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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 22 octobre 2019, n° 18/03885

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

PFH (SARL), Proboat (SAS), Barcares Yachting (SAS), CMB (SAS), Marine Center (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Rochette

T. com. Perpignan, du 17 juill. 2018, n°…

17 juillet 2018

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL PFH, dont Pierre F. est le gérant, détient 100 % des actions d'une SAS Proboat, qui détient elle-même la totalité des actions de trois sociétés intervenant dans le secteur du nautisme, la SAS CMB exploitant deux magasins d'accastillage situés l'un à Saint-Cyprien, l'autre au Barcarès, la SAS Barcarès Yachting exploitant au Barcarès une activité de vente et location de bateaux, entretien et réparation, et la SAS Marine Center exploitant deux établissements de vente de bateaux et prestations accessoires, l'un au Cap d'Agde, l'autre à Saint-Cyprien.

La comptabilité des sociétés du groupe Proboat était auditée annuellement par Didier P., commissaire aux comptes à Perpignan.

Le nouveau responsable administratif et financier de la société Proboat, qui avait été embauché le 20 avril 2017 en remplacement de M. O., lequel avait occupé cette fonction du 2 mai 2012 au 30 mai 2017, a constaté diverses anomalies dans les comptes de l'exercice en cours (1er octobre 2016-30 septembre 2017) susceptibles d'être imputées à son prédécesseur, notamment l'existence d'espèces non versées en banque ou de virements bancaires injustifiés, anomalies dont il a informé M. F..

Celui-ci a décidé de confier à M. L., expert-comptable, par ailleurs expert près la cour d'appel de Montpellier, la mission de rechercher et d'évaluer les anomalies et fraudes dans la tenue de la comptabilité des sociétés du groupe, sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2017 ; un premier rapport d'expertise privé a été établi le 21 décembre 2017 par M. L. qui a chiffré à la somme de 459 903 euros le préjudice des diverses sociétés du groupe résultant de détournements de recettes dissimulés comptablement au moyen notamment de fausses factures.

Par courrier du 17 février 2018, M. F. a demandé à M. P. de lui fournir les éléments de ses dossiers de travail montrant les diligences accomplies lors de l'audit des comptes annuels, mais par courrier en réponse du 1er mars 2018, ce dernier a opposé un refus au motif que les éléments demandés étaient couverts par le secret professionnel.

Dans un second rapport d'expertise privé établi le 5 avril 2018, M. L. a cependant estimé que le commissaire aux comptes n'avait pas mis en œuvre les procédures d'audit dans le respect des normes d'exercice professionnel, que le programme de travail suivi par celui-ci semble être d'un volume inférieur au volume d'heures minimum devant être consacré à un tel dossier en application du barème obligatoire, qu'un programme de travail de volume d'heures découlant de l'application de l'article R. 823-12 du code de commerce aurait dû permettre à un auditeur normalement avisé de détecter les fraudes et que le montant global des fraudes identifiées est de 508 132 euros pour la période allant du 15 mars 2013 au 30 mai 2017.

Par exploit du 19 mars 2018, M. F., la société PFH et les autres sociétés du groupe Proboat ont fait assigner en la forme des référés M. P. devant le tribunal de commerce de Perpignan en vue d'obtenir que celui-ci soit relevé de ses fonctions de commissaire aux comptes .

Le tribunal, par jugement du 17 juillet 2018, a notamment :

- rejeté la protection du secret professionnel soulevée par M. P.,

- relevé celui-ci de ses fonctions de commissaire aux comptes des sociétés Proboat, Barcarès Yachting, CMB et Marine Center,

- nommé le cabinet KPMG 28, avenue du général Guillaut à Perpignan aux fonctions de commissaire aux comptes titulaire pour la SARL PHB, la SAS Proboat, la SAS Barcarès Yachting, la SAS CMB et la SAS Marine Center,

- condamné le défendeur à payer aux demanderesses la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. P. a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 25 juillet 2018 au greffe de la cour.

