CA Metz, 5 décembre 2019, n° 17/01857
METZ
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
GL Investissements (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flores
Conseiller :
Mme Devignot
EXPOSE DU LITIGE
La SAS GL Investissements dont les statuts ont été établis le 3 juin 2004 a été créée par M. Patrick G. qui a été nommé directeur général de la société et par M. Philippe L., nommé président.
Le 13 septembre 2004, la SAS GL Investissements a confié à la société Gesim, représentée par M. Patrick G., deux mandats de gestion immobilière concernant deux immeubles lui appartenant situés à Valence et Corbeil-Essonnes, ces mandats ayant donné lieu à la facturation d'honoraires à hauteur de 69.008 euros HT.
Le 18 juillet 2006, la SAS GL Investissements a donné mandat à la société Gesim de renégocier le bail de l'immeuble situé à Valence, moyennant une commission d'un montant de 104.636,92 euros.
Le 25 juin 2007, la SAS GL Investissements a donné mandat à la société Gesim de procéder à tout audit ou tout autre diligence préparatoire à la cession des immeubles, moyennant des honoraires d'un montant de 258.336 euros.
Le 11 juillet 2007, la SAS GL Investissements a donné mandat à M. G. de recouvrir, auprès de la SCI Ersa et des consorts K., une somme de 300.000 euros, moyennant une rémunération de 80.000 euros.
Les deux immeubles intégrés à l'actif de la SAS GL Investissements ont été cédés le 14 septembre 2007.
Le 24 janvier 2008, l'assemblée générale de la SAS GL Investissements a décidé de dissoudre la société et a ultérieurement nommé M. R. et M. D. en qualité de liquidateurs amiables.
Par acte d'huissier en date du 09 septembre 2009, la SAS GL Investissements, prise en la personne de ses liquidateurs amiables, a fait assigner M. G. devant le tribunal de commerce de Nancy aux fins de solliciter la condamnation de ce dernier à réparer son préjudice résultant des fautes commises par celui-ci dans le cadre des différents mandats qui lui avaient été confiés.
Dans le cadre de cette procédure, M. G. a fait assigner M. L. en intervention forcée afin qu'il soit condamné à le garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre.
Par jugement en date du 16 décembre 2013, le tribunal de commerce de Nancy a :
dit que les demandes de la SAS GL Investissements à l'encontre de M. G. n'étaient pas prescrites, étaient recevables et partiellement fondées
- dit que l'exception de litispendance soulevée par M. G. n'était pas fondée
- déclaré M. Patrick G. mal fondé en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SAS GL Investissements
- l'en a débouté
- dit que M. Patrick G. avait commis à l'occasion de ses fonctions de directeur général de la SAS GL Investissements des fautes qui engageaient sa responsabilité et l'obligeaient à réparer le préjudice subi par cette dernière
- condamné M. Patrick G. à payer à la SAS GL Investissements la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du mandat de recouvrement qui lui avait été confié le 11 juillet 2007
- condamné M. Patrick G. à payer à la SAS GL Investissements la somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du mandat préparatoire à la cession des immeubles sociaux confié le 25 juin 2007 à la société Gesim, dirigée par M. Patrick G.
- dit qu'il y avait lieu de déduire de cette somme de 120.000 euros, le montant des condamnations que la SAS GL Investissements avait pu obtenir dans le cadre de son action intentée contre la SARL Gesim aux fins de remboursement des sommes versées à cette dernière au titre du mandat préparatoire à la cession des immeubles sociaux du 25 juin 2007
- déclaré la SAS GL Investissements mal fondée pour le surplus de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. Patrick G.
- l'en a débouté
- débouté M. Patrick G. de son appel en garantie formé contre M. L.
- condamné M. Patrick G. à payer à la SAS GL Investissements la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. Patrick G. aux dépens du jugement
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. G. a interjeté appel de cette décision pour l'intégralité de ses dispositions par déclaration d'appel du 3 février 2014. M. L. régulièrement assigné n'a pas constitué avocat.
