Livv
Décisions

CA Angers, ch. a com., 16 février 2021, n° 17/02157

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MT2A (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Muller, M. Benmimoune

TGI Le Mans, du 26 sept. 2017, n° 17/014…

26 septembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 octobre 2005, la SCI Chegir a donné en sous-location à la SAS MT2A, ayant pour objet social la fabrication de mobilier sur mesure, menuiserie, agencement tout corps d'état et téléphonie, un entrepôt de 3570 m², situé [...], qu'elle avait pris en crédit-bail immobilier, pour une durée de 12 ans à compter de la date d'acquisition du bien immobilier par les organismes de crédit-bail, soit jusqu'au 18 octobre 2017, moyennant un loyer annuel de 140.000 euros HT.

Il est stipulé à la convention de sous-location qu'elle est exclue du champ d'application des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce.

Courant septembre 2009, la SCI Chegir a fait procéder à la réfection de la toiture du bâtiment et à l'installation de panneaux photovoltaïques sur une surface de 1143 m².

Le 26 novembre 2009, la SCI Chegir, représentée par M. C., son co-gérant, et la SAS MT2A, alors également représentée par M. C., son président depuis le 30 juin 2008, ont conclu un avenant au contrat de sous-location pour aligner la durée de ce contrat sur celle du contrat de crédit-bail immobilier contracté pour financer la réfection de la couverture de l'entrepôt, soit ainsi jusqu'au 20 juin 2022.

Selon protocole d'accord du 15 avril 2014, les deux associés de la SAS MT2A, la société Solution et la société Actifina, celle-ci gérée par M. C., ont cédé à la société Espace 4, respectivement 1250 actions et 400 actions, représentant au total 80,48% du capital, qu'elles possédaient dans la SAS MT2A sur un total de 2050 actions. L'acte réitératif de cession des actions des SARL Solution et Actifina au profit de la SA Espace 4 a été signé le 21 mai 2014.

Le 10 juillet 2015, la SARL Actifina a cédé à la société Espace 4 toutes les actions qu'elle possédait encore dans la SAS MT2A, de sorte que la société Espace 4 s'est retrouvée unique détentrice de la totalité des parts sociales de la SAS MT2A.

Par acte d'huissier du 8 septembre 2016, la SAS MT2A a donné congé des locaux sous-loués à la SCI Chegir pour le 18 octobre 2017, terme prévu au contrat de sous-location lors de sa signature, le 18 octobre 2005.

La SCI Chegir a répondu que le terme du contrat de sous-location n'était pas le 18 octobre 2017 mais le 20 juin 2022, en vertu de l'avenant signé le 26 novembre 2009.

Par acte d'huissier du 21 avril 2017, la SAS MT2A a fait assigner à jour fixe la SCI Chegir et M. C. devant le tribunal de grande instance du Mans en annulation de l'avenant au contrat de sous-location du 16 novembre 2009 pour défaut de cause, en conséquence, en validation du congé notifié le 8 septembre 2016 avec effet au 18 octobre 2017, subsidiairement, en responsabilité contre M. C. et contre la SCI Chegir, en paiement des revenus tirés des panneaux photovoltaïques, pour la période non prescrite de 2012 à 2016, sur la base d'un revenu de 35.570 euros pour l'exercice 2015, soit 177.850 euros et en réparation d'un préjudice commercial.

Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal de grande instance du Mans a :

- dit que l'action en nullité de l'avenant du 23 novembre 2009 est prescrite,

- dit, qu'en conséquence, l'avenant du 23 novembre 2009 s'applique entre les parties et que le congé délivré le 8 septembre 2016 par la société MT2A pour le 18 octobre 2017 ne pourra produire ses effets,

- déclaré prescrite l'action en responsabilité engagée à l'encontre de M. C. et de la SCI Chegir,

- débouté la société MT2A de sa demande au titre des revenus tirés de l'exploitation des panneaux photovoltaïques,

- condamné la société MT2A aux dépens dont distraction au profit de Maître Emmanuel L.,

- débouté la société MT2A de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MT2A à payer à la SCI Chegir la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2017, la SAS MT2A a interjeté appel de ce jugement en attaquant chacune de ses dispositions.

