CA Pau, 2e ch. sect. 1, 10 janvier 2022, n° 20/00983
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Mada Spicy (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Darracq
Conseillers :
M. Magnon, M. Gracia
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
La SAS Mada Spicy a été constituée le 6 juin 2018, avec deux associés, Cédric D. et Bruno V. qui détiennent chacun la moitié des parts constituant le capital social, cette création étant l'aboutissement d'un projet de collaboration démarré en 2016, ayant pour objet l'importation et la vente d'épices en ligne.
Dans ce contexte, deux noms de domaine ont été réservés auprès de l'hébergeur OVH.com: mada-spicy.com et mada-spicy.fr, au mois de septembre 2016, et des commandes ont été passées dès janvier 2017, par Cédric D., auprès de la société d'import-export Jacarandas, spécialisée dans le négoce d'épices, cette dernière établissant alors ses factures à l'ordre de Bruno V. / BMJ Group.
BMJ Group correspond à l'enseigne de l'entreprise individuelle créée par Bruno V. le 14 mars 2013, pour la vente de tous produits, alimentaires et non alimentaires, en gros, demi-gros et détail, sur internet et en ambulant.
La mésentente entre les associés s'est installée rapidement et, par mail du 22 novembre 2018, Cédric D. a informé son associé de son souhait de dissoudre la SAS Mada Spicy, demande restée vaine.
Considérant que l'affectio societatis a irrémédiablement disparu, Cédric D. a fait assigner Bruno V. et la société Mada Spicy devant le tribunal de commerce de Tarbes, par actes des 12 et 19 mars 2019, aux fins de voir :
- prononcer la dissolution de la société Mada Spicy,
- nommer un liquidateur,
- enjoindre à Bruno V. de cesser toute exploitation de la marque Mada Spicy déposée au nom de Cédric D. ;
- condamner Bruno V. au paiement de la somme de 50 000 euros sur le fondement des articles L. 227-8, L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce;
- le condamner au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Par jugement du 23 mars 2020, le tribunal de commerce de Tarbes :
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes en contrefaçon de marque Mada Spicy et noms de domaine mada-spicy.com et mada-spicy.fr et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
- jugé qu'il n'y a pas lieu à dissolution judiciaire de la société Mada Spicy ;
- débouté Cédric D. de ses demandes d'indemnités ;
- débouté Bruno V. et la société Mada Spicy de leurs demandes reconventionnelles ;
- jugé qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;
- condamné Cédric D. à payer à Bruno V. la somme de 2500 euros et à la société Mada Spicy la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
- condamné Cédric D. aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 24 avril 2020, Cédric D. a relevé appel de ce jugement.
La clôture est intervenue le 06 octobre 2021.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 4 octobre 2021 par Cédric D. qui demande de :
' infirmer le jugement en ce qu'il :
- juge qu'il n'y a pas lieu à dissolution judiciaire de la société Mada Spicy ;
- déboute Cédric D. de ses demandes d'indemnités.
- condamne Cédric D. à payer à Bruno V. la somme de 2 500,00 euros et à la société Mada Spicy la somme de 2 500,00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- déboute Cédric D. de toutes ses autres demandes ;
- condamne Cédric D. aux entiers dépens, taxés et liquidés pour ce qui concerne le greffe à la somme de 73,22 euros TTC ;
Prononcer la dissolution de la SAS Mada Spicy ;
Nommer tel liquidateur qu'il plaira pour procéder à la liquidation de la société et accomplir toutes formalités légales y afférentes.
Condamner Bruno V. à payer à Cédric D. la somme de 50.000,00 euros sur le fondement des articles L.227-8, et L.225-251 et L.225-252 du Code de commerce ;
Condamner Bruno V. à payer à Cédric D. la somme de 30.000,00 euros sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, anciennement 1382 ;
Débouter Bruno V. et la SAS Mada Spicy de l'intégralité de leurs demandes ;
Condamner Bruno V. à payer à Cédric D. la somme de 7.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Bruno V. aux entiers dépens, tant de première instance qu'en cause d'appel, avec distraction au profit de maître François D., avocat.
