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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 13, 7 juin 2023, n° 20/13997

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Monceau Notaires (SAS)

Défendeur :

Volentis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Briere

Conseillers :

Mme d'Ardailhon Miramon, Mme Moreau

Avocats :

Me Regnier, Me Lesueur, Me Meininger Bothorel, Me Cabanes, Me Baechlin, Me Bouvier-Ferrenti

TJ Paris, du 25 août 2020, n° 15/14955

25 août 2020

[M] [G], notaire depuis 1979, a exercé sa profession à compter de 2002, en qualité d'associé unique au sein de la SCP [G], laquelle était assujettie à l'impôt sur les sociétés depuis 2006.

Par jugement du 17 avril 2013, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné sa suspension provisoire et désigné le président de la chambre des notaires de Paris en qualité d'administrateur de l'office avec faculté de délégation.

La SCP Bourdel-Abgrall, déléguée à cette fonction par le président de la chambre des notaires de Paris, a mandaté la société d'expertise comptable SARL Critères avec pour mission :

- d'établir un arrêté des comptes de l'étude au 17 avril 2013 dans le délai de huit jours à compter du jugement,

- d'assurer une mission d'accompagnement.

Par acte authentique du 7 octobre 2013, [M] [G] a cédé l'intégralité de ses parts sociales à Mme [Y] [N] et M. [X] [S], membres de la SCP Monceau notaires [Y] [N]- [X] [S] notaires associés ( la SCP [N]-[S]) pour un montant de 1 014 000 euros.

Une procédure de vérification a été engagée par l'administration fiscale à compter du 6 octobre 2014 portant sur les exercices 2011 à 2013.

Le 17 décembre 2014, l'administration fiscale a adressé à la SCP [N]-[S] une proposition de rectification à hauteur de 130 949 euros portant sur l'exercice 2011, au motif que les dividendes et acomptes sur dividendes versés en 2011 n'avaient été ni déclarés ni liquidés par la SCP [G], outre un rappel d'impôt sur les sociétés pour un montant de 8 567 euros.

Le 31 mars 2015, elle a adressé à la SCP [N]-[S] une seconde proposition de rectification d'un montant de 205 155 euros au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012, au motif que les prélèvements sociaux sur les dividendes et acomptes sur dividendes versés en 2012 n'avaient pas été déclarés ni payés.

Par arrêt du 17 avril 2015, la cour d'appel de Paris, infirmant partiellement le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 21 mars 2014 sur la peine, a déclaré [M] [G] coupable du délit d'abus de confiance par officier ministériel en raison de sa qualité, de faux et usage de faux en écriture, faits commis entre 2009 et 2011 et l'a condamné en répression à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une interdiction d'exercer la profession de notaire à titre définitif.

Le 30 septembre 2015, la direction générale des finances publiques a envoyé à la SCP [N]-[S] des avis de mise en recouvrement, suivis de mises en demeure de payer valant commandement de payer datées du 16 octobre 2015, pour un montant total de 346 670 euros (282 660 euros au titre des droits et 64 010 euros au titre des pénalités).

Par acte du 30 septembre 2015, la SCP [N]-[S], Mme [Y] [N] et M. [X] [S] ont fait assigner [M] [G], la SARL Critères société d'expertise-comptable et M. [V] [I], commissaire aux comptes devant le tribunal judiciaire de Paris.

Le 21 janvier 2016, la direction générale des finances publiques a rejeté le recours amiable de la SCP [N]-[S] en atténuation de l'imposition et des pénalités de retard.

Sur autorisation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles du 30 octobre 2015, la SCP [N]-[S], Mme [Y] [N] et M. [X] [S] ont fait pratiquer le 29 janvier 2016 une saisie conservatoire entre les mains du comptable public du service des impôts pour les particuliers pour un montant de 104 000 euros, laquelle a été dénoncée à [M] [G], le 4 février 2016.

[M] [G] est décédé le [Date décès 3] 2016 et par acte du 5 mai 2017, la SCP [N]-[S], Mme [Y] [N] et M. [X] [S] ont fait assigner en intervention forcée Mme [O] [W], veuve [G], M. [R] [G] et Mmes [J] et [E] [G] (ci-après les consorts [G]).

Par jugement du 25 août 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la SCP [N]-[S], Mme [Y] [N] et M. [X] [S] de toutes leurs demandes,

- débouté les parties de toute autre demande,

- condamné la SCP [N]-[S], Mme [Y] [N], M. [X] [S] aux dépens,

- condamné la SCP [N]-[S], Mme [Y] [N] et M. [X] [S] à payer aux consorts [G], d'une part, à M. [V] [I] et à la société Critères, d'autre part, la somme de 8 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir pas lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Par déclaration du 5 octobre 2020, la SAS Monceau notaires, notaires associés (ci-après la société Monceau notaires), venant aux droits de la SCP [Y] [N]- [X] [S] notaires associés, Mme [Y] [N] et M. [X] [S] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 27 septembre 2021, la SAS Monceau notaires, notaires associés, Mme [Y] [N] et M. [X] [S] demandent à la cour de :

' les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,

' rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions des consorts [G], agissant en qualité d'héritiers de [M] [G],

' rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de M. [I] et de la SARL Volentis venant aux droits de la société Critères,

' infirmer le jugement en toutes ses dispositions et en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,

statuant à nouveau,

à titre principal, sur la mise en œuvre de la garantie de passif due par le cédant :

- juger qu'ils ont régulièrement mis en œuvre la convention de garantie consentie par [M] [G],

- condamner les consorts [G] à payer à Mme [Y] [N] et à M. [X] [S] la somme de 346 670 euros, soit 173 335 euros chacun,

- condamner les consorts [G] au paiement de la somme de 8 000 euros, au profit de la société Monceau notaires, au titre des frais de justice engagés pour la défense de ses intérêts en application des dispositions de l'acte de cession en litige,

- condamner les consorts [G] à la somme de 30 000 euros (sic) au profit de Mme [N] et M. [S], à titre de réparation du préjudice moral subi, soit 15 000 euros chacun,

à titre subsidiaire, sur le dol du cédant :

- constater que [M] [G] a commis un dol à l'encontre de Mme [N] et M. [S],

- condamner les consorts [G] à la somme de somme de 346 670 euros, au profit de Mme [N] et M. [S] à titre de dommages et intérêts en principal, soit 173 335 euros chacun,

- condamner les consorts [G] à la somme de 30 000 euros, au profit de Mme [N] et M. [S], à titre de réparation du préjudice moral subi, soit 15 000 euros chacun,

à titre infiniment subsidiaire, si la cour venait à juger que la clause de plafond de la garantie de passif est applicable,

- condamner les consorts [G] à la somme de 104 000 euros, au profit de Mme [N] et M. [S], à titre de dommages et intérêts en principal, soit 52 000 euros chacun,

en tout état de cause s'agissant des fautes commises par les professionnels :

- rejeter la prescription partielle soulevée par M. [V] [I] au titre des demandes de remboursement de l'exercice 2011,

- constater que la prescription dont se prévaut M. [I] ne concerne pas les demandes relatives à l'exercice clos le 31 décembre 2012, qui représentent un montant de 207 155 euros,

- constater que M. [V] [I] a commis une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle à l'égard de la société Monceau notaires, en omettant de vérifier et signaler les graves irrégularités commises,

- constater que la société Volentis venant aux droits de la société Critères a commis une faute de nature contractuelle à l'égard de la société Monceau notaires dans le cadre de sa mission d'expert-comptable et d'accompagnement,

à titre principal,

- condamner in solidum la société Volentis et M. [I] à relever et garantir la société Monceau notaires de la somme de 346 670 euros (sic), au titre du préjudice subi, à répartir entre ses associés au prorata de leurs parts à la date d'introduction de la présente instance,

à titre subsidiaire, si la prescription venait à être confirmée au titre de l'exercice 2011 s'agissant de la responsabilité du commissaire aux comptes ,

