d'entretien, une mauvaise utilisation ou toute autre cause ;

- de mettre la consignation de la provision à valoir sur les frais et honoraires d'expertise à la charge de Vuillet Fourrages ;

- de réserver les dépens ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer que la responsabilité de Krone France est engagée,

- de rejeter ou à tout le moins de fortement minorer les demandes d'indemnisation de Vuillet Fourrages ;

- de limiter strictement les recours en garantie de SEMAG et Amazone contre Krone France aux réparations auxquelles ces sociétés sont elles-mêmes tenues dans le cadre de la loi et des relations contractuelles applicables, et en outre :

- de rejeter les recours en garantie de SEMAG contre Krone France qui n'est ni constructeur ni vendeur de la machine ;

- de limiter strictement les recours possibles d'Amazone contre Krone France aux réparations auxquelles Krone France est tenue au titre du protocole de séparation du 29 juin 2016 ;

En tout état de cause,

- de condamner Vuillet Fourrages ou toute autre partie défaillante au paiement à Krone France de la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d'appel ;

- de condamner Vuillet Fourrages ou toute autre partie défaillante aux entiers dépens avec droit pour la SCP CODA de se prévaloir de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Amazone, dans ses conclusions du 6 mars 2023 demande à la cour :

Vu l'article 1641 du code civil,

Vu l'article 1604 du code civil,

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

Vu l'article liminaire et les articles L. 217-3, L. 217-5 et L. 217-7 du code de la consommation,

Vu les articles 1245 et suivants du code civil,

A titre principal :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

En conséquence :

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande d'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté la société Vuillet Fourrages de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée in solidum avec la compagnie MMA à verser la somme de 4 500 euros à chaque partie défenderesse au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de voir juger que la presse de marque Krone immatriculée DRR-244-VA vendue par la société SEMAG à la société Vuillet Fourrages, par l'intermédiaire de la société Amazone, était entachée d'un vice caché lors de la conclusion de la vente ;

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de voir juger que la chose vendue était affectée d'un défaut de conformité, consistant en un défaut de construction antérieur à la livraison ;

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de voir juger que lors de la survenue du sinistre, la machine était sous garantie contractuelle pièces et main d'œuvre ;

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de voir juger que les sociétés SEMAG, Amazone et Krone engagent leur responsabilité contractuelle et en tout état de cause délictuelle pour avoir respectivement vendu, distribué et fabriqué un engin agricole présentant un risque anormal d'incendie ;

Subsidiairement, dans le cas où, par extraordinaire, la cour de céans n'entendrait pas confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Vuillet Fourrages de l'intégralité de ses demandes,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la société Amazone ;

En conséquence :

- de débouter la société Vuillet Fourrages de l'ensemble de ses demandes de condamnation formulées à l'encontre de la société Amazone ;

- de débouter la société SEMAG de toute demande de garantie des condamnations susceptibles d'être formulées à son encontre, formulée à l'encontre de la société Amazone ;

Plus subsidiairement, sur les préjudices allégués par la société Vuillet Fourrages :

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la société Amazone à lui verser les sommes suivantes en indemnisation de son préjudice financier :

Indemnité principale : 199 696,48 euros

Pertes d'exploitation : 157 037,20 euros

Frais supplémentaires : 6 212 euros

Frais d'expertise amiable : 14 608,22 euros

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la société Amazone à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Plus subsidiairement encore, dans le cas où, par extraordinaire, la cour de céans n'entendrait pas confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Amazone,

- de condamner la société Krone Fance à relever et garantir la société Amazone de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

En tout état de cause :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué la somme de 4 500 euros à la société Amazone au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum la société MMA et la société Vuillet Fourrages aux dépens ;

- de condamner tout succombant à payer à la société Amazone la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile concernant l'instance d'appel, ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la société Amazone à lui verser la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et les dépens de l'instance ;

- de débouter la société Vuillet Fourrages de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la société Amazone à lui verser la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et les dépens de l'instance ;

- de débouter la société SEMAG de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la société Amazone à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et les dépens de l'instance ;

- de débouter la société Krone France de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de toute partie défaillante à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'appel ; une telle demande devant, en tout état de cause, être rejetée, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre la société Amazone.