Vu les conclusions notifiées le 18 septembre 2020 par Bruno V. et la société Mada Spicy qui demandent de :
Vu les articles L.227-8, L.225-251 et L.242-6 3° du Code de commerce,
Vu l'article L.242-6 3° du Code de commerce,
Vu l'article L.225-252 du Code de commerce,
Vu l'article 1844-7 5° du Code civil,
Vu l'article 31-2 du Code de procédure civile,
Vu l'article 566 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 1851 alinéas 2 et 3 du code civil,
Vu l'article 653-9 al. 2 du code de commerce,
Vu les articles L.653-4, L.653-8 al. 1 et L.653-11 du Code de commerce
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
Confirmer le jugement du 23 mars 2020 du Tribunal de commerce de Tarbes en ce qu'il a
' jugé qu'il n'y a pas lieu à dissolution judiciaire de la société Mada Spicy ;
' débouté Cédric D. de ses demandes d'indemnités ;
' condamné Cédric D. à payer à Bruno V. la somme de deux mille cinq cents euros (2.500 €) et à la société Mada Spicy la somme de deux mille cinq cents euros (2.500 €) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamné Cédric D. aux entiers dépens, taxés et liquidés pour ce qui concerne le Greffe à la somme de 73,22 € ttc ;
Déclarer Bruno V. et la société Mada Spicy bien fondés dans leur appel incident ;
Infirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté Bruno V. et la société Mada Spicy de leurs demandes reconventionnelles ;
Et statuant à nouveau,
Dire que Cédric D., en sa qualité de Directeur général de la société Mada Spicy, a commis des fautes de gestion et a disposé abusivement des biens sociaux;
Dire que Cédric D. paralyse volontairement le fonctionnement de la société, pour en obtenir son anéantissement, et que cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir d'un juste motif de dissolution judiciaire de la société Mada Spicy ;
En conséquence,
Dire n'y avoir lieu à prononcer la dissolution judiciaire de la société Mada Spicy, en l'absence de juste motif ;
Condamner Cédric D. à restituer à la société Mada Spicy la somme de 15.258€ prélevée illicitement sur ses comptes bancaires ;
Condamner Cédric D. à payer à la société Mada Spicy la somme de 246.725,60€, au titre du gain manqué résultant de l'activité de commerce de vanille engagée clandestinement avec les fonds sociaux pour son bénéfice personnel ;
Condamner Cédric D. à payer à la société Mada Spicy la somme de 66.324,39€ au titre des pertes subies sur l'année 2020 depuis l'arrêt de l'activité imposé par Monsieur D. ;
Condamner Cédric D. à payer à Bruno V. la somme de 70.000€, en réparation du préjudice causé par le manquement à son obligation de loyauté et de fidélité à l'égard de son coassocié ;
Ordonner la révocation judiciaire de Cédric D. de ses fonctions de Directeur général de la société Mada Spicy.
Prononcer à l'encontre de Cédric D. une interdiction de diriger, gérer, administrer et contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant 15 années, cette mesure devant s'appliquer à toutes les sociétés dont Monsieur Cédric D. a actuellement la gestion ;
Enjoindre à Cédric D. de céder à Monsieur Bruno V., sous astreinte de 800€ par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, les actions qu'il possède dans la SAS Mada Spicy à leur valeur patrimoniale;
Enjoindre à Cédric D. de cesser de porter atteinte à l'intérêt social de la société Mada Spicy, et notamment s'interdire de signaler les produits de la société Mada Spicy commercialisés sur Amazon auprès de cette plateforme sous astreinte de 1.000€ par suppression d'annonce produit constatée ;
En tout état de cause,
Débouter Cédric D. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner Cédric D. à payer à la société Mada Spicy la somme de 15.000€, et à Bruno V. la somme de 15.000€, au titre de la procédure abusive ;
Condamner Cédric D. à payer à la société Mada Spicy la somme de 8.000€, et à Bruno V. la somme de 8.000€ par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de l'appel ;
Condamner Cédric D. aux entiers dépens de première instance et d'appel,en ce compris les frais de procès-verbaux de constat d'huissier des 21 janvier et 25 mars 2019.
MOTIVATION :
A titre liminaire, il convient de rappeler que le jugement est définitif en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes en contrefaçon de la marque MADA SPICY et relatives aux noms de domaine mada-spicy.com et mada-spicy .fr et renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
Sur l'appel principal de Cédric D. :
A hauteur d'appel, Cédric D. renouvelle sa demande de dissolution anticipée de la société Mada Spicy, sur le fondement de l'article 1844-7 5° du code civil.
En application de ce texte, la dissolution anticipée de la société peut être prononcée par le tribunal, à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés, paralysant le fonctionnement de la société.
Il soutient que malgré les tentatives pour résoudre la crise traversée par la société, les actes et le comportement persistants de Bruno V. en paralysent le fonctionnement et constituent un juste motif de dissolution.
Il conteste l'appréciation du premier juge qui a considéré que le fonctionnement de la société ne serait pas paralysé ne retenant que ce seul critère pour le débouter de cette demande alors que la cour de cassation a jugé que :
- la mésentente des deux associés étant reconnue par ceux-ci, la dissolution anticipée de la société doit être ordonnée ( cassation commerciale 13 février 1996 N ° 93-16.238)
- la mésentente est irrémédiable lorsqu'elle empêche toute décision collective ( cassation 3ème civile 17 décembre 2020 n° 19-15.694)
- la mésentente des associés est une cause de dissolution judiciaire ne nécessitant pas la recherche d'un état de péril ou de ruine (cassation commerciale 7 juillet 2009 n° 0817 753)
- l'existence de procédures judiciaires opposant les associés ainsi que les sociétés qu'ils dirigent respectivement démontre l'existence d'une mésentente durable installée entre les associés, sans qu'il soit nécessaire de l'imputer à l'un ou à l'autre de ceux-ci, compromettant ainsi le fonctionnement normal de la société (cassation commerciale du 9 décembre 2014, n° 13-24 083).