La SAS MT2A demande à la Cour, au vu des articles 1134, 1147, 1304, 2233, 1131 du code civil, 1131, 1991, 1992 du code civil à l'encontre de M. C., 1984 du code civil à l'égard de la SCI Chegir, de :

- réformer le jugement du 25 septembre 2017,

- débouter la SCI Chegir et M. C. de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- fixer le point de départ de la prescription de l'action en nullité de l'avenant du 23 novembre 2009 signé entre la société MT2A et la SCI Chegir à la date d'effet de l'avenant, soit le 18 octobre 2017,

- subsidiairement, fixer le point de départ de la prescription à la date du 21 septembre 2016 à laquelle le dirigeant, après cession de la société MT2A, laquelle était jusque-là empêchée d'agir, a été informé par la SCI Chegir de l'existence de l'avenant à la convention de sous-location du 23 novembre 2009,

- prononcer la nullité de l'avenant du 23 novembre 2009 à la convention de sous-location du 18 octobre 2005 pour défaut de cause et d'intérêt de l'engagement de la société MT2A,

- valider en conséquence le congé notifié par la société MT2A le 8 septembre 2016 à la SCI Chegir de la convention de sous-location du 18 octobre 2005 avec effet au 18 octobre 2017,

- évaluer l'indemnité d'occupation annuelle due par la société MT2A à la SCI Chegir à la somme de 130.000 euros HT à compter du 18 octobre 2017,

- condamner en conséquence la SCI Chegir à régler annuellement à compter du 18 octobre 2017 à la société MT2A le trop payé :

* au titre de l'excédent indu sur loyer, indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction : 43.312,65 euros HT,

* la taxe foncière assimilée à un complément de loyer, à titre provisionnel et sauf à parfaire par l'actualisation de la taxe foncière : 26.239 euros HT,

total sauf à parfaire : 69.551,65 euros HT,

- subsidiairement, nommer tel expert qu'il plaira avec pour mission d'accéder aux lieux, d'entendre les parties et tous sachants, de donner son avis sur la valeur du tènement immobilier à l'enseigne 'Rousseau Agencement' situé [...] selon la méthode par comparaison et la méthode financière par capitalisation des revenus,

subsidiairement,

- fixer au 18 octobre 2017 et subsidiairement au 21 septembre 2016 le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité formée par la société MT2A jusque-là empêchée d'agir à l'encontre de M. C. et de la SCI Chegir,

- dire que M. C., président de la société MT2A et gérant de la SCI Chegir, a par l'avenant au contrat de sous-location signé le 26 novembre 2009 avec lui-même engagé sa responsabilité en privilégiant la SCI Chegir au préjudice des intérêts de la société MT2A,

- dire que la SCI Chegir est également responsable des fautes commises par son mandataire,

- en conséquence, condamner in solidum M. C. et la SCI Chegir à régler à titre indemnitaire à la société MT2A, à compter du 18 octobre 2017, point de départ de la prolongation de la convention de sous-location, la somme annuelle de :

* au titre de l'excédent indu sur loyer, indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction : 43.312,65 euros HT,

* la taxe foncière assimilée à un complément de loyer, à titre provisionnel et sauf à parfaire par l'actualisation de la taxe foncière : 26.239 euros HT,

total sauf à parfaire : 69.551,65 euros HT,

- subsidiairement, nommer tel expert qu'il plaira avec la mission définie ci-dessus,

- condamner également la SCI Chegir à régler à la société MT2A pour la période non prescrite de 2012 à 2016 les revenus tirés des panneaux photovoltaïques constituant la couverture de l'ensemble immobilier, dont la société MT2A a la jouissance, sur la base du revenu de 35.570 euros pour l'exercice 2015 et sauf à parfaire par la communication des revenus des années suivants la somme provisionnelle de 35.570 euros x 5 = 177.850 euros,

- condamner la SCI Chegir à justifier à compter de l'année 2017 des revenus des panneaux photovoltaïques,

et rejetant toutes prétentions contraires, et tout appel incident, comme irrecevables et en tout cas non fondés,

- condamner en outre in solidum M. C. et la SCI Chegir à régler à la société MT2A la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice commercial,

- les condamner également in solidum au paiement d'une indemnité de 8.000 euros tant en première instance qu'en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP V. & R. en première instance et de la SELARL Lexavoué rennes Angers en cause d'appel conformément à l'article 699 du même code.