La clôture de la procédure a été prononcée le 8 mars 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Motivation

Motifs de la décision

Sur la demande tendant à reconnaître que la presse à bottes carrées de marque Krone était affectée d'un vice caché ;

Le jugement déféré a débouté la société MMA et la société Vuillet de leur demande tendant à faire constater l'existence d'un vice caché au motif que le vice était insuffisamment démontré par l'expertise judiciaire.

La société Vuillet sollicite l'infirmation du jugement sur ce point en arguant du fait que l'expert judiciaire qui a fourni un rapport définitif particulièrement détaillé et argumenté en date du 25 septembre 2019, a finalement conclu dans le même sens que les cabinets Jura Expertises Automobiles et Cadexa, à une origine électrique du sinistre. La société Vuillet précise encore que ce rapport d'expertise judiciaire a expressément exclu la possibilité d'une mauvaise utilisation de la presse et de tout acte de vandalisme et qu'il conclut à un défaut de construction de la machine la rendant impropre à l'usage auquel on la destinait. Elle conteste que l'expert judiciaire se soit uniquement fondé sur un article de presse disponible en ligne et rappelle que c'est au regard de la norme relative au risque incendie produite par la société Krone elle-même dans le cadre des opérations d'expertise que l'expert a conclu à un défaut de construction. Elle ajoute que ce sinistre n'est pas un cas isolé, comme en attestent les rapports d'expertise du cabinet Jura expertises et du cabinet Cadexa ainsi qu'un arrêt de la Cour de cassation en date du 7 mai 2009. La société Vuillet affirme que ce vice était caché car il n'était pas perceptible ou visible et nécessairement antérieur à la vente comme résultant de la conception même de l'engin. Elle en déduit que la presse ne pouvait être utilisée en toute sécurité et ne répondait pas à l'usage attendu de ce type de matériel agricole. La preuve en est selon elle que l'incendie est survenu lors d'une utilisation normale de l'engin.

La société Krone, et avec elle la société SEMAG, contestent la réalité du prétendu vice caché. La société Krone rappelle que le rapport d'expertise du cabinet Jura expertises ne conclut pas à une origine électrique du sinistre et que le rapport d'expertise judiciaire ne conclut pas expressément en faveur de cette hypothèse. Selon la société Krone, l'expert judiciaire développe un scénario selon lequel la paille qui s'est accumulée en partie haute du châssis, piégée par les câbles électriques, les tuyaux hydrauliques et le groupe hydraulique c’est auto-enflammée au contact des parties chaudes des tuyauteries et du bloc hydraulique, ce scénario se baserait notamment sur l'affirmation de l'expert selon laquelle le danger d'inflammation du foin devient réel à partir de 55°C. La société Krone objecte que si tel était le cas tous les hangars agricoles à structures métalliques abritant ces fourrages seraient sujets à incendie en période d'été. La société Krone ajoute que l'article AGRISUR visible sur internet, principale source de M. [R], expert judiciaire, est très mal exprimé, voire faux. En l'absence de scénario plausible expliquant l'incendie de la machine, la société Krone dénonce une affirmation abstraite selon laquelle le risque d'incendie n'aurait « pas été totalement pris en compte » dans la conception de la machine sans que soit prouvé le moindre vice. Concernant l'affaire prétendument identique invoquée par la société Vuillet, elle avait trait à des machines nettement plus anciennes. La société Krone en conclut que la société Vuillet n'identifie pas le type de vice caché qui aurait causé l'incendie de la presse, évoquant successivement une origine « électrique et interne », une « défaillance du matériel » non précisée, une « origine électrique du sinistre », de la paille qui se serait « auto-enflammée au contact des parties chaudes des tuyauteries et du bloc hydraulique », donc sans lien avec le système électrique de la presse, une absence de protection pour éviter d'« éventuelles agglomérations de paille et de poussière» , un échauffement spontané par réaction chimique (fermentation) d'une récolte de foin « trop humide », et enfin à nouveau une « origine électrique du sinistre ».