Il fait valoir que tel est le cas de la société Mada Spicy, comme cela ressort à l'évidence de la procédure introduite devant le tribunal judiciaire de Bordeaux par la SAS Mada Spicy et Bruno V. en revendication de marque et actes de concurrence déloyale, et de la plainte pénale déposée par le concluant le 17 juillet 2020.
Ayant constaté l'absence de dialogue constructif entre les associés, l'empêchement de toute décision collective et l'existence de la procédure engagée par Bruno V. et la SAS Mada Spicy, à l'encontre de Cédric D., devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, il considère que le tribunal de commerce devait prononcer la dissolution de la SAS Mada Spicy, d'autant que le premier juge n'a pas déclaré l'un des associés plus fautif que l'autre dans la gestion de la société.
Bruno V. et la SAS Mada Spicy lui opposent qu'il est à l'origine de la mésentente dont il allègue qu'elle paralyserait le fonctionnement de la société, alors que la mésentente invoquée par l'associé et dont il est le seul responsable ne peut constituer pour lui un juste motif l'autorisant à demander la dissolution anticipée de la société.
Les intimés considèrent que la mésentente entre associés est, au cas d'espèce, imputable aux actes commis par Cédric D., en contrariété manifeste avec l'intérêt social, du premier jour de la création de la société Mada Spicy, en juin 2018, jusqu'à la date des conclusions des intimés.
En droit, il résulte des dispositions de l'article 1844-7 5° du code civil que la mésentente existant entre les associés et, par suite, la disparition de l'affectio societatis ne peuvent constituer un juste motif de dissolution qu'à la condition de se traduire par une paralysie du fonctionnement de la société.
A cet égard, la mésentente entre associés à parts égales ne peut à elle seule constituer un juste motif de dissolution et l'existence de deux blocs d'associés antagonistes ne justifie pas en elle-même, la dissolution si la société 'fonctionne' par ailleurs.
A l'inverse, la répartition égalitaire du capital entre les associés rendant impossible toute décision, l'absence d'activité de la société et la disparition de l'affectio societatis justifient la dissolution.
A cet égard, la jurisprudence s'attache à analyser les conditions de la poursuite de la vie sociale, en conformité avec les statuts, de sorte que l'impossibilité constatée de prendre des décisions ou la prise de décision en violation des dispositions statutaires caractérise la paralysie de la société.
L'existence de la mésentente et ses conséquences en terme de paralysie de fonctionnement de la société relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Mais il appartient à celui qui exerce cette action de démontrer la paralysie du fonctionnement de la société au-delà de la mésentente entre associés.
En outre, il résulte d'une jurisprudence bien établie que l'associé qui sollicite la dissolution judiciaire pour mésentente entre les associés ne doit pas être à l'origine de cette mésentente.
Ainsi, la dissolution peut être prononcée lorsque la preuve n'est pas rapportée que l'associé qui invoque la mésentente en est à l'origine ou lorsqu'il n'est pas possible d'imputer cette mésentente à l'un plutôt qu'à l'autre des associés.
En l'espèce, il est manifeste que par mail du 22 novembre 2018 et sans signe avant coureur, ni demande d'explication ou mise au point préalable visant à aplanir un différend identifié concernant la gestion de la SAS Mada Spicy, Cédric D. a fait part à son associé de sa volonté de dissoudre ladite société et de poursuivre seul l'activité entrant dans l'objet social de celle-ci. Les motifs invoqués dans un mail du 23 novembre suivant concernent une contestation de la répartition des tâches, une perte de confiance et de motivation.
Par la suite et alors que la marque Mada Spicy et les noms de domaine correspondants étaient jusque là exploités dans le cadre de la société constituée avec Bruno V., Cédric D. a fait en sorte de bloquer le référencement des produits de la SAS Mada Spicy par l'opérateur de vente en ligne Amazon.fr, créant la société CD Distribution pour développer une activité directement concurrente de celle de la société Mada Spicy dont il est pourtant toujours le directeur général.
Ce comportement caractéristique d'une concurrence déloyale, indépendamment du litige sur la revendication de la marque Mada Spicy dont la cour n'a pas à connaître, ne pouvait que porter atteinte durablement à l'affectio societatis ayant présidé à la création de la SAS Mada Spicy, sans perspective de rétablissement de la confiance entre les deux associés.
Afin d'établir une mésentente aux torts partagés, Cédric D. invoque les mensonges de Bruno V. concernant la revendication de la marque Mada Spicy et des noms de domaine correspondants. Toutefois, force est de constater que cette revendication est postérieure à la décision irrévocable de Cédric D. de dissoudre la société commune et de poursuivre seul l'exploitation de ladite marque sans tirer les conséquences de cette décision en démissionnant de son poste de directeur général et en provoquant le rachat de ses parts sociales, selon la procédure prévue par les statuts.