Par arrêt rendu par défaut en date du 07 janvier 2015, la cour d'appel de Nancy, chambre commerciale, a :
- infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf :
en ce qu'il a déclaré les demandes de la SAS GL Investissements recevables
* en ce qu'il a condamné M. Patrick G. à verser à la SAS GL Investissements la somme de 80.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du mandat de recouvrement confié le 11 juillet 2007, outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance
* en ce qu'il a débouté la SAS GL Investissements de sa demande de condamnation du chef du mandat confié le 18 juillet 2006
statuant à nouveau et y ajoutant,
- débouté la SAS GL Investissements de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 258.336 euros au titre du mandat confié le 25 juin 2007
- condamné M. G. à verser à la SAS GL Investissements la somme de 82.533,57 euros TTC du chef des mandats de gestion immobilière du 13 septembre 2004 avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt
- condamné M. G. à verser à la SAS GL Investissements la somme de 5.000.000 euros en indemnisation du gain manqué lors de la cession des immeubles sociaux du 14 septembre 2007, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil
déclaré la SAS GL Investissements aujourd'hui irrecevable en sa demande d'indemnisation du chef de l'avis de mise en recouvrement délivré le 20 janvier 2012 par l'administration fiscale
- condamné M. L. à garantir M. G. de toutes les condamnations prononcées contre lui à hauteur de la moitié
- condamné M. Patrick G. aux entiers dépens d'appel
- condamné M. Patrick G. à verser à la SAS GL Investissements une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par arrêt en date du 26 avril 2017, la Cour de cassation, chambre commerciale, a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a condamné M. G. à payer à la SAS GL Investissements la somme de 82.533,57 euros du chef des mandats de gestion immobilière du 13 septembre 2004 ; remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ; les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz et a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.
La Cour de cassation a relevé que la cour d'appel avait fixé le point de départ de la prescription triennale au jour auquel les mandats en cause avait été portés à la connaissance des associés de la SAS GL Investissements, sans constater que l'existence de ces mandat avait été dissimulée, de sorte qu'elle avait privé sa décision de base légale.
Par acte déposé le 29 juin 2017, la SAS GL Investissements a saisi la cour d'appel de Metz aux fins de reprise d'instance après cassation.
La SAS GL Investissements demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 16 décembre 2013 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur la faute de gestion de M. G. lors de la signature de mandats de gestion immobilière le 13 septembre 2004
- dire et juger que M. G. a commis une faute de gestion en signant lesdits mandats le 13 septembre 2004
- condamner en conséquence M. G. à lui payer la somme de 82.533,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2007
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil
- condamner M. G. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- le condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.
Elle affirme que les deux mandats de gestion immobilière litigieux ont été dissimulés aux associés qui la composent et ont été établis en violation de l'article 22 des statuts et de l'article L.227-10 du code de commerce dans la mesure où ils n'ont pas été transmis dans les délais prévus au commissaire aux comptes qui n'a ainsi pas pu établir son rapport et le soumettre au vote des associés. Elle précise que les associés n'ont eu connaissance de ces mandats et du rapport du commissaire aux comptes qu'au jour de la consultation initiée le 30 novembre 2006, alors qu'ils avaient été signés le 13 septembre 2004 et qu'ils auraient dû en être informés dans le courant de l'année 2005 voire lors de l'assemblée générale qui s'est tenue en juin 2006.
Elle souligne que les mandats litigieux ne laissent pas apparaître le nom de M. G. comme représentant légal de la société Gesim. Elle en déduit, sur le fondement de l'article L 225-254 du code de commerce qu'il est ainsi démontré la volonté de celui-ci de ne pas y figurer et de dissimuler le fait qu'il était indirectement bénéficiaire des mandats. Elle estime dès lors que le point de départ de la prescription triennale court à compter de la révélation aux associés de l'existence des deux mandats et du fait que M. G. était le gérant de la société Gesim, soit lors de la consultation du 30 novembre 2006. Elle en déduit que l'action engagée le 9 septembre 2009 n'est pas prescrite.