- condamner in solidum la société Volentis et M. [I] à relever et garantir la société Monceau notaires au titre du préjudice subi, étant précisé que M. [I] ne pourra être tenu qu'à hauteur de la somme de 207 155 euros et la société Volentis, venant aux droits de la société Critères, à hauteur de 346 670 euros,

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner in solidum la société Volentis et M. [I] à réparer le préjudice subi par Mme [N] et M. [S] résultant des fautes commises dans l'accomplissement de leurs missions, et à régler au bénéfice de Mme [N] et M. [S], la somme de 346 670 euros, soit 173 335 euros chacun,

si la cour confirme le jugement déféré au titre de la prescription alléguée,

- condamner in solidum la société Volentis et M. [I] à réparer le préjudice subi par Mme [N] et M. [S] résultant des fautes commises dans l'accomplissement de leurs missions, la société Volentis étant tenue à hauteur de la somme de 346 670 euros, soit 173 335 euros chacun, et M. [I] à hauteur de la somme de 207 155 euros, soit 103 577,50 euros chacun,

- condamner in solidum tout succombant au paiement d'une indemnité de procédure d'un montant de 6 000 euros au bénéfice de chacun d'eux, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de M. Regnier, avocat.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 19 mars 2021, Mme [O] [W], veuve [G], M. [R] [G] et Mmes [J] et [E] [G] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées,

- condamner les appelants au paiement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Mme [Z] [F] qui y a pourvu.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 26 mars 2021, la SARL Volentis venant aux droits de la SARL Critères demande à la cour de :

- lui donner acte de son intervention aux droits de la SARL Critères, par suite de l'absorption de ladite société par la SARL Holding Expertise conseil, puis de l'absorption de cette dernière par elle,

- confirmer la décision en ce qu'elle a :

- débouté la SCP [N]-[S], Mme [N] et M. [S] de toutes leurs demandes,

- condamné la SCP [N]-[S], Mme [N] et M. [S] aux dépens,

- condamné la SCP [N]-[S], Mme [N] et M. [S] à payer aux consorts [G], d'une part, à M. [I] puis à la société Critères d'autre part, la somme de 8 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- condamner in solidum les consorts [G] à la relever et garantir de toute condamnation encourue vis-à-vis de la SCP [N]-[S], Mme [N] et M. [S],

en tout état de cause,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens et dire que la SCP Baechlin sera admise au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 26 mars 2021, M. [V] [I] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

en toute hypothèse,

- débouter la société Monceau notaires, Mme [N] et M. [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,

- condamner les consorts [G] à le relever et garantir de toutes condamnations éventuelles prononcées à son encontre dans la présente procédure,

- condamner in solidum la société Monceau notaires, Mme [N] et M. [S], ou toute partie succombante, au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance dont distraction à Mme Florence Vilain, avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 février 2023.

SUR CE,

Sur la mise en oeuvre de la garantie du passif octroyée par [M] [G] et l'application de la clause de plafonnement de la garantie

Le tribunal a jugé que :

- les propositions de rectification de l'administration fiscale au titre des exercices 2011 et 2012 entrent dans le champ de la garantie du passif par le cédant prévue dans l'acte de cession du 7 octobre 2013 et les faits générateurs des créances fiscales sont antérieurs au placement sous administration provisoire de la société et à la signature de l'acte de cession,

- s'agissant de la clause de plafond, les demandeurs soutiennent vainement qu'elle serait nulle en raison du dol commis par [M] [G], au motif qu'il aurait volontairement caché aux cessionnaires le fait que sa société d'exercice ne s'était pas acquittée des prélèvements sociaux au titre des dividendes distribués pour les exercices 2011 et 2012, puisqu'il n'est ni démontré que les omissions commises antérieurement à l'acte de cession auraient constitué des manœuvres ni que sans ces manœuvres les demandeurs n'auraient pas contracté, étant précisé au surplus que les obligations déclaratives et de paiement incombaient à la SCP [G] et non à [M] [G] lui-même, de sorte que la garantie du passif doit être mise en œuvre seulement dans la limite de son plafond de 104 000 euros,

- toutefois, les demandeurs ne justifient pas du quantum de la condamnation sollicitée, ni en particulier des versements faits auprès de l'administration fiscale, puisque 's'agissant du crédit du compte d'associés du 7 août 2013, invoqué notamment par les ayants droit de [M] [G] et de ses conséquences ainsi que de l'augmentation du passif de la société, il n'en résulte pas une connaissance suffisante des cotisations devant être acquittées par la SCP' alors que par ailleurs, le débit survenu sur le compte courant de [M] [G] ne peut, en l'absence à la procédure de l'administration provisoire, être suffisamment rattaché à la provision à verser sur cotisations sur dividendes.

La société Monceau notaires, Mme [N] et M. [S] soutiennent que :

- la SCP [G] n'a déposé aucune déclaration n°2777 relative aux prélèvements sociaux dus sur les dividendes distribués à [M] [G] à hauteur de 836 609,58 euros en 2011 et 1 142 351 euros en 2012,

- [M] [G] a entendu relever et garantir les cessionnaires de toutes charges et sommes dues au titre d'un passif fiscal dont l'origine est antérieure à la date de cession et dont le préjudice subi ne serait constatable ou constaté qu'après la date du 17 avril 2013, date de la cession (sic),

- les dettes fiscales entrent dans le champ de la garantie de passif puisque le fait générateur de ces dettes fiscales est antérieur à la mise sous administration provisoire de la société et à la signature de l'acte de cession,

- la clause de plafond de la garantie de passif est nulle en raison des manœuvres dolosives du cédant pour dissimuler une partie du passif lesquelles sont constitutives d'un dol,

- [M] [G], en sa qualité d'associé et gérant unique de la SCP [G] devait réaliser, pour le compte de la société, les déclarations et paiement de cotisations y afférents et, dans sa lettre du 11 juin 2012, il a sciemment déclaré que le gérant de la SCP s'était acquitté personnellement de la déclaration et du paiement des prélèvements sociaux au titre des dividendes perçus au cours des exercices 2011 et 2012,

- au regard de l'importance des versements effectués et du nombre des acomptes sur dividendes perçus, il a délibérément omis de respecter ses obligations légales,

- les omissions et fausses déclarations du cédant à ce titre dans l'acte de cession sont constitutives d'une réticence dolosive fautive manifestement intentionnelle à l'effet de permettre au cédant de percevoir un prix supérieur à la valeur réelle de la société,

- Mme [N] et M. [S] n'auraient pas contracté s'ils avaient eu connaissance du fait qu'ils devraient acquitter auprès de l'administration fiscale une somme de 346  670 euros,

- ils justifient du paiement de cette somme auprès de l'administration fiscale et il ne ressort aucunement de l'acte de cession une quelconque acceptation des cessionnaires d'un risque de redressement fiscal de la société,

- [M] [G] est à l'origine du versement à son profit d'un acompte sur dividendes de 590 000 euros pendant l'exercice clos le 31 décembre 2012 et ses héritiers soutiennent faussement que son compte courant d'associé a été débité des prélèvements sociaux y afférents à payer,

- ils prétendent également faussement que les sommes acquittées au titre du redressement fiscal par la SCP Monceau notaires auraient donné lieu à un remboursement au titre de l'impôt sur les sociétés à son profit.