En second lieu, il fait valoir que Bruno V. a commis des fautes de gestion en opérant des détournements à son bénéfice, en exposant des frais de déplacement non justifiés par l'intérêt de la société, en payant avec la carte de la société une amende pour excès de vitesse, en opérant un virement de 2000,00 euros, par le biais de la société Mada Spicy vers l'un de ses employés à Madagascar, pour une prestation fictive, ou en se faisant payer un loyer pour les locaux mis à la disposition de la SAS Mada Spicy.
Cependant, la convention de prestation de service passée avec Slyvio Melfi demeurant à [...], est versée aux débats par les intimés. Elle porte sur une prestation de service de « sourcing produits et fournisseurs, contrôle qualité produit et processus export, services bureaux documentation administratif, provision pour campagne épices pour exportations », rien ne permettant d'établir son caractère fictif.
S'agissant des frais de déplacement exposés par Bruno V. et remboursés au titre de ses frais professionnels, de même que les frais du voyage réalisé par ce dernier à Madagascar en novembre 2018, pour rechercher des fournisseurs d'épices, force est de constater que rien ne permet, au-delà des allégations de Cédric D., d'établir l'existence de détournements par le biais de frais fictifs ou exposés en dehors de l'objet social de la SAS Mada Spicy.
Par ailleurs, Bruno V. produit la convention d'occupation précaire passée entre lui et la société Mada Spicy, le 10 juin 2018, pour la mise à disposition d'un bureau de 40 m² et d'un espace de stockage de même superficie, [...], moyennant une redevance de 400 euros mensuels toutes charges comprises. Cette convention précaire, comme l'indique son préambule, a été conclue du fait de l'incertitude pesant sur la permanence du siège social de la société Mada Spicy à cette adresse, liée au démarrage de l'activité et à la possibilité de vente des locaux occupés. Rien ne démontre qu'il s'agit d'une convention fictive ou conclue pour un loyer exorbitant au regard des locaux occupés.
S'agissant des mouvements de fonds constatés entre les comptes respectifs de la société Mada Spicy et de Bruno V., à partir de février 2019, à une époque où la rupture entre les deux associés était consommée, les seuls extraits de compte bancaire versés aux débats ne suffisent pas à caractériser des détournements à l'origine de la mésentente entre associés.
Le même constat vaut pour le grief lié au paiement d'une amende radar de 45 euros à l'aide de la carte bancaire de la société, en septembre 2018, alors que ce reproche n'a jamais été formulé par Cédric D. avant sa rupture avec Bruno V..
Ainsi, les différents manquements imputés à faute par Cédric D. à son associé ne sont pas caractérisés et ne peuvent établir une cause de mésentente qui serait imputable à Bruno V., exclusivement, ou aux deux associés indifféremment.
Au contraire, il ressort de l'analyse qui précède que la mésentente entre associés a pour origine la volonté unilatérale de Cédric D. de mettre un terme à l'activité de la société Mada Spicy, les griefs articulés par la suite à l'encontre de son associé n'étant invoqués, sans base factuelle pertinente, que pour justifier cette décision a posteriori.
Cédric D. est donc bien à l'origine de la mésentente entre associés. En outre, s'il conclut à la paralysie du fonctionnement de la société Mada Spicy, il en est également responsable par sa décision de s'opposer au référencement des produits de la société Mada Spicy par le site Amazon .fr, principal vecteur de commercialisation des produits de la société commune, au motif qu'il serait seul titulaire de la marque correspondante, sans attendre la décision de la juridiction spécialisée de Bordeaux saisie du litige sur ce point.
Il ne peut ainsi se prévaloir de justes motifs de dissolution, au sens de l'article 1844-7 5° du code civil.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a jugé n'y avoir lieu à dissolution judiciaire de la société Mada Spicy.
Sur la responsabilité de Bruno V. en application des articles L. 225-251 et L. 225-252:
En application de l'article L. 225-51 du code de commerce, « les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement, selon le cas envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Si plusieurs administrateurs ou plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun ».
La notion de faute de gestion n'est pas définie par la loi mais caractérisée par la jurisprudence. La faute du gérant est celle qui compromet l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.
Il appartient au demandeur de définir et d'établir la faute de gestion reprochée, le préjudice subi par la société et le lien de causalité direct entre cette faute et ce préjudice.
L'article L. 225-252 ajoute qu'outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d' Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l' entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages et intérêts sont alloués.
Il ressort de l'article L. 227-8 du code de commerce que ces règles sont applicables au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées.
En l'espèce, Cédric D. sollicite la condamnation de Bruno V., président de la SAS Mada Spicy, à lui payer la somme de 50000,00 euros en réparation du préjudice résultant des détournements opérés illicitement, « à son profit personnel et au mépris total de l'intérêt social de la SAS Mada Spicy ».
