CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 24 novembre 2022, n° 21/18557
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
DP Conseils & Participations (SAS)
Défendeur :
Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat
Conseillers :
Mme Rohart, Mme Coricon
Avocats :
Me Vignes, Me Colin, Me Meynard, Me Deshayes, Me Baechlin, Me Hou
Le 19 octobre 2018, la société DP Conseil & Participations, dirigée par M. [U] [Z], a acquis auprès des époux [I] le groupe [M], composé de plusieurs sociétés spécialisées dans l'étude, la conception, la fabrication, la réalisation, l'entretien et la maintenance d'équipements scéniques, moyennant le prix de 2 000 000 euros. Elle est devenu détentrice de 100% du capital et des droits de vote de la société Groupe [M], et de 85 % du capital social et des droits de vote de la société AMG-[M] (les 15 % restants étant détenus par la société Groupe [M]), la société Groupe [M] détenant elle même 100% du capital des sociétés Tech Audio, Besco et Euroscenic.
La société DP Conseils & Participations a mandaté le 28 juin 2019 un nouveau commissaire aux comptes , le cabinet Aca Nexia, chargé d'établir un rapport sur la situation financière des sociétés à la date de la cession. Le cabinet Aca Nexia a rendu son rapport le 17 octobre 2019. La société DP Conseils & Participations a alors adressé un courrier à M. et Mme [I] le 8 novembre 2019 leur réclamant la somme de 2 millions d'euros sur le fondement des dispositions des articles 7.1.2 et 7.1.5 du contrat de cession. A la demande des époux [I], elle leur adressait le rapport par courrier du 20 novembre 2019. Elle leur a également adressé un courrier le 22 novembre 2019 au sujet de la situation de Mme [B], salariée non déclarée.
Par courrier du 10 décembre 2019, les époux [I] ont répondu que la société DP Conseils & Participations ne pouvait se prévaloir de la garantie de passif au motif qu'elle n'a pas été mise en oeuvre dans les conditions prévues au contrat. Ils ont également contesté les conclusions du rapport réalisé par le cabinet Aca Nexia. Ils ont également, par courrier du 23 décembre 2019, indiqué à la société DP Conseils et Participations qu'elle était informée de la situation de Mme [B] depuis le 5 juin 2019.
Après un nouvel échange de courriers entre les parties, la société DP Conseils et Participations notifiait le 31 mai 2021 à M. et Mme [I] la mise en jeu de la garantie de passif au titre de l'exploitation illicite des licences d'utilisation des logiciels Solidworks, réclamant le règlement de la somme de 90 000 euros.
Parallèlement, la société DP Conseils & Participations a adressé des courriers à la société Worlwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic (ci-après Wired), commissaire aux comptes des sociétés du groupe au moment de la cession et jusqu'au 10 juin 2019, lui demandant la communication de pièces et informations ayant servi à la certification des comptes , ainsi que la réparation de son préjudice pour un montant de 5 460 000 euros. La soicété Wired s'est opposée à ces demandes.
La société DP Conseils & Participations a alors assigné les époux [I] et la société Wired, par acte d'huissier du 18 juin 2020, devant le tribunal de commerce de Paris pour solliciter à titre principal la nullité pour dol et fraude de la vente intervenue le 19 octobre 2018 et le paiement de la somme de 5 550 000 euros au titre de la restitution du prix de vente et de l'indemnisation de son préjudice, à titre subsidiaire leur condamnation à lui verser la somme de 5 500 000 euros, au titre de la garantie de passif prévue ) à l'acte de cession et en tout état de cause, la condamnation in solidum avec les époux [I] du cabinet Wired, à lui verser la somme de 5 550 000 euros au titre des fautes professionnelles commises dans la certification des comptes , ainsi que 80 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [I] est décédé le [Date décès 3] 2021.
Par jugement du 24 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a constaté le désistement d'instance à l'égard de M. [I], déclaré recevable l'action engagée par la société DP Conseils &Participations à l'encontre du cabinet Wired et l'action engagée à l'encontre de Mme [M]-[I], rejeté la demande d'écarter le rapport d'Aca Nexia formulée par le cabinet Wired, débouté la société DP Conseils & Participations de ses demandes principale et subsidiaire, débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive, et condamné la société DP Conseils & Participations à verser la somme de 30 000 euros à Mme [I]-[M] et la somme de 5 000 euros au cabinet Wired au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
La société DP Conseils & Participations a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 octobre 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, la société Accédia International, anciennement DP Conseils & Participations, demande à la cour de:
- Dire et juger ses demandes recevables ;
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 septembre 2021 en ce qu'il a (i) débouté la société DPCP de ses demandes contre Mme [P] [I]-[M] et contre la société Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic, (ii) condamné la société DPCP à verser la somme de 30.000 euros à Mme [P] [I]-[M] et la somme de 5.000 euros à la SAS Worldwide Independent Reporting Expertise & Diagnostic au titre de l'article 700 du code de procédure civile et (iii) condamné la société DPCP aux dépens.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- Prononcer la nullité pour dol et pour fraude de la vente intervenue par acte de cession du 19 octobre 2018 ;
- Condamner Mme [P] [I]-[M] à lui verser la somme de 5 550 000 euros, sauf à parfaire, au titre de la restitution du prix de vente et d'indemnisation de son préjudice ;
Subsidiairement, désigner tel expert qu'il lui plaira afin de déterminer si les sociétés cédées étaient en état de cessation des paiements à la date de cession et si les comptes transmis par le cédant préalablement à cette date permettaient de disposer d'une image fidèle et sincère de la situation financière de ces sociétés ;
A titre subsidiaire,
- Condamner Mme [P] [I]-[M] à lui verser la somme de 5 550 000 euros, sauf à parfaire, au titre de la garantie de passif prévue à l'acte de cession du 19 octobre 2018 ;
En toute hypothèse,
- Condamner la société Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic, seule ou in solidum avec Mme [P] [I]-[M] en cas de condamnation de celle-ci, à lui verser la somme de 5 550 000 euros, sauf à parfaire, au titre de ses manquements professionnels ;
- Condamner Mme [P] [I]-[M] à la garantir et la relever de toute condamnation, de toute perte et de tout préjudice, direct ou indirect, notamment en termes d'image et de réputation, pouvant résulter des suites de la lettre de mise en demeure de la société Solidworks du 16 décembre 2021 ;
- Débouter Mme [P] [I]-[M] et la société Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et en particulier de leur demande pour procédure abusive ;
- Condamner in solidum Mme [P] [I]-[M] et la société Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic à lui verser la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum Mme [P] [I]-[M] et la société Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2022, Mme [P] [I]-[M] demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 24 septembre 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande présentée au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive en réparation du préjudice subi.
