Livv
Décisions

CJUE, 5e ch., 14 septembre 2023, n° C-508/21 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Annulation

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne, Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG), Dansk Erhverv

Défendeur :

Danmarks Naturfredningsforening, République fédérale d’Allemagne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Regan

Juges :

M. Gratsias, M. Ilešič, M. Jarukaitis, M. Csehi (rapporteur)

Avocat général :

M. Collins

Avocats :

Me Bauer, Me von Hammerstein, Me Mygind, Me Peytz, Me Peytz

CJUE n° C-508/21 P

13 septembre 2023

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par leurs pourvois respectifs, la Commission européenne et Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG), une association représentant les intérêts des commerces frontaliers du nord de la République fédérale d’Allemagne, demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 juin 2021, Dansk Erhverv/Commission (T 47/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:331), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2018) 6315 final de la Commission, du 4 octobre 2018, concernant l’aide d’État SA.44865 (2016/FC) – Allemagne – Aide alléguée en faveur de magasins de boissons situés à la frontière allemande (ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 94/62/CE

2 L’article 7 de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO 1994, L 365, p. 10), telle que modifiée par la directive 2015/720/UE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2015 (JO 2015, L 115, p. 11) (ci-après la « directive 94/62 »), intitulé « Systèmes de reprise, de collecte et de valorisation », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient instaurés des systèmes assurant :

a) la reprise et/ou la collecte des emballages utilisés et/ou des déchets d’emballages provenant du consommateur, de tout autre utilisateur final ou du flux de déchets, en vue de les diriger vers les solutions de gestion des déchets les plus appropriées ;

b) la réutilisation ou la valorisation, y compris le recyclage, des emballages et/ou des déchets d’emballages collectés, afin d’atteindre les objectifs de la présente directive.

Ces systèmes sont ouverts à la participation des acteurs économiques des secteurs concernés et à la participation des autorités publiques compétentes. Ils s’appliquent également aux produits importés, de manière non discriminatoire, y compris en ce qui concerne les modalités prévues et les tarifs éventuellement imposés pour l’accès aux systèmes, et doivent être conçus de manière à éviter des entraves aux échanges ou des distorsions de concurrence, conformément au traité [FUE]. »

La directive 2008/98/CE

3 La directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), définit, à son article 3, point 1, la notion de « déchets » comme étant « toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

Le droit allemand

4 La Verordnung über die Vermeidung und Verwertung von Verpackungsabfällen (Verpackungsverordnung) (décret relatif à la prévention et au recyclage des déchets d’emballages), du 21 août 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2379, ci-après la « VerpackV »), dans sa version applicable aux faits du litige, transpose la directive 94/62 dans l’ordre juridique allemand.

5 Selon l’article 2, paragraphe 1, de la VerpackV, celle-ci s’applique à chaque emballage mis en circulation dans le champ d’application territorial du Gesetz zur Förderung der Kreislaufwirtschaft und Sicherung der umweltverträglichen Bewirtschaftung von Abfällen (Kreislaufwirtschaftsgesetz – KrWG) (loi visant à promouvoir l’économie circulaire et à garantir la gestion écologique des déchets), du 24 février 2012 (BGBl. 2012 I, p. 212, ci après la « loi visant à promouvoir l’économie circulaire et à garantir la gestion écologique des déchets »).

6 L’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV instaure un système de consigne pour certains emballages de boissons à usage unique (ci-après le « système de consigne »). Il prévoit, notamment, ce qui suit :

« Les distributeurs qui commercialisent des boissons dans des emballages de boissons à usage unique d’une capacité de 0,1 litre à 3 litres sont tenus de facturer à leurs clients une consigne d’au moins 0,25 euro par emballage, incluant la taxe sur la valeur ajoutée [(TVA)]. La première phrase ci-dessus ne s’applique pas aux emballages vendus aux consommateurs finaux hors du champ d’application territorial de la VerpackV. La consigne est facturée par chaque distributeur en aval, à tous les stades de la chaîne commerciale, jusqu’à la vente de l’emballage au consommateur final. [...] [Le montant de la consigne] est remboursé lors de la reprise de l’emballage. Il ne peut pas être remboursé à défaut de reprise de l’emballage [...] »

7 Il ressort de l’article 15, paragraphe 1, point 14, de la VerpackV que l’absence de perception de la consigne, en méconnaissance des dispositions de l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV, constitue une infraction administrative (Ordnungswidrigkeit).