En l'état de ses dernières conclusions déposées le 27 août 2019 via le RPVA, il demande à la cour, au visa des articles R. 823-5 et L. 823-7 et suivants du code de commerce, de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Perpignan pour les chefs de dispositif suivants :

« Rejette la protection du secret professionnel soulevée par Monsieur Didier P.,

Relève Monsieur Didier P. de ses fonctions de commissaire aux comptes des sociétés Proboat, Barcarès Yachting,CMB et Marine Center,

Nomme le cabinet KPMG [...], aux fonctions de commissaire aux comptes titulaire de la SARL PFH, la SAS Proboat, la société Barcarès Yachting, la société CMB et la SAS Marine Center,

Alloue à Monsieur Pierre F., à la SARL PFH, à la SAS Proboat, à la société Barcarès Yachting, à la société CMB et à la SAS marine Center, la somme totale de 1000 euros (mille euros), qui leur sera versée par Monsieur Didier P.,

Condamne Monsieur Didier P. aux dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur. »

En conséquence, statuant à nouveau,

- rejeter les demandes de M. Pierre F. et de la société PFH, ainsi que de ses filiales en toutes fins qu'elles comportent,

- dire n'y avoir lieu à prononcer son relèvement de ses fonctions de commissaire aux comptes des sociétés Proboat, Barcarès Yachting, CNB et Marine Center,

Reconventionnellement,

- condamner in solidum M. F., les sociétés PFH, Barcarès Yachting, Proboat, CMB Uship et marine Center à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

- en se bornant à relever que le respect strict des normes d'exercice professionnel aurait conduit à l'évidence à la découverte des mouvements frauduleux et qu'il avait été défaillant dans l'exercice de sa mission de commissaire aux comptes , le premier juge n'a pas caractérisé une faute qualifiée de sa part, seule de nature à justifier qu'il soit relevé de ses fonctions, sachant que la certification délivrée par le commissaire aux comptes ne conduit qu'à l'assurance raisonnable de ce que les comptes , pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives,

- le rapport de M. L. n'est qu'un document unilatéral, dépourvu de valeur probatoire, d'autant que l'intéressé n'est pas inscrit sur la liste nationale des commissaires aux comptes et qu'il se borne à tenir pour vérité acquise les propos de son client sans les vérifier et à prétendre avoir « constaté » des faits basés sur de simples hypothèses,

- les griefs allégués à son encontre sont injustifiés et ne sauraient caractériser un manquement délibéré à ses obligations légales, réglementaires ou déontologiques, qu'il s'agisse de l'importance en nombre et en volume des fraudes constatées sur une période de cinq ans, du volume insuffisant d'heures consacrées aux travaux, du non-respect de diverses normes d'exercice professionnel (NEP), des insuffisances prétendues sur le caractère probant des éléments collectés qui ont empêché de démasquer le fraudeur, du fait d'avoir ignoré la NEP 265 traitant de la communication des faiblesses du contrôle interne ou de son refus de transmettre les éléments réclamés par courrier du 17 février 2018.

M. F., la société PFH, la société Proboat, la société Barcarès Yachting, la société CMB Uship et la société Marine Center sollicitent pour leur part, aux termes de leurs conclusions déposées le 2 août 2019 par le RPVA, la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et la condamnation de M. P. à leur payer la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elles soutiennent en substance que M. P. aurait dû détecter les détournements commis sur une période de cinq ans par des diligences normales relevant de son obligation de moyens, ce que relève le rapport d'expertise de M. L., et que son incurie justifie ainsi qu'il soit relevé de ses fonctions de commissaire aux comptes , comme en a justement décidé le premier juge.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 août 2019.

MOTIFS de la DECISION :

Il résulte de l'article L. 823-7 du code de commerce que les commissaires aux comptes peuvent être relevés de leurs fonctions avant l'expiration normale de celles-ci, sur décision de justice, notamment en cas de faute ; ainsi, une négligence caractérisée dans l'audit des comptes , qui est à l'origine de la non révélation d'anomalies comptables, est de nature à justifier la révocation du commissaire aux comptes , tenant la suspicion d'incompétence qu'elle fait naître chez son mandant

Dans le cas présent, il est constant que diverses irrégularités dans la tenue de la comptabilité des sociétés du groupe Proboat ont été découvertes après le départ de l'ancien responsable administratif et financier de la société Proboat, le 30 mai 2017, puisque les rapports d'expertise privés établis par M. L., expert-comptable, les 21 décembre 2017 et 5 avril 2018, ont mis en évidence des détournements, dont le montant a été finalement chiffré à 508 132 euros pour la période du 15 mars 2013 au 30 mai 2017, consistant en des détournements portant sur les recettes remontant des différents points de vente, non reversées en banque, qui avaient été masqués par des écritures comptables, essentiellement des frais d'intérêts fictifs ou des fausses factures de fournisseurs.