Statuant à nouveau :
- CONDAMNER la société Accédia international au paiement de la somme de 50 000 euros à son bénéfice à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En tout état de cause :
- DEBOUTER la société Accédia international (anciennement DP-Conseils & Participations),de toutes ses demandes fins et prétentions ;
- DEBOUTER la société WIRED de toutes demandes éventuelles en garantie à son encontre ;
- REJETER toutes fins, moyens et conclusions contraires ;
- CONDAMNER la société Accédia international à lui payer la somme de 80 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société Accédia international (anciennement DP-Conseils & Participations), aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, la société Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic (Wired) demande à la cour de :
1. A titre principal, sur l'irrecevabilité de la demande formée à son encontre faute d'intérêt légitime à agir
Réformant le jugement,
- JUGER que, prétendant à l'annulation de la cession que les consorts [I]-[M] lui ont consentie et à la condamnation de ceux-ci à lui verser la somme de 5,3 millions d'euros, montant total de son prétendu investissement ou de son prétendu préjudice, la société DPCP est dépourvue d'intérêt légitime à former demande de condamnation du cabinet WIRED à lui payer "en toute hypothèse" la même somme de 5,3 millions d'euros, cette seconde demande de condamnation faisant double emploi avec la première ;
- en conséquence DÉCLARER IRRECEVABLE la demande de la société DPCP à son encontre, faute d'intérêt légitime à agir.
2. À titre subsidiaire, sur le fond
- CONFIRMER le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris en date du 24 septembre 2021 ;
- JUGER que la société DPCP n'établit
* ni les obligations que le cabinet WIRED aurait transgressées,
*ni les manquements qu'il aurait commis,
* ni le lien de causalité entre d'une part, d'éventuels manquements et, d'autre part, le fait de n'avoir pas décelé d'éventuelles irrégularités qui, significatives, auraient affecté les comptes des sociétés AMG-[M] et TECH AUDIO,
* ni le préjudice qu'elle aurait subi et qui aurait résulté de la certification de ces comptes ;
- ECARTER des débats la pièce n° 6 de l'appelante (rapport du cabinet Aca Nexia, commissaire aux comptes) ;
- JUGER, qu'au surplus, la société DPCP ne saurait demander sa condamnation à lui payer "en toute hypothèse", c'est-à-dire en sus de celle de 5 550 000 euros qu'elle prétend voir les consorts [I]-[M] condamner à lui payer, la même somme de 5 550 000 euros ou quelque autre somme que ce fût ;
en conséquence, DÉBOUTER la société DPCP de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
3. Sur la demande subsidiaire formulée par la société DPCP dans ses dernières écritures VU les articles 564 et suivants du Code de procédure civile,
DECLARER IRRECEVABLE la demande subsidiaire de la société DPCP, relative à une mesure d'expertise, formulée pour la première fois en appel, aux termes de ses écritures notifiées le 9 septembre 2022,
4. En toute hypothèse, sur les frais et dépens
VU les articles 695 à 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER la société DPCP à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
- la CONDAMNER aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par Maître Jeanne Baechlin, Avocat.
5. À titre plus subsidiaire, pour le cas où, par extraordinaire, la Cour ferait droit, même partiellement, à la demande, formée par la société DPCP, de condamnation du cabinet WIRED
CONDAMNER Mme [P] [I]-[M] à la garantir et la relever indemne de cette condamnation comme de toute condamnation, à quelque titre que ce fût et pour quelque cause que ce fût, qui viendrait à être prononcée contre elle et au profit de la société DPCP.
SUR CE :
Sur la pièce n° 6 produite par la société DP Conseils & Participations
La société Wired demande à ce que le rapport établi par le cabinet Aca Nexia soit écarté des débats. Cependant, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, chaque partie étant libre de produire les éléments qu'elle estime nécessaire au soutien de ses demandes, et notamment tout document qu'elle aurait demandé à un tiers d'établir afin de conforter ses allégations. Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a refusé d'écarter cette pièce des débats.