Les détournements allégués au travers des dernières conclusions de l'appelant sont constitués par :
' le versement sur le compte personnel de Bruno V. d'indemnités kilométriques en tant que président non salarié de la SAS Mada Spicy, pour 2747,21 euros le 21 septembre 2018 ;
' le paiement du loyer du bureau mis à disposition de la SAS Mada Spicy par Bruno V. aux termes d'une convention d'occupation précaire, d'un montant 2400 euros le 25 octobre 2018 ;
' les billets d'avion payés le 4 septembre 2018 à hauteur de 1372,32 euros par la société Mada Spicy, d'un voyage « sourcing » effectué par Bruno V. courant novembre 2018, dont il conteste l'utilité pour la société Mada Spicy ;
' une amende radar de 45 euros payée le 4 septembre 2018 par Bruno V. avec la carte de la SAS Mada Spicy ;
' des mouvements de fonds opérés par Bruno V. depuis février 2019, en débit et en crédit, entre son compte bancaire et celui de la SAS Mada Spicy « pour des raisons obscures et contraires à l'intérêt de la société ».
' un virement de 2000,00 euros au bénéfice d'un soit-disant exportateur de vanille de Madagascar, Slyvio Melfi, qui serait en réalité la personne qui s'occupe des propriétés de Bruno V. et de sa compagne sur l'Ile de Sainte Marie à Madagascar.
Cependant, s'agissant d'une demande indemnitaire formée à titre personnel mais qui s'appuie sur l'allégation de détournements de fonds opérés au mépris de l'intérêt social de la SAS Mada Spicy, Cédric D., qui ne démontre pas avoir subi un préjudice personnel distinct de celui de la société, à la suite des mouvements de fonds qu'il conteste, doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l'action indemnitaire de Cédric D. , en application de l'article 1240 du code civil, pour manquement de Bruno V. à son obligation de loyauté.
Cédric D. sollicite à ce titre une somme de 30000,00 euros de dommages et intérêts, au motif essentiel que c'est bien Bruno V. qui est à l'origine de la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société, car c'est bien lui qui a commis des fautes de gestion et disposé abusivement des biens sociaux.
Toutefois, il résulte de l'analyse faite par la cour des pièces soumises à son appréciation, que les fautes de gestion et détournements imputés à Bruno V. par Cédric D. ne sont pas établis, de sorte que le manquement au devoir de loyauté entre associés n'est pas caractérisé.
Cédric D. est en conséquence débouté de cette demande indemnitaire.
Sur les appels incidents de Bruno V. et de la SAS Mada Spicy :
' Les intimés concluent à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts, au motif que Cédric D. doit répondre d'abus de biens sociaux et de fautes de gestion délibérément commis par lui en sa qualité de directeur général de la société Mada Spicy, et de la procédure abusivement engagée par lui au préjudice des intimés;
La responsabilité de Cédric D., pour infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés par actions simplifiées et fautes de gestion est recherchée sur le fondement des articles L. 227-8 et L. 225-251 du code de commerce.
Les concluants indiquent que la faute de gestion s'apprécie in abstracto par rapport au comportement d'un dirigeant prudent, diligent et actif, en tenant compte des circonstances dans lesquelles il se trouvait quand il a agi ou s'est abstenu ; que de même commet une faute de gestion le dirigeant de droit qui abandonne ses fonctions, se désintéressant de la société, sans s'affranchir de son statut, alors que la situation de la société s'est détériorée.
Ils rappellent que selon l'article L. 242-6-3° du code de commerce, la responsabilité d'un directeur général d'une SAS est engagée notamment en cas d'abus de bien social qui se définit comme le fait de faire de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle il est intéressé, directement ou indirectement.
Ils ajoutent que :
- l'usage dégénère en abus lorsqu'il est contraire à l'intérêt social, notamment par un acte de disposition ou de dissipation des biens sociaux qui n'est pas justifié par une dette existante ou par une contrepartie ; ou l'usage du crédit de la société qui expose l'actif de celle-ci à un risque de perte ;
- la confusion des fonds appartenant à la société avec ses fonds propres caractérise également l'abus de biens sociaux;
- de même au cas de facture sans cause, au nom d'une société de pure façade ou fictive, son paiement à des fins personnelles à l'aide des deniers d'une société réelle s'analyse en un abus de biens sociaux.
Parmi les fautes de gestion préjudiciables et abus de biens sociaux imputés à Cédric D., les intimés invoquent :
- Le détournement de fonds sociaux à son bénéfice personnel et au bénéfice d'autres activités et sociétés concurrentes créées postérieurement:
Il est fait état notamment de fausses factures au nom de la société indonésienne CV Mitra Prima Jaya, lesquelles, sous couvert de prestations d'optimisation de sites web et ventes sur Amazon, facturées par ladite société, auraient permis à Cédric D. d'acheter clandestinement un stock de vanille, avec les fonds de la société Mada Spicy, pour le revendre à son bénéfice.
