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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 1 août 2023, n° 21/01781

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Produits de Constructions GCP (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

M. Leveque, M. Saunier

Avocats :

Me Pauthier, Me Grammont, Me Billaudel, Me Normand

T. com. Lons-le-Saunier, du 9 juill. 202…

9 juillet 2021

Exposé du litige

Mme [F] [M] a conclu le 1er décembre 2001 un contrat d'agent commercial à durée indéterminée avec la SA WR Grace, devenue ensuite SAS Grace Produits de Construction puis la SAS GCP Produits de construction (la société GCP). Mme [M] a ensuite créé la SASU [M], qui a poursuivi la même activité d'agent commercial pour le compte de la société GCP. Un différend a toutefois opposé les parties à compter d'une hausse des tarifs décidée par la mandante, notamment sur les produits ignifuges de construction Monokote, qui a fait craindre à l'agent la fuite de clients importants figurant à son portefeuille.

Sur assignation délivrée le 18 mai 2020 par la société [M] à la société GCP aux fins de résiliation du contrat d'agence commerciale et de paiement d'une indemnité de rupture et d'une indemnité de préavis, et sur demande reconventionnelle de la mandante en résiliation du contrat aux torts de l'agent et en paiement de dommages et intérêts, le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, par jugement du 9 juillet 2021, a :

- accueilli la demande de la société [M] mais l'a déclarée mal fondée ;

- débouté la société [M] de toutes ses demandes ;

- constaté la résolution du contrat d'agent commercial à l'initiative de la société [M] ;

- condamné la société [M] à payer à la société GCP Produits de Construction la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande reconventionnelle de la société GCP Produits de construction ;

- ordonné l'exécution provisoire  ;

- condamné la société [M] aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu qu'en application des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, l'agent initiateur de la cessation du contrat d'agence commerciale n'avait pas droit à une indemnité de rupture à moins que la cessation ne soit justifiée, notamment, par des circonstances imputables au mandant ; qu'en l'espèce tel n'était pas le cas, la hausse tarifaire incriminée étant modérée et n'emportant pas une modification substantielle des relations commerciales ; et que la demande indemnitaire formée reconventionnellement par la société GCP ne pouvait être accueillie dès lors que la perte de chance de réaliser d'autres ventes au cours de l'année 2019 dans les territoires confiés à la société [M], imputée à un désinvestissement fautif de l'agent, ne correspondait qu'à un préjudice non pas certain mais seulement éventuel, en conséquence non indemnisable.

La société GCP, faisant application du jugement exécutoire par provision, a fait connaître à la société [M], par mail du 30 juillet 2021, qu'elle n'était plus son agent et qu'elle devait en informer ses clients.

La société [M] a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 30 septembre 2021. Son appel critique expressément la disposition déclarant ses demandes mal fondées et l'en déboutant, le constat de la résolution du contrat à son initiative, sa condamnation aux frais irrépétibles et dépens, et le rejet de toutes autres demandes contraires.

Par conclusions transmises le 11 avril 2023, visant les articles L. 134-4, L. 134-12, L. 134-13, L. 441-1 et L. 442-1 du code de commerce, et les articles 1134 et 1184 anciens du code civil, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf le rejet de la demande reconventionnelle et de :

À titre principal,

- dire que la rupture du contrat ne la prive pas de l'indemnité prévue aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

- condamner la société GCP à lui payer une indemnité de rupture de 152 411 euros ;

- la condamner à lui payer une indemnité compensatrice de préavis de 12 701 euros ;

Subsidiairement,

- prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société GCP ;

- condamner la société GCP à lui payer une indemnité de rupture de 152 411 euros ;

- la condamner à lui payer une indemnité compensatrice de préavis de 12 701 euros ;

Sur l'appel incident,

- confirmer le débouté de la société GCP de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la société GCP à lui payer 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- la condamner à lui payer 5 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et 8 000 euros pour ceux d'appel, et à payer les entiers dépens.

L'appelante soutient :

- que sur la base du jugement non définitif, la société GCP a rompu le contrat le 30 juillet 2021, sans motifs et sans préavis ;

- que la cour devra lui accorder des réparations pour les multiples fautes commises par la mandante à partir du début de l'année 2019, qui justifiaient la rupture du contrat aux torts de la mandante et qui, au regard de la rupture du contrat intervenue en cours de procédure, doivent être prises en compte pour déterminer l'indemnisation due à l'agent ;

- qu'en effet la mandante a manqué à ses obligations de rester loyale envers l'agent, de respecter son devoir d'information envers l'agent, de mettre l'agent en mesure d'exécuter son mandat, de l'informer de sa politique commerciale, promotionnelle et des éventuelles ruptures de stock, de recevoir les informations de l'agent concernant le marché, en particulier les conditions de concurrence et de prix, de consulter l'agent, en particulier sur la structure tarifaire ;