Sur la nullité de la cession pour dol et fraude
La société DP Conseils & Participations fait valoir que les époux [I] connaissaient parfaitement les difficultés des sociétés cédées au vu de leurs fonctions et de leur ancienneté dans le groupe mais ont volontairement dissimulé le passif révélé par le rapport Aca Nexia, en présentant les comptes de manière tronquée, du fait d'irrégularités graves et systémiques ; qu'ils ont multiplié les fausses déclarations, comme dans le courriel du 8 juin 2018 où ils affirment que la 'trésorerie va nécessairement s'améliorer', et qu'ils ont annoncé un résultat d'exploitation de l'ordre de 273 000 euros pour l'exercice 2018 ainsi qu'un carnet de commandes à venir pour plus de 46 millions d'euros, artificiellement gonflé.
Elle souligne qu'aux termes de l'acte de cession, il était garanti qu'aucune société du groupe cédé 'n'est ni n'a été en état de cessation des paiements' au moment de la vente, qu'aux termes de l'article 5.2.14, il était encore prévu que 'les Informations Fournies ont été réunies de bonne foi et avec le soin normalement attendu d'un vendeur diligent afin de permettre à l'Acquéreur de se faire une opinion éclairée de la situation des Sociétés du Groupe et n'omettent aucun fait significatif connu des Vendeurs relatif aux Sociétés du Groupe et à leurs activités' ; que la viabilité financière du groupe était bien une condition essentielle et déterminante de son consentement.
Elle reconnaît que le rapport d'audit réalisé en avril 2018 dans le cadre des opérations de cession identifiait plusieurs points de vigilance mais souligne qu'il ne faisait pas mention d'un état de cessation des paiements. Elle reconnaît également qu'à la suite de ce rapport, le prix de cession envisagé, à hauteur de 5 millions d'euros a été réduit à 2 millions d'euros mais que cela ne signifiait pas un accord à l'existence d'un état de cessation des paiements; que le tribunal a, à tort, écarté le litige avec la société Eiffage.
Elle estime que ces agissements constituent un dol mais également une faute détachable de ses fonctions de dirigeante de Mme [I]-[M] susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard d'un tiers, sur le fondement des dispositions de l'article L. 225-251 du code de commerce.
Elle demande en conséquence l'annulation de la vente, la restitution du prix de vente et l'indemnisation de son préjudice (les avances en compte courant consenties aux sociétés cédées pour 3 460 000 euros et le rachat des licences officielles du logiciel Solidworks pour 90 000 euros), soit la somme totale de 5 550 000 euros. Elle demande également à ce que Mme [I] soit condamnée à la garantir et la relever de toute condamnation, de toute perte et de tout préjudice, direct ou indirect, notamment en termes d'image et de réputation, pouvant résulter des suites de la lettre de mise en demeure de la société Solidworks du 16 décembre 2021.
Subsidiairement, elle demande la désignation d'un expert pour déterminer si les sociétés cédées étaient en état de cessation des paiements à la date de cession et si les comptes transmis par le cédant préalablement à cette date permettaient de disposer d'une image fidèle et sincère de la situation financière de la société. La société Wired souligne que cette demande est nouvelle en cause d'appel.
Elle rappelle l'indépendance obligatoire du commissaire aux comptes , et donc le caractère indépendant du rapport réalisé par le cabinet Aca Nexia qui a estimé que les sociétés du groupe [M] étaient en état de cessation des paiements le 31 octobre 2018, en raison de dettes fournisseurs échues et exigibles de longue date, de créances clients non documentées, illisibles ou non exploitables qui auraient donc du être dépréciées, d'une créance irrécouvrable d'environ 3 millions d'euros d'AMG [M] sur Tech Audio, de TVA non collectée ou déduite à tort, et d'une manière générale d'une comptabilité chaotique faisant ressortir un important passif exigible après les reclassements intervenus en 2019.
Elle conteste que ce cabinet ait procédé à des reclassements comptables équivalents à des décisions de gestion. Elle indique qu'il n'a pas oublié un crédit de TVA.
Mme [I]-[M] réplique que le rapport du cabinet Aca-Nexia a été établi non contradictoirement, ne tient pas compte de la spécificité de l'activité des sociétés AMG-[M] et Tech Audio, assimilées au BTP notamment en matière de déclaration de TVA, ni de l'évolution des négociations entre les parties, et a pris des décisions de gestion de manière unilatéral en en tirant des conséquences financières. Concernant les reclassements qui dissimulent en réalité des décisions de gestion, Mme [I] cite :
- la passation en compte courant de la créance détenue par AMG-[M] sur Tech Audio, au titre de matériels achetés par AMG-[M] pour le compte de Tech Audio,
- la compensation entre les créances et les dettes des sociétés AMG-[M] et Eiffage, alors qu'elles ne sont pas de même nature puisque la société Eiffage est un fournisseur de matériels et les créances de la sociétéAMG-[M] concernent des prestations relatives à des travaux exécutés en qualité de sous-traitant ; que la TVA porte sur les débits en achat de matériel, et sur les encaissements/décaissements pour les prestations ; que cette compensation a donc pour effet de rendre exigible à due concurrence de la compensation effectuée, la TVA sur les factures émises par AMG-[M], ce qui est contraire aux comptes arrêtés et approuvés au 31 décembre 2017 et ceux arrêtés et approuvés par la société DP Conseils & Participations au 31 décembre 2018 ; que le rapport omet de mentionner que cela engendre un crédit de TVA du même montant chez Tech Audio, remboursable par le Trésor public. Elle indique que ce rapport ne fait que des reclassements et ne parle pas de passif dissimulé.