8 L’article 69, paragraphe 3, de la loi visant à promouvoir l’économie circulaire et à garantir la gestion écologique des déchets prévoit que ce type d’infraction peut être sanctionné par l’infliction d’une amende d’un montant maximal de 100 000 euros.

9 Le système de consigne est entré en vigueur le 1er janvier 2003.

Les antécédents du litige

10 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 27 de l’arrêt attaqué. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

11 Le 14 mars 2016, Dansk Erhverv, une association professionnelle représentant les intérêts d’entreprises danoises, a introduit une plainte auprès de la Commission, tirée d’une violation des règles du droit de l’Union en matière d’aides d’État, prévues aux articles 107 et 108 TFUE.

12 Dans le cadre de cette plainte, Dansk Erhverv a soutenu que la République fédérale d’Allemagne avait accordé à un groupe d’entreprises de vente au détail du nord de l’Allemagne (ci-après les « commerces frontaliers ») ciblant exclusivement les consommateurs résidant dans des pays frontaliers, notamment au Danemark, une aide illégale, incompatible avec le marché intérieur, qui consiste en une exonération de l’obligation générale de percevoir la consigne sur les emballages de boissons à usage unique prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV.

13 En particulier, Dansk Erhverv a avancé que c’était avec l’accord des autorités des deux Länder concernés, à savoir le Schleswig-Holstein et le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (Allemagne), que ces commerces frontaliers vendaient aux consommateurs danois et suédois des boissons conditionnées dans des emballages à usage unique sans percevoir la consigne afférente, à savoir 0,25 euro toutes taxes comprises par canette. En effet, ces autorités n’imposeraient pas d’amende aux commerces frontaliers lorsque ces derniers ne perçoivent pas la consigne. Dansk Erhverv a également relevé que l’exonération de la consigne implique une exonération de la TVA afférente au montant de cette consigne.

14 Les prix de la bière et d’autres boissons étant plus élevés dans des pays frontaliers, tels que le Danemark, qu’en Allemagne, en raison, notamment, de différences tenant aux prix de gros, à la TVA et aux droits d’accise, s’est développé un commerce frontalier spécialisé, dans le cadre duquel des détaillants établis dans les deux Länder concernés ciblent les clients frontaliers, notamment danois. La bière, l’eau minérale et les boissons rafraîchissantes sont vendues dans ces points de vente exclusivement par gros paquets, à savoir par « plateaux », notamment de 24 canettes emballées sous film plastique. Une vingtaine d’entreprises regroupant une soixantaine de magasins pratiquent un tel commerce frontalier. Ces entreprises frontalières emploient environ 3 000 personnes et ont créé l’IGG, une association représentant leurs intérêts, partie requérante dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C 509/21 P.

15 Il est constant, ainsi qu’il ressort du point 155 de l’arrêt attaqué, que, à la suite de l’ordonnance du Schleswig-Holsteinisches Verwaltungsgericht (tribunal administratif de Schleswig-Holstein, Allemagne), du 7 juillet 2003 (12 B 30/03), confirmée par une ordonnance du Schleswig-Holsteinisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur de Schleswig-Holstein, Allemagne), du 23 juillet 2003 (4 MB 58/03, 12 B 30/03) (ci-après les « ordonnances des juridictions allemandes de 2003 »), les autorités d’exécution des deux Länder concernés (ci-après les « autorités régionales allemandes compétentes ») ont décidé de ne pas adopter de nouvelles mesures de contrainte administrative à l’égard des commerces frontaliers n’appliquant pas la consigne.

16 Ces autorités ont estimé que l’obligation de percevoir la consigne ne s’appliquait pas aux commerces frontaliers lorsque les boissons étaient vendues exclusivement à des clients domiciliés, notamment, au Danemark et si ceux-ci s’engageaient par écrit, en signant une « déclaration d’exportation », à consommer ces boissons et à éliminer leur emballage hors du territoire allemand.

17 Le 4 octobre 2018, la Commission a adopté la décision litigieuse à l’issue de la procédure préliminaire d’examen des aides, prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Dans cette décision, cette institution s’est limitée à l’examen de la condition relative aux ressources d’État, énoncée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle a, à cet égard, examiné successivement les trois mesures susceptibles de constituer un avantage financé au moyen de ressources d’État (ci-après les « mesures litigieuses »), à savoir l’absence de perception de la consigne elle même, l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne et l’absence d’imposition d’une amende aux entreprises qui ne perçoivent pas la consigne.