Les consorts [G] répondent que :

- les omissions relatives aux prélèvements de dividendes opérés au cours des années 2011 et 2012 sont bien évidemment antérieures à la cession des parts opérée entre les mains des appelants et la garantie du passif peut jouer mais elle est plafonnée à 104 000 euros,

- les appelants doivent démontrer que l'augmentation de passif n'a pas donné lieu à un remboursement au titre de l'impôt sur les sociétés, compte-tenu de ce que le résultat net au titre des années concernées se trouverait amoindri du fait du passif complémentaire ainsi révélé, puisqu'en tout état de cause, les droits sociaux au titre des dividendes devaient être réglés par la SCP [G] et non [M] [G], conformément aux dispositions de l'article 117 quater II du code général des impôts,

- il n'est pas démontré que le non-paiement des cotisations sociales par la SCP constitue une manoeuvre dolosive de la part de [M] [G] puisqu'il a été dépossédé de toute information sur la comptabilité dès le mois d'avril 2013 et n'a pas dissimulé volontairement l'absence de règlement des prélèvements sociaux, leur calcul relevant des professionnels du chiffre et non du notaire, lequel a parfaitement pu ignorer la vocation de la SCP à effectuer ces paiements et également s'ils avaient été effectués dans les années antérieures,

- le débit de 79 650 euros effectué sur le compte courant de [M] [G] le 17 avril 2013 correspond à des prélèvements sociaux au titre des dividendes de 590 000 euros perçus au titre de l'année 2012 et l'administrateur provisoire a commis une faute en ne réglant pas cette somme à l'administration fiscale,

- les cessionnaires ont renoncé dans l'acte de cession lui-même à réclamer le remboursement des prélèvements sociaux éventuellement dus par le cédant puisqu'ils ont intégré ces sommes au prix de cession en majorant le passif de la société estimé à 1 022 000 euros,

- ils tentent d'obtenir, une deuxième fois, la prise en compte des cotisations sociales impayées, laquelle l'a déjà été dans le cadre de l'estimation du passif, à hauteur de 1 022 000 euros,

- en créditant le 7 août 2013 le compte courant de [M] [G] d'une somme de 590 000 euros bruts, l'administrateur provisoire a accru le passif de la société puisque cette somme constitue une créance de [M] [G] sur cette dernière et Mme [N] et M. [S] avaient parfaitement connaissance des cotisations qui devaient être acquittées par la SCP, incluant les cotisations en retard au titre des années 2011 et 2012.

Selon l'article 6. Garantie de passif de l'acte de cession , M. [G] en sa qualité de cédant :

'-garantit au cessionnaire l'authenticité des éléments comptables ainsi que l'exactitude des renseignements fournis sur les engagements contenus aux présentes, dès lors qu'ils remontent à la période antérieure à l'administration provisoire,

- garantit le cessionnaire contre tout passif nouveau ne figurant pas dans la situation comptable de référence visée à l'article 5.5 dont l'origine serait antérieure à la date du 17 avril 2013 et qui se révélerait postérieurement à la prestation de serment.'

L'article 6.1. Principes de l'indemnisation stipule que :

'Le cédant s'engage à indemniser, le cessionnaire :

- du préjudice que la société ou le cessionnaire viendrait à supporter par l'effet, ou de l'absence de comptabilisation d'une charge, ou de l'augmentation d'un poste de passif non comptabilisé, ou de l'insuffisance de provisions dans les comptes au 17 avril 2013, dès lors que la cause ou l'origine de cette augmentation de passif serait antérieure à la date du 17 avril 2013,

- du préjudice que la société ou les cessionnaires viendrait à supporter du fait d'une inexactitude ou omission dans les déclarations figurant à l'article 3.7 du présent acte.

- du préjudice que la société ou les cessionnaires viendrait à supporter en matière d'impôt par suite de tout redressement portant sur la période antérieure à la date du présent acte.

L'obligation d'indemnisation est notamment applicable à tout événement qui serait intervenu antérieurement au 17 avril 2013 et qui aurait pour conséquence de rendre inexactes ou incomplètes les déclarations figurant à l'article 3.7 du présent acte, ce quand bien même le préjudice subi ne serait constatable ou constaté qu'après la date du présent acte.

(...)

Pour toute augmentation de passif qui trouverait une contrepartie partielle ou totale dans un accroissement d'actif constatée, il sera fait une balance entre ces deux augmentations, de telle sorte que le cédant ne soit tenu qu'au reversement, si celui-ci s'avérait négatif, de l'appauvrissement net correspondant.

En outre, ce complément de passif ne sera pris en charge par le cédant qu'après incidence de l'impôt sur les sociétés et pour autant qu'il se traduira par un décaissement net de la société.'

L'article 6.3. Plafond- précise que ' l'indemnisation dont le cédant sera tenu en application des présentes est limité à cent quatre mille euros'.

La mise en jeu de la garantie a été retenue à juste titre par les premiers juges puisqu'est garanti le préjudice que la société ou les cessionnaires viendrait à supporter en matière d'impôt par suite de tout redressement portant sur la période antérieure à la date de l'acte de cession, et est admise par les consorts [G].

Le débat porte donc sur la nullité de la clause du plafond de garantie pour dol invoquée par les appelants.

L'article 1116 ancien du code civil, applicable au jour de l'acte de cession des parts sociales contenant une clause de garantie du passif par le cédant, disposait que :

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Sont également constitutives d'un dol les réticences dolosives et l'intention dolosive doit être établie.

L'article 3.7. Déclarations et garanties du cédant du contrat de cession du 7 octobre 2013 stipule, notamment :

'Le cédant déclare et garantit, en sa qualité d'associé et de gérant unique de la SCP que, à la date du 17 avril 2013, date de suspension provisoire:

- (iii) la situation comptable réelle, active et passive de la société est reflétée par les bilans et comptes de résultat des exercices 2010 à 2012 établis par le cédant et le tableau de bord au 17 avril 2013, établi par l'administrateur provisoire et approuvé par le cédant,

- (ix) toutes les provisions nécessaires et suffisantes ont été faites afin de couvrir toutes les moins-values, pertes et charges probables notamment de nature sociale et fiscale,

- (xii) la société a toujours respecté la législation fiscale; elle est à jour de toutes obligations pécuniaires quelconques découlant de son application et il n'existe aucun contentieux quelconque, actuel ou prévisible.

(...)

En outre le cédant déclare n'avoir omis, ni dissimulé aucun élément de fait ou de droit dont il aurait connaissance antérieurement au 17 avril 2013 susceptible d'avoir une incidence négative sur la situation de la société et, partant, sur l'appréciation portée par le cessionnaire quant au prix de cession'.

L'article 117 quater du code général des impôts, applicable aux revenus de capitaux mobiliers que sont les dividendes distribués aux associés, prévoit que les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, qui bénéficient de revenus éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 du même code en vigueur en 2011 et 2012, peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement forfaitaire au taux en vigueur qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu.

Le paragraphe II de cet article prévoit que lorsque la personne qui assure le paiement des revenus pour lesquels le contribuable opte pour le prélèvement prévu au I est établie en France, les revenus sont déclarés et le prélèvement correspondant est opéré et acquitté par ladite personne dans les délais prévus à l'article 1671 C.

L'article 1671 C du code général des impôts dans sa version en vigueur du 28 décembre 2007 au 1er janvier 2013 disposait que :

Le prélèvement visé à l'article 117 quater est versé au Trésor dans les quinze premiers jours du mois qui suit celui du paiement des revenus et sous les mêmes sanctions que la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis. Toutefois, ces sanctions ne sont pas applicables au prélèvement dû dans les conditions du III du même article 117 quater (payeur établi hors de France). Le prélèvement ne peut être pris en charge par le débiteur.

Selon l'article L.136-7, V du code de la sécurité sociale, les prélèvements sociaux opérés à la source sur les revenus distribués soumis au prélèvement libératoire sont recouvrés selon les mêmes règles et sanctions que le prélèvement libératoire mentionné à l'article 117 quater du code général des impôts.

Les revenus des placements financiers auxquels sont assimilés les dividendes sont soumis à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social, à la contribution additionnelle au prélèvement social, au prélèvement de solidarité et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

En vertu de ces textes, il appartenait à la SCP [G], tenue de verser les dividendes à son associé unique, d'adresser à l'administration fiscale une déclaration n° 2777-D mentionnant les prélèvements sociaux opérés et d'en effectuer le règlement dans les 15 premiers jours du mois suivant le paiement des dividendes.