Elle estime que le cabinet Aca Nexia s'est placée dans une hypothèse futuriste lorsqu'il indique qu'en 'l'absence de reprise par le groupe DPCP, le groupe [M], sans ressource financière complémentaire, n'aurait pas pu financer Tech Audio conduisant à une cascade de cessation de paiement au sein du Groupe, le principal débiteur ne pouvant plus faire face à son passif exigible' mais n'estime pas que les sociétés du groupe étaient en état de cessation des paiements au 19 octobre 2018.
Elle souligne que les sociétés AMG-[M] et Tech Audio ont toutes deux fait l'objet de contrôles fiscaux récents, portant notamment sur la TVA, lesquels n'ont fait l'objet d'aucun redressement sur ce sujet ; qu'au 19 octobre 2018, aucun incident bancaire ni aucune inscription de privilège n'existait, les sociétés étaient à jour de leurs salaires et charges fiscales et sociales, aucun contentieux avec un créancier n'existait, et la créance de la société Eiffage faisait l'objet d'une annexe détaillée et circonstanciée dans l'acte de cession.
Elle conteste les factures produites par la société DP Conseils & Participations qui s'avèrent être pour la plupart des courriers recommandés émanant des banques qui notifient à la société AMG-[M] l'acquisition de créances fournisseurs, dans le cadre de la loi Dailly ; que certaines factures datent d'après la cession ; que si on comptabilise ces factures, qui se chiffrent à environ 300 000 euros, 193 672 euros étaient réglées le 19 octobre 2018 et 75 000 euros ont été émis après le 19 octobre 2018 ; que la société AMG-[M] réalisait plus d'un million d'euros d'achat par mois.
Elle souligne que les comptes de la société AMG-[M] arrêtés au 31 décembre 2018, certifiés par M. [U] [Z], lui-même, et approuvés en assemblée générale le 28 juin 2019, démontrent que cette société bénéficiait, à cette date, d'une trésorerie de 733 715 euros, sans aucun apport en compte courant de son actionnaire unique, d'un actif circulant de 20 831.363 euros, pour des dettes représentant un total de 11 265 685 euros, et des capitaux propres positifs pour un montant de 9 651 714 euros.
Elle souligne également que la société DP Conseils & Participations a fait réaliser un audit préalablement à la cession, réalisé en toute indépendance.
S'agissant des apports en compte courant réalisés par l'appelante et dont il est demandé le remboursement, elle indique qu'ils n'ont été nécessaires que 7 mois après la cession, qu'entre temps deux chantiers ont connu des difficultés d'encaissements sur les livraisons de matériel et les prestations réalisées, ce qui a justifié les apports en compte courant.
Sur les logiciels Solidworks, elle rappelle que l'appelante avait connaissance des licences exploitées avant la cession, comme le démontre le rapport d'audit de pré-acquisition.
Sur ce
Aux termes de l'article 1137 du code civil : 'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie (...)'.
Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un dol de rapporter la preuve de manoeuvres frauduleuses ou d'une réticence dolosive.
Pour soutenir que les époux [I] ont commis un dol ou une fraude à l'occasion de la cession des titres des sociétés Groupe [M] et AMG-Féchos, l'appelante soutient que les époux [I] connaissaient la situation financière très dégradée du groupe qu'ils cédaient mais ont volontairement dissimulé, par le biais d'une présentation comptable tronquée et d'affirmations fausses, un passif résultant de la créance douteuse détenue sur la société Eiffage ainsi que sur de nombreux autres clients, tout comme l'ampleur des dettes fournisseurs.
Elle se fonde sur le rapport Aca Nexia réalisé en octobre 2019 pour étayer ses dires, rapport qui n'est ni un audit ni une expertise comme il est précisé en page 2, puisqu'il émane du commissaire aux comptes en exercice de la société.
Ce rapport ne pointe, s'agissant de la société AMG [M], aucune irrégularité comptable mais procède à des reclassements 'afin de donner une vision financière' ainsi qu'à des compensations sans expliquer les choix faits ni les conséquences qui en résultent ; il relève des erreurs de déduction de TVA ou de déclaration de TVA collectée ; il indique que le passif échu fournisseur très significatif, la difficulté à recouvrer les créances clients et l'incapacité de la société Tech Audio à régler sa dette de 3 050 000 euros ont engendré des besoins de trésorerie de la part du repreneur et 'qu'en l'absence de reprise par le groupe DPCP, le groupe AMG [M], sans ressource financière complémentaire n'aurait pas pu refinancer Tech Audio conduisant à une cascade de cessation des paiement au sein du groupe : le principal débiteur ne pouvant plus faire face à son passif exigible'.
S'agissant de la société Tech Audio, il procède également au reclassement de l'impôt sur les sociétés et des comptes courants en dettes nettes, des dettes et créances intra-groupe échues en compte courant ; il relève également des déductions de TVA sur des prestations non encore réglées ou des 'anomalies au niveau de la TVA collectée' ; il conclut que la société Tech Audio a un actif disponible (298 000 euros) qui ne lui permet pas de faire face à son passif exigible de 2 970 000 euros (essentiellement une dette intra-groupe), que cette société est sous-capitalisée depuis plus d'un an et ne pourrait continuer son exploitation sans le soutien de sa soeur AMG [M].