18 S’agissant, premièrement, de l’absence de perception de la consigne, la Commission a estimé, aux considérants 32 et 33 de la décision litigieuse, que cette mesure n’était pas constitutive d’une aide d’État, le système de consigne n’étant pas financé au moyen de ressources d’État.

19 Deuxièmement, elle a indiqué, aux considérants 41 et 42 de la décision litigieuse, que l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne était la conséquence normale de l’application des règles générales en matière de TVA et en a déduit que cette absence de perception ne tendait pas, par sa finalité et son économie, à créer un avantage constituant une charge supplémentaire pour l’État et que cette mesure n’était donc pas non plus constitutive d’une aide d’État.

20 En ce qui concerne, troisièmement, l’absence d’imposition d’une amende aux entreprises qui n’appliquaient pas le système de consigne, la Commission a rappelé, aux considérants 45 et 47 de la décision litigieuse, que, selon la jurisprudence de la Cour, l’exonération de l’obligation de paiement d’une amende pouvait, en principe, constituer un avantage octroyé au moyen de ressources d’État. Elle a précisé toutefois que, lorsqu’il s’agissait de déterminer si la condition relative aux ressources d’État était remplie, il convenait, en principe, de distinguer les cas où les autorités nationales avaient prévu la possibilité d’échapper au paiement d’une amende normalement exigible de ceux où elles n’imposaient pas de sanction parce qu’elles avaient expressément autorisé un certain comportement.

21 La Commission a ajouté, aux considérants 48 et 49 de la décision litigieuse, que, lorsque les autorités nationales étaient confrontées à des doutes sérieux et raisonnables en ce qui concerne la portée et l’interprétation d’une règle nationale prévoyant une obligation, la non imposition d’une amende était non pas nécessairement le résultat d’une décision desdites autorités de ne pas percevoir les amendes exigibles, mais la conséquence de difficultés d’interprétation inhérentes à tout système juridique. Par conséquent, la Commission a estimé qu’il convenait également d’établir une distinction entre les situations dans lesquelles les autorités étaient confrontées à des difficultés d’interprétation de la norme applicable, dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissance publique, et les situations dans lesquelles elles décidaient de ne pas percevoir les amendes pourtant exigibles ou donnaient aux entreprises la possibilité d’échapper à leur paiement.

22 La Commission a ensuite relevé, au considérant 50 de la décision litigieuse, que les autorités régionales allemandes compétentes estimaient que c’était de plein droit que les commerces frontaliers n’étaient pas tenus de percevoir la consigne, de sorte que l’absence de perception de celle ci ne constituait pas, selon elles, une infraction et que l’absence d’imposition d’une amende était la simple conséquence de cette absence d’infraction.

23 La Commission a néanmoins conclu, au considérant 69 de la décision litigieuse, que les autorités régionales allemandes compétentes étaient confrontées, dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissance publique, à des doutes sérieux et raisonnables concernant la portée et l’interprétation de l’obligation de percevoir la consigne et que, par conséquent, l’absence d’imposition d’une amende ne constituait pas un avantage octroyé au moyen de ressources d’État.

24 À cet égard, la Commission a indiqué, au considérant 51 de la décision litigieuse, que, certes, au vu de son libellé, l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV, dans la mesure où il s’applique au « territoire allemand » et à la « mise en circulation de la boisson », semble devoir être compris comme imposant aux commerces frontaliers l’obligation de percevoir la consigne.

25 Elle a, toutefois, estimé, aux considérants 52 et 53 de la décision litigieuse, que l’absence d’une telle obligation pour les commerces frontaliers, s’ils vendaient des boissons en canettes exclusivement à des consommateurs « résidents étrangers » s’engageant à consommer ces boissons hors du territoire allemand, pouvait être considérée comme étant cohérente avec l’objectif poursuivi par la VerpackV, à savoir promouvoir la restitution des emballages de boissons à usage unique en Allemagne.

26 La Commission a précisé à cet égard que, selon l’interprétation des autorités régionales allemandes compétentes, cet objectif n’exigeait pas d’appliquer la consigne à des boissons en canettes qui étaient consommées à l’étranger et dont les emballages n’étaient pas rapportés en Allemagne. Elle a ajouté que, toujours selon l’interprétation desdites autorités, les commerces frontaliers se trouvaient dans la même situation que les exportateurs de boissons en canettes, lesquels vendaient des produits qui n’étaient pas destinés à être consommés en Allemagne et dont les emballages avaient vocation à être éliminés à distance des installations de recyclage intégrées au système allemand. Or, la VerpackV n’imposait pas à ces exportateurs de percevoir la consigne.

