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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 7 septembre 2023, n° 19/16792

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Style Network International (SARL)

Défendeur :

Romeo & Juliette Inc. (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gérard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Simon-Thibaud, Me Mergui, Me Stalla, Me Bouvier Ravon

T. com. Marseille, du 11 sept. 2019, n° …

11 septembre 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

La société de droit des États-Unis, Roméo et Juliette Inc. est titulaire de la marque Bearpaw et commercialise sous ce signe, associé au dessin stylisé d'une griffe d'ours, des chaussures en cuir et en fourrure.

La SARL Style Network International, anciennement dénommée Sport Négoce International, a pour activité le commerce de gros dans le domaine de l'habillement et de la chaussure.

La société Roméo et Juliette Inc. et la SARL Style Network International (la société SNI) ont conclu, le 29 octobre 2013, un contrat de distribution exclusive soumis au droit français, sur un territoire spécifié incluant la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc.

Un avenant du 21 décembre 2013 a élargi le territoire spécifié à divers pays européens et modifié l'article 7.1 du contrat relatif à sa durée, son renouvellement par tacite reconduction et la possibilité d'y mettre fin moyennant un préavis.

Par courrier du 11 février 2016, en invoquant l'article 7.1 modifié, la société Roméo et Juliette a notifié à la société SNI la fin du contrat au 10 août 2016, après un préavis de 180 jours. Par courrier du 9 mars 2016, la société Roméo et Juliette a renoncé à la notification du 11 février.

Par courrier du 27 décembre 2016, la société Roméo et Juliette a fait part à la société SNI de manquements contractuels graves constitués du dépôt des marques Gooce et Nice Bay par M. [S] [L], le dirigeant de la société SNI, pour la diffusion et la commercialisation de chaussures de mêmes modèles que celles de la société Roméo et Juliette et lui a demandé de s'expliquer.

Par courrier en réponse du 30 décembre 2016, la SARL SNI a signifié à la société Roméo et Juliette la résiliation du contrat de distribution en invoquant notamment la position de fragilisation permanente dans laquelle la société Roméo et Juliette l'avait placée et la violation de l'accord de distribution par la société Roméo et Juliette elle-même qui a commercialisé des produits identiques ou similaires sous une marque Pawz.

Par courrier du 13 janvier 2017, la société Roméo et Juliette a accepté la résiliation unilatérale de la société SNI sans reconnaître les faits allégués contre elle par la société SNI et sans renoncer à une éventuelle réclamation.

Par courrier du 23 janvier 2017, le conseil de la société Roméo et Juliette, invoquant l'article 7.2 du contrat de distribution, indique que dans la mesure où les griefs soulevés dans la lettre du 27 décembre 2016 avaient pris fin dans le délai de 30 jours, faisait valoir que le contrat se poursuivait jusqu'à son terme prévu le 31 décembre 2018.

Par courrier officiel du 9 février 2017, le conseil de la société Roméo et Juliette indiquait au conseil de la société SNI que le contrat était bien résilié, sollicitait le transfert du nom de domaine www.bearpaw.fr et demandait la cessation de toute vente des produits de la société Roméo et Juliette et de tout produit constituant une copie de sa collection.

Par courrier officiel en réponse du 17 février 2017, le conseil de la société SNI contestait l'intégralité des griefs qui était formulés à l'encontre de la société SNI et précisait qu'elle n'entendait pas conserver le nom de domaine www.bearpaw.fr qui serait transmis dans le cadre d'une décision de justice ou d'un accord.

Par acte du 24 mars 2017, la société SNI a fait assigner la société Roméo et Juliette devant le tribunal de commerce de Marseille pour voir dire que la résiliation du contrat était intervenue aux torts exclusifs de la société Roméo et Juliette et la voir indemniser de son préjudice.

Par jugement du 11 septembre 2019, le tribunal de commerce de Marseille a :

- dit et jugé que le contrat de distribution conclu le 29 octobre 2013 entre les sociétés Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International et Roméo & Juliette a été résilié d'un commun accord des parties ;

- débouté la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- ordonné à la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International de cesser d'utiliser le nom de domaine Bearpaw.fr, et de cesser de se présenter comme le distributeur exclusif des chaussures « Bearpaw » ;

- ordonné le transfert du nom de domaine Bearpaw.fr au profit de la société Roméo & Juliette;

- dit et jugé que cette décision est opposable à l'AFNIC ;

- dit et jugé que les frais de transfert du nom de domaine seront à la charge de la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International ;

- condamné la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International à payer à la société Roméo & Juliette la somme de 30 000 euros (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts au titre des agissements de concurrence déloyale et celle de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles occasionnés par la présente procédure ;

- laissé à la charge de la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International les dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de procédure civile,

- conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile, ordonné pour le tout l'exécution provisoire ;

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement.