- que la notification de la rupture du contrat par la mandante sur la base du jugement de première instance caractérise une rupture unilatérale sans motifs ni préavis, ouvrant droit au paiement d'une indemnité de rupture et d'une indemnité de préavis, prévues aux articles 13 et 9 du contrat ;

- que subsidiairement devra être prononcée la résolution judiciaire aux torts de la mandante avec effet au 31 décembre 2018, date à partir de laquelle la politique commerciale de la société GCP a profondément changé ;

- que l'indemnité de rupture généralement fixée à deux années de commissions, peut être portée à trois années lorsque les circonstances le justifient, ce qui est le cas compte tenu de l'ancienneté de l'agent, et devra être fixée à 152 411 euros correspondant aux commissions annuelles perçues en 2016, 2017 et 2018  ;

- que sur la même base, l'indemnité pour trois mois de préavis sera fixée à 12 701 euros ;

- que le préjudice moral, au regard de l'ancienneté de l'agent qui n'avait jamais reçu le moindre reproche, ainsi que des circonstances vexatoires de la rupture, sera indemnisé à hauteur de 20 000 euros ;

- que la mandante, pour sa part, ne peut lui imputer une baisse de chiffre d’affaires alors que son propre intérêt était également de développer celui-ci pour percevoir des commissions, la comparaison avec la performance de l'autre agent commercial n'étant pas pertinente en raison de différences dans leurs clientèles.

La société GCP, par conclusions transmises le 10 mars 2023 portant appel incident et visant l'article L. 134-13 du code de commerce, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [M] de ses demandes, constaté la résolution du contrat à l'initiative de celle-ci, condamnée pour frais irrépétibles et aux dépens ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle ; 

- débouter la société [M] de sa demande pour préjudice moral ; 

- condamner la société [M] à lui payer 110 000 euros au titre de la perte de chance de réaliser d'autres ventes dans les territoires qui lui étaient confiées sur l'année 2019 ;

- condamner la société [M] à lui payer 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

L'intimée soutient :

- qu'aucun des griefs invoqués par la société [M] n'est fondé alors que l'information due sur la hausse des prix a été fournie sans retard après une réunion du 21 février 2019 sous la forme d'un courrier explicatif à destination des clients, d'un tableau récapitulatif des hausses, de l'indication des modalités des remises sur volume, alors que la fuite de clients causée par la hausse tarifaire n'a pas eu lieu, puisque, sur la même période 2018-2019, la performance de l'autre agent commercial sur le marché du Monokote est restée stable, seule chutant celle de la société [M], en raison du désengagement de Mme [M], alors encore que les problèmes de qualité et de rupture de stock ne sont pas établis, et que la concurrence déloyale n'est pas mieux caractérisée, le grief portant sur des marchés hors de la zone géographique confiée à la société [M] ;

- que suivant l'article L. 134-13 du code de commerce, aucune indemnité n'est due à l'agent commercial lorsque la cessation du contrat résulte de son initiative, sauf s'il prouve que la rupture est justifiée par des circonstances imputables au mandant, ce en quoi la société [M] échoue ; qu'en réalité la déloyauté dont a fait preuve la SAS [M] en se désintéressant de sa mission caractérisait une rupture de son fait ; qu'en conséquence aucune indemnité de rupture n'est due, ni aucune indemnité de préavis ;

- qu'au contraire le désinvestissement de la société [M] a causé à sa mandante un préjudice en lui faisant perdre une chance de réaliser d'autres ventes sur les territoires confiés à la société [M] sur l'année 2019.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée le 18 avril 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 9 mai 2023 et mise en délibéré au 1er août suivant.

Motifs de la décision

Sur la résiliation du contrat et le droit à indemnisation de l'agent

En application des articles L. 134-2 et L. 134-3 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, mais l'agent commercial perd le droit à réparation dans les cas suivants :

- s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ;