27 La Commission a souligné, aux considérants 56 à 60 de la décision litigieuse, que la position des autorités régionales allemandes compétentes était, d’une part, étayée par un rapport établi au cours de l’année 2005, à la demande des commerces frontaliers, par un professeur de droit et, d’autre part, infirmée par un autre rapport, rédigé également au cours de la même année, à la demande du gouvernement fédéral allemand.

28 Au considérant 61 de la décision litigieuse, la Commission a ajouté que les ordonnances des juridictions allemandes de 2003, telles que mentionnées au point 15 du présent arrêt, tendent à confirmer l’interprétation des autorités régionales allemandes compétentes.

29 La Commission a également rappelé, au considérant 67 de la décision litigieuse, que, la directive 94/62 ne réglementant pas cette exception d’« exportation » par un consommateur, les États membres étaient libres de décider de percevoir ou non une consigne sous réserve de respecter le principe de non-discrimination.

30 Sur la base de ces éléments, la Commission, estimant qu’il était possible de supposer que, lorsqu’un consommateur achetait une boisson en Allemagne afin de l’emporter dans un autre État membre, l’emballage de cette boisson ne serait pas rapporté en Allemagne, mais se retrouverait dans le système de gestion des déchets de l’autre État membre, a indiqué, au considérant 65 de la décision litigieuse, qu’il apparaissait raisonnable de renoncer à l’obligation de percevoir la consigne lorsqu’un consommateur signait une déclaration d’exportation. Cette institution a relevé, au considérant 68 de cette décision, que l’interprétation retenue par les autorités régionales allemandes compétentes constituait un compromis raisonnable entre l’objectif de protection de l’environnement poursuivi par la directive 94/62 et la libre circulation des marchandises.

31 Dans ces conditions, la Commission a conclu, aux considérants 69 à 71 de la décision litigieuse, que les autorités régionales allemandes compétentes étant ainsi confrontées, dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissances publiques, à des doutes sérieux et raisonnables quant à la portée et à l’interprétation de l’obligation de percevoir la consigne, l’absence d’imposition d’une amende, même s’il devait être considéré qu’elle aurait dû être perçue auprès des commerces frontaliers en vertu de la VerpackV, ne constituait pas un avantage octroyé au moyen de ressources d’État, de telle sorte que cette mesure ne pouvait pas être qualifiée d’« aide d’État ».

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2019, Dansk Erhverv a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

33 À l’appui de son recours, Dansk Erhverv a invoqué un moyen unique par lequel elle soutenait que la Commission, en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, malgré les difficultés sérieuses que suscitait l’examen des mesures litigieuses, avait violé les droits procéduraux dont elle disposait, en vertu de la même disposition, en qualité de partie intéressée. Ce moyen unique se divisait en trois branches. Par la première branche, Dansk Erhverv a fait valoir que la Commission avait effectué un examen insuffisant de la compatibilité de l’exonération de la consigne avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, la directive 94/62, le « principe du pollueur-payeur » ainsi que certaines dispositions du droit allemand. Par la deuxième branche, elle a invoqué un examen insuffisant par la Commission de l’absence de perception de recettes de TVA, cette mesure étant accordée au moyen de ressources d’État. Enfin, par la troisième branche, Dansk Erhverv a reproché à la Commission d’avoir procédé à un examen insuffisant de la mesure consistant en l’absence d’imposition d’une amende, cette mesure étant également accordée au moyen de ressources d’État.

34 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

35 Le Tribunal a, aux points 57 à 75 de l’arrêt attaqué, rejeté comme étant inopérante la première branche du moyen unique en constatant que la circonstance qu’une mesure nationale méconnaisse d’autres dispositions du droit de l’Union que celles relatives aux aides d’État et, a fortiori, du droit d’un État membre, ne saurait utilement être invoquée, en tant que telle, afin d’établir que cette mesure constitue une aide d’État.