La SARL Style Network International a interjeté appel par déclaration du 30 octobre 2019.

Par conclusions notifiées et déposées le 23 juin 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL Style Network International demande à la cour de':

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que le contrat de distribution conclu le 29 octobre 2013 entre les sociétés Sport Négoce International S.A.R.L devenue Style Network International et Roméo et Juliette INC a été résilié d'un commun accord des parties ;

- débouté la société Sport Négoce International S.A.R.L devenue Style Network International de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Sport Négoce International S.A.R.L devenue Style Network International à payer à la société Roméo et Juliette INC la somme de 30'000'€ (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts au titre des agissements de concurrence déloyale,

- dit et jugé que les frais de transfert du nom de domaine seront à la charge de la société Sport Négoce International SARL devenue Style Network International,

- condamné la société Sport Négoce International S.A.R.L devenue Style Network International à payer à la société Roméo et Juliette INC la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles,

- laissé les dépens à la charge de la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International,

- confirmer le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau

- recevoir la société SNI en toutes ses demandes, la dire bien fondée, et y faire droit ;

- débouter la société Roméo et Juliette de toutes ses demandes et de son appel incident;

- constater l'absence de consentement de la société SNI à la résiliation du contrat de distribution du 29 octobre 2013 ;

en toute hypothèse :

- constater la résiliation du contrat de distribution aux torts exclusifs de la société Roméo et Juliette,

en conséquence,

- dire et juger que la société SNI a subi un préjudice du fait de la résiliation du contrat de distribution du 29 octobre 2013 aux torts exclusifs de la société Roméo et Juliette,

- condamner la société Roméo et Juliette à verser à la société SNI la somme de 2.515.680 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat de distribution,

- condamner la société Roméo et Juliette à verser à la société SNI la somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'annulation de la vente privée et du dénigrement de la société SNI auprès de la société venteprivee.com,

- faire sommation à la société Roméo et Juliette de communiquer les membres de son réseau de distribution en Europe, les contrats passés avec ses agents, la date de commencement des relations avec les agents et clients de ce réseau, et le chiffre d'affaires réalisé sur le territoire contractuel depuis la cessation des relations,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans 2 journaux ou revues au choix de la société SNI, et aux frais de la société Roméo et Juliette dans la limite de 10.000 € HT par insertion, et ce à titre de dommages et intérêts complémentaires,

en tout état de cause :

- condamner la société Roméo et Juliette à payer à la société SNI la somme de 110.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Roméo et Juliette aux frais irrépétibles de l'instance.

Par conclusions notifiées et déposées le 10 août 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Roméo et Juliette demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que le contrat de distribution du 29 octobre 2013 entre les sociétés Sport Négoce International devenue Style Network International (SNI) et Roméo et Juliette a été résilié d'un commun accord entre les parties,

- débouté la société SNI de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- ordonné à la société SNI de cesser d'utiliser le nom de domaine bearpaw.fr et de cesser de se présenter comme le distributeur exclusif des chaussures « Bearpaw »,

- le réformer en ce qu'il n'a pas retenu que la société SNI a commis certaines des violations contractuelles invoquées à son encontre et à ce titre':

- dire que la société Roméo et Juliette a subi un préjudice du fait de l'attitude fautive de la société SNI à son encontre constitutif d'actes de violations contractuelles et/ou d'actes de concurrence déloyale,

- condamner la société SNI à verser à la société Roméo et Juliette la somme de 300'000 € en réparation dudit préjudice subi,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux ou revues au choix de la société Roméo et Juliette mais aux frais de la société SNI dans la limite de 10'000'€ H.T. par insertion et ce, à titre de complément de dommages et intérêts,

- condamner la société SNI à payer à la société Roméo et Juliette la somme de 60 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

MOTIFS

1. La résiliation du contrat :

L'appelante soutient qu'aucun accord de volonté n'est intervenu entre les parties pour résilier le contrat, que le courrier de la société SNI du 30 décembre 2016 ne constitue en rien la prise d'initiative d'une volonté de résiliation mais témoigne de l'agacement de la société SNI face à la fragilisation constante des relations contractuelles du fait de la société Roméo et Juliette et du profond désaccord entre elles. Elle ajoute que, dans le délai contractuel, elle s'est expliquée sur les manquements reprochés, y a mis fin et n'a fait qu'acter dans ce courrier la décision de résilier le contrat, décision initiée par la société Roméo et Juliette le 27 décembre 2016. Elle conteste que la société Roméo et Juliette ait pu accepter ou consentir à la résiliation dans son courrier du 13 janvier 2017 puisque c'est celle-ci qui a manifesté, la première, une menace de résilier le contrat dans son courrier du 27 décembre 2016.