La SCI Chegir et M. C. demandent à la Cour, au vu des articles 1134, 1147, 1315 et 1728 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, des articles L.225-254, L.227-8, L.227-10 du code de commerce, du contrat de sous-location du 18 octobre 2005 et de son avenant du 26 novembre 2009, et des pièces versées aux débats, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 26 septembre 2017, sauf en ce qu'il a jugé que l'avenant du 26 novembre 2009 relevait du régime des conventions réglementées et en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulées par la SCI Chegir et M. Jean-Paul C.,

- dire la SCI Chegir et M. Jean-Paul C. recevables et bien fondés en leur appel incident,

statuant à nouveau,

I - sur la nullité de l'avenant

A - sur le défaut de qualité à agir

- dire et juger que la société SA MT2A n'a pas qualité à agir pour invoquer la méconnaissance par son associé unique, la SARL Espace 4, de l'avenant au contrat de sous-location du 26 novembre 2009,

- dire et juger que la SCI Chegir et M. Jean-Paul C. démontrent que la société Espace 4 a eu connaissance de l'avenant litigieux en le paraphant dans le cadre de la conclusion de la garantie d'actif et de passif avec les sociétés Solution et Actifina,

- dire et juger que la SA MT2A en sa qualité de signataire de l'avenant ne peut prétendre ignorer cette convention,

B - sur la demande d'annulation de l'avenant

1 - à titre principal

- dire et juger que l'action de la société SA MT2A tendant à l'annulation de l'avenant au contrat de sous-location du 26 novembre 2009 est irrecevable, en raison de l'acquisition de la prescription à la date du 26 novembre 2014,

- dire et juger que la SA MT2A n'a pas été placée dans l'impossibilité d'agir,

- dire et juger que lors de la cession des parts sociales de la société MT2A intervenue le 21 mai 2014, la prescription n'était pas acquise et que la SA MT2A disposait du temps nécessaire pour engager une action en nullité jusqu'au 26 novembre 2014,

2 - à titre subsidiaire

- débouter la société SA MT2A de sa demande tendant à l'annulation de l'avenant au contrat de sous-location du 26 novembre 2009,

- dire et juger que le terme de la convention de sous-location conclue entre la SCI Chegir et la société MT2A est le 20 juin 2022,

- dire et juger que le congé donné le 8 septembre 2016 par la société SA MT2A est nul et de nul effet,

- débouter en conséquence la société MT2A de sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation,

II - sur la responsabilité de M. Jean-Paul C. et de la SCI Chegir

1 - à titre principal

- dire et juger que l'action de la société SA MT2A tendant à engager la responsabilité de M. Jean-Paul C. et la SCI Chegir sur le fondement de l'article L.227-10 du code de commerce est irrecevable, en raison de l'acquisition de la prescription à la date du 26 novembre 2012,

- dire et juger que la SA MT2A n'a pas été placée dans l'impossibilité d'agir,

- dire et juger que si la cour considère que la SA MT2A aurait été placée dans l'impossibilité d'agir jusqu'à la cession, il est établi que lors de la signature du compromis le 15 avril 2014 l'avenant a été paraphé et la prescription a recommencé à courir,

- dire et juger en conséquence qu'à la date où l'action a été engagée le 21 avril 2017, la prescription était acquise,

2 - à titre subsidiaire,

- dire et juger que l'avenant conclu entre la SA MT2A et la SCI Chegir n'est pas une convention réglementée mais une convention courante conclue à des conditions normales,

- en conséquence, débouter la SA MT2A de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SCI Chegir et de M. Jean-Paul C.,

3 - à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que le préjudice résultant du non-respect de l'article L.227-10 du code de commerce ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de n'avoir pas approuvé la convention,

- dire et juger que le rapport d'expertise du 21 décembre 2016 n'est pas contradictoire,

- en conséquence, dire et juger que le rapport d'expertise du 21 décembre 2016 est inopposable à M. Jean-Paul C. et à la SCI Chegir,

- dire et juger que la société MT2A ne rapporte pas la preuve ni de l'existence, ni du quantum de son préjudice,

- dire et juger que la société MT2A n'apporte pas la preuve de ce que l'article L.227-10 du code de commerce n'aurait pas été respecté,

- dire et juger que la société MT2A ne rapporte pas la preuve ni de l'existence, ni du quantum de son préjudice,