Elle ajoute par ailleurs que M. G. a commis une faute de gestion puisqu'il a conclu ces deux mandats dans le but de favoriser la société Gesim dont il était gérant à son préjudice, en se déchargeant des fonctions de directeur général lui incombant statutairement et pour lesquelles il était rémunéré, de sorte qu'il percevait une double rémunération pour les mêmes attributions. Elle estime que le jugement entrepris doit être infirmé et que M. G. doit être condamné à lui payer la somme de 82.533,57 euros.
Au visa des articles 63 à 70, et 122 du code de procédure civile, L227-10 et L225-254 du code de commerce, M. G. demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 16 décembre 2013 en ce qu'il a débouté la SAS GL Investissements de ses demandes visant à le voir condamné à lui verser la somme de 82.533,57 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des mandats de gestion immobilière confiés le 13 septembre 2004 à la société Gesim
- déclarer les demandes de la SAS GL Investissements irrecevables, prescrites et mal fondées
- constater en outre que la convention litigieuse a été approuvée
- dire et juger en toute hypothèse que les fautes de gestion qu'il aurait commises ne sont nullement rapportées, tout comme l'existence d'un éventuel préjudice de la SAS GL Investissements
- en conséquence, débouter la SAS GL Investissements de l'intégralité de ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires
- condamner la SAS GL Investissements représentée par son liquidateur aux entiers frais et dépens ainsi qu'à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il indique en premier lieu que la demande formée par la SAS GL Investissements au titre de dommages et intérêts à hauteur de 82.533,57 euros n'a été formulée pour la première fois que par conclusions déposées à l'audience du 31 janvier 2011. Il souligne que l'existence des mandats avait été déjà mentionnée dans le procès-verbal du 19 juin 2006 mais que leur adoption avait été reportée à une consultation ultérieure celle du 30 novembre 2006. Il soutient qu'en tout état de cause, l'action était prescrite au plus tard le 30 novembre 2009. Il en déduit que la demande n'a pas été formée avant cette date mais seulement le 31 janvier 2011 et qu'elle est donc prescrite.
Il soutient en second lieu que le délai de prescription triennale court en principe dès la conclusion de la convention, soit en l'espèce dès le 13 septembre 2004 en l'absence de dissimulation et que le délai de prescription est ainsi expiré depuis le 13 septembre 2007.
Il conteste par ailleurs le fait qu'il y ait eu dissimulation. Il expose à ce titre que dans une société par actions simplifiée, les conventions réglementées sont contrôlées postérieurement à leur signature selon l'article L227-10 du code de commerce, de sorte qu'il ne saurait y avoir dissimulation par le seul fait de ne pas avoir porté à la connaissance des associés l'existence de la convention. Il ajoute que la convention litigieuse a été adoptée avec l'accord du président de la SAS GL Investissements. Il souligne en outre qu'en application des statuts il appartenait au seul président de la société et non à lui-même de transmettre les mandats au commissaire aux comptes de la société et que la société n'a jamais reproché cette faute au président.
Il rappelle par ailleurs que la convention litigieuse a fait l'objet d'un rapport du commissaire aux comptes et a été approuvée par l'assemblée générale du 30 novembre 2006, il en déduit, au regard de l'article L227-10 du code de commerce dans sa version issue de la loi du 1er août 2003 que sa responsabilité ne peut être recherchée et qu'il n'y a pas de recours possible.
Enfin, il soutient qu'aucun préjudice n'est établi en soulignant qu'il n'est pas démontré que la convention aurait fait double emploi avec les fonctions de directeur général. Il ajoute que c'est en raison des compétences et des garanties de la société Gesim que la gestion des deux immeubles lui a été confiée, et observe que les immeubles ainsi gérés ont été revendus trois années après leur acquisition avec une plus-value de 10%, ce qui justifiait le versement d'une rémunération. Il précise que la SAS GL Investissements ne pouvait, faute de personnel adequat, prendre directement en charge la gestion effective des immeubles, et que la gestion ainsi confiée s'inscrivait dans une démarche de répartition des tâches, dans l'intérêt et l'objet social de la société. Il indique enfin que la SAS GL Investissements ne démontre pas que les conventions auraient été souscrites dans des conditions anormales.
