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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 18 janvier 2022, n° 19/01798

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Merimont Gestion (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ficagna

Conseillers :

Mme Fouchard, Mme Real Del Sarte

T. com. Chambéry, du 4 sept. 2019, n° 20…

4 septembre 2019

M. Michel C., M.et Mme B., M. Guy A. M. S. et M. Hugues G. sont propriétaires de 5 chambres au sein du bâtiment A1 de la [...]. Ces chambres ont été données à bail commercial à la société Mérimont Gestion, moyennant un loyer calculé sur la base de 20% du chiffre d'affaire annuel moyen TTC, d'une chambre, déterminé sur le chiffre d'affaire global d'exploitation des 19 chambres constituant les lots 566 à 582, 610 et 611.

Courant 2010, un litige est apparu entre ces copropriétaires et la société Mérimont Gestion relativement à l'exactitude de la détermination du chiffre d'affaire retenu pour le calcul des loyers servis.

Courant 2010, la société Merimont Gestion est passé sous le contrôle de M. Christophe B. (2 parts) et de la société Compagnie Financière B. (98 parts).

Par acte du 16 février 2011, M. Michel C., M. et Mme B., M. Guy A. M. S. et M. Maxence G. venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire titulaire de 2/3 de la succession ont assigné la société Mérimont Gestion devant le tribunal de grande instance d'Albertville en vue d'obtenir un supplément de loyers ainsi que la résiliation des baux commerciaux.

Par jugement en date du 13 juillet 2012, le tribunal de grande instance d'Albertville a prononcé la résiliation des baux aux torts de la société Mérimont Gestion pour non paiement des loyers postérieurs au 2 décembre 2006 et non justification des éléments permettant d'en liquider le montant, et, avant dire droit sur le montant des loyers dus, a ordonné une expertise. Le tribunal a également condamné la société Mérimont Gestion à payer à titre provisionnel les loyers impayés échus depuis le 2 décembre 2006, avec exécution provisoire.

L'expert désigné, M. M. a réuni les parties à plusieurs reprises, puis a rendu un rapport de carence le 29 octobre 2013. L'instance a été reprise devant le tribunal de grande instance d'Albertville.

Par jugement du 23 mai 2014, le tribunal de grande instance d'Albertville a condamné la société Mérimont Gestion à payer à :

- M.C., la somme de 85.963 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14/10/2010, celle de 25.000 euros TTC au titre du loyer de l'année 2011 et celle de 18.750 euros pour l'année 2012,

- les époux B., la somme de 85.963 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14/10/2010, celle de 25.000 euros TTC au titre du loyer de l'année 2011 et celle de 18.750 euros pour l'année 2012,

- M. G., la somme de 85.963 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14/10/2010, celle de 25.000 euros TTC au titre du loyer de l'année 2011 et celle de 18.750 euros pour l'année 2012,

- M. A. M. S.,la somme de 85.963 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14/10/2010, celle de 25.000 euros TTC au titre du loyer de l'année 2011 et celle de 18.750 euros pour l'année 2012,

et ce, avec exécution provisoire.

Le 05/06/2014, la société Mérimont Gestion en a relevé appel, soutenant notamment que le montant des loyers retenu reposait sur un calcul erroné.

Par ordonnance du 02/07/2015, le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l'appel pour défaut d'exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire. Puis, par conclusions d'incident, les intimés ont demandé au conseiller de la mise en état de constater la péremption d'instance.

Par ordonnance du 5 octobre 2017, le conseiller de la mise en état a dit que l'instance d'appel est périmée, faute de diligences durant deux années et que l'instance engagée par la société Mérimont Gestion est éteinte, dit que le jugement entrepris du 23/05/2014 du tribunal de grande instance d'Albertville a force de chose jugée et est définitif.

Parallèlement à cette instance, la société Mérimont Gestion, a vendu son fonds de commerce le 28 novembre 2013 moyennant la somme de 580 000 € à une autre société contrôlée par le groupe B., la société Rest-Altiport.

Cette vente de fonds de commerce a été publiée le 19 décembre 2013 dans un journal d'annonces légales et au Bodacc le 10 janvier 2014. La société Mérimont Gestion a publié au registre du commerce et des sociétés de Chambéry le 26 décembre 2013, la 'cessation d'activité de la société à compter du 28 novembre 2013 avec vente du fonds à la société Rest-Altiport.'

Puis la société Mérimont Gestion, a déposé ses comptes du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2013 au greffe du tribunal de commerce de Chambéry, le 11 mars 2014, et a entrepris sa dissolution par anticipation au 14 mars 2014 avec désignation d'un avocat, en la personne de Me N., en qualité de liquidateur amiable, à compter du 25 mars 2014.

Un avis de cette décision de dissolution a été publié dans un journal d'annonce légal le 20 mars 2014 (Journal du bâtiment et des travaux publics Rhône Alpes).

Par un courrier du 21 mars 2014 adressé au président du tribunal de grande instance d'Albertville, les copropriétaires en litige avec la société Mérimont Gestion ont informé ce dernier de ce qu'ils venaient d'apprendre ce jour, que la société Mérimont Gestion avait décidé sa dissolution anticipée et sa mise en liquidation amiable, raison pour lesquelles ils sollicitaient l'avancement de la date de délibéré de l'instance en cours (en vain).

Par un courrier du 21 mars 2014, les demandeurs ont d'autre part, demandé à maître Jean-Claude N. la suspension des opérations de liquidation, sous peine de voir sa responsabilité être engagée, ce que ce dernier a refusé par courrier du 2 avril 2014.