Cependant, les factures en question ont été réglées à l'aide d'ordres de virements signés par Bruno V. qui ne conteste pas sa signature et Cédric D. produit une attestation du dirigeant de la société CV Mitra Prima Jaya qui indique que son entreprise est spécialisée dans la vente de vanille et le commerce de différents produits mais aussi dans la construction de sites web et le suivi du positionnement web de sociétés étrangères ( SEO Tracking).
Les documents produits par les intimés sont ainsi insuffisants pour établir la fausse facturation alléguée.
- Le refus de Cédric D. d'étendre l'activité de la SAS Mada Spicy paralysant le fonctionnement de la société:
Les intimés fondent ce grief sur un mail du 5 février 2019 de Cédric D. par lequel celui-ci répondait « oublie le bio avec Certisud car je ne signerai rien à ce sujet mon objectif étant de dissoudre » en réponse à une demande de Bruno V. de démarrage de la commercialisation d'une gamme d'épices certifiées Bio.
Cependant, cette réponse n'est pas révélatrice d'un blocage du développement de l'activité de la société dans le domaine des produits bio, puisque la société Mada Spicy avait obtenu sa certification biologique et que Bruno V. était, en sa qualité de président, investi des plus larges pouvoir de gestion pour en assurer le développement et passer toute commande d'épices répondant à cette certification. De fait, Cédric D. justifie que la société Mada Spicy a bien commercialisé une gamme d'épices bio sur la « market place Amazon» dans le courant de l'année 2019 (pièce 28 de l'appelant).
- L'existence d'un découvert en compte courant d'associé de 11400 euros :
Contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, il ressort du bilan comptable détaillé de l'exercice 2018 que le compte courant de Cédric D. est débiteur de 3200 euros et non de 11400,00 euros comme affirmé par les concluants, la différence étant comptabilisée sur une ligne « autres comptes débiteurs ».
Toutefois, le régime applicable au compte courant d'un associé de SAS est, par renvoi au régime applicable aux comptes courant des actionnaires de sociétés anonymes, l'interdiction d'un solde débiteur lorsque l'associé est un dirigeant personne physique.
La persistance d'un compte courant débiteur est susceptible de caractériser un abus de bien social.
Cédric D. ne conclut pas sur ce point.
La somme de 3200,00 euros doit en conséquence être restituée à la société Mada Spicy.
- Le transfert de l'activité, de la boîte email, des coordonnées, du compte Amazon et des signes distinctifs de la société Mada Spicy vers la société CD Distribution, créée en janvier 2019 par Cédric D. pour commercialiser des produits sous la marque MADA SPICY (en lettres majuscules) et l'interdiction faite à la société Mada Spicy d'exploiter sa propre dénomination sociale et de commercialiser sous ce nom ses propres produits; puis depuis 2020 la suppression, sur la boutique amazon.fr de la SAS Mada Spicy, de l'ensemble du catalogue des produits de la SAS Mada Spicy commercialisés en ligne, sur l'allégation par Cédric D. de contrefaçon de marque :
Ces griefs sont établis notamment par les procès-verbaux de constats d'huissier dressés par Maître Cécile B., les 21 janvier 2019 et 25 mars 2019, qui montrent, pour le premier, que sur le site de vente en ligne mada-spicy.com, l'adresse email initiale ' ... [email protected] ' a été remplacée par celle de ' [email protected] ', avec le numéo de téléphone de Cédric D., les informations sur la boutique faisant dorénavant figurer les coordonnées de la SAS CD Distribution au lieu et place de celles de Mada Spicy/BMJ Group et l'adresse du siège social de la SAS Mada Spicy.
La raison sociale de la SAS CD Distribution figure également dans les conditions générales de vente, alors que les mentions légales du site désignent « Mada Spicy/ BMJ Group-MV. Bruno[...] », comme titulaire du site et Bruno V. comme directeur de la publication.
Le procès-verbal de constat du 25 mars 2019 montre qu'une nouvelle boutique en ligne « MADA SPICY Madagascar Delicatessen » est utilisée par la société CD Distribution SAS créée par Cédric D. et immatriculée le 15 janvier 2019, de même qu'une boutique en ligne « VANIPURA » inscrite au nom de Cédric D. et qui utilise des codes barres acquis par Bruno V. auprès du groupe EAN code.fr, selon facture du 9 février 2017, codes utilisés jusque là parBruno V. et la société SAS Mada Spicy pour leur activité de vente en ligne.
Enfin, il ressort de la correspondance du 3 mars 2020, adressée par Amazon Services au conseil des intimés, que les offres commerciales de la SAS Mada Spicy ont été retirées du site de vente en ligne de la société Amazon Europe, par cet hébergeur, après avoir été signalées comme contrevenant aux droits de Cédric D. sur la marque « MADA SPICY ».