MOTIFS DE LA DECISION :
Vu les écritures déposées le 29 août 2017 par la SAS GL Investissements et le 26 octobre 2017 par M. G. auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 février 2019 ;
Attendu qu'il sera constaté préalablement que la cour n'est saisie, au regard de l'arrêt de la cour de cassation, que de l'examen de la recevabilité et du bien-fondé de la demande formée par la SAS GL Investissements contre M. G. au titre des mandats de gestion immobilière du 13 septembre 2004;
Sur la prescription
Attendu que l'article L 225-254 du code de commerce dispose que «l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation»;
Attendu que le fait dommageable invoqué par la SAS GL Investissements à l'appui de son action en responsabilité est constitué par les deux mandats de gestion (n°472 et n°473) qu'elle a consentis à la SARL Gesim le 13 septembre 2004' alors que cette dernière avait pour gérant M. G., qui était également directeur général de la SAS GL Investissements ;
Or, attendu qu'il résulte de l'examen de ces deux mandats qu'il n'est pas précisé l'identité du gérant de la société Gesim, ni celle de la personne physique ayant signé chacun des mandats ni sa qualité' ; que les signatures et les paraphes qui sont apposés sur chacun des mandats sont illisibles ;
Qu'ainsi la lecture de ces mandats ne permet pas de constater que M. G. est le gérant de la SARL Gesim ; que l'absence de cette mention, alors que les mandats indiquent au contraire que la SAS GL Investissements est représentée par son Président, M. L., démontrent l'intention de dissimuler l'identité du gérant de la SARL Gesim' ; que cette dissimulation du fait dommageable entraîne ainsi le report du point de départ du délai de prescription de trois ans au jour de sa révélation aux associés' ;
Attendu que, contrairement aux affirmations de M. G., le procès-verbal de l'assemblée générale en date du 19 juin 2006 ne permet pas d'établir que les associés ont eu connaissance à cette date des mandats confiés à la SARL Gesim le 13 septembre 2004 ;
Qu'en effet, si l'ordre du jour prévoyait un rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions visées à l'article L 227-10 du code de commerce, il n'est pas précisé à ce stade quelles étaient précisément les conventions visées' ; qu'en outre, la deuxième résolution devant être soumise au vote lors de cette assemblée générale mentionnait plusieurs conventions dont l'une indiquait «' au titre du mandat de gestion des immeubles de la société, la société Gesim dont le gérant est M. Patrick G., a perçu des honoraires sur les montants encaissés pour un montant de 69.008 euros sur l'exercice clos 2004/2005»' ; qu'il ne peut être déduit avec certitude de cette mention non seulement qu'il s'agissait bien des deux mandats consentis le 13 septembre 2004 mais aussi que ces mandats avaient été portés à la connaissance des associés et que ces derniers avaient pu en lire le contenu ;
Qu'au contraire, il sera relevé que l'ensemble des dispositions relatives à la deuxième résolution a été barré et qu'il a été écrit de manière manuscrite « l'assemblée générale, après entendu les explications du président et du commissaire aux comptes décide que l'approbation des conventions visées à l'article L 227-10 du code de commerce fera (...) »' ; que le reste du texte n'a pas été reproduit sur l'exemplaire versé aux débats ; qu'il n'est donc pas établi que les associés ont pu prendre connaissance le 19 juin 2006 des mandats confiés le 13 septembre 2004 avec leur objet détaillé ainsi que les honoraires prévus ni qu'ils ont eu connaissance que M. G. était le gérant de la SARL Gesim' ;
Attendu en revanche que la SAS GL Investissements reconnaît dans ses conclusions (pages 6 et 7) avoir pris connaissance de ces mandats, du rapport du commissaire aux comptes et du fait que M. G. était le gérant de la SARL Gesim lors de la consultation écrite du 30 novembre 2006 reprise par le «' procès-verbal des décisions du président en date du 15 janvier 2017 constatant le résultat de la consultation écrite adressée par le président le 30 novembre 2006 » versé aux débats' ;
Qu'en l'absence d'élément permettant d'établir que les associés avaient eu connaissance de ces éléments antérieurement' il convient de considérer que le fait dommageable a été révélé aux associés'à cette date ; qu'il constitue ainsi le point de départ du délai de prescription de trois ans prévu par l'article L 225-254 du code de commerce ;