La vérification de l'administration fiscale ayant donné lieu aux deux propositions de rectification démontre qu'aucune déclaration ni aucun paiement des prélèvements sociaux n'ont été effectués par la SCP [G] au titre des dividendes distribués et versés à [M] [G] à hauteur de 836 609,58 euros en 2011 et 1 142 351 euros en 2012.

En sa qualité de gérant de la SCP [G], [M] [G], de surcroît professionnel du droit, ne pouvait ignorer l'obligation de déclaration et de paiement qui lui incombait et ne l'ignorait d'ailleurs pas contrairement à ce que prétendent ses ayants droit.

En effet, dans la lettre d'affirmation sur les comptes annuels qu'il a adressée à M. [I], commissaire aux comptes de la SCP [G] du 11 juin 2012, il a sciemment déclaré ' en tant que responsable des états financiers et du contrôle interne afférent à leur préparation' que 'le dirigeant s'est acquitté personnellement de la déclaration et du paiement des cotisations sociales sur les dividendes perçus au cours des exercices 2011 et 2012".

Par ailleurs et alors que le 11 décembre 2012, la chambre des notaires de Paris avait signalé au procureur de la République de Paris la situation de [M] [G] au regard de plusieurs irrégularités constatées dans le cadre d'une inspection effectuée au sein de son office notarial, ce dernier a adressé le 11 janvier 2013 à Mme [D] [K], responsable de la comptabilité de son office notarial, en mettant en copie à son commissaire aux comptes , le courriel suivant :

'Je vous confirme que sur le résultat 2012, un montant de 590 000 € de dividende est mis en distribution dès le 28 décembre, en conformité d'une décision de l'associé unique du 28 décembre également. Donc 590 000 € à mettre en compte courant d'associé.'

Mme [K] lui a repondu dès le lendemain, en mettant en copie le commissaire aux comptes et en joignant la copie de la déclaration annoncée :

'Merci pour ces dernières informations,

Je vais donc procéder dès lundi au virement au profit du Trésor public (imprimé 2777) de 79 650 € représentant le montant des prélèvements sociaux dus sur les dividendes distribués au titre des revenus 2012.

Ces 79 650 € viendront donc en diminution du compte-courant de M. [G].

Vous trouverez en pièce jointe copie de l'imprimé correspondant pour information'.

La déclaration et le virement au profit du Trésor public annoncés n'ont cependant pas été effectués alors que [M] [G] n'a été suspendu et un administrateur provisoire désigné que le 17 avril suivant.

[M] [G] a déclaré que la situation comptable réelle, active et passive de la société est reflétée par les bilans et comptes de résultat des exercices 2010 à 2012 établis par lui, que la société a toujours respecté la législation fiscale et est à jour de toutes obligations pécuniaires quelconques découlant de son application, qu'il n'existe aucun contentieux quelconque, actuel ou prévisible et qu'il n'a omis, ni dissimulé aucun élément de fait ou de droit dont il aurait connaissance antérieurement au 17 avril 2013 susceptible d'avoir une incidence négative sur la situation de la société et, partant, sur l'appréciation portée par le cessionnaire quant au prix de cession.

Ce faisant et puisque l'obligation de paiement lui incombait en sa qualité de gérant de la SCP, il a dissimulé de manière intentionnelle que le paiement des prélèvements sociaux au titre de l'ensemble des dividendes qui lui avaient été distribués en 2011 et 2012 et devaient être réglés dans la première quinzaine du mois suivant leur versement n'avait pas été effectué, ce qu'il savait pertinemment alors qu'il avait affirmé le contraire au commissaire aux comptes de la SCP pour les dividendes perçus au titre de l'année 2011, le fait qu'il n'ait plus eu accès à la comptabilité de sa société à compter du 17 avril 2013 étant sans aucune incidence sur la caractérisation de sa réticence dolosive.

Cependant, Mme [N] et M. [S] ne soutiennent ni n'établissent que s'ils avaient eu connaissance de cette information essentielle, ils n'auraient pas accepté que le plafond de garantie du passif accordé soit limité à la somme de 104 000 euros.

En conséquence, ils doivent être déboutés de leur demande de nullité de la clause de l'acte de cession prévoyant un plafond de la garantie du passif.

La première proposition de rectification au titre des seuls prélèvements sociaux non réglés en 2011 pour lesquels Mme [N] et M. [S] sollicitent la garantie du passif s'élève à la somme de 130 949 euros et la seconde proposition relative aux prélèvements sociaux dus au titre de l'année 2012 s'élève à la somme de 205 155 euros soit la somme totale de 336 104 euros.

Les appelants justifient du paiement de l'intégralité de cette somme par une attestation de la direction générale des finances publiques du 16 mai 2018.

Le passif de 1 032 000 euros venu en déduction du prix de cession des parts de la SCP tel qu'il ressort de l'acte de cession ne pouvait concerner les prélèvements sociaux impayés, dont le montant n'a été porté à la connaissance des cessionnaires qu'à la réception des propositions de rectification postérieures de plus d'un an à l'acte de cession.

Les consorts [G] soutiennent de manière tout aussi erronée qu'en décidant lors de l'assemblée générale du 7 août 2013 d'affecter la somme de 590 000 euros à titre de dividendes sur le bénéfice de l'exercice clos le 31 décembre 2012 au profit de [M] [G], ils ont versé des dividendes bruts qui sont venus majorer le passif de la société entraînant de ce fait la diminution du prix de vente alors qu'en réalité l'administration fiscale, dans sa proposition de rectification du 31 mars 2015 a relevé que le compte courant d'associé de [M] [G] avait été crédité de ce montant dès le 31 décembre 2012 soit avant la désignation d'un administrateur provisoire, de sorte que l'assemblée générale du 7 août 2013 n'a fait qu'entériner le versement de l'acompte de ce montant déjà effectué le 28 décembre 2012, ce qu'elle précise d'ailleurs dans son procès verbal.

Les consorts [G] prétendent donc vainement que les appelants auraient renoncé dans l'acte de cession lui-même à réclamer le remboursement des prélèvements sociaux éventuellement dus par le cédant.

La direction générale des finances publiques a rejeté le 25 avril 2015 (pièce 16 des appelants) la demande formulée par la SCP notariale de réévaluation à la baisse de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011 en cas de maintien des rehaussements envisagés en matière de prélèvements sociaux en lui rappelant que les prélèvements sociaux ne constituent pas une charge déductible du résultat pour la société au sens de l'article 39-1 du code général des impôts puisque la société joue un rôle de collecteur et détient une créance d'un montant égal aux prélèvements sociaux sur le bénéficiaire des dividendes.

Il s'en déduit que la SCP [G] devenu Monceau notaires n'a pas et ne pouvait bénéficier d'aucun remboursement au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2011 et 2012, susceptible de venir en déduction du passif garanti, comme le soutiennent les consorts [G].

En revanche, la somme de 79 650 euros représentant le montant des prélèvements sociaux dus sur les dividendes d'un montant de 590 000 euros distribués fin 2012 majoré d'une pénalité de retard avait été provisionnée dans l'arrêté des comptes au 17 avril 2013 établi par la société Critères à la demande de l'administrateur provisoire et cette somme a été portée en débit du compte courant d'associé de M. [G] le 17 avril 2013 ainsi qu'il ressort du relevé de ce compte du 1er janvier au 31 décembre 2013 produit par les appelants (pièce 78).

L'administration fiscale a indiqué ne pas avoir reçu le versement annoncé qui aurait dû être effectué dans la première quinzaine de janvier 2013, ce qui est confirmé par la société Critères dans son rapport sur arrêté des comptes au 17 avril 2013 établi le 24 avril 2013 dont elle a calculé le montant à la somme de 91 450 euros au titre des droits et à celle de 17 816 euros au titre des intérêts de retard et majorations.

La somme de 79 650 euros ayant été débitée du compte courant de [M] [G], Mme [N] et M. [S] ne peuvent solliciter la garantie des ayants droit de [M] [G] que pour la somme résiduelle de 11 800 euros au titre des droits et celle de 2 298,84 euros au titre des intérêts et majorations de retard y afférents soit la somme totale de 14 099 euros.

