CA Bordeaux, 4e ch. civ., 29 novembre 2021, n° 19/00260
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SHOFI (SAS)
Défendeur :
Coficap Partners (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pignon
Conseillers :
Mme Fabry, Mme Goumilloux
EXPOSE DU LITIGE :
Le 1er octobre 2016, la SAS Shofi, présidée par M. Jean-Claude S., a conclu un contrat de mandat confiant les fonctions de direction générale à la SAS Coficap Partners. La rémunération mensuelle a été fixée à 9.000 euros HT, outre 1.000 euros HT au titre des frais, soit 12.000 euros TTC.
Le 5 décembre 2016, l'assemblée générale de la société Shofi a désigné la société Coficap Partners en qualité de président, en remplacement de M. S..
Le 25 avril 2017, la société Coficap Partners a rompu le contrat.
Le 11 mai 2017, la société Coficap Partners a mis en demeure la société Shofi de lui régler une créance impayée de 44.135,37 euros.
Par exploit d'huissier en date du 11 décembre 2017, la société Coficap Partners a fait assigner la société Shofi devant le tribunal de commerce de Bergerac aux fins d'obtenir le paiement de sa créance d'un montant de 44.135,37 euros.
Par jugement contradictoire du 14 décembre 2018, le tribunal de commerce de Bergerac a :
- condamné la société Shofi à payer en deniers ou quittance à la société Coficap Partners la somme de 44.135,37 euros outre intérêts de retard au taux contractuel à compter du 10 juillet 2017, date de mise en demeure,
- condamné la société Coficap Partners à payer en deniers du quittance à la société Shofi la somme de 13.569,45 euros,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- donné acte à société Coficap Partners de ce qu'elle renonce à l'instance,
- condamné la société Shofi aux dépens, dépens taxés et liquidés pour les frais de greffe à la somme de 66,70 euros.
Par déclaration du 14 janvier 2019, la société Shofi a interjeté appel de cette décision à l'encontre de l'ensemble des chefs de la décision qu'elle a expressément énumérés, intimant la société Coficap Partners.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 septembre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Shofi demande à la cour de :
- réformer la décision du tribunal de commerce,
- dire le contrat de mandat irrégulier car non autorisé et au surplus non autorisé à compter du 5 décembre 2016, contrairement aux dispositions de l'article L.227-10 du code de commerce,
- constater la dénonciation du contrat de mandat à la suite de l'assemblée générale du 15 février 2017 et l'absence de toute prestation effective justifiant une facturation depuis le 5 décembre 2016,
- déclarer la société Coficap Partners irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter,
- faire droit à sa demande reconventionnelle et condamner la société Coficap Partners à lui payer la somme de 51.496,60 euros avec intérêts à compter du 15 février 2017,
- confirmer la condamnation de la société Coficap Partners à lui rembourser la somme complémentaire de 11.307,88 euros HT soit 13.569,45 euros TTC,
- condamner la société Coficap Partners à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Coficap Partners aux entiers dépens en ce compris les frais de signification et d'exécution de la décision à intervenir.
La société Shofi fait notamment valoir qu'il appartenait à la société Coficap Partners et à son représentant légal, et non à l'ancien président, comme l'a par erreur indiqué le Tribunal, de provoquer l'approbation des associés sur le maintien de la convention signée le 19 octobre 2016, que cette convention s'inscrit incontestablement dans le cadre des conventions visées à l'article L 227-10 du Code de Commerce, et que l'abstention de la société Coficap Partners, nouvellement désignée président le 5 décembre 2016, impliquait donc nécessairement que sa désignation en tant que mandataire social se substitue au contrat de mandat commercial précédemment donné le ler octobre 2016 qui, de ce fait, tombait de lui-même.
Elle soutient que par délibération nouvelle en date du 15 février 2017 M. S. reprenait la présidence de la société SHOFI et mettait fin également au contrat de mandat de la société Coficap Partners dont il découvrait l'existence ou plus exactement la survivance en dépit de la désignation de la société Coficap Partners au poste de président le 5 décembre précédent.
Elle en conclut que la société Coficap Partners a abusé des biens de la
société SHOFI en continuant à se faire rémunérer au-delà du 5 décembre 2016 un contrat de mandat qui n'avait pas été approuvé par les associés et prétend facturer abusivement des prestations au demeurant non effectuées.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 26 juin 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Coficap Partners demande à la cour de :
- dire et juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Shofi à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Bergerac du 14 décembre 2018,
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel incident interjeté par la société Coficap Partners,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bergerac du 14 décembre 2018 en ce qu'il a condamné la société Shofi à payer à la société Coficap Partners la somme principale de 44 135,37 euros, outre intérêts de retard au taux contractuel à compter du 10 juillet 2017, date de mise en demeure, et jusqu'à parfait paiement,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a en ce qu'il a condamné la société Coficap Partners à payer à la société Shofi la somme de 13 569,45 euros,
- débouter la société Shofi de l'ensemb1e de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Shofi à payer à la société Coficap Partners une somme de 5 000 euros a titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Shofi aux entiers dépens.