La société SEMAG ajoute que le cabinet APEX conclut pour sa part à une cause indéterminée du sinistre.

En vertu de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.

M. [T] [R], expert judiciaire près la cour d'appel de Besançon a établi un rapport d'expertise en date du 25 septembre 2019. Il conclut à une conception de la presse telle que les débris pouvaient s'accumuler en partie haute du chassis et être en contact avec des éléments chauds comme des câbles électriques ou le groupe hydraulique, de sorte que ces débris ont pu s'enflammer. Il précise que la paille peut s'enflammer dès 55°C. M. [R] en déduit un défaut de conception de la presse. Il précise que le constructeur n'a prévu aucune protection, aucun déflecteur pour éviter les éventuelles agglomérations de paille et de poussières en partie haute du chassis et aucune protection des surfaces chaudes. Il considère en conséquence que le risque d'incendie n'a pas été totalement pris en compte dans la conception de la presse.

Par ailleurs, M. [P] [X], agissant pour le compte de la société SEMAG, dans son dire n° 1 fait valoir que si une accumulation de paille a pu se produire et constituer un combustible pour l'incendie, aucune source d'énergie de nature à l'enflammer n'a été clairement identifiée. Il émet deux hypothèses susceptibles d'expliquer l'incendie : un corps étranger ou une défaillance notamment électrique ou mécanique. La cour relève que le rapport d'expertise amiable du cabinet Cadexa en date du 9 septembre 2016 réalisé au titre de la protection juridique de la société SEMAG précise que « nous estimons que l'origine du sinistre est électrique et interne au faisceau passant sur la partie avant gauche supérieure du matériel ».

Le cabinet APEX affirme quant à lui qu'il s'avère que la cause de l'origine du sinistre incendie n'est à ce jour pas déterminée.

Selon le rapport d'expertise commandé par la société AXA, assureur de la société Krone France, établi par le cabinet GM consultant, les investigations menées n'ont pas permis de déterminer l'origine de l'incendie. Il est cependant relevé que celle-ci pourrait résider dans l'absorption de corps étrangers (l'amas de poussière et de paille est alors susceptible de s'embraser) étant précisé que cette hypothèse n'est ni privilégié, ni exclue. Il n'est pas davantage exclu un dysfonctionnement du circuit de liage. Ce rapport conclut in fine qu'aucun élément technique probant ne permet d'incriminer la qualité intrinsèque du matériel. Selon le cabinet GM Consultant, la température d'auto-inflammation retenue par l'expert judiciaire est erronée comme trop faible. Il y est enfin affirmé que des dispositifs d'évacuation des débris sont présents sur la machine litigieuse.

Le Dr [E] [C], dans un avis technique porté sur le rapport d'expertise judiciaire affirme qu'il n'est pas possible que les débris de pailles aient pris feu dans les conditions décrites lors de l'accident à cause d'un point d'auto-inflammation beaucoup plus élevé que ce que retient l'expert judiciaire et du fait que les surfaces au contact desquelles la paille aurait pu s'enflammer étaient trop froides pour provoquer son inflammation.

La cour constate qu'aucun consensus ne s'évince de ces analyses. Selon le rapport d'expertise judiciaire, l'origine de l'incendie réside dans l'amas de débris inflammables qui se seraient embrasés au contact d'une surface chaude. La température des dites surfaces, la température du point d'auto-inflammation ainsi que la présence d'une source d'énergie sont sérieusement contestées par les autres avis techniques. De même, l'absence de dispositifs d'évacuation des débris est sérieusement discutée. Il s'évince également de ces analyses que la cause de l'incendie pourrait résulter de plusieurs autres causes divergentes, sans qu'aucune d'entre elles n'emporte l'adhésion de l'ensemble des intervenants.