En conséquence, la créance de Mme [N] et M. [S] s'élève à la somme de 241 137 euros [( 336 104 - 79 650 ) + 14 099] mais la garantie du passif accordée par [M] [G] étant plafonnée à la somme de 104 000 euros, les consorts [G] sont condamnés in solidum à payer Mme [N] et M. [S] la somme de 104 000 euros soit la somme de 52 000 chacun, ainsi que sollicité.

L'article 6.5 paragraphe 6 de la garantie de passif prévoit que :

'Le Bénéficiaire ( le cessionnaire) et la Société auront la faculté de suivre les négociations et/ou le déroulement de la procédure et de participer à l'élaboration des argumentations à développer, en se faisant assister à cette fin par les conseils de leur choix. ['/']. [Les] honoraires de la Société feront partie des « frais » dont il sera tenu compte pour la détermination du préjudice indemnisable par le cédant'.

Le plafond de la garantie étant atteint, la SCP Monceau notaires est déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 8 000 euros au titre des frais qu'elle a engagés pour faire valoir ses droits devant l'administration fiscale.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du dol relatif à la conclusion du contrat de cession

Le tribunal n'a retenu aucun dol considérant que les omissions reprochées à [M] [G] ont eu lieu au cours des exercices 2011 et 2012 et que la cession est intervenue en octobre 2013, ce qui exclut qu'il ait omis des déclarations qui incombaient à la SCP de manière à obtenir des demandeurs la signature de l'acte de cession survenue plus tard.

A titre subsidiaire et au cas où la cour limiterait le montant de la prise en charge du cédant, Mme [N] et M. [S] sollicitent l'octroi de dommages et intérêts en réparation de l'intégralité des préjudices qu'ils ont subis en faisant valoir que :

- la présence dans l'acte d'une clause de garantie du passif n'est pas un obstacle à l'invocation du dol et la victime d'un dol peut à son choix faire réparer le préjudice que lui ont causé les manœuvres de son cocontractant par l'annulation de la convention et, s'il y a lieu, par l'attribution de dommages-intérêts, ou simplement par une indemnisation pécuniaire qui peut prendre la forme de la restitution de l'excès de prix qu'elle a été amenée à payer,

- [M] [G] a manqué à son obligation de contracter de bonne foi et a commis un dol puisqu'il a volontairement dissimulé aux cessionnaires, dans le cadre de ses déclarations dans l'acte de cession le fait que la SCP [G] ne s'était pas acquittée des prélèvements sociaux au titre des dividendes qui lui ont été distribués au cours des années 2011 et 2012, ces fausses déclarations et omissions étant constitutives de manoeuvres dolosives et à tout le moins, d'une réticence dolosive,

- ces omissions étaient intentionnelles puisqu'en sa qualité d'associé unique et de gérant il avait la responsabilité de l'établissement des états financiers de la SCP et du contrôle interne afférent à leur préparation, que les malversations qu'il a réalisées démontrent qu'il savait parfaitement manier les opérations comptables pour dissimuler ses détournements des fonds des clients et qu'il a sciemment menti en produisant une lettre d'affirmation mensongère au commissaire aux comptes ,

- s'ils avaient connu ces omissions dolosives, ils n'auraient pas contracté ou auraient contracté à un prix moindre puisque le passif fiscal aurait dû venir en déduction du prix de cession,

- la réticence dolosive du cédant a causé un préjudice aux acquéreurs qui ont acquis ces parts sociales à un prix largement supérieur à leur valeur et sont fondés à réclamer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 173 355 euros chacun correspondant au montant de la surévaluation du prix,

- ils ont subi les conséquences et les contraintes d'une procédure de redressement fiscal dont [M] [G] est responsable et justifient d'un préjudice moral en raison de l'atteinte portée à leur image et à leur réputation professionnelle en qualité d'officiers ministériels et au titre des perturbations dans le cadre de leurs fonctions.

Les consorts [G] n'apportent pas d'éléments complémentaires à leur argumentation relative à l'absence de dol.

La réticence dolosive intentionnelle de [M] [G] en sa qualité de cédant et gérant de la SCP [G] quant au non paiement des prélèvements sociaux sur les dividendes qui lui ont été distribués en qualité d'associé unique laquelle était 'susceptible d'avoir une incidence négative sur la situation de la société et, partant, sur l'appréciation portée par le cessionnaire quant au prix de cession' a été démontrée supra.

Alors que dans l'acte de cession la valeur brute des parts sociales évaluée à la somme de 1 755 000 euros avait été minorée de l'estimation 'des passifs' repris par les cessionnaires, Mme [N] et M. [S] établissent que s'ils avaient eu connaissance de cette information essentielle, ils auraient contracté à un prix moindre puisque le passif fiscal aurait dû venir en déduction du prix de cession de sorte que le dol est établi.

Mme [N] et M. [S] victimes d'un dol qui font le choix de ne pas demander l'annulation du contrat de cession vicié peuvent obtenir réparation du préjudice correspondant uniquement à la surévaluation du prix payé.

Dès lors, au vu de la méthodologie d'évaluation du prix de cession telle qu'exposée dans l'acte du 7 octobre 2013, ils justifient d'un préjudice de 137 137 euros correspondant au montant du passif imputable au dol de [M] [G] retenu à hauteur de 241 137 euros après imputation de la somme de 104 000 euros qui leur est accordée au titre de la garantie du passif.

En conséquence, les consorts [G] sont condamnés in solidum à leur payer la somme de 68 568,50 euros à chacun à titre de dommages et intérêts.

Mme [N] et M. [S] ont subi des perturbations occasionnées par la procédure de vérification ayant duré pendant trois mois au sein de l'office notarial et se sont investis personnellement au détriment de leur exercice professionnel afin de tenter de diminuer le montant des sommes réclamées par l'administration fiscale. Ce préjudice en lien avec le dol commis ayant conduit à la procédure de redressement justifie l'octroi d'une somme de 5 000 euros.

En revanche, Mme [N] et M. [S] doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts en raison du préjudice moral lié à l'atteinte portée à leur image et à leur réputation professionnelle en qualité d'officiers ministériels, en l'absence de lien de causalité directe entre ce préjudice et le dol retenu à l'encontre de [M] [G].

Le jugement est donc confirmé sur ce point, par motifs substitués.

Sur la responsabilité de la société Volentis, société d'expertise comptable

sur la faute

Le tribunal a retenu que les manquements de la société Critères devenue Volentis à ses obligations de diligences, conseil et information n'étaient pas démontrés en ce que :

- la lettre de mission de la société d'expertise comptable était d'établir un arrêté des comptes au 17 avril 2013 à remettre dans les huit jours de la mesure d'administration provisoire, conformément à l'article 25 du décret du 28 décembre 1973,

- l'indication dans son rapport de l'existence d'un risque pour la SCP [G] d'être appelée à régler des prélèvements sociaux obligatoires relatifs à des dividendes passés est claire et justifie qu'elle a rempli son obligation d'information et de conseil,

- en signalant que le règlement de la dette fiscale n'était pas démontré et en inscrivant ladite dette au passif de la SCP, elle a fait preuve des diligences qui lui incombaient.

Les appelants soutiennent que la société Volentis a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Monceau notaires en ce que :

- elle été chargée d'arrêter les comptes mais également d'assurer une mission d'accompagnement de l'administrateur provisoire,

- l'expert-comptable a le devoir de conseiller ses clients, dans le cadre des missions qui lui ont été contractuellement confiées mais aussi un devoir général de conseil qui dépasse le domaine comptable,

- la société Volentis a manqué à ses obligations de vigilance, de conseil et d'information puisque :

- elle n'a pas vérifié le paiement des prélèvements sociaux sur les exercices antérieurs à 2012 dus par la SCP, a relevé que les prélèvements sociaux dus au 15 janvier 2013 n'étaient pas payés mais n'a fait état que de l' 'existence d'un risque pour la SCP d'être appelée à les régler si cela n'a pas été fait',

- elle aurait dû, dans son rapport, attirer l'attention de l'administrateur provisoire sur l'illégalité du paiement des prélèvements sociaux sur les dividendes par [M] [G] et la nécessité pour la SCP de s'acquitter immédiatement de ces prélèvements, sous peine de l'exposer à un redressement fiscal inévitable,

- elle aurait dû le mettre en demeure de faire les démarches propres à mettre la SCP à l'abri d'un redressement fiscal prévisible telle la constitution d'une provision suffisante au titre des exercices 2011 et 2012.