- si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial,

- si la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

- et si, selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Les conditions dans lesquelles le contrat a été exécuté antérieurement ne font l'objet d'aucune critique de part ou d'autre pour les dix-huit années écoulées entre la signature du contrat initial en date du 1er décembre 2021 et le début de l'année 2019. Une incompréhension croissante est apparue entre les parties dans les suites d'une réunion du 21 février 2019 consacrées aux produits de fireproofing, parmi lesquels les produits Monokote vendus par la société [M]. Lors de cette réunion, la mandante a annoncé sa décision d'augmenter de 3,5 % le prix des produits Monokote, constitués principalement de plâtres et ciments de protection anti-incendie, suite à la hausse du coût des matières première et du transport maritime, cette hausse étant toutefois limitée à 1,7 % pour les clients importants, tel le client Comiso figurant au portefeuille de la société [M]. Celle-ci avait alors protesté dès le 1er mars en annonçant que la hausse de prix provoquerait la perte du client Comiso. S'en sont suivis de vifs échanges entre les parties. Mme [M] disant avoir perdu le client Comiso, craignait de perdre aussi le client SNDI, ce qui impacterait son activité, et souhaitait que la mandante informe elle-même les clients des hausses tarifaires, notamment pour les chantiers en cours de négociation. En retour, la société GCP lui rappelait qu'elle avait arrêté sa politique de prix comme le contrat lui en donnait le droit, qu'elle n'avait pas de leçons à recevoir sur ses modalités de communication, et qu'elle avait adressé aux deux agents commerciaux concernés un courrier explicatif à destination des clients, qu'elle proposait de signer elle-même pour 'dédouaner' les agents commerciaux vis à vis de leur clientèle. La société [M], contestant préparer la retraite de Mme [M] mais précisant vouloir céder son mandat, a ensuite reproché à sa mandante de ne pas lui avoir fourni les moyens d'accomplir sa mission, faute de lui avoir transmis les brochures commerciales et grilles tarifaires nécessaires, et d'avoir en réalité cherché à diminuer la valeur de son portefeuille en ne respectant pas ses obligations contractuelles et légales, ce à quoi la société GCP a répliqué que les clients étaient à même d'admettre une légère augmentation, au demeurant spécialement limitée à 1,7 % pour le client Comiso, que par ailleurs les clients, professionnels et spécialistes des produits concernés, n'avaient que faire de brochures commerciales et n'étaient intéressés que par des tests et calculs de résistance au feu établis en fonction de leurs projets, que les tarifs leur avaient été communiqués, et qu'elle-même n'aurait eu aucun intérêt à diminuer la valeur du portefeuille de la SAS [M], mais au contraire à conserver les marchés et les clients correspondant.

Si ce différend a conduit l'agent à demander la résiliation judiciaire du contrat par assignation du 18 mai 2020, celle-ci ne constituait pas elle-même la rupture du contrat ni même son inexécution, de sorte qu'il n'apparaît pas que le contrat ait cessé d'être exécuté pendant la procédure. La société GCP n'établit pas, notamment que la société [M] aurait rompu tacitement le contrat en refusant d'exécuter ses obligations et en faisant preuve d'un désinvestissement déloyal alors qu'il résulte au contraire des échanges précédemment rappelés que l'agent, loin de se désintéresser de son activité, cherchait activement à maintenir son portefeuille, qu'il estimait menacé par les hausses tarifaires décidées par la mandante. Le prétendu désinvestissement ne résulte pas non plus de la comparaison de la performance de la société [M] avec celle de l'autre agent, qui révèle une baisse de la première et une stabilité de la seconde pour les années 2018 et 2019, sans toutefois qu'il soit démontré par des éléments concrets et pertinents que cette différence avait nécessairement pour cause un désinvestissement fautif de la société [M].

En conséquence, le contrat apparaît n'avoir pris fin que le 30 juillet 2021, date à laquelle la société GCP, forte du jugement critiqué qui venait de constater la résiliation du contrat aux torts de la société [M] et qui était assorti de l'exécution provisoire, a adressé à la société [M] un mail pour lui demander d'informer les clients qu'elle n'était plus son agent et le lui a confirmé par un autre mail du 2 août suivant, mettant ainsi un terme définitif à la coopération des parties.

Le fait que la mandante ait ainsi mis fin au contrat au bénéfice d'un jugement qui lui en donnait provisoirement le droit ne l'exonère pas des conséquences de sa décision, dès lors qu'il résulte de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer, même en l'absence de faute, les conséquences dommageables.

Il résulte des précédents éléments que la cessation du contrat n'est imputable ni à une décision de l'agent mettant à sa charge la délivrance d'un préavis, ni à une faute grave de l'agent, ni à une initiative de l'agent donnant lieu à rechercher si elle était justifiée par des circonstances imputables au mandant, ni d'un accord entre les parties. Dès lors, aucune des conditions exonératoires d'indemnité prévue par les textes précités n'étant caractérisée, l'indemnité est due à l'agent.

En conséquence, infirmant le jugement en ce qu'il a déclaré mal fondée la demande de la société [M], en ce qu'il a constaté la résolution du contrat d'agent commercial à l'initiative de la société [M], et en ce qu'il a débouté celle-ci de sa demande en paiement d'une indemnité de rupture, la cour, eu égard à la résiliation du contrat opérée par la mandante, qui rend sans objet les demandes réciproques de résiliation judiciaire, déboutera les deux parties de ce chef, et condamnera la mandante à payer à l'agent l'indemnité de rupture prévue aux articles L. 134-12 et L. 134-13 précités.