La SARL SNI réplique que le courrier recommandé du 27 décembre 2016 ne notifiait aucune résiliation, mais signifiait à l'appelante des manquements contractuels graves consistant en la commercialisation directe et indirecte de chaussures de marques « Gooce et Nicebay » déposées par M [S] [L], dirigeant de la SARL SNI et lui a demandé de s'en expliquer.

Elle précise que le courrier de réponse de l'appelante du 30 décembre 2016 entend en revanche notifier une résiliation du contrat dont la SARL SNI est seule à l'origine et que la société Romeo et Juliette a accepté le 13 janvier 2017. Compte tenu de cette acceptation, la SARL SNI ne pouvait plus revenir sur la résiliation, l'article 7.2 dont cette dernière se prévaut ne pouvant recevoir application.

En application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

En application de l'ancien article 1184 du code civil, invoqué par l'appelante, dispose quant à lui que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté à le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

Contrairement à ce que soutient la SARL SNI, les difficultés relatives à l'exécution d'un contrat distinct, conclu entre la société R&J et une société également dirigée par M. [L], gérant de la SARL SNI, fussent-elles imputables à la société R&J, sont sans incidence sur les relations contractuelle issues du contrat de distribution exclusive conclu le 29 octobre 2013.

La SARL SNI ne peut pas soutenir que le courrier du 27 décembre 2016 « constituait clairement une volonté de la part de la société R&J de résilier le contrat de distribution », qu'elle n'aurait fait qu'acter dans son courrier en réponse du 30 décembre, quand aucun des termes employés par la société R&J ne se rapporte à une quelconque résiliation, le conseil en propriété intellectuelle de la société R&J signifiant ce qu'il considérait comme des manquements contractuels graves consistant en l'enregistrement par M. [L] de marques (Gooce et Nicebay) qu'il estimait contrefaisantes à l'égard des marques sous licence.

Ce courrier invite la SARL SNI à donner toutes explications utiles :

« Please explain that as well, including in detail with dates when your friend's use of Romeo & Juliette'footwear designs and how those design came to be marked with a trademark that you own »

« Please uderstand that this is a serious issue and must be addressed by you immediately »

Ce courrier ne requiert donc que des explications quant au dépôt de ces marques, sans mise en demeure, ni invocation de l'article 7.2 du contrat, ni volonté de résilier. À supposer même que ce courrier ait été envoyé en vue d'une possible résiliation contractuelle, il appartenait à la SARL SNI de s'expliquer, de contester les manquements reprochés ou d'y remédier.

Or, dans sa réponse du 30 décembre 2016 (pièce 17 de l'appelante), la SARL SNI reconnait la commercialisation « de produits de même nature », ce qui confirme les griefs formulés par la société R&J, expose ses propres griefs à l'encontre de la société R&J et notifie clairement la résiliation du contrat de distribution':

« Je me vois donc contraint de vous récapituler les raisons pour lesquelles j'entends, par la présente, résilier le contrat de distribution qui nous lie »

« C'est donc très officiellement que je vous notifie par la présente, la rupture du contrat de distribution qui nous liait et je fais toute réserve de mes droits sur le préjudice que vos comportements successifs ont pu causer à mon entreprise ».

La société R&J a expressément accepté la résiliation par courrier du 23 janvier 2017, sans reconnaissance d'une responsabilité contractuelle, comme l'a exactement énoncé le tribunal de commerce de Marseille.

La SARL SNI ne soutenir dans ces conditions qu'il s'agit d'une résiliation unilatérale, à l'initiative de la société R&J, laquelle l'aurait « contrainte » d'adresser cette lettre de résiliation compte tenu de son comportement lors de l'exécution du contrat.

Elle ne peut pas plus invoquer les dispositions de l'article 7.2 du contrat pour affirmer qu'elle était fondée à revenir sur la résiliation dès lors, d'une part, le courrier émanant de la société R&J du 27 décembre ne se prévalait pas de cette disposition et d'autre part, s'agissant de son propre courrier, l'article 7.2 ne permettrait de revenir sur la résiliation qu'à la seule société R&J démontrant qu'elle avait remédié aux manquements contractuels dénoncés par la SARL SNI, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce.

Dès lors c'est bien d'un commun accord que les parties ont prononcé la résiliation du contrat, conformément à l'article 1134 du code civil précité et la SARL SNI ne peut soutenir qu'elle a valablement renoncé à la résiliation dans son second courrier de janvier 2017, l'acceptation de la résiliation par la société R&J ayant définitivement scellé l'accord des parties sur ce point.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté la SARL SNI de sa demande de résiliation aux torts exclusifs de la société R&J.