La société Volentis répond qu'elle a rempli ses obligations de vigilance et de conseil en ce que :

- l'expert-comptable n'est tenu à une obligation de conseil que dans les limites de la mission reçue,

- elle avait pour mission d'établir un arrêté des comptes au 17 avril 2013 et une mission d'accompagnement  future puisque la lettre de mission prévoyait que la « structuration » de cette mission restait à établir,

- la mission d'arrêté de comptes confiée sur le fondement de l'article 25 du décret du 28 décembre 1973 qu'elle a dû effectuer en quatre jours ne la conduisait pas à proposer des comptes assortis d'une 'assurance' de même nature que celle d'une mission de 'présentation' et donc de réaliser des diligences approfondies,

- elle a vérifié si les prélèvements sociaux au titre des dividendes versés fin décembre 2012 avaient été versés et relevant qu'ils ne l'avaient pas été au 15 janvier 2013 a inscrit dans la situation au 17 avril 2013 une provision incluant le montant des prélèvements sociaux et une pénalité de retard,

- après s'être renseignée sur les pratiques antérieures et alors même qu'elle n'avait pas reçu mission d'effectuer un audit sur les comptes antérieurs, elle a signalé les incertitudes qu'elle avait identifiées sur les prélèvements sociaux ainsi que le risque qui pesait sur la SCP et ce faisant, a parfaitement rempli les objectifs de sa mission.

L'article 15 du code de déontologie des professionnels de l'expertise comptable issu du décret n° 2007-1387 du 27 septembre 2007 dispose que dans la mise en œuvre de chacune de leurs missions, les experts-comptables sont tenus vis-à-vis de leur client ou adhérent à un devoir d'information et de conseil, qu'ils remplissent dans le respect des textes en vigueur.

Toutefois, le devoir de conseil de l'expert-comptable est limité à la mission qui lui est confiée.

L'article 25 du décret 73-102 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels, prévoit qu'en cas de suspension provisoire d'un officier public ou ministériel, l'administrateur provisoire doit dans un délai de huit jours à compter de sa nomination arrêter les comptes de l'office à la date de son entrée en fonctions.

La mission ainsi prévue consiste, en partant du dernier bilan disponible, à retracer les flux survenus depuis la dernière clôture d'exercice comptable et jusqu'au jour de la mesure d'administration provisoire, pour établir un arrêté de comptes permettant de connaître la situation de l'office au moment de l'entrée en fonctions de l'administrateur.

Sa durée très courte empêchait toute diligence de vérification approfondie et la société Critères n'a en aucun cas reçu la mission d'effectuer un audit sur les exercices clos antérieurement.

Par ailleurs, la société Critères devenue Volentis a reçu la mission supplémentaire d'assurer un suivi comptable ou d'indicateurs de gestion à terme régulier ainsi qu'une analyse des charges et un accompagnement pour les décisions qui pourraient en découler de nature ponctuelle dont la structure et les conditions n'ont jamais été fixées de manière précise. La société Volentis indique sans être démentie que cette mission n'a jamais reçu de commencement d'exécution, ayant cessé son intervention après la remise de son rapport sur l'arrêté de compte au 17 avril 2013.

Dans son rapport sur arrêté des comptes du 24 avril 2013, la société Critères devenue Volentis a mentionné :

'Les prélèvements sociaux sur les dividendes versés fin décembre 2012 ont été provisionnés.

Du fait qu'ils n'ont pas été réglés au 15 janvier, nous avons pris en compte une provision sur pénalités de 10 %.

Sur ce sujet, nous n'avons pas disposé des moyens de vérifier que les prélèvements sociaux dus sur les précédentes distributions avaient été réglés. Mme [K] [salariée de la SCP [G]] nous a indiqué que Me [G] s'était engagé à les verser personnellement. Il convient de rappeler qu'il existe un risque pour la SCP d'être appelée à les régler, si cela n'a pas été fait'.

La société Critères devenue Volentis qui, sa lettre de mission n'étant datée que du 20 avril 2013, n'a disposé que d'un délai de 4 jours pour effectuer l'arrêté de comptes et qui n'avait pas à effectuer d'investigations particulières sur les exercices clos antérieurement, a respecté ses obligations, non seulement en signalant de manière très claire l'existence de dividendes versés fin 2012 sans que la SCP n'ait acquitté les prélèvements sociaux dus et le risque auquel la société était exposée à défaut de règlement mais également en provisionnant la somme due à ce titre et la pénalité de retard prévisible.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a considéré qu'aucun manquement n'était établi et débouté les appelants de leurs demandes à l'encontre de la société Critères aux droits de laquelle vient la société Volentis.

Sur la responsabilité du commissaire aux comptes

- sur la prescription,

Le tribunal a retenu que l'action au titre de l'exercice 2011 était prescrite en ce que :

- l'article L.822-18 du code commerce, qui renvoie aux dispositions de l'article L.225-244 (sic) du même code prévoit une prescription de trois ans en matière de responsabilité des commissaires aux comptes, à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation,

- le fait dommageable est le rapport général de certification établi par le commissaire aux comptes afférent à chaque exercice contrôlé, la prescription devant s'apprécier exercice par exercice,

- l'assignation a été délivrée le 30 septembre 2015 à M. [V] [I], de sorte que l'action en responsabilité du commissaire aux comptes au titre des certifications antérieures au 30 septembre 2012 est prescrite étant précisé qu'il n'est pas démontré que le commissaire aux comptes aurait dissimulé les faits litigieux.

Les appelants soutiennent que l'action au titre de l'exercice 2011 n'est pas prescrite en ce que :

- lorsque les manquements professionnels d'un commissaire aux comptes s'apparentent à une dissimulation, le délai de l'action en responsabilité prévue par l'article L.225-254 du code de commerce ne court qu'à compter de la date de sa révélation,

- M. [I] a reconnu dans ses conclusions que la SCP [G] n'avait ni déclaré ni liquidé les prélèvements sociaux sur les dividendes perçus en 2011 mais n'a pas formulé la moindre réserve et a donc couvert cette anomalie en certifiant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2011,

- la société Monceau notaires n'a eu connaissance de ces faits dissimulés qu'à compter de la réception de la proposition de rectification de l'administration fiscale du 17 décembre 2014 et l'action ayant été introduite le 30 septembre 2015 n'est pas prescrite.

M. [I] répond que :

- le point de départ du délai de prescription est la date du rapport de certification des comptes litigieux déposé par le commissaire aux comptes afférent à chacun des exercices qu'il a contrôlés mais au cours desquels les irrégularités n'auraient pas été détectées et la seule exception à ce principe est l'hypothèse d'une dissimulation,

- la dissimulation suppose que le commissaire aux comptes ait découvert les irrégularités, ait choisi sciemment de ne pas les révéler à l'entité contrôlée et de certifier les comptes pour les dissimuler,

- en l'espèce, il a immédiatement averti la société sur le fait que les prélèvements sociaux afférents aux dividendes distribués n'avaient pas été payés par elle, ce à quoi la société lui a indiqué qu'ils avaient été payés directement par le dirigeant, ce qui lui a été confirmé par lettre d'affirmation,

- le point de départ de la prescription ne saurait donc être prorogé et l'action au titre de l'exercice 2011 doit être déclaré prescrite.