Par ailleurs, la mandante ayant rompu le contrat sans respecter le préavis de trois mois, que lui imposait l'article 9 du contrat hors faute grave ou cas de force majeure non caractérisés en l'espèce, elle en doit réparation à l'agent. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société [M] de sa demande en paiement d'une indemnité de préavis, et la société GCP sera condamnée à lui payer une somme équivalente aux trois mois de commissions qui auraient pu être perçues pendant la durée du préavis.

Sur le montant des indemnités

L'indemnité compensatrice venant réparer le préjudice subi par l'agent en cas de cessation de ses relations avec le mandant, tel que prévu à l'article L. 134-12 précité, sera fixée à l'équivalent de trois années de commissions, eu égard à la longue durée d'exécution du contrat. En effet, si la SASU [M] n'a été créée que le 1er avril 2017 et si le contrat a été rompu seulement trois ans et trois mois plus tard, cette société n'a fait que poursuivre le contrat signé le 1er décembre 2001 par son associée unique Mme [M] avec la SA WR Grace, puis reconduit par avenant du 18 mars 2008 avec la SAS Grace Produits de Construction devenue ensuite GCP Produits de construction, de sorte que la coopération contractuelle à laquelle celle-ci a mis fin le 30 juillet 2021 durait depuis près de vingt ans.

Les trois années de référence retenues pour calculer l'indemnité seront les trois années complètes antérieures à la rupture, à l'exception de l'année 2020, non représentative du montant annuel perdu en raison des perturbations économiques causées par l'épidémie de Covid 19. L'année 2019 sera en revanche retenue, même si elle correspond à une baisse des commissions, dès lors d'une part que les modifications de tarifs décidées par la mandante relevaient de ses attributions contractuelles et n'apparaissent ni excessives ni autrement fautives, de sorte qu'elles relèvent pour l'agent de l'aléa économique non indemnisable, et dès lors d'autre part que les prétendus manquements de la mandante, qui n'aurait pas fourni les brochures et tarifs utiles à la mission de l'agent et causé ainsi la chute de ses commissions, n'apparaissent pas pouvoir avoir eu cet effet, l'agent ayant travaillé plus de dix-huit ans avec la même mandante sans lui avoir fait de reproche à cet égard et ne soutenant pas que la documentation manquante lui était fournie auparavant, ce qui empêche de retenir à ce titre un changement de comportement susceptible d'avoir engendré une modification de performance.

Seront ainsi retenues les années 2017, 2018 et 2019, pour lesquelles un expert-comptable atteste que les commissions se sont élevées respectivement à 61 310 euros, 39 770 euros et 15 626 euros, soit au total 116 706 euros, montant auquel sera fixé l'indemnité de rupture de contrat.

L'indemnité de préavis, égale à trois mois de commissions, sera ainsi fixée à 9 725,50 euros (116 706 /36 x 3).

Sur le préjudice moral de l'agent commercial,

La cour a précédemment relevé que l'évolution des relations entre l'agent et la mandante entre l'annonce des hausses de tarif et la rupture du contrat permettait de caractériser une mésentente croissante, mais non une faute de la mandante, à qui le contrat donnait le droit de fixer ses tarifs et à qui rien n'imposait d'avoir avec les clients une communication sur les tarifs allant au-delà de celle qu'elle avait mise en œuvre, ni de suivre sur ce point les exigences personnelles de la société [M]. Le prétendu caractère vexatoire des circonstances de la rupture n'est pas davantage établi par les seules affirmations de la société [M]. Il en résulte que celle-ci n'a pas démontré la faute de nature à obliger la mandante à réparer le préjudice moral qu'elle lui aurait causé, et qu'en conséquence le jugement doit être confirmé en qu'il a débouté la société [M] de ce chef.

Sur le préjudice de la mandante,

Sera de même confirmé le rejet de la demande indemnitaire reconventionnelle de la société GCP Produits de construction, qui n'a pas établi, ainsi que précédemment retenu, le désinvestissement fautif de la société [M] au cours de l'année 2019 et qui ne peut donc prétendre à la réparation des causes attribuées à cette faute.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement rendu entre les parties le 9 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier en ce qu'il a déclaré mal fondée la demande de la société [M], en ce qu'il a constaté la résolution du contrat d'agent commercial à l'initiative de la société [M], et en ce qu'il a débouté celle-ci de ses demandes en paiement d'une indemnité de rupture et d'une indemnité compensatrice de préavis ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes en résiliation judiciaire du contrat ;

Condamne la SAS GCP Produits de construction à payer à la SASU [M] la somme de 116 706 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial  ;

La condamne à lui payer la somme de 9 725,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

La déboute de sa demande pour frais irrépétibles ;

La condamne à payer à la SASU [M] la somme de 8 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel ;

La condamne à payer les dépens d'appel.