Le 27 mars 2014, les demandeurs, autorisés par une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albertville en date du 25 mars 2014 rendue sur une requête en date du 24 mars 2014, ont fait pratiquer une saisie conservatoire sur le compte bancaire de la société Mérimont Gestion pour une créance évaluée en principal à 624 302,25 € et ont obtenu à ce titre la saisie du solde de ce compte qui s'est avéré s'élever à la somme de 30.300,46 €.

Par actes des 11 et 12 avril 2014, les copropriétaires ont assigné la société Mérimont Gestion et M. N. es-qualités en référé devant le président du tribunal de commerce de Chambéry aux fins ci-après :

" Vu les articles 872 et 873 du Code de Procédure Civile,

Vu I 'article 145 du Code de Procédure Civile,

Vu les opérations critiquées et opérées par Maître N., en situation de conflit évident entre les intérêts de la famille B., les sociétés Mérimont Gestion et Rest'altiport, la légalité des actes rédigés,

DESIGNER un Mandataire Ad 'Hoc provisoire ayant pour fonction de s'assurer de la légalité des opérations décidées par les actionnaires de la société Mérimont Gestion, à savoir la valeur du fonds cédé et l'utilisation des fonds remis, ainsi que de tous les actifs liquides et financiers, de représenter les intérêts de Mérimont Gestion, en exécuter la liquidation en toute légalité après préservation de ses intérêts contre toute spoliation notamment de la consistance, de la valeur du fonds vendu et de la destination de sa trésorerie, jusqu'à la clôture de la liquidation.

DESIGNER, parmi les créanciers demandeurs, un contrôleur des opérations de liquidation afin de s'assurer que celle-ci soit faite dans le respect de la loi et des intérêts de tous, notamment des créanciers.

DIRE que le mandataire désigné rendra un rapport dans un délai de 3 mois à compter de sa désignation, sans report possible, donnant son avis sur les points contenus dans sa mission.

CONDAMNER Maître N. et la société Mérimont Gestion, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à produire tous éléments permettant de connaître :

* La méthode de détermination du fonds, unique actif de la société Mérimont Gestion,

* La destination des fonds remis à Maître N. ou la société Mérimont Gestion en règlement du prix du fonds et la justification de l'utilisation de ces fonds,

* Les actifs financiers et la trésorerie de la société Mérimont Gestion, ainsi que leur destination et évolution depuis le 1er janvier 2013, par la production notamment des relevés de comptes bancaires de la société Mérimont Gestion.

CONDAMNER tout contestant au paiement d 'une indemnité article 700 de 3.000 euros et aux dépens."

Par ordonnance en date du 18 juillet 2014, le président du tribunal de commerce de Chambéry a déclaré M. Michel C., M. et Mme B., M. Guy A. M. S. et M. Maxence G. venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire titulaire de 2/3 de la succession, recevables en leurs demandes, a rejeté ces demandes et a condamné les demandeurs au paiement à la société Mérimont Gestion de la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les copropriétaires ont relevé appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 5 mai 2015, la cour d'appel de Chambéry a :

- Confirmé l'ordonnance dont appel sauf en ce qu'elle a condamné M. Michel C., M. et Mme B., M. Guy A. M. S. et M. Maxence G. venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire titulaire de 2/3 de la succession à verser à la société Mérimont Gestion la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en appel,

- Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- Condamné M. Michel C., M. et Mme B., M. Guy A. M. S. et M. Maxence G. venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire titulaire de 2/3 de la succession aux dépens d'appel.

Dans le cadre de cette instance, il résulte de l'arrêt ci-dessus que M. Michel C., M. et Mme B., M. Guy A. M. S. et M. Maxence G. avaient conclu en soutenant dans leurs conclusions signifiées le 3 octobre 2014 :

- qu'ils n'ont pas la qualité de créanciers potentiels mais de créanciers dans la mesure où le tribunal a reconnu l'existence de leur créance, seul le montant restant à fixer, que depuis, le quantum de la créance est connu puisque le tribunal de grande instance d'Albertville a statué,

- que l'urgence se traduit par la nécessité de stopper l'organisation par la société Mérimont Gestion de son insolvabilité,

- que le dommage est imminent de sorte qu'à défaut de nomination d'un mandataire ad'hoc, ils risquent de perdre toute chance de recouvrer leur créance,

- que le fait de ne pas avoir fait d'opposition à la vente du fonds de commerce ne les prive pas du droit de formuler les présentes demandes,

- que la vente du fonds de commerce a été réalisée à un prix incontestablement frauduleux et inférieur à sa réelle valeur dans l'unique but d'évincer les demandes des créanciers,

- qu'il importe de vérifier la régularité des opérations menées par Maître N., liquidateur.

Après une deuxième saisie pratiquée le 14 août 2018, les copropriétaires ont pu appréhender une somme complémentaire de 34.064,51 euros, le total récupéré s'élevant à 64.364 euros sur les 645.000 attendus.

Par actes du 27 mars 2019, M. Michel C., M. Maxence G. et M. Guy A. M. S. ont de nouveau assigné devant le tribunal de commerce de Chambéry la sarl Compagnie Financière B., M. Christophe B. et 'la société Mérimont Gestion , prise en la personne de son liquidateur amiable es qualité, Me N. Jean-ClaudeN.'.

Aux termes de cette assignation, aucune demande n'a été dirigée ni contre la société Mérimont Gestion ni contre Me N..