- débouter la société SA MT2A de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SCI Chegir et de M. Jean-Paul C.,

III - sur la demande au titre des revenus perçus des panneaux

- dire et juger que l'avenant au contrat de sous-location du 26 novembre 2009 signé par la société SA MT2A ne prévoit pas le reversement des revenus tirés des panneaux photovoltaïques,

- débouter la société MT2A de sa demande relative au remboursement des revenus prétendument perçus au titre des panneaux photovoltaïques,

IV - en toute hypothèse

- débouter la SA MT2A de sa demande d'expertise,

- à défaut, dire et juger que la consignation des frais d'expertise sera à la charge de la société SA MT2A,

- dire et juger la SCI Chegir recevable et bien fondée en ses demandes,

- débouter la société MT2A de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société SA MT2A à payer à la SCI Chegir la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner la société SA MT2A à payer à la SCI Chegir la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel,

- condamner la société SA MT2A à payer à M. Jean-Paul C. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner la société SA MT2A à payer à M. Jean-Paul C. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel,

- condamner la société SA MT2A aux entiers dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe

- le 12 novembre 2020 pour la SAS MT2A,

- le 13 décembre 2019 pour la SCI Chegir et M. C.,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en annulation de l'avenant du 26 novembre 2009 au contrat de sous-location

Sur la qualité à agir de la SAS MT2A

La SCI Chegir et M. C. soulèvent le défaut de qualité à agir de la SAS MT2A en annulation de l'avenant en considérant que cette société ne peut se plaindre des conditions de la cession de ses propres parts sociales en lieu et place de la société Espace 4 qui, seule, peut se prévaloir d'une éventuelle ignorance de l'existence de l'avenant et agir contre les sociétés cédantes. Ils font valoir que cette action n'a pas été diligentée par la cessionnaire des titres parce que le délai pour agir dans le cadre de la garantie d'actif et de passif contre les cédantes était expiré et que cette action aurait été vouée à l'échec dès lors que la société Espace 4 avait paraphé l'avenant figurant en annexe de la convention de garantie d'actif et de passif, ce qui en manifestait sa connaissance.

Mais, s'agissant d'une action en nullité d'un acte qu'elle a souscrit, la SAS MT2A a qualité à agir et non la société Espace 4 qui n'était, d'ailleurs, pas partie au contrat de sous-location ni à son avenant.

Sur la prescription de l'action en nullité de l'avenant dirigée contre la SCI Chegir

La SCI Chegir et M. C. soutiennent que la prescription de cette action est acquise au 26 novembre 2014, soit cinq ans après la signature de l'acte, en application de l'article L.110-4 du code de commerce.

Pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, la SAS MT2A invoque, en premier lieu, l'article 2233 3° du code civil selon lequel la prescription ne court pas à l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé. Elle fait valoir que la prescription de son action était ainsi suspendue jusqu'à l'exigibilité de la créance, soit à l'échéance initiale de la sous-location au 18 octobre 2017, date de prise d'effet de l'avenant.

Les premiers juges ont exactement retenu que l'existence d'une cause au contrat s'apprécie au jour de la formation du contrat soit, dans le cas présent, à la date du 26 novembre 2009, qui constitue donc le point de départ théorique de la prescription quinquennale prévue à l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, peu important que l'avenant ait prolongé la durée de la convention initiale. L'article 2233 3° du code civil qui vise les créances à terme ne trouve pas à s'appliquer.

En second lieu, la SAS MT2A invoque s'être trouvée empêchée d'agir, de sorte que la prescription n'aurait pas pu commencer à courir à son encontre en application des articles 2234 et 1304 du code civil, ce tant que les pouvoirs de direction dans les sociétés qui étaient ses actionnaires (Actifina, Solution, 2JT) étaient exercées par M. C. et M. G., lesquels co-dirigeaient la SCI Chegir, créant une impossibilité d'agir de la SAS MT2A contre la SCI Chegir.

L'article 2234 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant soit de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Avant le changement d'actionnaires et de président, la SAS MT2A était effectivement dans l'impossibilité d'agir contre la SCI Chegir du fait que ces deux sociétés se trouvaient représentées par la même personne, M. C., et que les deux sociétés actionnaires de la SAS MT2A, la société Solution et la société Actifina avaient des intérêts dans la SCI Chegir, chacune étant, d'ailleurs, représentée par un des co-gérants de la SCI Chégir. Cette situation de confusion d'intérêts entre les deux sociétés constitue un empêchement entrant dans les prévisions du texte précité.