Comme le rappelle l'article L. 823-9 du code de commerce, le rôle du commissaire aux comptes est de certifier, en justifiant de ses appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice ; M. P. rappelle à juste titre que la certification des comptes ne conduit qu'à l'assurance raisonnable de ce que les comptes audités ne comportent pas d'anomalies significatives, la norme d'exercice professionnel (NEP) 200 définissant l'anomalie significative comme l'information comptable ou financière inexacte, insuffisante ou omise, en raison d'erreurs ou de fraude, d'une importance telle que, seule ou cumulée avec d'autres, elle peut influencer le jugement de l'utilisateur d'une information comptable ou financière.

Les sociétés du groupe Proboat reprochent, en premier lieu, à M. P. d'avoir consacré à l'audit des comptes un nombre d'heures de travail insuffisant, ce qui révélerait une carence de sa part dans la mise en œuvre des procédures de contrôle, ne lui ayant pas permis de déceler l'existence de détournements, qui se sont produits sur cinq exercices comptables successifs.

L'article R. 823-12 du code de commerce définit, en fonction du montant du bilan de la personne ou de l'entité, augmenté du montant des produits d'exploitation et des produits financiers hors TVA, le nombre d'heures de travail nécessaire à l'exécution de l'audit des comptes , en sorte qu'en l'espèce, M. P. était tenu, hors dérogation du président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes , de consacrer au sociétés Proboat, Barcarès Yachting, CMB et Marine Center un nombre d'heures de travail compris, selon les cas, entre 50 et 80 heures, 70 et 120 heures, 120 et 200 heures, 180 et 360 heures.

Or, l'intéressé ne justifie pas, par la communication de son dossier de travail, qu'il a effectivement consacré à chacune des sociétés du groupe Proboat, pour les cinq exercices concernés (2011-2012, 2012-2013, 2013-2014, 2014-2015 et 2016-2017), le nombre d'heures de travail nécessaire à l'exercice de sa mission, la norme NEP 230 obligeant en particulier le commissaire aux comptes à consigner dans son dossier les éléments qui permettent à toute autre personne ayant une expérience de la pratique de l'audit et n'ayant pas participé à la mission d'être en mesure de comprendre notamment la nature, le calendrier et l'étendue des procédures d'audit effectuées ; il se borne à fournir des extraits de documents établis par ses soins pour les seuls exercices comptables clos les 30 septembre 2015 et 30 septembre 2016 incluant des programmes de travail prédéfinis, qui ne permettent pas d'apprécier les dates, lieux, durées et objets de ses interventions successives, sachant que sur trois dérogations présentées comme obtenues du président de la compagnie régionale, une seule se trouve justifiée (audit des comptes de la société Marine Center au 30 septembre 2016 pour 120 heures au lieu de 180 heures minimum).

M. P. ne pouvait, comme il l'a fait par courrier du 17 février 2018, refuser de communiquer à M. F., président des sociétés Proboat, Barcarès Yachting, CMB et Marine Center, les éléments de son dossier de travail en invoquant le secret professionnel, alors précisément qu'un tel secret n'est pas opposable, conformément à l'article L. 823-16 du code de commerce, aux dirigeants des sociétés auditées à l'égard desquels le commissaire aux comptes est précisément tenu d'un devoir d'information.

Il est ensuite fait grief au commissaires aux comptes d'une absence de lettres de mission ayant ainsi privé les sociétés du groupe Proboat de la possibilité de discuter les termes du contrat ; à cet égard, la norme NEP 210 dispose que pour favoriser le bon déroulement de la mission du commissaire aux comptes , il est nécessaire que ce dernier définisse les termes et conditions de ses interventions et qu'il consigne celles-ci dans une lettre de mission définissant en particulier la nature et l'étendue des interventions qu'il entend mener conformément aux normes d'exercice professionnel ; en l'espèce, force est de constater que M. P. ne communique que quatre lettres de mission au nom des sociétés Proboat, Barcarès Yachting, CMB et Marine Center afférentes aux exercices comptables clos le 30 septembre 2015, mais l'absence de lettres de mission n'a pas en soi d'incidence sur la non révélation des irrégularités comptables en cause.