2. Les fautes imputées à la société R&J lors de l'exécution du contrat :

La SARL SNI soutient que la résiliation était inéluctable dès lors que la société R&J l'a placé dans un état de fragilisation permanente alors qu'elle avait tout mis en œuvre pour réaliser ses obligations. Elle reproche ainsi à la société R&J une absence de jouissance paisible de la marque sous licence, la commercialisation en Europe de produits de marque Pawz par la société R&J parasitant la distribution de la SARL SNI, l'éviction de la société Royal Brand de la licence concédée par la société R&J ce qui a eu une incidence directe sur le contrat de distribution, l'instabilité permanente dans laquelle la société R&J l'a maintenue jusqu'à lui adresser une lettre de rupture en février 2016 pour revenir sur cette décision par la suite.

Or, la SARL SNI ne justifie d'aucun de ces griefs :

S'il est exact que la marque sous licence a été contestée, il n'est pas justifié de l'aboutissement d'une quelconque procédure, ni d'une quelconque atteinte à l'activité économique de distribution de la SARL SNI.

Comme rappelé ci-dessus, les difficultés entre l'intimée et la société Royal Brand, concernant un contrat de distribution distinct avec une société tierce aux parties en cause dans le présent litige ne peut être invoqué au soutien de demandes relatives au contrat de distribution du 29 octobre 2013.

La distribution de produits présentés comme similaires de marque Pawz, par la société Romeo & Juliette, dans des magasins TK Maxx au Royaume Uni n'est corroborée par aucune pièce, l'attestation établie par M. [C] [T] étant à cet égard parfaitement insuffisante.

L'instabilité permanente alléguée concerne une lettre de résiliation adressée par la société R&J le 11 février 2016, conformément aux dispositions du contrat qui prévoit pour chaque partie une faculté de résiliation sans motif, mais moyennant un préavis de 180 jours. L'exercice d'une prérogative contractuelle, dans le respect des conditions fixées par les parties ne constitue pas une faute et il ne peut être tiré aucune conséquence de la renonciation de la société R&J de se prévaloir de cette résiliation à la suite de l'accord des parties sur la poursuite du contrat.

3. L'appel incident de la société R&J :

La société R&J reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu à l'encontre de la SARL SNI la concurrence déloyale constituée par la commercialisation de chaussures de marque Gooce et Nicebay et la violation de ses obligations contractuelles lors de la résiliation (absence de fourniture d'un inventaire détaillé, dénigrement).

Le dépôt des marques Gooce et Nicebay, pour des chaussures similaires à celles de la marque Bearpaw n'est pas contesté par la SARL SNI qui indique « avoir été contrainte » de procéder à ce dépôt lors de la première tentative de résiliation du contrat par la société Romeo & Juliette. Or, comme le souligne l'intimée, d'une part la résiliation bénéficiait d'un préavis contractuel de 180 jours, suffisant pour que la SARL SNI puisse contacter d'autre fournisseurs, et, d'autre part, la marque Nicebay a été déposée postérieurement à la renonciation à la résiliation, de sorte que l'argument est sans portée.

Contrairement à ce qu'ont énoncé les premiers juges, l'absence d'opposition de la société Romeo & Juliette lors du dépôt de ces marques est sans incidence dès lors qu'il s'agit d'une violation directe des obligations contractuelles de la SARL SNI édictée à l'article 4.7 du contrat de distribution. Les mêmes faits constituent également une concurrence déloyale postérieurement à la résiliation.

Il n'est pas plus contestable que la SARL SNI n'a pas fourni l'inventaire détaillé prévue à l'article 7.5a du contrat de distribution et a continué à vendre des produits Bearpaw postérieurement à la résiliation. Les dispositions contractuelles ne prévoyant nullement une demande préalable de la part de la société Romeo & Juliette, il appartenait à la SARL SNI de respecter, de bonne foi ses obligations à ce titre.

En revanche le grief tiré du dénigrement de la société Romeo & Juliette n'est pas suffisamment caractérisé par les échanges figurant en pièces 8 et 9 de l'intimée qui ne peuvent constituer une preuve objective de l'existence d'un dénigrement.

Compte tenu de ces éléments, de ceux déjà retenus par les premiers juges et de l'absence de toutes pièces comptables, le préjudice subi par la société Romeo & Juliette du fait des fautes contractuelles et des actes de concurrence déloyale commise par la SARL SNI doit être porté à la somme de 35'000 euros, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille du 11 septembre 2019 étant infirmé de ce chef.

La mesure de publication n'est pas nécessaire en l'espèce.

La SARL SNI qui succombe est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de cinq mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 11 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International à payer à la société Roméo & Juliette la somme de 30 000 euros (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts au titre des agissements de concurrence déloyale,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la société Sport Négoce International S.A.R.L. devenue Style Network International à payer à la société Roméo & Juliette la somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Condamne la SARL Style Network International aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL Style Network International à payer à la société Romeo & Juliette Inc. la somme de 5'000 euros.