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, modifiées en ce quelles étaient dirigées désormais non seulement contre la société Mérimont Gestion, pris en la personne de son liquidateur..' mais également contre ' Me Jean-Claude N., es qualité de liquidateur amiable de la société Mérimont Gestion' , ils ont demandé au tribunal de:

Vu l'article L225-251 du code de commerce,

Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure, vu /'article 1341-2 du code civil,

Vu l'article 314-7 du code pénal,

- Recevoir les demandes de messieurs C., G. et A. M. S. et les dire recevables et non prescrites, ainsi que bien fondées,

- Ordonner à la société Compagnie Financière B. et à M. B., la production sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir, de la justification exacte et détaillée de l'emploi des fonds issus de la cession des actifs fin 2013/début 2014 (3.284.214 euros sur le prix des parts de la sci Altiport et 958.800 euros de la trésorerie d'exploitation) ainsi que les relevés de comptes bancaires de la société Mérimont Gestion, de la société Compagnie Financière B. et la colonne" crédit" de ceux de M. B.,

- Ordonner à la société Compagnie Financière B., à la société Mérimont Gestion et M. B. la production sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir, du procès-verbal d'approbation des comptes 2012/2013, notamment concernant l'affectation du résultat de 1.027.000 euros et la justification de l'utilisation du surplus de trésorerie, liée au résultat exceptionnel, soit 1.263.000 euros,

- Constater l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité de la société Mérimont Gestion par son dirigeant de fait, M. Christophe B. et son dirigeant de droit, la société Compagnie Financière B.,

- Dire que M. Christophe B. et la société Compagnie Financière B. ont commis des fautes causant un préjudice à messieurs C., G. et A. M. S.,

- Condamner M. Christophe B. et la société Compagnie Financière B. à payer solidairement la somme de 628.631,26 euros à messieurs C., G. et A. M. S. en réparation du préjudice subi, somme qu'ils répartiront en fonction du nombre de chambres détenues par chacun,

- Condamner à titre subsidiaire M. Christophe B. et la société Compagnie Financière B. à payer solidairement la somme de 360.000 euros à messieurs c., G. et a. m. S. en restitution du remboursement du compte courant d'associé en fraude des droits de ces créanciers, ainsi que toute autre somme perçue à quelque titre que ce soit, par préférence aux créanciers,

- Condamner M. Christophe B. et la société Compagnie Financière B. à verser solidairement une indemnité de 15.000 euros à messieurs C., G. Et a. m. S. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonner au liquidateur amiable de la société Mérimont Gestion, M. n., la production sous astreinte de 1000 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir, du montant exact de la trésorerie restante à l'ouverture de la liquidation amiable, des comptes détaillés de la liquidation amiable de la société Mérimont Gestion, toujours en cours, de l'ouverture de la liquidation amiable au 31 décembre 2018,

- Surseoir a statuer relativement aux éventuelles fautes commises par le liquidateur amiable, M. n., ainsi qu'à ses responsabilités y afférentes dans l'attente de la production des comptes de liquidation amiable de la société Mérimont Gestion,

- Condamner M. Christophe B. et la société Compagnie Financière B. à s'acquitter de l'intégralité des frais et dépens,

- Prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La société Compagnie Financière B. et M.Christophe B. ont conclu à titre principal à la prescription des demandes et subsidiairement sur le fond à leur rejet.

La société Mérimont Gestion représentée par son liquidateur amiable maître Jean-Claude N., a demandé au tribunal , au visa de l'article l. 225-254 du code de commerce, de dire et juger que l'action à l'encontre du liquidateur est prescrite, subsidiairement, de rejeter les demandes. Elle s'est étonnée de la demande subite et 'assez surprenante' dirigée contre Me N..

Par jugement du 4 septembre 2019, le tribunal de commerce de Chambéry a :

- Constaté que Me N. Jean-Claude n'est pas dans la cause à titre personnel, en conséquence,

- Déclaré toutes demandes, formées directement à son encontre et non à son encontre, en sa qualité de liquidateur amiable de la société Mérimont Gestion, comme irrecevables,

- Déclaré non prescrites et donc recevables les demandes de M. Michel C., M. Maxence G., et M. Guy A. M. S.,

- Déclaré que M. Christophe B. ne s'est pas comporté en dirigeant de fait de la société Mérimont Gestion,

- Déclaré qu'il n'y a pas eu de faute de gestion et d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité de la société Mérimont Gestion, du fait de la cession des actifs de la société Mérimont Gestion,

- Avant dire droit sur les autres demandes, ordonné une expertise (...) avec pour mission de déterminer de quelle façon les fonds issus de la cession des actifs de la société Mérimont Gestion d'un montant global de 3.284.214 euros ont été utilisés et de donner au tribunal toutes explications pour lui permettre de comprendre pourquoi la créance des demandeurs n'a pas été réglée, de déterminer si la société Mérimont Gestion est en état de cessation de paiements, et si oui, depuis quelle date, plus généralement, donner au tribunal tous éléments à l'effet de lui permettre de statuer sur le présent litige et en particulier sur les faits fautifs reprochés aux parties en défense.

Par déclaration du 3 octobre 2019, M. Christophe B. et la société Compagnie Financière B. ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions n °2 du 26 juin 2020, la société Compagnie Financière B. et M. Christophe B. demandent à la cour:

Vu l'article 314-7 du code pénal,

Vu les articles 122 et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles 4 et 10 du code de procédure pénale vu les articles 2224 et 2241 du code civil,

Vu les articles l.225-251 alinéa 1er et l.225-254 du code de commerce,

- Dire les concluantes recevables et bien fondées en leur appel,

A titre principal,

- Réformer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a déclaré recevables car non prescrites les demandes de messieurs c., G. et A. M. S.,

Statuer à nouveau,

- Déclarer irrecevables car prescrites les demandes de messieurs C., G. Et A. M. S.,

- Condamner messieurs C., G. et A. M. S. à payer à la société Compagnie Financière B. et à M. christophe B. la somme de 7.000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si la cour confirmait la recevabilité des actions,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Chambéry en ce qu'il a débouté messieurs C., G. et A. M. S. de leurs demandes fondées,

Sur la gestion de fait

Sur la faute de gestion du fait de la cession des actifs de la société Mérimont Gestion

Sur l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité

- Déclarer irrecevables les demandes indemnitaires de messieurs C., G. et A. M. S., le tribunal n'ayant pas encore statué sur celles-ci;

- Débouter messieurs C., G. et A. M. S. de leurs demandes de communication de pièces en raison de l'expertise ordonnée avant-dire-droit,

- Condamner messieurs C., G. et A. M. S. aux entiers dépens de l'instance avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la scp B. A. B., avocats associés.