36 Le Tribunal a également rejeté la deuxième branche du moyen unique en considérant, notamment aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait pu conclure à bon droit, en se référant à la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97), que la condition relative aux ressources d’État n’était pas remplie s’agissant de l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne, étant donné que cette absence n’était qu’une conséquence indirecte du mécanisme de dispense de consigne, inhérente à l’absence de perception de la consigne, et qui ne permettait pas d’établir que la mesure litigieuse viserait, à cet égard, à accorder un avantage à certaines entreprises au moyen de ressources d’État.

37 En revanche, le Tribunal a accueilli la troisième branche du moyen unique aux motifs que la décision litigieuse était entachée d’erreurs et que d’autres indices permettaient de conclure que la Commission avait rencontré des difficultés sérieuses lors de l’examen de la mesure litigieuse, consistant en l’absence d’imposition d’une amende aux entreprises qui ne perçoivent pas la consigne.

38 À cet égard, le Tribunal a considéré, tout d’abord, au point 137 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas entaché son raisonnement d’une erreur de droit lorsqu’elle a estimé que, pour conclure à une absence de ressources d’État au sujet d’une mesure consistant, pour une autorité publique, à ne pas imposer une amende, il convenait, dans une situation telle que celle en cause, d’appliquer un nouveau critère, tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable auxquelles les autorités nationales sont confrontées dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique.

39 Toutefois, le Tribunal a ensuite estimé, notamment aux points 157 et 163 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait appliqué de manière erronée, en l’espèce, le critère mentionné au point précédent. À cet égard, il a jugé, d’une part, que la Commission avait commis une erreur de droit en concluant que la condition relative aux ressources d’État n’était pas remplie sans examiner si les difficultés d’interprétation sur lesquelles elle se fondait étaient temporaires et inhérentes à la clarification graduelle des normes. D’autre part, le Tribunal a relevé que la Commission avait estimé à tort qu’elle pouvait faire application, en l’espèce, du critère tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable, alors que les autorités régionales allemandes compétentes ne se sont pas fondées sur l’existence de telles difficultés pour justifier leur pratique de ne pas imposer d’amende aux commerces frontaliers lorsque ceux-ci ne prélèvent pas la consigne.

40 Enfin, le Tribunal a également considéré, aux points 169 à 235 de l’arrêt attaqué, qu’il existait un ensemble d’indices révélateurs de la présence de difficultés sérieuses permettant de douter de l’interprétation de la VerpackV retenue par les autorités régionales allemandes compétentes. À cet égard, il a précisé, au point 203 de l’arrêt attaqué, que ces indices permettaient, à tout le moins, de conclure à l’absence de caractère complet de l’examen par la Commission de la situation qui lui était soumise, ce qui constituait, en tant que tel, un indice révélateur de l’existence de difficultés sérieuses.

Les conclusions des parties devant la Cour

L’affaire C-508/21 P

41 Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :

– d’annuler le dispositif de l’arrêt attaqué ;

– de statuer dans l’affaire T 47/19, Dansk Erhverv/Commission, en annulant la section 3.3 de la décision litigieuse ;

– de condamner Dansk Erhverv aux dépens afférents au pourvoi, et

– de condamner chaque partie, ainsi que chaque partie intervenante, à supporter ses propres dépens afférents à la procédure de première instance.

42 Dansk Erhverv demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi en substituant certains motifs de l’arrêt attaqué ou, en tout état de cause, de rejeter le pourvoi ;

– de condamner la Commission aux dépens de Dansk Erhverv afférents au pourvoi et afférents à la procédure de première instance, et

– à titre subsidiaire, en tout état de cause, de condamner la Commission à supporter les trois quarts des dépens exposés par Dansk Erhverv dans la procédure en première instance.

43 IGG demande à la Cour :

– de faire droit à la demande d’annulation du dispositif de l’arrêt attaqué ;

– d’accueillir la demande de condamnation de Dansk Erhverv aux dépens du pourvoi, et

– de rejeter le pourvoi pour le surplus.

 L’affaire C-509/21 P

44 Par son pourvoi, IGG demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de rejeter le recours, et

– de condamner Dansk Erhverv aux dépens.

45 Dansk Erhverv demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi en substituant certains motifs de l’arrêt attaqué ;

– en tout état de cause, de rejeter le pourvoi, et

– de condamner IGG aux dépens.

 La procédure devant la Cour

46 Le 24 août 2021, le président de la Cour a invité les parties à prendre position sur la jonction éventuelle des affaires C 508/21 P et C 509/21 P aux fins de la suite de la procédure.