Dans ses 'points d'attention', il préconise une comptabilisation des écritures relatives aux retenues de garanties, pour faciliter la lecture des comptes fournisseurs et clients et améliorer la relance client ; une meilleure comptabilisation des paiements directs (compensation fournisseurs et clients) ; un travail indispensable de retour aux dossiers physiques pour éviter des erreurs de facturation (en trop ou en pas assez) ; il relève des écarts au niveau des rapprochements bancaires de 2 banques au 31 octobre 2018 qui n'étaient pas traités au 31 décembre 2018 ; il relève des retards de saisie au niveau des notes de frais au cours de l'exercice.
Il n'en résulte pas, contrairement à ce que soutient la société appelante, que ce rapport ait mis à jour un passif dissimulé ou une présentation tronquée des comptes des sociétés du groupe, les reclassements ou pistes d'amélioration proposés n'étant pas de nature à révéler des dettes qui auraient été masquées par des artifices comptables. Le débat sur la manière et le moment de comptabiliser la TVA collectée ou déduite ne constitue pas plus la révélation de manoeuvres dolosives ou frauduleuses de la part de Mme [I]-[M]. La cour remarque en outre que les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017, qui sont les derniers comptes établis avant la cession et dont le caractère sincère ou mensonger est essentiel pour apprécier le dol invoqué, ne sont pas produits par la société appelante.
Il ne résulte pas plus de ce rapport que des éléments financiers auraient été dissimulés dans le cadre de l'audit préalable à la cession réalisée par la société appelante. Au contraire, il est fait état, dans cet audit préalable réalisé par un auditeur choisi par la société appelante, de la situation dégradée de la société Tech Audio et de fonds propres négatifs depuis a minima 2015, de la nécessité de reprendre en main la gestion quotidienne de cette société et plus globalement du caractère non préparé de la cession envisagée par Mme [I]-[M]. La société appelante, cessionnaire, a, postérieurement à cet audit, rédigé une offre de reprise des sociétés du groupe qui mentionnait la situation financière dégradée de la société Tech Audio et prévoyait, du fait de la détérioration sur les 5 premiers mois de l'exercice 2018 des résultats du groupe, qu'une partie du prix de cession (2 millions sur les 5 millions proposés comme prix) serait versée ultérieurement sous certaines conditions, lorsque le niveau de trésorerie nette de dette financière de la société au 31 décembre 2017 sera de nouveau atteint. Finalement, le prix figurant dans l'acte de cession du 19 octobre 2018 est de 2 millions d'euros payés le jour de l'acte, assorti de deux compléments de prix d'un montant maximal de 1,5 millions d'euros sous conditions et méthode de calcul explicitée dans l'annexe 3.3.3.
Il en ressort que les difficultés du groupe mises en lumière lors de la phase des négociations ont permis à l'acquéreur de réduire de plus de 50% le prix d'achat initialement envisagé, celui-ci étant manifestement conscient des difficultés financières du groupe qu'il rachetait.
Si la société appelante produit des lettres de relance de factures impayées, elle n'établit pas que ces dettes n'aient pas été comptabilisées dans les comptes de la société et lui aient été dissimulées, puisqu'il est rappelé que l'appelante ne produit aucun compte antérieur à la cession.
Enfin, le courriel adressé le 8 juin 2018 par Mme [I]-[M] dans lequel elle indique au sujet de la société Tech Audio qu'elle qualifie de 'sujet préoccupant', que la trésorerie 'va nécessairement s'améliorer sachant que nos prestations engagée se débloquent actuellement au fur et à mesure de nos interventions actuelles sur site ; nous prévoyons le retour de notre position en positif dès le mois d'août prochain' ne caractérise pas, à lui seul, l'existence d'un dol ou d'une fraude de la part des époux [I] dans le cadre des négociations ayant entouré la cession des titres de sociétés Groupe [M] et AMG-[M].
Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que la société DP Conseils & Participations n'établit pas qu'un passif ou un état de cessation des paiements des sociétés qu'elle rachetait lui aurait été dissimulé. Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui l'a déboutée de ses demandes principales sur le fondement du dol, de la fraude et de la faute détachable de ses fonctions commises par Mme [I]-[M].
La société DP Conseils & Participations demande, subsidiairement, la désignation d'un expert judiciaire pour déterminer si les sociétés cédées étaient en état de cessation des paiements à la date de la cession et si les compte transmis par le cédant préalablement à cette date permettaient de disposer d'une image fidèle et sincère de la situation financière de ces sociétés. Cette prétention, qui vient en complément des prétentions soumises aux premiers juges, est recevable. Cependant, les mesures d'expertise judiciaire n'ont pas pour vocation de venir suppléer la carence probatoire des parties. Ainsi , en l'absence de tout élément établissant ou commençant à établir un état de cessation des paiements des sociétés du groupe au moment de la cession en litige, et en l'absence de production des éléments comptables relatifs aux exercices antérieurs à la cession, il ne sera pas fait droit à la demande d'expertise visant à déterminer un état de cessation des paiements des sociétés achetées et si les comptes transmis donnaient une image sincère et fidèle de la réalité.
Subsidiairement, sur la mise en oeuvre de la garantie de passif
La société DP Conseils & Participations fait grief aux premiers juges d'avoir considéré ses réclamations à ce titre forcloses car non adressées dans le délai de 30 jours contractuellement prévu à compter de la découverte du fait ou de l'événement permettant de remettre en cause une des déclarations des cédants.