Pour toute réponse à ces griefs formulés par les intimés, Cédric D. se contente de conclure qu'il est le seul titulaire des noms de domaine mada-spicy .com et mada-spicy.fr et qu'il a seul déposé la marque « MADA SPICY », sans mieux s'expliquer sur le manquement à l'obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui en raison de sa qualité de directeur général de la société Mada Spicy, lui interdisant de créer, durant son mandat social, une société dans le même domaine d'activité, destinée à concurrencer la société Mada Spicy, jusqu'à lui interdire l'accès à ce qui était son principal vecteur de vente en ligne.
Ce comportement fautif à l'origine d'une grave atteinte à l'intérêt social de la SAS Mada Spicy engage par conséquent la responsabilité de Cédric D. envers cette dernière et subséquemment envers son associé Bruno V..
- Le désengagement de Cédric D. de la gestion de la société Mada Spicy,
à partir du 20 novembre 2018, alors qu'il était toujours directeur général :
Ce grief ne sera en revanche pas retenu, car Bruno V. était investi des mêmes pouvoirs de gestion que son associé et pouvait prendre le relai de Cédric D. dans les tâches de gestion que celui-ci accomplissait jusqu'à cette date. Une désorganisation de la société résultant de ce désengagement n'est pas démontrée, de sorte que le lien entre ce manquement et un éventuel préjudice n'est pas établi.
' Le préjudice de la SAS Mada Spicy :
S'agissant des sommes indûment prélevées sur les comptes de la société Mada-Spicy la cour ne retient que le solde débiteur du compte courant d'associé de 3200,00 euros dont il n'est pas établi qu'il a depuis été remboursé. En effet, les détournements opérés sous couvert de fausses factures ne sont pas caractérisés.
La société Mada Spicy réclame en second lieu la somme de 246 725,60 euros, au titre des gains manqués sur la commercialisation de vanille au profit personnel de Cédric D..
Elle fonde sa demande sur l'existence des prétendues fausses factures CV Mitra Prima Jaya, sous couvert desquelles Cédric D. aurait en réalité acheté de la vanille, avec les fonds de la SAS Mada Spicy, pour un montant cumulé de 10890 euros, représentant 253 kilos au tarif vendeur de la société indonésienne, marchandise qu'il aurait revendu clandestinement à son seul profit.
Cependant, le calcul de la concluante est purement théorique et repose sur le postulat, non établi au terme de l'examen des pièces soumises à l'appréciation de la cour, que la facturation par la société CV Mitra Prima Jaya de prestations d'optimisation de site web et de suivi de ventes en ligne serait fictive.
Les seules ventes en ligne de vanille effectuées par Cédric D. au nom de son entreprise en nom propre à l'enseigne commerciale VANIPURA, après la rupture entre les deux associés, ne permettent pas de valider cette thèse et rien n'établit, contrairement à ce qu'affirme la société Mada Spicy, sans autre démonstration, que Cédric D. serait devenu le vendeur « numéro 1 » de vanille sur Amazon.
Cette demande est en conséquence rejetée.
La SAS Mada Spicy sollicite en troisième lieu l'indemnisation des pertes subies résultant de l'arrêt de la commercialisation des produits Mada Spicy, par suite de l'arrêt de l'activité de la boutique Amazon à compter de début 2020, ayant eu pour effet l'arrêt pur et simple de son activité.
Elle invoque une perte de chiffre d'affaires théorique, par projection de celui réalisé sur les exercices antérieurs, de l'ordre de 188 000,00 euros HT et réclame une perte de marge théorique de 48880,00 euros HT(au taux de marge de 26 %).
Elle y ajoute la perte du stock d'épices comptabilisé au terme de l'exercice 2019, évalué comptablement à 16229,09 euros, en faisant valoir que ce stock n'a pu être commercialisé avant l'échéance des dates limites d'utilisation des épices , par suite du retrait des produits référencés Mada Spicy de sa boutique de vente en ligne, par Amazon.fr.
Elle réclame également le remboursement des frais de stockage et de service logistique facturés par Amazon sur 10 mois, au titre de l'année 2020, ce qui est paradoxal si, comme elle le soutient, les produits qu'elle vendait jusque là ont été déréférencés.
Elle ne produit d'ailleurs qu'une facture Amazon pour les ventes du mois de janvier 2020 faisant état d'un montant mensuel de frais de stockage et de logistique de 121,53 euros.
Toutefois, elle ne justifie d'aucune attestation de son expert comptable ni comptabilité pour l'année 2020 qui permettrait de vérifier ses affirmations concernant l'arrêt pur et simple de son activité et la dépréciation de son stock.
Le préjudice invoqué est donc justifié à hauteur de la somme de 3200,00 euros, uniquement, correspondant au solde débiteur du compte courant de Cédric D..