Il s'en déduit que la cause de l'incendie n'est pas clairement déterminée.

Cette incertitude fait obstacle à la caractérisation certaine de l'existence d'un vice inhérent à la chose vendue, dès lors en effet que l'origine du sinistre peut résider dans un défaut intrinsèque de la machine tout aussi bien que dans tout autre cause extérieure à la conception de la machine.

Par conséquent, le jugement sera confirmé sur ce point et la société Vuillet sera déboutée de sa demande.

Sur la garantie de conformité,

Selon le jugement déféré, aucun défaut de conformité en raison de l'absence de protection contre l'amoncellement de pailles et de poussières ne peut plus être invoqué par la société Vuillet dans la mesure où elle a accepté la presse sans réserve. Le jugement querellé a en outre précisé que le fait que la société Krone n'a pu fournir aucun certificat de conformité autorisant l'évolution du matériel est sans emport pour apprécier si la presse était conforme à la commande.

La société Vuillet demande à la cour de juger que la chose vendue était affectée d'un défaut de conformité consistant en un défaut de construction antérieur à la livraison. Elle invoque l'article 1604 du code civil selon lequel la conformité se définit comme l'adéquation entre ce qui était convenu et ce qui a été livré, ainsi que les articles L. 217-5, L. 217-3, L. 217-7 du code de la consommation relatifs au défaut de conformité au sens du droit de la consommation. Elle affirme que la presse était grevée d'un défaut de conformité en ce qu'elle comprenait un défaut majeur d'incendie qui s'est finalement réalisé, rendant la presse non conforme aux règles élémentaires de sécurité et aux dispositions de la déclaration CE de Krone satisfaisant aux directives CE 2006/42/CE (Machines) et CE 2004/108/CE (CEM), comme l'a constaté l'expertise judiciaire. La société Vuillet précise que l'acceptation sans réserve ne fait obstacle à la garantie de conformité que pour les vices apparents et que le vice litigieux était invisible.

La société Krone objecte qu'elle a été créée et immatriculée le 4 janvier 2016, soit postérieurement à la vente et qu'elle n'a ni vendu ni construit la presse litigieuse. Elle précise par ailleurs que les dispositions du code de la consommation ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce. Elle soulève également l'existence d'une distinction entre vice caché et défaut de conformité. La société Krone affirme l'acceptation sans réserve de la marchandise vendue par l'acheteur lui interdit de se prévaloir du défaut de conformité. Il va de soi, selon la société Krone que la notion de « certificat de conformité technique » est distincte de la garantie de conformité de l'article 1604 du code civil, comme l'a aussi relevé le tribunal dans son jugement du 29 juillet 2021.

La société SEMAG soutient que la réception sans réserve fait obstacle à la garantie de conformité et que la société Vuillet ne rapporte pas la preuve de ce que l'incendie de la presse serait la conséquence d'un défaut affectant ladite presse.

La société Amazone soutient quant à elle que la société Vuillet ne peut valablement invoquer la garantie de conformité qui lui serait due par la société Krone. Le défaut allégué en l'espèce par la société Vuillet devrait, si la preuve de son existence était rapportée, ce qui n'est pas le cas, recevoir la qualification de vice caché et non celle de défaut de conformité. La société Amazone observe au surplus que l'acceptation sans réserve de la marchandise vendue par l'acheteur lui interdit de se prévaloir du défaut de conformité. La société Amazone expose de surcroît que la société Vuillet n'est pas une personne physique et a acquis la presse litigieuse pour les besoins de son activité professionnelle, de sorte qu'elle est mal fondée à invoquer les dispositions du code de la consommation.