Elle fait valoir qu'elle a notifié la mise en oeuvre de cette clause une première fois par lettre recommandée du 8 novembre 2019, une seconde fois par lettre recommandée du 22 novembre 2019, s'agissant spécifiquement des conséquences de la découverte de l'absence de contrat de travail déclaré de Mme [E] [B], une troisième fois par lettre recommandée du 27 décembre 2019, et une quatrième fois par lettre recommandée du 31 mai 2021, complétée par une seconde lettre du 27 janvier 2022, s'agissant des licences du logiciel Solidworks. Elle explique avoir attendu les conclusions définitives du rapport d'audit de la société Aca Nexia car c'est ce rapport qui lui a apporté la certitude de l'existence d'un passif dissimulé et antérieur à la date de la cession ; que la Cour de cassation a déjà jugé, dans une espèce similaire, que le délai contractuel courrait à compter de la communication du rapport, soit en l'espèce le 17 octobre 2019 ; qu'elle a notifié aux cédants les conclusions de ce rapport le 8 novembre 2019, soit dans le délai de 30 jours ; que la réalisation d'un audit préalable à la cession ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la garantie.
Elle demande la condamnation de Mme [I]-[M] à lui régler la somme de 5 550 000 euros, sauf à parfaire, correspondant à l'intégralité de son préjudice couvert par la clause de garantie de passif prévue à l'acte de cession du 19 octobre 2018.
Mme [I]-[M] demande la confirmation du jugement qui a jugé que la mise en oeuvre était tardive ; qu'en effet, par courriel du 5 juin 2019 la société DP Conseils & Participations lui a indiqué qu'elle pensait que le groupe était en état de cessation des paiements le jour de la cession, contrairement à ce qui était affirmé dans la déclaration des garanties, déclaration confirmée par courriel du 21 juillet 2019 qui indique que les auditeurs qui avaient pour mission d'établir si le groupe était en état de cessation des paiements au jour de l'acquisition ont terminé leur travail et devraient rendre leur rapport d'ici 10 jours. Elle en conclut que la société DP Conseils & Participations avait connaissance dès ces dates du fait ensuite invoqué pour mettre en oeuvre la garantie de passif ; que l'article 7.7.1 de la convention de cession du 19 octobre 2018 précise que le cessionnaire dispose d'un délai de 30 jours ouvrés à partir du moment où il a eu connaissance du fait justifiant sa réclamation ; qu'ainsi la réclamation formulée le 8 novembre 2019 pour la première fois est irrecevable.
Elle estime que l'audit réalisé avant la cession a mis en évidence les difficultés financières récurrentes de la société Tech audio, qui disposait de fonds propres négatifs depuis les trois derniers exercices, et la forte détérioration de la trésorerie consolidée des sociétés du groupe, ce qui explique qu'une partie du prix prévu à l'époque ait été conditionné à la reconstitution de la trésorerie. Elle indique que ces éléments permettaient à la société DP Conseils & Participations d'être parfaitement informée de la situation financière du groupe.
Elle conteste tout état de cessation des paiements indiquant que la présence d'une trésorerie positive de 733 715 euros sur les comptes arrêtés au 31 décembre 2018 de la société AMG-[M], comptes certifiés et approuvés par la société DP Conseils & Participations, tout comme l'absence de toute inscription de privilège de la part des organismes sociaux et fiscaux, démontrent que la société AMG-[M] ne pouvait pas être en état de cessation des paiements à la date du 19 octobre 2018, quand bien même elle rencontrait des difficultés d'ordre conjoncturel.
Concernant la réclamation du 22 novembre 2019 sur l'absence de contrat de travail de Mme [B] et la réclamation du 31 mai 2021 fondée sur l'utilisation de six licences non officielles du logiciel Solidworks, elle soulève leur irrecevabilité compte tenu de la connaissance de ces deux faits par la société DP Conseils & Participations depuis l'audit pré-acquisition du 22 mai 2018 qui mentionnait ces deux faits.
Sur ce
Aux termes de l'article 7.7.1 du contrat de cession, toute réclamation relative à une réduction de prix 'devra être faite à l'acquéreur au moyen d'une notification adressée au représentant des vendeurs dans un délai de 30 jours ouvrés après que l'acquéreur ou la société du groupe concernée ait eu connaissance des faits'. Le dernier alinéa de l'article 7.7.2 stipule que 'dans l'hypothèse où l'acquéreur n'a pas notifié au vendeur la réclamation dans le délai fixé, il sera réputé, de plein droit, avoir renoncé à la garantie relative à l'événement dont la réclamation fait l'objet'.
Il est constant, et non contesté, que la société DP Conseils & Participations a formalisé le 8 novembre 2019 un courrier de réclamation sur le fondement des articles 5 et 7 du contrat de cession, estimant que l'existence d'un état de cessation des paiements au moment de la cession lui avait été dissimulée. Elle indique avoir découvert ces faits lors de la remise du rapport Aca Nexia du 17 octobre 2019. Cependant, par courriel adressé le 5 juin 2019 à Mme [P] [I]-[M], M. [U] [Z] a indiqué qu'il pensait que le groupe était en état de cessation des paiements au moment de la cession, contrairement aux garanties prises dans l'acte, mais n'a alors pas mis en oeuvre la garantie de passif. Or le délai de 30 jours part à compter de la connaissance par le cessionnaire des faits objet de la réclamation, pas de leur confirmation par un audit ou un rapport commandé à une tierce personne. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont jugé forclose la réclamation de la société DP Conseils & Participations à ce titre.
