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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 14 octobre 2021, n° 20/00955

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Technibat (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

TJ Douai, du 29 janv. 2020, n° 19/00235

29 janvier 2020

Exposé du litige

MM V., V. et T. ont fondé, selon statuts du 29 décembre 2017, la Sas Technibat ayant notamment pour activité la construction, l'entretien et la rénovation de bâtiments.

M.T. a été désigné président de la dite société.

Au cours de la période de constitution de la société, M.T. a été contacté, début janvier 2018, par des clients, M et Mme D., afin de confier à la société nouvellement créée, des travaux de rénovation de leur maison.

Ces derniers ont libellé un chèque de 10 000 euros à titre d'acompte en faveur de M.T., que celui-ci a encaissé sur son compte personnel au motif que la société ne disposait pas encore de compte bancaire.

La société a été immatriculée le 23 janvier 2018.

Les époux D. ont finalement renoncé aux travaux qu'ils souhaitaient effectuer et sollicité le remboursement de leur acompte.

Aux termes d'un protocole transactionnel conclut entre M T., la société, et les époux D., la société Technibat a restitué aux époux D. la somme de 10 000 euros.

M.T. a démissionné de sa fonction de président de la société Technibat et M.V. a été désigné président de la société.

Au motif qu'à la révision des comptes suite au départ de M.T., celui ci a laissé un compte courant débiteur de 14 584,33 euros, la société Technibat a mis en demeure M.T. de rembourser cette somme suivant lettre recommandée du 5 septembre 2019.

Cette mise en demeure étant restée vaine, la société Technibat a assigné M T. devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Douai pour obtenir sa condamnation provisionnelle au paiement de cette somme.

Suivant jugement du 2 septembre 2019, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Technibat.

Par jugement du 4 décembre 2019, il a prononcé sa liquidation judiciaire, Maître M. étant désigné mandataire liquidateur.

Suivant ordonnance du 29 janvier 2020, le juge des référes du tribunal judiciaire de Douai a :

- Déclarée recevable l'intervention volontaire de Maître M. en qualité de mandataire judiciaire de la société,

- Condamné M.T. à payer, à titre provisionnel, à la société Technibat, la somme de 14 500 euros à valoir sur la dette de M.T. à l'égard de la société, représentée par Maître Emmanuel M. en qualité de mandataire judiciaire,

- Condamné M T. à payer à la société Technibat la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la dite société représentée par Maître Emmanuel M. en qualité de mandataire judiciaire,

- Rejeté la demande de Maître M. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Rejeté la demande de M T. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamné M T. aux dépens.

Suivant déclaration du 17 février 2020, M T. a relevé appel de cette décision.

Suivant conclusions signifiées le 11 mai 2020, il demande à la cour de :

Vu l'article 809 al 2 du CPC,

Vu les faits et pièces de la cause,

- DIRE ET JUGER que les demandes de la SARL TECHNIBAT sont affectées d'une contestation sérieuse,

- REFORMER l'ordonnance du 29 janvier 2020 en toutes ses dispositions,

En conséquence, et statuant à nouveau,

- DEBOUTER la SARL TECHNIBAT de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER la SARL TECHNIBAT à régler à M. T. la somme de 3.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC en première instance et 5000 ' en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant conclusions signifiées le 21 août 2020, Maître Emmanuel M., ès-qualités de liquidateur de la société Technibat, et la société Technibat demandent à la cour de :

Donner acte à Maître M.,ès-qualités, de son intervention volontaire en appel,

Vu l'article 809 du Code de procédure civile,

Vu les articles L.225-43 et L. 227-12 du Code de commerce,

Vu l'article L 641-9 du Code de commerce

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf à dire que les condamnations prononcées par le premier juge profitent au concluant,

Y ajoutant,

Condamner l'appelant à payer au concluant la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

SUR CE,

Il résulte de l'ancien article 809 du code de procédure civile et de l'article 835 du procédure civile tel qu'issu de la rédaction du décret du 11 décembre 2019, que le président du tribunal judiciaire, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, et que dans les cas ou l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il résulte par ailleurs de l'article L 225-43 du Code de commerce, applicable aux sociétés anonymes, qu'à peine de nullité du contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers (...).

La même interdiction s'applique au directeur général, aux directeurs généraux délégués et aux représentants permanents des personnes morales administrateurs.

L'article L 227-12 du Code de commerce prévoit que les interdictions ci dessus s'appliquent, dans les conditions déterminées par ce texte, au président et aux dirigeants d'une société par action simplifiée.

Ainsi, il est interdit au président d'une société par action simplifiée de se faire consentir un découvert en compte courant d'associé et la société est bien fondée à en réclamer la restitution, fût-ce en référé, lorsque la créance n'est pas sérieusement contestable.

Au soutien de son appel, M T. fait valoir que la demande de la société se heurte à une contestation sérieuse.

Il souligne que le protocole d'accord, signé avec les époux D. ne peut servir de fondement à la moindre condamnation dès lors que sa signature y a été imitée et qu'il a porté plainte de ce chef.

Il ajoute que :

- l'extrait de son compte, que lui a envoyé l'expert comptable, ne mentionne pas l'existence du chèque de 10 000 euros,

- le grand livre des comptes généraux, fait mention de diverses dépenses qui ont été effectuées pour le compte de la société et non pour son compte personnel.