L'impossibilité d'agir a existé au moins jusqu'au changement d'actionnaire et de représentant légal, qui a eu lieu le 21 mai 2014.

La SAS MT2A affirme que ce n'est que par une lettre du 21 septembre 2016 que son nouveau dirigeant a eu connaissance de l'avenant, de sorte que cette date devrait être considérée comme le point de départ du délai de prescription de son action. Elle conteste qu'il en ait été informé précédemment, lors de la cession des parts sociales ou au cours de la période ayant précédé cette cession. A cet égard, elle produit une attestation du commissaire des comptes qui avait été chargé d'un audit sur l'évaluation des parts sociales en vue de leur cession et qui indique que la société MT2A ne lui a communiqué que la convention initiale alors qu'il lui avait demandé tous les baux. Elle prétend que les anciens dirigeants ont usé d'un procédé frauduleux pour dissimuler cet acte en ayant inséré dans l'annexe 5 au contrat de cession des avenants fusionnés en une seule pièce avec d'autres baux, et sans qu'aucun détail de ces pièces n'ait été indiqué ni dans les courriels de transmission de ces pièces ni dans l'intitulé de l'annexe. Elle estime que la masse des documents et mails adressés ne permettait pas à son nouveau dirigeant, ni même au notaire qui le conseillait, de détecter l'avenant litigieux parmi toutes les pièces transmises.

La SCI Chegir produit, en original, la convention de garantie d'actif et de passif conclue le 21 mai 2014 entre les cédants et la société Espace 4 comportant en annexe 5, désignée à l'acte comme 'contrat sous-location + contrat crédit bail immobilier', avec une autre convention de sous-location et de son avenant, la convention de sous-location et son avenant en cause, paraphés avec les initiales EJ, sans qu'il soit contesté que ce paraphe a bien été apposé par le dirigeant de la société Espace 4.

En outre, elle rapporte la preuve, par un procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 17 janvier 2019 qui, même si les constatations de l'huissier n'ont pas eu lieu contradictoirement, est un élément de preuve soumis à la discussion des parties, que le conseil de la société Espace 4, notaire, a reçu le 16 avril 2014 par courriels envoyés par le conseil des cédants, avocat, les annexes au protocole d'accord de cession comprenant l'avenant au contrat de sous-location du 26 novembre 2009, pour être retourné paraphé et signé, ce qui a été fait par transmission du même jour.

S'agissant d'une correspondance entre un notaire et un avocat, elle présente un caractère officiel en vertu de la charte de collaboration interprofessionnelle du 15 juin 2006, permettant sa production en justice.

Ainsi, contrairement à ce que prétend la SAS MT2A, l'existence de l'avenant au contrat de sous-location n'a pas été dissimulée lors de la cession des parts sociales même s'il n'a pas été spécialement identifié parmi les pièces figurant dans l'annexe. Ayant été paraphé par le représentant de la société Espace 4 avant la réitération de l'acte de cession, la société MT2A ne peut valablement prétendre ne pas en avoir eu connaissance à cette date.

Dès lors, l'empêchement d'agir a pris fin le 21 mai 2014.

Pour déclarer l'action prescrite, le premier juge a constaté qu'à cette date du 21 mai 2014, à laquelle la SAS MT2A avait pu agir par son nouveau dirigeant qui avait alors eu connaissance de l'avenant litigieux, la SAS MT2A disposait encore de la possibilité d'agir avant la fin du délai de prescription, fixée au 26 novembre 2014, de sorte qu'elle n'était pas fondée à invoquer un empêchement à agir.

Mais la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir sauf lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription n'a pas été consacrée par la loi du 17 juin 2008. En effet, l'article 2234 du code civil, issu de cette loi a fait de l'impossibilité d'agir une cause de report ou de suspension de la prescription.

Il s'ensuit que le délai de prescription, qui n'a commencé à courir que le 21 mai 2014, n'était pas expiré lors de l'introduction de la demande par assignation du 21 avril 2017.

L'action n'est donc pas prescrite.