Attendu que selon les dispositions de l'article 2241 du code civil « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure »' ;
Qu'en application de l'article 2242 du même code, l'interruption de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance' ;
Que pour interrompre la prescription, il faut qu'au moins implicitement la demande renferme une prétention incompatible avec la prescription commencée' ; qu'elle doit être telle que son admission consacrerait la créance du demandeur' ;
Attendu, par ailleurs, que si l'article 56 du code de procédure civile dispose que l'assignation doit contenir à peine de nullité «' l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit», l'objet de la demande pouvant être formulé dans les motifs des conclusions sans être repris dans leur dispositif' ;
Or, attendu que dans son assignation en date du 9 septembre 2009, la SAS GL Investissements a fait attraire M. G. devant le tribunal de commerce de Nancy en exposant que «' la responsabilité civile de ce dernier [devait] être engagée au regard des fautes commises par lui dans le cadre de la mission qui lui était confiée en qualité de directeur général de ladite société » ; qu'il est ensuite exposé dans un paragraphe « sur les fautes de gestion » les fautes invoquées au titre « des mandats de gestion immobilière confiés à la société Gesim le 13 septembre 2004 » avec le détail des fautes reprochées au titre de ces deux mandats sur une page entière du document, ce paragraphe se concluant par : « ces fautes sont de nature à engager la responsabilité civile de M. G. en sa qualité d'ancien dirigeant de la SAS GL Investissements pour le préjudice causé à cette dernière, préjudice constitué par le paiement de prestations sans objet »' ;
Que s'il est vrai que dans le dispositif de l'assignation, il n'est pas formé de demande de condamnation au paiement de dommages-intérêts au titre des mandats susvisés, il convient cependant de considérer qu'il y a bien eu une demande en justice formée contre M. G. dont l'objet est la mise en cause de la responsabilité de ce dernier en qualité de dirigeant au titre des deux mandats consentis le 13 septembre 2004 et la réparation du préjudice financier subi par la SAS GL Investissements' à ce titre ; que cette demande, suffisamment précise, a interrompu le délai de prescription qui s'achevait le 30 novembre 2009, étant précisé qu'une demande en justice non chiffrée n'est pas de ce seul fait irrecevable ;
Que les conclusions du 31 janvier 2011 de la SAS GL Investissements par lesquelles cette dernière a sollicité la condamnation de M. G. à lui payer «la somme de 82.553,57 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du faits des mandats de gestion immobilière confiés le 13 septembre 2004» doivent être considérées comme venant compléter et chiffrer la demande en justice déjà formée le 9 septembre 2009' ;
Qu'au surplus, il convient de rappeler qu'à la date de délivrance de l'assignation, l'article 446-2 du code de procédure civile qui dispose que le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions n'était pas applicable puisque cette exigence découle du décret n°2017-892 du 6 mai 2017' ;
Qu'en conséquence, la demande formée par la SAS GL Investissements n'est pas prescrite ;
Que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande formée par la SAS GL Investissements contre M. G. au titre des mandats susvisés ;
Sur le fond
Attendu qu'à l'appui de son action en responsabilité contre M. G., la SAS GL Investissements invoque les dispositions de l'article 22 des statuts de la SAS GL Investissements et de l'article L 227-10 du code de commerce' ;
Que l'article 22 des statuts stipule que «les conventions conclues directement ou par personne interposée entre la société et son président ou ses autres dirigeants, ou l'un des associés disposant de plus de 10% des droits de vote, ou s'il s'agit d'une société d'associé de la société la contrôlant, doivent être soumises au contrôle des associés de la SAS (article L227-10 du code de commerce). Le Président doit aviser les commissaires aux comptes desdites conventions dans un délai d'un mois à compter de la conclusion de ces conventions. Le commissaire aux comptes établit et présente à la collectivité des associés un rapport sur ces conventions (article L227-10 al 1 du code de commerce); les associés statuent chaque année sur ce rapport, l'associé intéressé ne participant pas au vote. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux conventions portant sur les opérations courantes de la société et conclues à des conditions normales, mais seront toutefois portées à la connaissance du commissaire aux comptes. Tout associé a le droit d'en obtenir communication »' ;