De même, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que l'absence de contrat de travail de Mme [E] [B], qui faisait office de chef comptable, avait été portée à la connaissance de la cessionnaire plus de 30 jours avant le 22 novembre 2019, date de la réclamation formalisée par la société DP Conseils & Participations.
Enfin, s'agissant de l'utilisation officieuse de 6 licences du logiciel Solidworks alléguée par la cessionnaire, seul un courrier de mise en demeure de la société Dassault Systèmes SolidWorks Corporation, propriétaire du logiciel, en date du 16 décembre 2021 est produit. Ce courrier qui date de plus de 3 ans après la cession, et est postérieur à la mise en oeuvre de la garantie à ce titre, ne permet pas d'établir que des utilisations de ce logiciel ont eu lieu avant la cession ; ce courrier vise en outre la société AMG-[M], tandis que les échanges préalables entre les parties à ce sujet font état de discussions sur la licéité de l'utilisation de ce logiciel par la société Besco. Ces éléments sont insuffisants pour étayer la mise en oeuvre de la garantie de passif à ce titre, dont le préjudice qui en découlerait n'est en outre pas justifié.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a débouté la société DP Conseils & Participations de ses demandes formées au titre de la garantie de passif.
Sur la responsabilité professionnelle de la société Wired
- Sur la recevabilité de cette demande
La société Wired fait valoir que la société DP Conseils & Participations avait demandé aux premiers juges d'une part la condamnation de Mme [I] à lui payer la somme de 5,3 millions d'euros sur plusieurs fondements et, d'autre part, 'en toute hypothèse', la condamnation de la société Wired à payer la même somme ; que ce n'était donc pas une demande de condamnation in solidum mais deux demandes de paiement de la même somme. Elle souligne que cette formule d''en toute hypothèse' est reprise dans les écritures d'appel et qu'il s'en déduit un défaut d'intérêt à agir : soit sa demande à l'égard de Mme [I] prospère, et elle obtient indemnisation du préjudice qu'elle a subi ; soit sa demande échoue ce qui signifie que les comptes ont été bien tenus et il n'y a pas lieu à indemnisation. Les premiers juges ont décidé de la recevabilité de l'action car la société DP Consiels & Participations a modifié ses demandes à l'oral.
La société DP Conseils & Participations estime que sa demande est recevable, puisqu'il s'agit d'une demande de condamnation in solidum, visant à indemniser un seul et même préjudice, celui-ci résultant des multiples manquements de Mme [I] et de la société Wired (théorie de l'équivalence des conditions).
Sur ce
La cour constate qu'en cause d'appel, la société DP Conseils & Participations maintient une formulation ambigue quant aux demandes qu'elle forme à l'encontre du cabinet Wired ; que cependant, ces demandes ne sont pas irrecevables dans la mesure où elles visent l'indemnisation du préjudice causé par les manquements professionnels allégués du cabinet Wired, ce qui constitue un fondement d'indemnisation différent de ceux formulés à l'encontre de Mme [I]-[M]. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable cette demande.
- Sur la responsabilité de la société Wired
La société DP Conseils & Participations fait grief aux premiers juges d'avoir dénaturé sa demande en jugeant qu'elle n'avait demandé que la condamnation in solidum de la société Wired avec Mme [I]-[M], alors qu'elle avait également demandé sa condamnation individuelle, indépendamment des suites données aux agissements de Mme [I]-[M].
Elle rappelle les termes de l'article L. 822-17 du code de commerce relatif à la responsabilité du commissaire aux comptes ; qu'en l'espèce la société Wired a accepté de certifier les comptes 2017 et 2018 des sociétés AMG [M] et Tech Audio, comptes que le cabinet Aca Nexia a jugé faux et mensongers, donnant ainsi du crédit à la fraude orchestrée par les époux [I] ; que cela constitue une faute professionnelle.
Elle souligne également que la société Wired a refusé de lui répondre et de lui fournir des documents lorsque le rapport Aca Nexia a été porté à sa connaissance, alors qu'elle ne pouvait opposer le secret professionnel à son propre client.
Elle estime que l'ampleur des erreurs comptables relevées par le cabinet Aca Nexia ainsi que leur nature démontrent que le travail de la société Wired n'a pas été fait avec professionnalisme et sérieux, et que les comptes certifiés étaient irréguliers ; qu'une grande partie des créances et factures enregistrées dans les comptes ne correspondaient à aucune réalité ; que la société AMG [M] n'aurait pas été contrainte de passer fin 2019 des avoirs à hauteur de 1.047.920 euros à la suite d'erreurs de facturation, de doublons de facture ou de créances prescrites ; que 193.820,95 euros de créances étaient forcloses fin 2018, c'est-à-dire datées de plus de 5 ans et que le commissaire aux comptes n'a pas cru bon devoir les provisionner à 100% comme la règlementation l'obligeait à le faire, ou encore que la créance de 3 millions d'euros dont disposait AMG sur sa filiale Tech Audio était irrecouvrable compte tenu de la situation financière de cette dernière et qu'il convenait de la provisionner à 100 %, ce qui n'a été fait qu'en 2019.
La société Wired réplique qu'aucune faute n'est démontrée par l'appelante, que les comptes sont argués de faux et mensongers sans qu'aucune preuve ne soit rapportée ; que le rapport du cabinet Aca Nexia portant sur la situation de la société cédée au 31 octobre 2018 fait une revue de situation intermédiaire, ce qui n'est pas autorisé par les normes d'exercice professionnel, le commissaire aux comptes pouvant seulement examiner les comptes arrêtés par le dirigeant, faute de quoi il se place en position d'auto-révision ; que le cabinet Aca Nexia indique d'ailleurs en préambule qu'il ne constitue pas un examen limité effectué selon les NEP ni un audit.