Sur le bien fondé de la demande d'annulation de l'avenant

Pour soutenir que l'avenant est dépourvu de cause, la SAS MT2A fait valoir qu'il prolonge la durée d'un contrat qui ne lui était pas favorable en ce que le loyer était surévalué et en ce qu'il ne lui permettait pas de bénéficier des règles protectrices des baux commerciaux tenant au droit de se maintenir dans les lieux et au bénéfice d'une indemnité d'éviction, de sorte qu'il ne présentait aucun intérêt pour elle et n'a été conclu que dans l'intérêt exclusif de la bailleresse. Elle conteste que les travaux réalisés sur la toiture, même sans augmentation du loyer en contrepartie, aient pu représenter un avantage pour elle dès lors qu'elle n'en tirait aucun intérêt. Elle prétend, au contraire, que l'opération n'a été faite que pour permettre à la SCI Chegir de financer, par les loyers reçus de la sous-locataire, l'installation de panneaux photovoltaïques source de revenus annuels de 35 570 euros.

Selon l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet.

La cause d'une obligation d'une partie découlant d'un contrat synallagmatique réside dans l'obligation à laquelle s'est engagée l'autre partie.

Indépendamment du caractère désavantageux ou non que présentait l'allongement de la durée de la sous-location dans les conditions prévues au contrat initial, il n'en reste pas moins que la SAS MT2A ne conteste pas que l'avenant au contrat de sous-location lui conférait la jouissance du bien pendant toute sa durée, ce qui constituait la contrepartie de son engagement et, par suite, sa cause.

Sa demande de nullité du contrat pour absence de cause n'est donc pas fondée.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le congé donné prématurément n'a pas produit d'effet à la date indiquée et la SAS MT2A sera déboutée de ses demandes au titre de la restitution d'un trop versé.

Sur les actions en responsabilité contre M. C. et la SCI Chegir

Subsidiairement, la SAS MT2A prétend que la responsabilité contractuelle de M. C., en tant que mandataire, est engagée à son égard pour ne pas avoir respecté les prescriptions de l'article L.227-10 du code de commerce relatives aux conventions réglementées, que celle de la SCI Chegir l'est aussi, sur le fondement de l'article 1984 du code civil, du fait des actes de son mandataire.

Sur la prescription de l'action en responsabilité contre M. C.

La SAS MT2A soutient que M. C. a engagé à son égard sa responsabilité sur le fondement des articles 1991et 1992 pour avoir conclu, en étant son président, un avenant qui contrevenait aux intérêts de la société, au bénéfice exclusif de la SCI Chegir, au mépris des statuts de la SAS MT2A et des dispositions de l'article 227-10 du code de commerce encadrant les conventions intervenues entre une société et son président pour prévenir les conflits d'intérêts.

L'article L. 227-10 du code de commerce prévoit la présentation aux associés, par le commissaire aux comptes, d'un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son président et les associés statuant sur ce rapport. Il précise que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d'en supporter les conséquences dommageables pour la société.

Toutefois, l'article L. 227-11 du même code exclut l'application du texte qui précède aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.

La SCI Chegir et M. C. soutiennent que la convention litigieuse correspond à une opération courante.

Mais s'agissant d'une opération qui prolonge un contrat de location qui plus est, excluant le bénéfice de la propriété commerciale alors que le fonds de commerce de la SAS MT2A était exploité dans les locaux loués, il ne s'agit pas d'une opération courante, c'est-à-dire accomplie de manière habituelle.

Aux termes de l'article L. 227-8 du code de commerce, les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président d'une société par actions simplifiée. Il s'agit d'un régime spécifique de responsabilité du dirigeant d'une société, qui peut être mis en oeuvre par les nouveaux dirigeants agissant au nom de la société, par les associés exerçant une action individuelle ou l'action sociale ou par des tiers.

Par suite, la prescription de l'action en responsabilité contre M. C. est régie par l'article L.225-254 du code de commerce, qui est de trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation, qu'il s'agisse d'une action sociale ou individuelle.

Le fait dommageable invoqué est la signature de l'avenant du 26 novembre 2009.

La SAS MT2A soutient que la convention a été dissimulée. Pour l'établir, elle produit le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées de l'exercice clos au 31 décembre 2009 indiquant qu'il n'avait été donné avis au commissaire aux comptes d'aucune convention réglementée soumise aux dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce ainsi qu'une attestation d'un commissaire aux comptes indiquant que dans sa mission d'audit dans le cadre de la cession des parts sociales qui a démarré le 18 novembre 2013, la convention litigieuse ne lui a pas été communiquée.