L'article L.822-18 du code commerce prévoit que les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans les conditions prévues à l'article L.225-254 du code de commerce lequel prévoit une prescription de trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.

Le fait dommageable, point de départ du délai de prescription triennal, est le rapport général de certification déposé par le commissaire aux comptes pour l'exercice qu'il a contrôlé et au cours duquel des irrégularités n'auraient pas été détectées et qui serait donc susceptible de constituer une certification fautive, sauf en cas de dissimulation d'irrégularités intentionnelle de la part du commissaire aux comptes .

En l'espèce, M. [I] n'a aucunement eu la volonté de dissimuler un non-paiement des prélèvements sociaux en 2011 dont il a eu connaissance lors de sa certification des comptes le 15 juin 2012 puisqu'il ressort de la lettre d'affirmation de la SCP [G] du 11 juin 2012 qu'en réponse aux interrogations du commissaire aux comptes sur ce point, [M] [G] son associé unique et gérant lui a répondu : ' Nous vous confirmons que le dirigeant s'est acquitté personnellement de la déclaration et du paiement des cotisations sociales sur les dividendes perçus en 2010 et 2011".

Dès lors, en l'absence de toute dissimulation de la part du commissaire aux comptes , le point de départ de l'action en responsabilité au titre de l'exercice 2011 est le rapport de certification des comptes clos au 31 décembre 2011 signé le 15 juin 2012 de sorte que l'action ayant été introduite le 30 septembre 2015, celle-ci est prescrite au titre de la certification 2012 pour l'année 2011.

- sur la faute

Le tribunal a retenu que la preuve n'est pas rapportée de manquements par M. [I] à ses obligations de diligences, information et conseil en ce que :

- il a constaté lors du contrôle des comptes clos au 31 décembre 2011 que [M] [G] avait perçu des acomptes sur dividendes qui n'avaient été ni déclarés ni liquidés par la SCP et il l'en a averti en sa qualité de gérant, lequel lui a répondu le 11 juin 2012 que le dirigeant s'était acquitté personnellement de la déclaration et du paiement des cotisations sociales sur les dividendes perçus en 2010 et 2011,

- cette lettre comporte une déclaration sur le paiement des cotisations et il n'est fait état d'aucune autre anomalie significative à l'époque, les malversations ayant été mises à jour bien plus tard, qui aurait justifié un contrôle renforcé y compris sur les paiements et déclarations,

- concernant l'acompte sur dividendes de l'exercice 2012, M. [I] avait exigé la communication de la déclaration 2777-D remplie par la société au titre des cotisations sociales dues sur l'acompte sur dividendes de sorte que l'acompte et le paiement des cotisations ont été comptabilisés, l'envoi de ladite déclaration à l'administration fiscale n'incombant de toute évidence pas au commissaire aux comptes.

Les appelants estiment que M. [I], commissaire aux comptes habituel du notaire, a manqué à ses obligations de diligences dans l'exercice de son contrôle tel que prévu aux articles L.823-9 et L.823-10 du code de commerce, d'information et de conseil en accordant sa certification pour les comptes de la SCP [G] des exercices 2011 et 2012 sans mettre en œuvre les diligences permettant d'obtenir l'assurance raisonnable que la situation comptable et financière de la société [G] ne comportait pas d'anomalies significatives alors que :

- la déclaration de [M] [G] en juin 2012 est en contradiction manifeste avec la loi fiscale (article 1671 C du code général des impôts) qui désigne fiscalement la SCP comme l'établissement payeur et qui interdit au bénéficiaire des dividendes de prendre en charge personnellement le montant des prélèvements sociaux, ce qui aurait dû l'alerter et le conduire à solliciter la communication de la copie des déclarations et des paiements y afférents ou vérifier la comptabilisation des charges résultant du paiement des dividendes et à défaut, émettre des réserves sur ce point lors de la validation des comptes de la SCP [G],

- il lui appartenait notamment de s'opposer au refus de communication d'un document par le gérant en invoquant le délit dont est passible le dirigeant qui fait sciemment obstacle au contrôle du commissaire aux comptes ou lui refuse la communication d'une pièce utile à l'accomplissement de sa mission,

- il est inopérant d'invoquer que les investigations concernaient un office notarial, la qualité du client contrôlé ne dispensant pas un commissaire aux comptes de ses obligations de vérification,

- M. [I] s'est trouvé en présence d'une information comptable insuffisante, ayant une incidence directe sur l'exactitude des comptes de la société, la carence de [M] [G] caractérisant une anomalie significative qui aurait dû le faire réagir,

- il aurait pu constater qu'aucune inscription en débit de compte courant de M. [G] n'apparaissait en 2011 et 2012, l'associé ayant une dette non comptabilisée envers la société car à défaut de prélèvement à la source, il s'agit d'une charge définitivement supportée par la société et l'absence de comptabilisation de cette dette a une conséquence sur la valorisation de la SCP,

- il a expressément reconnu (conclusions de 1ère instance page 7) avoir détecté une anomalie au titre de l'exercice 2011 et n'a pourtant émis aucune réserve, alors que relevant la même anomalie au titre de l'exercice 2012, il a exigé de [M] [G] qu'il lui communique la déclaration 2777-D remplie par la société.

M. [I] répond que les griefs reprochés ne sont pas justifiés en ce que :

- il n'entre pas dans la mission d'un commissaire aux comptes d'établir les comptes et le contrôle des comptes , en vue de leur certification, vise à obtenir 'l'assurance raisonnable' de ce que 'les comptes pris dans leur ensemble ne comportent pas d'anomalies significatives',

- la mission légale du commissaire aux comptes ne l'assujettit qu'à une obligation de moyens et l'étendue des travaux qu'il doit mettre en oeuvre est fonction du risque d'anomalie significative dans les comptes dont l'évaluation ressort du jugement professionnel du commissaire aux comptes,

- le gérant de la SCP était un officier ministériel et la SCP faisait l'objet d'une inspection annuelle de la chambre départementale des notaires portant sur sa comptabilité,

- il ne peut lui être reproché d'avoir estimé que la lettre d'affirmation, témoignant que la question du paiement des prélèvements sociaux avait été identifiée et discutée avec le gérant, émise et signée par le notaire gérant en juin 2012 et comportant une déclaration sur le paiement des cotisations, était, en raison d'un risque d'audit faible en l'absence de détection d'anomalie dans les comptes et d'alerte des autres organes de contrôle, un élément justificatif suffisant sans qu'il n'ait à diligenter de vérifications complémentaires,

- aucun obstacle aux vérifications du commissaire aux comptes n'est caractérisé dès lors que le dirigeant notaire de la SCP [G] a émis une lettre d'affirmation en application des normes d'exercice professionnel dans laquelle il affirmait s'être libéré personnellement de l'impôt dû,

- l'absence de communication d'une déclaration fiscale personnelle, qui est un document extra-comptable, ne saurait constituer une anomalie significative dans les comptes au sens de la norme d'exercice professionnel (NEP) 200,

- il n'avait aucune raison de formuler une réserve dans son rapport en raison du paiement direct allégué par [M] [G] en lieu et place de la SCP, en l'absence d'anomalie significative qui aurait affecté l'exactitude des comptes puisque la SCP n'avait pas de charge ou de dette de M. [G] à déclarer,

- s'agissant de l'acompte sur dividendes de l'exercice 2012 perçu au mois de décembre 2012, il a identifié ce point d'attention dans le cadre de son contrôle sur l'exercice clos au 31 décembre 2012 et sollicité la communication de la déclaration 2777-D remplie.

L'article L. 823-9 du code de commerce dispose que :

Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice.

L'article L.823-10 du même code ajoute que :

Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur.

Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration, du directoire ou de tout organe de direction, et dans les documents adressés aux actionnaires ou associés sur la situation financière et les comptes annuels. Ils attestent spécialement l'exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social.

Il ressort de ce dernier article, interdisant au commissaire aux comptes de s'immiscer dans la gestion de la société dont il contrôle les comptes qu'il ne peut être tenu d'aucune obligation d'information et de conseil à son égard.