Qu'il sera observé qu'en soumettant les mandats consentis le 13 septembre 2004 à la consultation des associés après rapport du commissaire aux comptes, M. G. et M. L. ont reconnu ainsi que ces mandats ne portaient pas sur des opérations courantes et relevaient des dispositions susvisées ;
Que l'article L227-10 du code de commerce auquel les statuts se réfèrent dispose que « le commissaire aux comptes ou s'il n'en a pas été désigné, le président de la société présente aux associés un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son président, l'un de ses dirigeants, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction de ses droits supérieure à 10% ('). Les associés statuent sur ce rapport. »
Que cet article précise ensuite «' les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d'en supporter les conséquences dommageables pour la société »' ;
Qu'il faut ainsi en déduire a contrario que le dirigeant ne peut être poursuivi pour les préjudices subis par la société au titre des conventions ainsi réglementées que si ces dernières n'ont pas été approuvées ;
Or, s'il est justifié en l'espèce que les mandats consentis à la SARL Gesim le 13 septembre 2004 n'ont été soumis au contrôle des associés que tardivement puisque ces derniers n'ont pas été consultés dans l'année suivante comme le prévoyaient les statuts, mais seulement le 30 novembre 2006, il convient cependant de constater que ces deux mandats ont été approuvés à l'unanimité par les associés lors de la consultation écrite du 30 novembre 2006' ;
Qu'en outre, il est établi par les déclarations de la SAS GL Investissements dans ses conclusions, ainsi que par le procès-verbal des décisions du président en date du 15 janvier 2007, qu'avaient alors été transmis aux associés : le rapport du commissaire aux comptes sur ces mandats, les mandats eux-mêmes, ce qui leur permettait ainsi d'examiner leur objet ainsi que le montant des honoraires alloués à la société Gesim au titre de chaque mandat, étant ajouté que les associés savaient à cette date, comme le reconnaît la SAS GL Investissements dans ses conclusions, que M. G. était le gérant de la SARL Gesim ;
Que c'est ainsi en parfaite connaissance de cause de tous ces éléments que les associés ont approuvé les mandats confiés le 13 septembre 2004;
Que dès lors, au regard de l'article L 227-10 du code de commerce et de l'approbation des associés, aucune action en responsabilité ne peut être engagée par la SAS GL Investissements contre M. G. pour le préjudice subi du fait de ces mandats' ;
Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS GL Investissements de sa demande en paiement de la somme de 82.533,57 euros de dommages-intérêts formée contre M. G. en réparation du préjudice subi du fait des mandats de gestion immobilière confiés le 13 septembre 2004 à la SARL Gesim ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu qu'au regard de l'équité, il convient de condamner la SAS GL Investissements à payer à M. G. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile' et de débouter l'appelante de sa demande formée à ce titre ;
Attendu que la SAS GL Investissements qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONSTATE que la cour n'est saisie que de l'examen de la recevabilité et du bien-fondé de la demande formée par la SAS GL Investissements contre M. G. au titre des mandats de gestion immobilière du 13 septembre 2004
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 16 décembre 2013 en ce qu'il a' :
- déclaré la demande formée par la SAS GL Investissements contre M. G. au titre des mandats confiés à la SARL Gesim le 13 septembre 2004 recevable' ;
- débouté la SAS GL Investissements de sa demande en paiement de la somme de 82.533,57 euros de dommages-intérêts formée contre M. G. en réparation du préjudice subi du fait des mandats de gestion immobilière confiés le 13 septembre 2004 à la SARL Gesim' ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS GL Investissements à payer à M. G. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SAS GL Investissements de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS GL Investissements aux entiers dépens de première instance et d'appel.