La société Vuillet invoque tout d'abord la garantie de conformité consumériste. La cour observera que l'appelante est une personne morale qui ne peut prétendre à la qualité de consommateur selon l'article liminaire du code de la consommation. Elle ne peut pas plus prétendre à la qualité de non professionnel, lequel se définit selon l'article précité comme toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles. La cour constate en effet que la société Vuillet a pour activité le commerce de gros (commerce interentreprises) de céréales, de tabac non manufacturé, de semences et d'aliments pour le bétail. Il s'ensuit que l'achat d'une presse à fourrage relève de ses fins professionnelles. Dès lors, les articles L. 217-5, L. 217-3, L. 217-7 du code de la consommation ne trouvent pas à s'appliquer.

La société Vuillet invoque ensuite la garantie de conformité prévue à l'article 1604 du code civil. Outre qu'il résulte des précédentes constatations qu'un défaut intrinsèque à la presse à fourrage n'est pas démontré, celui-ci consisterait nécessairement en un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil. En effet, le vice caché s'apprécie par rapport à la destination normale de la chose, alors que la non-conformité se mesure à l'aune des spécifications du contrat. Dans cette perspective, la cour relève que le défaut de construction antérieur à la livraison allégué qui serait à l'origine d'un risque d'incendie s'analyserait en un vice caché en ce qu'il empêcherait la presse de remplir sa destination normale et ne permettrait pas une possession utile. La cour ajoute subsidiairement qu'il n'est pas démontré une quelconque différence entre ce qui était convenu et ce qui a été livré.

Par conséquent, le jugement critiqué sera confirmé sur ce point et la société Vuillet sera déboutée de sa demande.

Sur la garantie contractuelle ;

Selon le jugement déféré, les conditions de la garantie contractuelle n'étaient pas acquises. En effet, l'acquéreur de la presse devait, afin de pouvoir bénéficier de l'extension de garantie, faire réaliser une révision en fin de 1ère et 2ème année d'utilisation or la première révision annuelle qui aurait du intervenir à la fin de l'année 2015 n'est pas démontrée tandis que la révision du 30 juin 2016 ne saurait pallier l'absence de la première révision pendant la première année.

La société Vuillet demande à la cour de juger que lors de la survenance du sinistre, la machine était sous garantie contractuelle. A cette fin, la société Vuillet conteste ne pas avoir réalisé la première révision dans le délai imparti arguant qu'elle l'avait bien effectuée, certes pas au cours de la même année calendaire que l'achat de la presse, mais dans le délai d'un an à compter de vente et de la mise en service de la machine. La société Vuillet soutient que les employés de la société SEMAG et "l'inspecteur technique" de la société Amazone ont permis la mise en circulation d'un engin agricole dont il est établi qu'il présentait un défaut majeur, à savoir un risque d'incendie accru, risque qui s'est immédiatement réalisé.

Les sociétés SEMAG et Amazone entendent se dédouaner en précisant qu'il s'agit d'une garantie constructeur dont seule la société Krone pourrait se trouver débitrice. La société SEMAG précise encore qu'il est de jurisprudence constante que la vente d'un bien opère de plein droit transfert de tous les droits qui y sont attachés et notamment de la garantie contractuelle.

Pour sa part, la société Krone rappelle à nouveau qu'elle a été créée et immatriculée le 4 janvier 2016, donc bien après la vente de la machine litigieuse, qu'elle n'a donc ni vendu ni construit. Elle concède qu'elle pourrait tout au plus être appelée en garantie par la société Amazone dans le cadre du protocole de séparation du 29 juin 2016 et dans les strictes limites de la garantie stipulée, qui ne trouve pas à s'appliquer en cas d'accident, et qui ne couvre en tout état de cause que la valeur de la presse.