Ils soutiennent :

Sur la prescription de l'action fondée sur la faute de gestion

- que la société Compagnie Financière B. n'étant plus dirigeante postérieurement au 25 mars 2014, date à laquelle la dissolution de la société et la désignation de maître neubot en sa qualité de liquidateur amiable ont été mentionnées sur le kbis, les faits dommageables pouvant être reprochés à la concluante, qu'ils résultent de la cession du fonds de commerce, des actifs immobiliers ou de l'utilisation des fonds résultant de celles-ci sont nécessairement antérieurs à cette date,

- que le fait dommageable ne peut être reporté au jour où le jugement du tribunal de grande instance d'Albertville est devenu définitif, c'est-à-dire au 20 octobre 2017,

- que les intimés disposaient de l'ensemble des éléments nécessaires pour exercer une action fondée sur la faute de gestion plusieurs années avant cette date,

- qu'ils ont en effet reconnu avoir été informés de la dissolution de la société et de la désignation de maître N. en sa qualité de liquidateur le 21 mars 2014.

- qu'ils ont pu avoir connaissance de la vente de fonds de commerce qui a été conclue le 28 novembre 2013 et a été publiée au bodacc sous deux formes différentes,

- qu'en ce qui concerne les autres fautes de gestion prétendument commises par la société Compagnie Financière B. et notamment celle résultant de l'utilisation des fonds résultant de la cession des actifs, le délai de prescription doit être fixé au 21 mars 2014, date à laquelle les demandeurs ont été informés de la dissolution de la société et de la cessation des fonctions de la société Compagnie Financière B.,

- que l'absence de toute dissimulation est d'autant plus grande que les comptes de l'exercice 2012/2013 de la société Mérimont Gestion durant lequel ont eu lieu la cession du foncier, celle du fonds de commerce et la résiliation du contrat avec club al ti port ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Chambéry le 5 mars 2014,

- que les demandeurs auraient évidemment pu assigner la société Compagnie Financière B. dès le 21 mars 2014, quitte à demander un sursis à statuer en attendant la décision du tribunal de grande instance d'Albertville,

- que dès le 27 mars 2014, les intimés ont fait une saisie conservatoire sur les comptes de la société Mérimont Gestion, laquelle s'est révélée infructueuse,

- qu'à cette date, ils ont donc pu constater que la société Mérimont Gestion ne disposait pas des fonds nécessaires pour exécuter le jugement revêtu de l'exécution provisoire qui allait être rendu quelques mois plus tard,

- que tout a été publié dans les comptes de l'exercice 2012/2013 régulièrement déposé au greffe et opposables à tout intéressé à compter du 5 mars 2014,

- que dans leur assignation, ils reconnaissent avoir soupçonné une fraude dès le 10 et le 11 avril 2014 lorsqu'ils ont demandé la désignation d'un mandataire ad'hoc et la communication de la ventilation de l'utilisation du prix de cession,

Sur la prescription de l'action fondée sur l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité

- que le délai de prescription applicable est de 5 ans à compter du moment où messieurs C., G. et A. M. S. ont découvert les faits qui selon eux sont constitutifs de l'infraction d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité,

- que l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité dont ils se prévalent consiste uniquement en la vente du fonds de commerce de la société Mérimont Gestion au prix de 580 000 €,

- que de leur propre aveu, les demandeurs affirment qu'ils ont découvert la dissolution de la société Mérimont Gestion et la vente du fonds de commerce le 20 mars 2014 avant d'écrire au tribunal de grande instance d'Albertville le lendemain,

- que la vente de fonds de commerce a été conclue le 28 novembre 2013 et qu'elle a été publiée au bodacc sous deux formes différentes :

- Le 26 décembre 2013 s'agissant de cessation d'activité de la société Mérimont Gestion

- Le 10 janvier 2014 s'agissant de la vente du fonds de commerce elle-même

- que c'est cette publication au bodacc qui fait courir le délai d'opposition des créanciers,

- que ces deux publications au bodacc avaient été précédées de la publication dans un journal d'annonces légales, en l'occurrence le journal du BTP, le 19 décembre 2013,

- que le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé au plus tard au 20 mars 2014 et plus sûrement au 10 janvier 2014, date de publication au bodacc de la vente du fonds de commerce de restaurant de la société Mérimont Gestion,

- que le premier acte introductif de la présente instance jointe ayant été signifié le 27 mars 2019, plus de 5 années se sont écoulées depuis le point de départ tel que déterminé ci-dessus,

- que par ailleurs, aucun acte n'est venu interrompre ce délai, aucune action, aucune mesure conservatoire n'ayant prise contre M. christophe B. et la société Compagnie Financière B.,

- que le dirigeant de fait est la personne qui exerce directement ou par personne interposée, une activité d'administration générale de façon positive et indépendante sur une personne morale, sous le couvert ou aux lieux et place de ses représentants légaux,

- que le seul fait de détenir plus de 99% du capital d'une société n'attribue pas une qualité de dirigeant de fait à l'actionnaire,

- que les critères de la faute détachable font l'objet d'une application constante par la jurisprudence :

" [ ... ] la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société ne peut être retenue à l'égard d'un tiers que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions; les juges du fond doivent relever les circonstances d'où il résulte que le dirigeant a intentionnellement commis une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales ".