Les intimés versent aux débats (pièce n°3) un document intitulé 'protocole transactionnel' conclut le 13 avril 2018 entre la société Technibat et M T. d'une part, et M Michel D. et Mme Christine D. d'autre part.

Cet accord indique :

- en son article 3, que les époux D. ne souhaitent plus contracter avec la société Technibat pour réaliser leurs travaux de rénovation et qu'ils sollicitent la restitution de l'acompte de 10 000 euros qu'ils ont versé,

- en son article 4, qu'ils renoncent à tout recours et qu'en contrepartie M.T. et la société Technibat s'engagent à annuler la commande de travaux et à leur restituer la somme de 10 000 euros,

Le document est signé en page 4 des époux D. et de M.T. tant en son nom personnel qu'en qualité de dirigeant de la société Technibat.

Il est accompagné d'un chèque du CIC Nord Ouest, d'un montant de 10 000 euros qui mentionne avoir été émis par la société Technibat en faveur de M et Mme D..

M.T. verse pour sa part aux débats, un procès-verbal de dépôt de plainte auprès du commissariat de police de Lens du 8 novembre 2019 dans lequel il indique :

- qu'il a reçu un courrier d'huissier qui lui réclame la somme de 14 000 euros, que cette somme comprend, le remboursement à un client qui avait annulé sa commande pour 10 000 euros, et 4000 euros pour des prestations de fonctionnement,

- que le dit courrier, est accompagné des statuts de la société Technibat et d'un protocole transactionnel dont les paraphes ne sont pas les siens et les signatures ne sont pas les siennes,

- qu'il n'a jamais signé le dit document de sorte qu'il porte plainte contre la société Technibat pour faux et usage de faux.

Il verse un autre procès verbal du 7 février 2020, dans lequel il indique effectuer un complément de plainte concernant celle qu'il a déposé en fin d'année 2019, et qu'il remet 'copie du chèque avec imitation de ma signature, chèque que je n'ai jamais fais moi même.'

Même si le protocole d'accord auquel fait référence M T. dans son dépôt de plainte, sans que soit toutefois précisé ni sa date ni le nom des personnes concernées par le dit protocole, semble faire référence à celui qui a été conclu avec M et Mme D., l'appelant ne précise nullement quelle suite a été donnée à sa plainte.

Par ailleurs la plainte complémentaire du 7 février 2020, ne permet nullement de déterminer quel est le chèque argué de faux.

L'examen des différentes signatures apposées sur les divers documents versés aux débats (statuts de la société, délibération de la Sas Technibat du 24 juillet 2018, protocole d'accord, chèque de 10 000 euros de remboursement aux époux D., procès-verbaux de dépôt de plaintes auprès de la police) ne fait pas apparaître des exemplaires de signatures distinctes sous la mention du nom de M T..

Ainsi, au vu de ces éléments, et notamment de l'examen des différentes signatures apposées, l'allégation de faux par imitation de signature ne constitue pas une contestation sérieuse.

Les intimés versent également aux débats, un extrait des grands livres des comptes généraux du 24 janvier 2018 au 30 décembre 2018, lequel mentionne à la date du 19 avril 2014 le chèque effectué par la société aux époux D., et fait apparaitre que M.T. est débiteur de la société, au 18 septembre 2019, à hauteur de 14 584,33 euros, le reliquat de 4 584,33 euros correspondant à divers prélèvement effectués par M.T. sur le compte courant de la société.

Ils versent en outre une attestation de M Pierre D., expert comptable membre de la société d'expertise comptable Comptartois, en charge de la comptabilité de la société Technibat, selon laquelle 'M Mathieu T. reste devoir à la dite société 14 584,33 euros dont 10 000 euros proviennent d'un remboursement effectué par la société au client D..'

C'est de manière inopérante que M.T., pour contester la somme qui lui est réclamée, invoque le fait que le décompte qu'il a obtenu de M.D. ne fait pas référence au paiement de la somme de 10 000 euros, alors que l'extrait du compte qu'il verse est, selon le message d'accompagnement de l'expert comptable, à jour des éléments au 31 mai 2018, après qu'il rappelle qu'il lui manque deux relevés bancaires ainsi que les pièces comptables justifiant les mouvements qui y sont attachés, tandis que l'attestation de l'expert comptable et le relevé des grands livres des comptes généraux sont issus des comptes sociaux de l'année 2018 approuvés le 15 mars 2019.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la créance de la société Technibat n'est pas sérieusement contestable de sorte qu'il convient de confirmer l'ordonnance dont appel, sauf à préciser que M.T. doit être condamné à payer la somme de 14 584,33 euros à la société Technibat représentée par Maître M. en sa qualité de liquidateur de la société Technibat.

Le sens de l'arrêt conduit la cour à confirmer l'ordonnance en ses dispositions relatives aux dépens et à la charge des frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, à condamner M.T. à payer à la société Technibat représentée par Maître M., ès-qualités, la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- Confirme la décision en toutes ses dispositions sauf à dire que la société Technibat est représentée par Maître Emmanuel M. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Technibat ;

Y ajoutant,

- Condamne M.T. à payer à la société Technibat représentée par Maître Emmanuel M. en sa qualité de liquidateur, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Le condamne aux dépens d'appel.