La société Coficap Partners fait notamment valoir que ni l'Assemblée Générale des associés, ni M. Jean-Claude S. en sa qualité de Président jusqu'au 5 décembre 2016, ne l'ont révoquée ses fonctions de direction générale, qu'elle a dès lors, à compter de cette date, en sus de ses fonctions de direction nérale, occupé les fonctions de Président de la société SHOFI.
Elle affirme que:
- rien dans le contrat de mandat, ou dans les statuts de la Société SHOFI, ou encore dans les stipulations du procès-verbal de l'Assemblée Générale Ordinaire du 5 décembre 2016, ne justifie la résiliation du contrat qui lui a été confié, qui plus est de plein droit,
- la convention de mandat social signée entre la Société SHOFI, par la main de son Président en exercice M. Jean-Claude S., et la Société Coficap Partners, le 11 octobre 2016, ne rentrait pas dans le cadre du régime fixé par l'article L.227-10 du Code de Commerce.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2021 et le dossier a été fixé à l'audience du 25 octobre 2021.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions
déposées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il est constant que la convention de mandat social signée entre la Société SHOFI et la Société Coficap Partners, le 11 octobre 2016, ne rentrait pas dans le cadre du régime fixé par l'article L.227-10 du Code de Commerce, dès lors qu'à cette date, la société Coficap Partners n'était ni présidente, ni dirigeante, ni actionnaire disposant de plus de 10% des droits de vote de la société.
L'appelante fait valoir à tort que le contrat de mandat a été maintenu frauduleusement par la société Coficap Partners à l'issue de sa désignation en qualité de présidente lors de l'assemblée générale de la société SHOFI du 5 décembre 2016, alors que l'article 3 du contrat de mandat précise que le contrat peut être rompu par lettre recommandée avec un préavis d'un mois, sans prévoir de mécanisme de résiliation automatique, qu'au cours de l'assemblée générale, il n'a pas été statué sur le sort de la convention du 11 octobre 2016, et que la société SHOFI, à laquelle incombe la preuve de la fraude alléguée ne démontre pas que le contrat s'est poursuivi de manière frauduleuse, aucune pièce de nature à étayer cette prétention n'étant produite aux débats.
Par ailleurs, si la convention litigieuse ne peut être qualifiée d'opération courante, au regard de la nature et de l'importance des missions confiées, la fonction de président d'une société par actions simplifiée n'est pas, de fait, incompatible avec un mandat de direction générale de ladite société.
Enfin, les conventions conclues entre une SAS et ses dirigeants relèvent des dispositions particulières de l'article L. 227-10 du même code, lesquelles ne les soumettent pas à une autorisation préalable, mais seulement à une approbation a posteriori par les associés sur le rapport du commissaire aux comptes, ainsi que le rapplle d'ailleurs l'article 15 des statuits de la société.
En outre, il résulte de ce texte que les conventions réglementées non approuvées ne sont pas nulles, mais donnent seulement lieu à réparation en cas de conséquences dommageables pour la société.
En l'espèce, la société SHOFI, qui ne verse aux débats aucune pièce pour en justifier, prétend à tort que la poursuite de la convention n'a donné lieu à aucune prestation réelle de la part de la société Coficap Partners, alors que les fonctions exercées par la société Coficap Partners en tant que président nouvellement désigné étaient complémentaires de celles exercées dans le cadre du mandat de direction générale, les missions du prestataire de services ne se confondant pas avec celles du président de la société.
Pour l'ensemble de ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, il convient de considérer que le mandat doit être rémunéré de sa signature du contrat le ler octobre 2016 jusqu'à sa fin le 25 mai 2017.
Par ailleurs, ainsi que l'ont justement apprécié les premiers juges, il n'est pas justifié que le mandant a été sollicité pour donner son accord à des frais à titre extraordinaire, la société Coficap Partners n'ayant pas fourni à la société SHOFI les justificatifs sollicités, pas plus qu'elle ne les produit devant la cour, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement à la société SHOFI de la somme de 13.569,45 euros.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la société SHOFI.
Il est équitable d'allouer à la société Coficap Partners la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, que la société SHOFI sera condamnée à lui payer.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de BERGERAC en date du 14 décembre 2018 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS SHOFI à payer à la SAS Coficap Partners la somme de 2.500 euros en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS SHOFI aux entiers dépens.