La cour relève que, selon bon de livraison établi entre la société Amazone et les établissements Coste (société SEMAG), il existe une extension de garantie de 2 ans, libellée dans les termes suivants : « extension de garantie de 2 ans pièces et MO sous réserve d'une révision en fin de 1ère et 2ème années d'utilisation à la charge du client et validée par l'inspecteur technique régional. Ne couvre ni les pièces d'usures ni les accidents ». La cour relève ensuite que la facture de la presse litigieuse, établie entre la société SEMAG et la société Vuillet, ne fait pour sa part mention d'aucune garantie.

Conformément à ce que soulève la société SEMAG, la garantie contractuelle est transmise avec la chose (Civ.1ère, 6 février 2013, n° 11-25.864), de sorte que la société Vuillet peut donc se prévaloir de la garantie conclue entre la société Amazone et SEMAG.

Il convient alors de déterminer si les conditions de cette garantie sont remplies.

La première condition réside dans la réalisation d'une révision en fin de 1ère année d'utilisation, ce que les intimés contestent. La société Vuillet affirme que celle-ci a été réalisée le 2 mars 2016 et produit une facture en date du 30 juin 2016 à l'appui de cette affirmation (sa pièce n° 8). Sur cette facture, intervenue entre les sociétés SEMAG et Vuillet, on peut lire le terme 'révision' ainsi que la description des contrôles effectués et des pièces remplacées. Il doit en être déduit, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, que la société Vuillet a bien procédé à la révision de la presse à fourrage dans la première année d'utilisation de celle-ci, vendue le 29 avril 2015 et mise en service en juin 2015.

La garantie contractuelle imposait par ailleurs que cette révision soit validée par l'inspecteur technique régional. La société Vuillet indique que le cabinet Cadexa, qui a mené une expertise extra-judiciaire, confirme que la validation est intervenue, et produit à cet égard l'annexe n° 12 du rapport d'expertise Cadexa, selon laquelle le concessionnaire Krone confirme l'exécution conforme du contrôle hivernal, cette mention préimprimée étant suivie d'une mention manuscrite "validé par [K] [U]". Or, la société Krone France conteste dans ses écritures que M. [U] soit intervenu pour le compte du fabricant. La cour observe, malgré la qualité déplorable de la copie de l'annexe 12 produite aux débats, que rien ne permet de déterminer que M. [U], signataire de ce document, avait effectivement la qualité d’inspecteur technique régional du fabricant, telle qu'exigée par la garantie contractuelle pour permettre son extension, alors que sa fonction précise et la qualité en laquelle il intervient ne sont aucunement spécifiées, ni par ce document, ni par aucune autre pièce versée aux débats. Il n'est au demeurant pas démontré que le "contrôle hivernal" validé par M. [U] corresponde à la révision en fin de première année d'utilisation dont la validation par l'inspecteur technique régional conditionne l'extension de garantie. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les conditions de mise en œuvre de la garantie contractuelle soient réunies.

Sur la responsabilité délictuelle ;

La société Vuillet demande à la cour de juger que les sociétés SEMAG, Amazone et Krone engagent leur responsabilité contractuelle et en tout état de cause délictuelle pour avoir respectivement vendu, distribué et fabriqué un engin agricole présentant un risque anormal d'incendie. Elle rappelle qu'il a été largement démontré que les sociétés SEMAG, Amazone et Krone avaient toutes commis une faute de nature à engager leur responsabilité en fabriquant, commercialisant et distribuant un engin agricole grevé d'un risque accru d'incendie. La société Vuillet affirme que ces fautes sont en lien direct et certain avec le préjudice qu'elle a subi constitué par la destruction de ladite presse, la perte d'exploitation, et la nécessité d'engager un grand nombre de frais accessoires. Elle précise qu'elle n'a jamais conclu de contrat avec la société Amazone et la société Krone et que dès lors ces deux sociétés sont susceptibles d'engager leur responsabilité délictuelle à son égard .