Enfin, dans le rapport d'expertise privé, qu'il a établi le 5 avril 2018, M. L., expert-comptable, retient que les procédures d'audit mises en œuvre pour répondre aux risques d'anomalies significatives n'ont pas respecté les normes d'exercice professionnel et que l'application de ces normes par le commissaire aux comptes aurait permis la détection des fraudes lors de l'audit des comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2012, soit au plus tard le 15 mars 2013.

A cet égard, l'expert privé des sociétés Proboat évoque, tour à tour, le non-respect de la norme NEP 240 visant à la prise en considération de la possibilité de fraude lors de l'audit des comptes , de la norme NEP 265 visant à identifier les faiblesses du contrôle interne qui, si elles sont significatives, doivent être communiquées, par écrit, aux dirigeants, de la norme NEP 300 sur la planification de l'audit consistant notamment à prévoir les procédures à mettre en œuvre, de la norme NEP 315 sur la connaissance de l'entité et de son environnement et l'évaluation du risque d'anomalies significatives dans les comptes par l'utilisation de techniques de contrôle, de la norme NEP 330 prévoyant, en cas d'évaluation du risque d'anomalies significatives au niveau des assertions, la mise en œuvre de procédures d'audit complémentaires comprenant des tests de procédure, des contrôles de substances ou une approche mixte utilisant la fois des tests de procédure et des contrôles de substances, de la norme NEP 500 définissant en particulier les techniques de contrôle et permettant aux commissaire aux comptes de collecter les éléments nécessaires dans le cadre de l'audit, de la norme NEP 505 sur les demandes de confirmation auprès des tiers des éléments collectés, de la norme NEP 520 sur les procédures analytiques, de la norme NEP 530 sur la sélection des éléments à contrôler, qui aurait pu pallier le non-respect de la norme précédente, et de la norme NEP 580 sur les déclarations de la direction, recueillies par le commissaire aux comptes .

Ces conclusions sont contestés par M. P. qui, outre le caractère non contradictoire de ce rapport privé et le défaut d'inscription de son auteur sur la liste nationale des commissaires aux comptes , communique un rapport, également privé, de M. A., expert agréé par la Cour de cassation, lequel conclut que la plupart des affirmations de M. L. paraissent formulées sans l'objectivité nécessaire à la formulation d'un avis d'expert, que ces affirmations ne sont pas, dans les faits, documentées et qu'il est impossible, à partir des travaux de celui-ci, de conclure à l'affirmation de manquements du commissaire aux comptes dans l'exercice de ces contrôles sur les comptes de la société Proboat et de ses filiales (sic) ; il ajoute que trois normes d'exercice professionnel auraient dû également être citées dans le rapport présenté, la norme NEP 610 sur la prise de connaissance et l'utilisation des travaux de l'audit interne, la norme NEP 630 sur l'utilisation des travaux d'un expert-comptable intervenant dans l'unité et la norme NEP 910 sur la certification des comptes annuels des entités mentionnées à l'article L. 823-12-1 du code de commerce.

Si, en novembre 2015, une mission de présentation des comptes annuels des sociétés du groupe Proboat a été confiée au cabinet expertise comptable Serra-Hudellet, il n'en demeure pas moins que la comptabilité était tenue par les services comptables de la société Proboat, laquelle avait bénéficié jusqu'à l'arrêté des comptes au 30 septembre 2014, de l'assistance de la société MSA Groupe alors actionnaire à 50 %, par un responsable comptable salarié, M. O., qui disposait d'une procuration sur les comptes ouverts à la Caisse d'épargne ; M. L. affirme que ce responsable comptable cumulait des fonctions (l'enregistrement avec le paiement des factures fournisseurs, l'enregistrement des factures de vente et des recettes avec le dépôt en banque des espèces, l'enregistrement des opérations bancaires avec l'émission des chèques et virements, le contrôle de ces opérations) qui, dans une structure de petite taille, auraient dû être séparées ; l'analyse objective des tâches confiées à ce salarié aurait dû ainsi conduire le commissaire aux comptes , dans le respect de la norme NEP 265, à attirer l'attention, par écrit, de la direction sur les faiblesses du contrôle interne, d'autant qu'il existait un maniement significatif d'espèces au sein des sociétés du groupe ; il ne pouvait se contenter des déclarations de la direction des sociétés Barcarès Yachting, CMB et Marine Center, notamment exprimées dans trois courriers des 10 février 2015 et 10 mars 2016, selon lesquelles un contrôle interne destiné à prévenir et détecter les erreurs et les fraudes avait été conçu et mis en œuvre.