Elle ajoute qu'en tout état de cause ce rapport ne dit pas que les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017 auraient manqué de donner une image fidèle et que son prédécesseur aurait commis un quelconque manquement dans sa mission de certification des comptes des sociétés AMG-[M] et Tech Audio ; que ce rapport, qui ne fait état que de propositions de reclassements comptables et d'une revue globale de la comptabilité, ne porte pas sur la manière dont elle a exercé sa mission de certification des comptes ; qu'il y a une confusion entre le rôle de l'expert-comptable et celui du commissaire aux comptes , ce dernier n'étant pas en charge de l'établissement des comptes et du choix de comptabilisation, de provisionnement ou de dépréciation des dettes ou des créances.
Elle en conclut qu'aucun manquement n'est établi par l'appelante qui procède par voie d'affirmation seulement, les irrégularités comptables qu'elle aurait due dénoncer n'étant pas décrites et démontrées, les comptes exactement visés n'étant pas non plus précisés.
Elle conteste enfin toute rétention d'informations dans le cadre de la présente procédure, soulignant que le commissaire aux comptes n'est plus tenu d'informer les dirigeants de sociétés qu'il ne contrôle plus et étant même tenu au secret professionnel.
S'agissant du préjudice réparable, elle fait valoir qu'il n'est pas démontré que 3,3 millions d'euros ont été apportés pour éviter que les sociétés déposent le bilan ; qu'aucun lien de causalité n'est établi entre les manquements invoqués dans le contrôle des comptes et le fait de n'avoir pu déceler des anomalies qui auraient affectés les comptes et auraient amenés à une réserve ou un refus de certification, ni entre la certification des comptes de l'exercice 2017 et la décision de l'appelante d'acquérir les titres du groupe [M].
A titre infiniment subsidiaire, elle demande à être garantie et relevée indemne de toute condamnation par Mme [I], rappelant que la responsabilité du commissaire aux comptes est une responsabilité dérivée.
Mme [I]-[M] s'oppose à la demande subsidiaire de garantie formulée par la société Wired ; que si le commissaire aux comptes a commis une faute, elle ne peut en être tenue pour responsable.
Sur ce
La société DP Conseils & Participations fait grief au cabinet Wired d'avoir accepté de certifier les comptes 2017 et 2018 des sociétés AMG [M] et Tech Audio, comptes que le cabinet Aca Nexia a jugé faux et mensongers.
Cependant, en l'absence de production des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017 des sociétés AMG-[M] et Tech Audio, et de ceux de l'exercice clos le 31 décembre 2018 par la société Tech Audio, la cour n'est pas en mesure d'examiner la responsabilité du cabinet Wired dans cette certification.
Concernant les comptes clos le 31 décembre 2018 de la société AMG-[M], produits par Mme [I]-[M], la société DP Conseils & Participations fait valoir qu'il sont faux et mensongers et que leur certification est donc fautive. Cependant, la preuve de caractère irrégulier et mensonger n'étant pas rapportée par la société appelante, d'autant moins concernant l'exercice clos le 31 décembre 2018 qu'ils ont été établis après la cession, il ne pourra être retenu, par voie de conséquence, aucun manquement du commissaire aux comptes dans le cadre de sa mission de certification.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a débouté la société DP Conseils & Participations de ses demandes envers la société Wired.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
Mme [I]-[M] fait valoir que l'instance engagée par l'appelante est vexatoire et abusive, que la société DP Conseils & Participations communique dans ce cadre et dans tout le secteur des informations erronées ; que ces faits lui cause un préjudice moral qu'il faut évaluer à la somme de 50 000 euros.
La société DP Conseils & Participations réplique qu'elle n'a commis aucune abus de son droit d'agir, qu'elle a été victime d'un dol et d'une fraude.
Sur ce
Chacun pouvant se méprendre sur l'étendue de ses droits, il n'y a pas lieu de faire droit, en l'absence de tout abus caractérisé de la part de la société DP Conseils & Participations, à cette demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
La société DP Conseils & Participations demande la condamnation in solidum de Mme [M]-[I] et de la société Wired à lui payer la somme de 80 000 euros.
Mme [I]-[M] demande la condamnation de la société DP Conseils & Participations à lui payer la somme de 80 000 euros.
La société Wired demande la condamnation de la société DP Conseils & Participations à lui payer la somme de 10 000 euros.
Il y a lieu de condamner la société DP Conseils & Participations, qui succombent en ses demandes, à payer la somme de 50 000 euros à Mme [I]-[M], et la somme de
10 000 euros à la société Wired, sur le fondement de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable la demande d'expertise formée par la société Accédia, anciennement DP Conseils & Participations, pour la première fois en cause d'appel, mais la rejette,
Confirme le jugement attaqué,
Déboute la société Accédia, anciennement DP Conseils & Participations, de ses autres demandes,
Déboute Mme [P] [I]-[M] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Accédia International, anciennement DP Conseils & Participations, à payer la somme de 50 000 euros à Mme [P] [I]-[M] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Accédia International, anciennement DP Conseils & Participations, à payer la somme de 10 000 euros à la société Worldwide Independant Reporting Expertise & Diagnostic au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Accédia International, anciennement DP Conseils & ; Participations aux dépens de l'instance d'appel.