- que la faute détachable des fonctions est désormais la faute intentionnelle du dirigeant social, même agissant dans les limites de ses attributions, d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales,

- que les intimés prétendent que la société Mérimont Gestion aurait bradé ses actifs pour se soustraire à l'exécution de la condamnation prononcée par le tribunal de grande instance d'Albertville,

- la cession du fonds de commerce, la cession des biens immobiliers, la résiliation du contrat de gestion en temps partagé et la résiliation des baux commerciaux sont bien antérieures au jugement du tribunal de grande d'Albertville puisqu'ils ont tous été conclus l'année précédente, en 2013,

- que la société Compagnie Financière B. a pris ces décisions afin d'éviter l'inéluctable cessation des paiements avec pour seul objectif de rembourser les emprunts, de payer tous les créanciers disposant d'une créance exigible et de ne conserver que l'exploitation du restaurant à travers une nouvelle structure, ce qui a été fait sans aucune volonté de dissimuler quoi que ce soit et sans aucune intention frauduleuse ou malveillante,

- qu'elle a agi dans l'intérêt social en procédant à la cession des actifs et en négociant des indemnités de résiliation avant que la situation financière se dégrade au point de ne plus pouvoir faire face au passif exigible,

- que plus de 5 ans se sont écoulés depuis la dissolution, aucune assignation en redressement ou en liquidation judiciaire n'a été signifiée à la société Mérimont Gestion, preuve que tous les créanciers disposant d'une créance exigible au jour de la dissolution et de la cessation des fonctions de la société Compagnie Financière B. ont été réglés,

- que le fait que la société Mérimont Gestion n'ait pas pu exécuter intégralement la condamnation prononcée par le tribunal de grande instance d'Albertville intervenue plus de deux mois après la dissolution et définitivement fixée en 2017 ne peut sérieusement caractériser une faute de gestion détachable des fonctions, la société Compagnie Financière B. ayant agi dans l'intérêt social et sans jamais avoir tiré le moindre bénéfice de cette opération,

- que si l'activité s'était poursuivie dans les conditions existant fin 2013 (capacité d'autofinancement négative et résultat d'exploitation négatif (- 201 548 €), la société Mérimont Gestion n'aurait eu d'autre choix que de procéder à une déclaration de cessation des paiements et la créance des demandeurs, sans aucune garantie, n'aurait jamais été payée intégralement et si elle l'avait été partiellement, cela aurait été dans des proportions bien moindres qu'elle ne l'a été suite aux saisies effectuées,

- que la créance des demandeurs procède d'une erreur incontestable le tribunal ayant retenu 76 % du chiffre d'affaires généré par chambre au lieu des 20% prévus par le contrat,

- que M. Michel C., M. Maxence G. et M. Guy A. M. S. poursuivent ainsi le recouvrement d'une créance dont ils savent qu'elle ne correspond pas à la vérité contractuelle,

- que Messieurs C., G. et A. M. S. ne démontrent la moindre faute de gestion en lien avec les cessions et les indemnités de résiliation des contrats,

Sur l'absence de toute organisation frauduleuse de l'insolvabilité

- que l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité, notion juridique complexe, ne peut faire l'objet d'un aveu judiciaire,

- puisque celui-ci, en application de l'article 1383 du code civil,

- que les demandeurs MM. C., G. et A. M. S. utilisent la possibilité qui leur ait donné par l'article 4 du code de procédure pénale d'exercer l'action civile devant les juridictions civiles, alors que les éléments constitutifs de ce délit ne sont pas réunis : un acte positif de dissimulation ou de diminution de son patrimoine et un dol spécial, ou un mobile, caractérisé par la volonté de se soustraire à une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments, prononcée par une juridiction civile, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque les demandes étaient exclusivement fondées sur les baux commerciaux liant les demandeurs à la société Mérimont Gestion et étaient donc de nature contractuelle et non "délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments" comme l'exige l'article 314- 7 du code pénal,

- sur la demande de communication de pièces et les demandes indemnitaires des intimés, que le caractère particulièrement confus des conclusions de M. Michel C., M. Maxence G. et M. Guy A. M. S. et notamment de leur dispositif laisse planer des doutes sur les prétentions des intimés,

- que l'appel a été limité à la question de la prescription ainsi qu'à la partie du dispositif ayant tranché une partie du principal, autrement dit sur la gestion de fait, l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité et les fautes de gestion en lien avec la cession des actifs, la société Compagnie Financière B. se réservant la possibilité d'interjeter appel sur la partie du dispositif ordonnant l'expertise conjointement avec le jugement qui sera éventuellement rendu sur le fond,

- que faute de tout demande d'évocation, l'effet dévolutif de l'appel est en effet limité aux chefs de jugement qui sont critiqués et qui par définition figurent dans le dispositif de celui-ci.

Aux termes de ses conclusions n°2, la société Mérimont-Gestion agissant poursuites et diligences par son liquidateur amiable, demande à la cour :

Statuant à nouveau,

Vu les articles 30 et 32 du code de procédure civile,

- de constater qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de la s.a.s. Mérimont Gestion en liquidation,

En conséquence,

- de mettre hors de cause la s.a.s. Mérimont Gestion en liquidation,

Vu l'article 14 du code de procédure civile,

- de constater que maître Jean-Claude N. n'est pas partie à la procédure,

En conséquence,

- de confirmer le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le tribunal de commerce de chambéry en ce qu'il constate que Me N. Jean-Claude n'est pas dans la cause à titre personnel et, en conséquence, déclarer toutes demandes, formées directement à son encontre et non à son encontre, en sa qualité de liquidateur amiable de la société Mérimont Gestion, comme irrecevables,

- de déclarer irrecevables les demandes à l'encontre de maître Jean-Claude N.,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. Michel C., M. Maxence G. et M. Guy Charles A. M. S., la S.a.r.l. Compagnie Financière B. et M. Christophe B. à payer à la s.a.s. Mérimont Gestion en liquidation la somme de 1.500 euros,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

- de condamner M. Michel C., M. Maxence G. et M. Guy Charles A. M. S., la S.a.r.l. Compagnie Financière B. et M. Christophe B. aux entiers dépens.