En revanche, sa responsabilité peut être engagée en cas de manquement à son obligation de diligences quant à l'appréciation de la régularité et la sincérité des comptes en ce qu'ils ne comportent pas d'anomalies significatives.

La NEP 200, homologuée par arrêté du 19 juillet 2006 publié au JO du 1er août 2006, qui détermine les principes applicables à l'audit des comptes mis en œuvre dans le cadre de la certification des comptes définit l'anomalie significative comme 'l'information comptable ou financière inexacte, insuffisante ou omise, en raison d'erreurs ou de fraude, d'une importance telle que, seule ou cumulée avec d'autres, elle peut influencer le jugement de l'utilisateur d'une information comptable ou financière'.

Elle précise que :

'Tout au long de son audit, il [le commissaire aux comptes ] fait preuve d'esprit critique et tient compte du fait que certaines situations peuvent conduire à des anomalies significatives dans les comptes .

A ce titre, le commissaire aux comptes évalue de façon critique la validité des éléments collectés au cours de ses travaux, et reste attentif aux informations qui contredisent ou remettent en cause la fiabilité des éléments obtenus.

Par ailleurs, tout au long de ses travaux, le commissaire aux comptes exerce son jugement professionnel, notamment pour décider de la nature, du calendrier et de l'étendue des procédures d'audit à mettre en oeuvre, et pour conclure à partir des éléments collectés.

La formulation, par le commissaire aux comptes , de son opinion sur les comptes nécessite qu'il obtienne l'assurance que les comptes , pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives.

Cette assurance élevée, mais non absolue du fait des limites de l'audit est qualifiée, par convention, d' 'assurance raisonnable'.

Le risque que le commissaire aux comptes exprime une opinion différente de celle qu'il aurait émise s'il avait identifié toutes les anomalies significatives dans les comptes est appelé 'risque d'audit' (')

Le commissaire aux comptes réduit le risque d'audit à un niveau suffisamment faible pour obtenir l'assurance recherchée nécessaire à la certification des comptes (...)

Plus le commissaire aux comptes évalue le risque d'anomalies significatives à un niveau élevé, plus il met en oeuvre de procédures d'audit complémentaires afin de réduire le risque de non-détection'.

Les dividendes de [M] [G] de l'exercice 2010 lui ont été versés en 2011 et ceux de l'exercice 2011 en 2012 pour un montant de 552 351 euros et un acompte sur les dividendes de l'exercice 2012 a été versé fin décembre 2012 pour un montant de 590 000 euros,

La cour rappelle que M. [I] a interrogé en juin 2012 le gérant de la SCP sur le paiement des prélèvements sociaux sur les dividendes perçus au premier semestre 2012 au titre des dividendes de l'année 2011 et ce dernier lui a répondu dans sa lettre d'affirmation du 11 juin 2012 : ' Nous vous confirmons que le dirigeant s'est acquitté personnellement de la déclaration et du paiement des cotisations sociales sur les dividendes perçus en 2010 et 2011".

Dans son courriel du 12 mars 2015 adressé à Mme [N] et M. [S], M. [I] a indiqué:

' M. [G] percevait des revenus de capitaux mobiliers en dehors de ses dividendes et il nous a confirmé à plusieurs reprises que les déclarations de cotisations sociales étaient faites par ses soins sur l'ensemble de ses revenus de capitaux mobiliers.

S'agissant de déclarations personnelles, M. [G] n'a pas souhaité nous les communiquer ce qui explique que nous nous sommes fait confirmer ce point dans la lettre d'affirmation en votre possession pour les exercices 2010 et 2011. Nous ne pouvions aller plus loin dans nos investigations'.

Les éventuelles anomalies comptables non découvertes sur l'exercice 2011 ne peuvent donner lieu à l'engagement de la responsabilité de M. [I] en raison de la prescription de l'action retenue.

Les consorts [G] ne produisent aucune pièce concernant la certification des comptes au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012 et reconnaissent au contraire (page 39 de leurs conclusions) que la même omission de déclaration a été identifiée au titre de l'exercice 2012 par M. [I] et qualifiée de 'point d'attention dans le cadre de ses contrôles' et qu'il a exigé pour le versement d'acompte sur dividende opéré par M. [G] en décembre 2012 communication de la déclaration 2777-D remplie par la société, laquelle lui a été adressée par la comptable de la société par courriel du 15 janvier 2013 ainsi que mentionné supra, celle-ci ajoutant qu'un virement était adressé au trésor public.

En tout état de cause, puisque le paiement en lieu et place du dirigeant ne constitue pas une charge au sens de l'article 39-1 du code général des impôts comme l'a rappelé expressément l'administration fiscale à la SCP [G] dans sa réponse du 25 avril 2015, que [M] [G], officier ministériel, avait précédemment affirmé au commissaire aux comptes qu'il effectuait lui-même les déclarations et paiements des prélèvements sociaux concernant l'ensemble de ses revenus de capitaux mobiliers et que l'inspection annuelle par la chambre régionale des notaires de son office, laquelle portait également sur la tenue de ses comptes , n'avait révélé aucune difficulté à ce titre, il n'y avait pas lieu de comptabiliser une dette de ce dernier envers la société.

En outre, ni le fait qu'aucune inscription en débit de compte courant de [M] [G] n'apparaissait en 2012 ni le fait que le paiement effectué par ce dernier était contraire à la loi n'étaient constitutifs d'une anomalie significative dans les comptes qui seule devait être relevée par le commissaire aux comptes .

En conséquence, aucune faute n'est établie à l'encontre de M. [I] au titre de la certification des comptes pour l'exercice clos au 21 décembre 2012 et la SCP Monceau notaires est déboutée de sa demande de garantie de M. [I] au titre de son préjudice et Mme [N] et M. [S] le sont également de leur demande de condamnation in solidum de la SARL Volentis et M. [I] en réparation de leur préjudice.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont infirmées.

Les dépens de première instance et d'appel doivent incomber aux consorts [G], partie perdante, lesquels sont également condamnés in solidum à payer à Mme [Y] [N] et M. [X] [S] la somme de 6 000 euros chacun et celle de 3 000 euros à la SARL Volentis, d'une part, et à M. [V] [I], d'autre part, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- débouté Mme [N] et M. [S] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- débouté la SCP Monceau notaires de sa demande en paiement d'une somme de 8 000 euros au titre des frais engagés pour faire valoir ses droits devant l'administration fiscale,

- déclaré prescrite l'action en responsabilité à l'encontre de M. [V] [I] au titre de la certification des comptes pour l'exercice comptable 2011,

- débouté la SCP Monceau notaires de sa demande de garantie in solidum de la SARL Volentis et de M. [I] au titre de son préjudice,

- débouté Mme [N] et M. [S] de leur demande de condamnation de Mme [O] [W], veuve [G], M. [R] [G] et Mmes [J] et [E] [G] en réparation de leur préjudice moral lié aux perturbations engendrées par le redressement fiscal ,

- débouté Mme [N] et M. [S] de leur demande de condamnation in solidum de la SARL Volentis et M. [I] en réparation de leurs préjudices,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Condamne in solidum Mme [O] [W], veuve [G], M. [R] [G] et Mmes [J] et [E] [G] à payer à Mme [Y] [N] et M. [X] [S] :

- la somme de 52 000  euros à chacun, au titre de la garantie du passif,

- la somme de 68 568,50 euros à chacun à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral lié aux perturbations engendrées par le redressement fiscal,

Condamne Mme [O] [W], veuve [G], M. [R] [G] et Mmes [J] et [E] [G] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [O] [W], veuve [G], M. [R] [G] et Mmes [J] et [E] [G] à payer à Mme [Y] [N] et M. [X] [S] la somme de 6 000 euros, chacun et celle de 3 000 euros à la SARL Volentis, d'une part, et à M. [V] [I], d'autre part, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.