Les intimés précisent que, dans les chaînes de contrat, l'action directe exercée par les sous-acquéreurs d'un bien à l'encontre du vendeur initial est nécessairement de nature contractuelle : la règle de non-cumul s'applique ainsi à tout tiers qui se voit reconnaître une action de nature contractuelle contre un cocontractant défaillant, exclusive d'une action fondée sur la responsabilité délictuelle. Au demeurant, selon la société Amazone, la société Vuillet ne rapporterait aucunement la preuve d'une faute de nature délictuelle qui aurait été commise et qui serait en lien de causalité direct et certain avec un préjudice qu'elle aurait subi. La société SEMAG soulève enfin que la responsabilité délictuelle n'est évoquée qu'à hauteur d'appel.

La prétention de la société Vuillet tendant à voir engagée la responsabilité délictuelle des intimés ne s'analyse pas en une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, puisqu'elle vise, par un moyen différent, et parfaitement recevable en appel, aux mêmes fins. Au demeurant, si la recevabilité est discutée dans le cdare du corps des écritures, la cour n'est saisie d'aucune fin de non-recevoir à cet égard.

La cour rappelle que l'origine du sinistre n'est pas établie et que, partant, il n'est pas établi que les sociétés SEMAG, Amazone ou Krone aient commis une faute de nature délictuelle.

Dans ces conditions, la responsabilité délictuelle des intimés ne saurait être utilement être invoquée.

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux,

Aux fins de faire condamner les sociétés SEMAG, Amazone et Krone à l'indemniser de son préjudice, la société Vuillet invoque par ailleurs l'article 1245 du code civil relatif aux produits défectueux. Elle précise que la presse litigieuse n'offrait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et que l'existence d'un contrat n'exclut pas l'application de la responsabilité des produits défectueux.

La société Krone France rétorque que la société Vuillet ne démontre pas que la presse litigieuse était affectée d'un défaut, pas plus que le lien de causalité qui existerait entre ce prétendu défaut et le dommage allégué. Elle précise en outre qu'elle n'est pas le producteur de la presse. La société Krone France rappelle enfin, à l'instar de la société Amazone, qu'il n'y a pas de préjudicie indemnisable au sens de l'article 1245 du code civil.

La responsabilité du fait de la responsabilité des produits défectueux ne peut être recherchée qu'à l'encontre du seul producteur, lorsque celui-ci est identifié.

En l'espèce, le fabricant de la machine litigieuse est parfaitement identifié dans les écritures des parties, notamment celles de la société Krone France, comme étant la société de droit allemand Maschinenfabrik Bernard Krone GmbH, devenue Maschinenfabrik Krone Beteiligung GmbH. Toute demande fondée sur la garantie des produits défectueux devait donc être dirigée contre cette seule société, qui n'a cependant pas été attraite à la cause. En conséquence, la demande de la société Vuillet ne peut pas aboutir sur ce fondement à l'encontre de l'une quelconque des sociétés intimées.

Sur les demandes de garantie

Compte tenu de l'issue du litige, celles-ci sont sans objet.

Sur la demande subsidiaire d'expertise judiciaire

La société Krone France sollicite, à titre subsidiaire qu'une contre-expertise judiciaire soit ordonnée.

Dès lors qu'il a été statué au principal, la demande subsidiaire d'expertise est sans objet.

Dispositif

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement rendu le 29 juillet 2021 par le tribunal de Lons le Saunier en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Rejette les demandes de la SARL Vuillet Fourrages en tant qu'elles sont formées sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

Rejette les demandes de la SARL Vuillet Fourrages en tant qu'elles sont formées sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

Dit sans objet la demande subsidiaire de garantie de la SAS Société d'équipement de matériel agricole ;

Dit sans objet la demande subsidiaire d'expertise judiciaire ;

Condamne la SARL Vuillet Fourrages aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la SARL Vuillet Fourrages à payer à la SAS Société d'équipement de matériel agricolel, à la SA amazone et à la SAS Krone France la somme de 3 000 euros chacun en application de l'article 700 du cpode de procédure civile ;

Rejette les demandes formées par la SARL Vuillet Fourrages sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.