M. Michel C., , M. Maxence G., venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire et de légataire universel, M. Guy Charles A. M. S., aux termes de leurs conclusions du 25 octobre 2021, demandent à la cour :

Vu l'article l225-251 du code de commerce,

Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure,

Vu l'article 1341-2 du code civil,

Vu l'article 314-7 du code pénal,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré non prescrites et donc recevables les demandes de M. Michel C., M. Maxence G. et M. Guy A. M. S.,

Par déclaration d'appel conjointe de la société Compagnie Financière B. et Christophe B. réclament expressément l'infirmation, la réformation ou l'annulation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que M. Christophe B. ne s'est pas comporté en dirigeant de fait, et en ce qu'il a déclaré qu'il n'y a pas eu de faute de gestion ni d'organisation frauduleuse d'insolvabilité de la société Mérimont Gestion,

En conséquence, se joignant à l'appel sur ces chefs,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que M. Christophe B. ne s'est pas comporté en dirigeant de fait de la société Mérimont Gestion,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré qu'il n'y a pas eu de faute de gestion et d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité de la société Mérimont Gestion,

En tout état de cause,

- de donner acte aux parties que M. Christian B. déclare que la dirigeante de droit, Mme Delphine B. a signé les actes en toute connaissance de cause,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause Me N. en sa qualité de liquidateur amiable de la société Mérimont Gestion,

Statuant a nouveau,

- de condamner M. Christophe B., la société Compagnie Financière B. et maître N. es qualité de liquidateur amiable de la société Mérimont Gestion à payer solidairement la somme de 628.631,26 € à messieurs C., G. et A. M. S. en réparation du préjudice subi, somme qu'ils répartiront en fonction du nombre de chambre détenue par chacun,

- de condamner à titre subsidiaire M. Christophe B., la société Compagnie Financière B. et maître N. es qualité de liquidateur amiable de la société Mérimont Gestion à payer solidairement la somme de 360.000 € à MM. C., G. et A. M. S. en restitution du remboursement du compte courant d'associé en fraude des droits de ces créanciers, ainsi que toute autre somme perçue à quelque titre que ce soit, par préférence aux créanciers,

- de condamner la société Compagnie Financière B. et M. Christophe B. à verser solidairement 20.000 € à messieurs Michel C., Maxence G. et Guy A. M. S.,

- de condamner la société Compagnie Financière B. et M. Christophe B. aux entiers dépens de l'instance et pour ceux d'appel accorder à maître Clarisse D. le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent :

- qu'il est de jurisprudence constante que le délai de prescription d'une action en responsabilité délictuelle court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation,

- que prenant en considération le fait que la victime a pu ignorer le dommage, la jurisprudence a décalé le point de départ à la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance,

- que le fait dommageable est reporté à la date où les droits sont définitivement reconnus par une décision de justice,

- qu'ils n'ont eu de titre contre la société Mérimont Gestion que le 23 mai 2014, la créance qu'ils cherchent à voir exécuter n'existait pas avant cette décision. Ils ne pouvaient faire valoir aucun préjudice liquide, certain et exigible. Auparavant, ils n'étaient titulaires d'aucun droit certain,

- que la décision fixant le montant de la créance n'est devenue définitive que le 20 octobre 2017,

- que ce n'est que postérieurement aux saisies que le dommage, à savoir, le défaut de provision des comptes à une hauteur suffisante, était découvert,

- que maître N. et Mérimont Gestion leur avaient assuré (et rassurés par aveu judiciaire), de l'existence de fonds suffisants pour les désintéresser en cas de confirmation du jugement du 23 mai 2014 par la cour d'appel de Chambéry,

- qu'à ce jour encore, les demandeurs ne savent pas s'il y a encore des fonds et si non à quoi les fonds existants ont été employés,

Sur la prescription triennale

- que suivant les dispositions de l'article L 225-254 du code de commerce l'action en responsabilité à l'encontre du dirigeant se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de la révélation des faits,

- que cette prescription triennale, ne concerne que les agissements commis par les dirigeants de droit, ceux des dirigeants de fait restant soumis à la prescription quinquennale de droit commun,

- que la prescription ne peut donc commencer à courir tant que la décision fixant le montant de la créance n'est pas devenue définitive, c'est-à-dire le 20 octobre 2017,

- que M. B. est l'interlocuteur de tous les partenaires de la société Mérimont Gestion, se présentant comme le dirigeant de celle-ci, quand bien même sa société holding en serait la dirigeante de droit,

- que pour déterminer le délai de prescription de l'action pour faute de gestion, l'on peut se reporter à la jurisprudence citée en page 11 des écritures adverses n°1 (corn. 20 février 2007, n°03- 12.088) : il convient dès lors de déterminer :

1) le ou les fait(s) dommageable(s)

2) la date du ou des fait(s) dommageable(s) ou

3) la date de la ou leur révélation ou de ses ou leurs conséquences

4) la date de constitution réelle du préjudice.

- que le fait dommageable étant son non règlement, le préjudice est devenu certain et définitif le 20 octobre 2017,

- que certains faits dommageables ne sont pas encore révélés,

- que ni Mérimont Gestion, ni le liquidateur maître N. n'ont révélé à quoi ont servi les fonds provenant de la cession du fonds de commerce,

- que la destination des fonds a été dissimulée à messieurs C., G. et A. M. S. et elle l'a été jusqu'au moins le 20 mai 2019, date à laquelle la société Compagnie Financière B. et M. B. n'ont communiqué qu'un certain nombre de documents,

- qu'il reste une inconnue : que sont devenus les 1.262.344 euros issus de la liquidation du patrimoine restant '

- que la prescription de l'action en responsabilité contre le liquidateur amiable ne courant qu'à compter de la clôture de la liquidation, la prescription de l'éventuelle mise en cause du liquidateur amiable n'a pas commencé à courir,

Sur les fautes de M. B. et de la societe Compagnie Financière B.