La circonstance qu'en 2013, la convention litigieuse n'a pas été transmise dans le cadre d'un audit en vue de l'évaluation des parts sociales n'en établit pas la dissimulation aux associés.

Dès lors qu'il n'est pas démontré que M. C. aurait volontairement dissimulé l'existence de cet avenant, ce que ne suffit pas à établir le non-respect des prescriptions de l'article L. 227-10 précité, la prescription était acquise le 26 novembre 2012.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'action en responsabilité contre la SCI Chégir

L'action en responsabilité à l'endroit de la SCI Chegir est soumise à la prescription quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce susceptible de courir à compter de la signature de l'avenant litigieux.

Pour les motifs exposés plus haut, la SAS MT2A a été dans l'impossibilité d'agir contre la SCI Chegir jusqu'à la date du 21 mai 2014, date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir.

L'action engagée le 21 avril 2017 n'est donc pas prescrite.

La SAS MT2A prétend que la responsabilité de la SCI Chegir est engagée, en vertu de l'article 1984 du code civil, par les actes de M. C., son mandataire, accomplis pour son unique bénéfice.

Mais, la responsabilité de la SCI Chégir ne peut être engagée pour les actes accomplis par M. C. qu'en sa qualité de mandataire de la SCI Chégir et non en sa qualité de mandataire d'une autre société. Par suite, la SCI Chégir n'est pas tenue des conséquences dommageables qu'a pu avoir pour la SAS MT2A l'avenant souscrit au nom de celle-ci par M. C. en sa qualité de dirigeant de la SAS MT2A.

A défaut de déterminer quelle faute aurait commise M. C. en sa qualité de gérant de la SCI Chégir, en accomplissant un acte qui était exclusivement dans l'intérêt de cette société, la demande d'indemnisation ne peut qu'être rejetée.

Sur la demande de la SAS MT2A au titre de la jouissance des panneaux photovoltaïques

La SAS MT2A demande la condamnation de la SCI Chegir à lui payer les revenus tirés des panneaux photovoltaïques. Elle prétend que la bailleresse se les est indûment appropriés alors qu'ils lui revenaient de droit en vertu de la convention de sous-location initiale prévoyant que la location porte sur l'entrepôt '...tels que lesdits biens existent et se comportent avec toutes leurs aisances et dépendances, sans aucune restriction ni réserve', de sorte que la sous-locataire a, sauf clause contraire, non en l'espèce justifiée, droit aux revenus tirés de l'équipement que constituent les panneaux photovoltaïques qui sont partie intégrante du bâtiment. Elle fait valoir que cette convention n'a pas été modifiée en ce point par l'avenant qui, s'il mentionne la présence des panneaux solaires, n'excluait pas que le bénéfice de leur jouissance lui revienne. Elle considère qu'en exploitant les panneaux solaires, la SCI Chegir louait deux fois le même ouvrage.

Mais, sauf stipulation en ce sens, la jouissance des lieux ne confère pas, pour le locataire, le droit aux revenus générés par un élément d'équipement posé sur l'immeuble loué.

C'est donc par des motifs pertinents que la Cour adopte, que les premiers juges ont écarté la prétention de la SAS MT2A en relevant, notamment, qu'aucune stipulation contractuelle ne permet de mettre à la charge de la bailleresse le reversement des revenus de panneaux photovoltaïques au sous-locataire, étant, en outre, constaté que l'installation de ces panneaux a été faite sans augmentation de loyer.

Sur la demande d'indemnisation d'un préjudice commercial de la SAS MT2A

Aucune responsabilité n'étant retenue contre la SCI Chegir et M. C., la demande en réparation d'un préjudice commercial ne peut qu'être rejetée.

Sur les demandes annexes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités réclamées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS MT2A, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la SCI Chegir et à M. C. la charge de leurs frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en nullité de l'avenant du 26 novembre 2009 et celle en responsabilité de la SCI Chegir ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déclare non prescrites ces actions ;

Rejette la demande d'annulation de l'avenant ;

Rejette la demande d'indemnisation formée conte la SCI Chegir ;

Ajoutant au jugement entrepris,

Rejette toutes les demandes au titre des frais exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SAS MT2A aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.