Pour l'expert privé des sociétés du groupe Proboat, le nombre élevé d'opérations frauduleuses ayant échappé au commissaire aux comptes tient pour l'essentiel au non-respect de la norme NEP 315 en raison de l'insuffisance des contrôles de substances, inspections, observations physiques, contrôles des procédures analytiques, tests de détails, qui ont ignoré, sur la période considérée, des éléments importants comme la concordance entre les tickets de caisse et les enregistrements comptables, la concordance arithmétique entre les relevés bancaires et les rapprochements bancaires, l'existence de pièces justificatives pour les nombreux frais bancaires comptabilisés et la réalité du débit bancaire de ces nombreux frais bancaires comptabilisés ; il indique ainsi qu'un examen sommaire des procédures manuelles informatisées et de leur enregistrement comptable aurait permis de déceler, par exemple, les nombreuses différences entre les écritures comptables sur le logiciel Sage et les informations reçues des sites via le logiciel de caisse Menlog, l'absence sur les relevés bancaires de nombreux versements d'espèces préparées sur les sites de vente au détail et enregistrés manuellement sur cahier ou la présence de nombreux bordereaux de versements d'espèces, signés ou non, tamponnés ou non, enregistrés en comptabilité ou non, crédités en banque ou non, le fraudeur n'ayant même pas pris la précaution d'escamoter ces documents compromettants.

Il appartient à M. P., tenu à cet égard d'une obligation de moyens, d'établir qu'il a mis en œuvre les procédures de contrôle appropriées, permettant de déceler l'existence d'anomalies significatives dans les comptes , comme en l'occurrence des détournements de recettes ; M. A. lui-même admet que pour vérifier l'exécution par le commissaire aux comptes , dans le respect des normes d'exercice professionnel, des procédures de contrôle, il serait notamment nécessaire de consulter le dossier de travail de celui-ci ; or, M. P. verse seulement aux débats un document intitulé « analyse de Benford » (une loi mathématique destinée à détecter les fraudes financières ou comptables), qui ne concerne que la société CMB au titre de l'exercice 2013-2014, des questionnaires intitulés « trésorerie », « environnement de contrôle » et « système d'information » concernant encore la société CMB pour l'exercice comptable clos le 30 septembre 2017, ainsi qu'un autre document intitulé « synthèse générale du dossier de contrôle interne » toujours relatif à la société CMB au titre du même exercice comptable.

Il résulte de tout ce qui précède que M. P., qui ne communique que des éléments parcellaires de son dossier de travail sans pouvoir légitimement opposer aux sociétés du groupe Proboat le secret professionnel, ne justifie pas de la mise en œuvre des procédures de contrôle prévues par les normes d'exercice professionnel, qui auraient permis de détecter, lors de l'audit des comptes , les irrégularités finalement découvertes, consistant en des détournements de recettes pour plus de 500 000 euros, qui se sont échelonnés sur cinq exercices comptables successifs, alors surtout qu'il ne pouvait ignorer l'insuffisance du contrôle interne ; l'incapacité dans laquelle il se trouve de justifier du temps de travail effectivement consacré à chacune des sociétés du groupe pour les cinq exercices concernés permet également d'en déduire des investigations insuffisantes dans le cadre de l'exercice de sa mission et donc, une négligence caractérisée de sa part dans l'audit des comptes ; dans ces conditions, la décision du premier juge de le relever de ses fonctions de commissaire aux comptes sur le fondement de l'article L. 823-7 du code de commerce se trouve justifiée.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé dans toutes ses dispositions et M. P., qui succombe, condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer aux sociétés du groupe Proboat, ensemble, la somme de 4000 euros au titre des frais non taxables que celles-ci ont dus exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 17 juillet 2018,

Condamne M. P. aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer aux sociétés du groupe Proboat, ensemble, à la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.