' le préjudice de Bruno V. :
Bruno V. demande réparation du préjudice tant matériel que moral subi en sa qualité d'associé, par suite des fautes de gestion et malversations commises par Cédric D. à son insu, des manquements de ce dernier à son devoir de loyauté en tant qu'associé, de l'abandon de ses fonctions de directeur général occasionnant au concluant un surcroit de travail et de l'arrêt de l'activité imposé par Cédric D. en 2020, privant Bruno V. de l'espoir de tirer aucun revenu de la société.
En l'absence de justification de l'arrêt pur et simple de l'activité de la société Mada Spicy en 2020, le préjudice matériel invoqué par Bruno V., dont l'assiette et les modalités de calcul ne sont pas précisés, ne sera pas retenu.
En revanche les manquements de Cédric D. à son devoir de loyauté envers son associé découlent de sa volonté unilatérale de dissoudre la société Mada Spicy, sans raison valable, et d'interdire à cette dernière de poursuivre son activité de vente en ligne sur le site Amazon .fr.
Ces manquements sont à l'origine pour Bruno V. d'un préjudice moral qui sera réparé à hauteur de la somme de 10000,00 euros.
' Sur la demande de révocation judiciaire de Cédric D. de son mandat de directeur général :
En l'absence de dispositions légales réglant les modalités de révocation des dirigeants d'une SAS et dès lors qu'elle n'a pas été prévue par les statuts, la révocation d'un dirigeant de SAS ne peut en principe être prononcée judiciairement sauf lorsqu'aucune décision ne peut être prise par l'organe délibérant de la société et qu'il existe une cause légitime de révocation du dirigeant.
En l'espèce, les statuts ne prévoient aucune modalité de révocation des mandats de président et de directeur général.
En présence de deux associés, respectivement président et directeur général, détenant chacun 50 % des parts sociales, la révocation du directeur général à l'initiative de l'autre associé s'avère impossible, ce qui rend nécessaire l'intervention judiciaire.
Compte tenu des fautes commises par Cédric D., au détriment de l'intérêt social de la SAS Mada Spicy, il convient de faire droit à la demande de révocation judiciaire de son mandat de directeur général, formée par les intimés.
' Sur la demande de sanction commerciale :
Les intimés sollicitent une interdiction de gérer à l'encontre de Cédric D., sur le fondement des articles L. 653-4, L. 653-8 et L. 653-11 du code de commerce, sanction prévue pour le cas où une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire a été ouverte. Cette sanction étant inapplicable au cas d'espèce, cette demande est rejetée.
' Sur le prononcé d'une injonction à l'encontre de Cédric D. de céder ses actions en application de l'article L. 653-9 al 2, et ce sous astreinte :
Là encore, cette demande sera rejetée, cette mesure étant applicable aux dirigeants frappés de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, dans le cadre d'une procédure collective.
' Sur les mesures de cessation sous astreinte :
Les intimés demandent d'enjoindre à Cédric D. de cesser de porter atteinte à l'intérêt social de la société Mada Spicy en s'interdisant de signaler les produits de la société Mada Spicy commercialisés sur Amazon auprès de cette plateforme, et ce sous astreinte de 1000,00 euros par infraction constatée.
Cette demande étant étroitement liée au litige sur la revendication de la marque Mada Spicy, pendant devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, est irrecevable dans le cadre de la présente instance.
' Sur la demande de dommages et intérêts de Bruno V. et de la SAS Mada Spicy pour procédure abusive :
Le droit d'agir en justice, y compris en appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, ce qui n'est pas démontré, au stade de la présente instance, compte tenu de la position respective des parties.
Les intimés sont en conséquence déboutés de leur demande indemnitaire de 15000,00 euros chacun.
Sur les demandes annexes :
Cédric D. qui succombe en son action, supportera seul la charge des dépens de l'entière procédure.
Au regard de l'issue du litige, l'équité justifie de condamner Cédric D. à payer à la SAS Mada Spicy et à Bruno V., globalement, une somme de 6000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Dans la limite des chefs du jugement critiqués,
Confirme le jugement en ce qu'il a jugé n'y avoir lieu à prononcer la dissolution judiciaire de la société SAS Mada Spicy et débouté Cédric D. de ses demandes d'indemnités.
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne Cédric D. à payer à la société Mada Spicy la somme de 3200,00 euros, au titre du solde débiteur de son compte courant d'associé et à Bruno V. la somme de 10000,00 euros en réparation de son préjudice moral,
Ordonne la révocation de Cédric D. de ses fonctions de directeur général de la société Mada Spicy,
Déboute la société Mada Spicy et Bruno V. du surplus de leurs demandes indemnitaires, d'interdiction de gérer et d'injonction de cession forcée sous astreinte des parts sociales de Cédric D.,
Les déclarent irrecevables, dans le cadre de la présente instance, en leur demande de cessation sous astreinte des entraves aux offres de la société Mada Spicy sur le site Amazon .fr,
Condamne Cédric D. aux dépens de l'entière procédure,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Cédric D. à payer à la SAS Mada Spicy et à Bruno V. , globalement, une somme de 6000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.