- que toute opposition sur la cession du fonds de commerce de restauration était irrecevable de leur part eu égard à la date du jugement,

- qu'il restent les autres fonds perçus dans l'opération par la société Mérimont Gestion, non publiés : 3.284.214 euros - 580.000 €,

- que l'article 314-7 du code pénal réprime :

" le fait, par un débiteur, même avant la décision judiciaire constatant sa dette, d'organiser ou d'aggraver son insolvabilité soit en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine, soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments, prononcée par une juridiction civile [. . .].

Commet le même délit le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale qui organise ou aggrave l'insolvabilité de celle-ci dans les conditions définies à l'alinéa précédent en vue de la soustraire aux obligations pécuniaires résultant d'une condamnation prononcée en matière pénale, délictuelle ou quasi délictuelle ".

- que sachant que la société Mérimont Gestion allait être condamnée suite à la résiliation à ses torts des baux commerciaux à verser une indemnité aux demandeurs qui correspondrait peu ou prou aux conclusions de l'expert judiciaire et au calcul très simple des loyers impayés, les défendeurs ont organisé la lapidation du patrimoine de la société Mérimont Gestion,

- une faute de gestion s'entend d'une faute commise par un dirigeant d'entreprise dans l'administration générale de la société, manifestement contraire à l'intérêt social,

- qu'il a été jugé qu'un gérant commet une faute grave engageant sa responsabilité personnelle en procédant à la dissolution et à la liquidation de la société si, rendant cette dernière insolvable, il compromet une action en responsabilité engagée par un client de la société qui recherche réparation. (Corn., 13 juin 2018, n° 16-25.543),

- que céder la totalité des actifs, puis liquider les fonds, sans déclarer l'état de cessation des paiements mais sans désintéresser la totalité des créanciers, ne pas provisionner le litige, sont des fautes incompatibles avec l'exercice normal des fonctions de dirigeant,

Sur la dissimulation de l'utilisation des fonds issus de la vente de l'actif

- que la société Mérimont Gestion a perçu 3.284.214 euros sur le prix des parts de la sci Altiport et de la trésorerie d'exploitation de 958.800 €,

- que malgré les demandes répétées de production des justificatifs de l'usage des produits de la vente de l'immeuble hôtel restaurant, il n'a jamais été fait droit à ces demandes,

- que quand bien même la cour se satisfait des explications des appelants, il reste un solde inexpliqué de 1.262.344 €,

- que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision,

- qu'ainsi en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société, sans quoi il commet une faute engageant sa responsabilité,

- qu'il appartenait donc à maître N. de provisionner le montant de la créance correspondant au litige entre la société et messieurs C., B., G. et M. S., soit 648.565 euros, et ce jusqu'à ce que soit rendue une décision passée en autorité de chose jugée,

- qu'ils sont fondés à faire déclarer inopposables les actes passés en fraude de leurs droits, lorsque la société Mérimont Gestion aura justifié la destination des fonds dilapidés pour ne pas avoir à s'acquitter de sa condamnation,

- que les actes visant à organisation l'insolvabilité de la société Mérimont Gestion pourront être annulés sur ce fondement, aussi à minima : le remboursement du compte courant d'associé sera annulé, toute somme versée à M. B., la société Compagnie Financière B. rest-altiport ou toute autre société dans laquelle la société Compagnie Financière B. ou M. B. ou tout membre de la famille B. a ou avait des intérêts financiers,

Sur la faute de Maître N.

- que Me N. s'est bien vu délivrer l'assignation devant le tribunal de commerce de Chambéry en sa qualité de liquidateur de la société Mérimont Gestion, seule qualité pour laquelle il est effectivement présent à la présente instance,

- que le liquidateur amiable aurait dû donc ouvrir une procédure collective (liquidation judiciaire),

- que le liquidateur amiable a trompé le juge des référés du tribunal de commerce de chambéry et la cour d'appel en affirmant que la société Mérimont Gestion disposait des fonds suffisants, faisant perdre une chance à messieurs C., G. et M. S., Mérimont Gestion d'agir plus tôt Contre Financière B. et M. B., voir de faire annuler les actes de disposition et l'utilisation de la trésorerie en violation de l'égalité des créanciers, passés pendant la période suspecte.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes dirigées contre Me Jean-Claude N. à titre personnel

Force est de constater que Me N. n'a jamais été mis en cause, ni en première instance, ni en appel, par un acte introductif d'instance, en sa qualité de liquidateur amiable pour répondre de ses éventuelles fautes personnelles dans le cadre de sa mission.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que Me N. n'était pas partie à la procédure.

Sur la prescription de l'action fondée sur la faute de gestion du dirigeant de droit de la société Mérimont Gestion

Les articles L.225-251 alinéa 1 e, et L.225-254 du code de commerce, également applicable aux sociétés par actions simplifiée disposent que :

" Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ".

" L 'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général tant sociale qu 'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans".

Le fait dommageable ne peut qu'être un acte accompli avant la date de la liquidation de la société Mérimont Gestion, à savoir, avant le 14 mars 2014 date à laquelle les dirigeants de droits ont cessé leur fonction et date à partir de laquelle Maître N., avocat, a été nommé aux fonction de liquidateur amiable.

En conséquence la demande fondée sur la faute de gestion d'un dirigeant de droit formée par assignée délivrée le 27 mars 2019, soit plus de trois ans après le 25 mars 2014 est prescrite à l'encontre de la société Financière B. et de M.Crhistophe B..

Sur la prescription de l'action en responsabilité civile contre M. Chrostophe B. sur le fondement de son éventuelle qualité de gérant de fait de la société Mérimont Gestion

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Toutes les fautes pouvant lui être reprochées sont également nécessairement antérieures au 14 mars 2014, à tous le moins au 25 mars 2014, date à laquelle la dissolution de la société et la désignation de Maître N. en sa qualité de liquidateur amiable ont été mentionnées sur le Kbis, puisque postérieurement à la désignation de M. N., aucune intervention personnelle de M. B. n'a plus été légalement possible dans le cadre de la société Mérimont Gestion.

D'autre part, les intimés ont nécessairement été en mesure de connaître les faits leur permettant d'agir en responsabilité contre lui avant cette date.

En premier lieu, ils ont eu connaissance de l'intervention directe de M. B. depuis 2010, notamment par un courrier du 27 octobre 2010 aux termes duquel celui-ci indique aux copropriétaires réclamants : ' je suis l'intermédiaire de ma société, le nouveau propriétaire et l'exploitant de l'Altiport Hôtel pour avoir acquis les titres de la société Mérimont Gestion...' .

D'autre part, les actes préparatoires à la dissolution ont été publiés au Bodacc en particulier celui concernant la vente du fonds de commerce en janvier 2014. Les comptes de la société au 30 novembre 2013, ont quant à eux été remis au greffe du tribunal de commerce le 11 mars 2014.

De même, la décision de dissolution a été prise lors d'une assemblée générale de la société Mérimont Gestion le 14 mars 2014 et a été publiée le 20 mars 2014.

Cette publication a d'ailleurs suscité une vive réaction procédurale de la part des intimés.

En effet, dès le lendemain, soit le 21 mars 2014, les demandeurs ont écrit au président du tribunal de grande instance d'Albertville pour lui faire part que, selon eux, la société Mérimont Gestion organisait sa liquidation et son insolvabilité.

Par courrier du même jour, ils ont manifestement mis en garde Me N. en estimant sa responsabilité engagée au vu de la réponse du 24 mars 2014 de Me N. à ce courrier (pièce 11).

Le 24 mars 2014, il ont présenté une requête au juge de l'exécution pour être autorisés à faire pratiquer une saisie conservatoire, qui a été réalisée le 27 mars 2014 et qui a fait apparaître un solde bancaire d'environ 30 000 €.

Ils ont en conséquence, été nécessairement avisés à compter de ces dates des faits selon eux dommageables à savoir, que la société Merimont, qui avait été condamnée à leur payer diverses sommes à titre provisionnel en 2012, et qui était sur le point de se voir condamner au solde dû, n'avait pas provisionné le paiement de leur créance.

En conséquence, l'assignation délivrée le 29 mars 2019, l'a été plus de 5 ans après la date à laquelle les intimés étaient en mesure de connaître les faits leur permettant d'exercer une action en responsabilité contre M. B. es qualité de 'gérant de fait' de la société Mérimont Gestion.

Sur l'organisation frauduleuse d'insolvabilité

Du fait de la cession des actifs de la société Mérimont Gestion

Aux termes de l'article L 314-7 du code pénal, ' le fait, par un débiteur, même avant la décision judiciaire constatant sa dette, d'organiser ou d'aggraver son insolvabilité soit en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine, soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments, prononcée par une juridiction civile, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

Commet le même délit le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale qui organise ou aggrave l'insolvabilité de celle-ci dans les conditions définies à l'alinéa précédent en vue de la soustraire aux obligations pécuniaires résultant d'une condamnation prononcée en matière pénale, délictuelle ou quasi délictuelle.'

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la cession des actifs est intervenue courant 2013, ce que les intimés ont pu ou aurait dû connaître du fait des publications légales effectuées.

Il sera rappelé que le 21 mars 2014 les demandeurs ont écrit au président du tribunal de grande instance d'Albertville en lui communiquant la copie de la publication de la dissolution de la société Mérimont Gestion et faisant état expressément de l'organisation d'insolvabilité de la société.

Sur l'organisation d'insolvabilité pour des actes de dissimulation des fonds issus de la vente de l'actif de la société Merimont Gestion, les intimés, qui étaient créanciers depuis 2012, ont pu également se rendre compte de la dissimulation des fonds qu'ils invoquent à l'issue de la saisie conservatoire qu'ils ont fait pratiquer le 27 mars 2014, et qui leur a révélé l'existence d'un solde d'environ 30 000 €, montant incompatible avec les comptes au 30 novembre 2013 de la société déposés au greffe le 11 mars 2014.

Cette action est donc prescrite.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté que Me N. Jean-Claude n'est pas dans la cause à titre personnel, et a déclaré toutes demandes, formées directement à son encontre comme irrecevables,

Le réformant pour le surplus,

Déclare prescrites les demandes fondées sur la faute de gestion du dirigeant de droit ou de fait et sur l'organisation d'insolvabilité de la société Mérimont Gestion, dirigées contre la société Compagnie Financière B. et Christophe B.,

Déboute M. Michel C., M. Maxence G., venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire et de légataire universel, M. Guy Charles A. M. S. de toutes leurs demandes,

Condamne in solidum M. Michel C., M. Maxence G., venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire et de légataire universel, M. Guy Charles A. M. S., à payer à M. Christophe B. et à la société Financière B., la somme de 3 000 € chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum, M. Michel C., M. Maxence G., venant aux droits de M. Hugues G. en qualité d'héritier réservataire et de légataire universel, M. Guy Charles A. M. S., aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Scp B. A. B., avocats associés.