47 Par lettres du 25 et 27 août 2021, la Commission a informé la Cour qu’elle n’avait aucune objection à la jonction de ces affaires. Par lettres du 27 août 2021, Dansk Erhverv a informé la Cour qu’il n’était pas opportun de joindre les affaires à ce stade de la procédure.

48 Par décision du 9 novembre 2021, le président de la Cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de joindre les affaires à ce stade de la procédure.

49 Par décision du 18 octobre 2022, la Cour a décidé de joindre les affaires C 508/21 P et C 509/21 P aux fins de la phase orale.

Sur les pourvois

50 Compte tenu de leur connexité, il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 54, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

Sur le pourvoi dans l’affaire C-509/21 P

51 À l’appui de son pourvoi dans l’affaire C 509/21 P, qu’il convient d’examiner en premier lieu, IGG soulève six moyens.

52 Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en appliquant de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il aurait interprété de manière inexacte la notion de « lien suffisamment direct » entre un avantage et le budget de l’État lors de l’appréciation du critère des « ressources d’État ». Le deuxième moyen, qui se subdivise en deux branches, est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en appliquant de manière erronée cette disposition dans la mesure où il aurait fait application d’une règle inexacte aux fins de l’appréciation par la Commission du critère des « ressources d’État » en cas de difficultés d’interprétation de la norme applicable. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en appliquant une règle aux fins de l’appréciation par la Commission du critère des « ressources d’État » qui va au-delà du nouveau critère, tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable. Le quatrième moyen, qui se subdivise en sept branches, est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise lorsqu’il a estimé que l’examen effectué par la Commission dans la décision litigieuse était entaché de plusieurs erreurs et qu’il existait d’autres indices permettant d’étayer la conclusion selon laquelle il existait des « difficultés sérieuses » pour déterminer si des ressources d’État étaient engagées. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en rejetant les arguments supplémentaires d’IGG tendant à étayer la conclusion selon laquelle la Commission n’était pas confrontée à des « difficultés sérieuses ». Le sixième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise lorsqu’il a annulé l’ensemble de la décision litigieuse, y compris la partie relative à l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne.

53 Il convient d’examiner d’emblée le premier moyen, la seconde branche du deuxième moyen ainsi que le troisième moyen.

Argumentation des parties

54 Dans le cadre du premier moyen, IGG reproche au Tribunal d’avoir commis, notamment aux points 140 à 146 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en interprétant de manière inexacte la notion de « lien suffisamment direct » entre un avantage et le budget de l’État lors de l’appréciation du critère des ressources d’État. Un lien suffisamment direct entre la non-imposition d’une amende et le budget de l’État ne pourrait être établi que si l’imposition d’une amende était juridiquement possible.

55 Or, ainsi que le Tribunal l’aurait constaté, au point 155 de l’arrêt attaqué, les autorités régionales allemandes compétentes auraient décidé, à la suite des ordonnances des juridictions allemandes de 2003, de ne pas adopter de mesures de contrainte administrative à l’égard des commerces frontaliers n’appliquant pas la consigne, lorsque les acheteurs signent une déclaration d’exportation. Ainsi, il découlerait des propres conclusions du Tribunal que, dans ces conditions, l’imposition d’amendes serait juridiquement impossible et, il n’y aurait, dès lors, logiquement aucun lien suffisamment direct possible entre un avantage et le budget de l’État.

56 À cet égard, IGG précise que, ainsi que le Tribunal l’a reconnu aux points 140 à 142 de l’arrêt attaqué, des sanctions ne peuvent être imposées à des individus que s’ils ont, délibérément ou par négligence, manqué à une obligation, qui est clairement définie. Dans la mesure où le Tribunal, au point 147 de l’arrêt attaqué, ferait référence au principe du résultat d’une interprétation judiciaire « raisonnablement prévisible », il suffirait d’indiquer que, d’une part, cela s’appliquerait surtout sur la base de l’interprétation donnée à la disposition par la jurisprudence pertinente à l’époque des faits et, d’autre part, que la jurisprudence existante, en l’espèce, aurait soutenu la position juridique des deux Länder concernés.

57 Par la seconde branche du deuxième moyen, IGG fait grief au Tribunal d’avoir commis, notamment aux points 140 à 158 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en exigeant un critère supplémentaire, à savoir la nécessité d’une clarification graduelle des normes.

58 D’une part, ce critère supplémentaire ne serait pas justifié, étant donné que la référence du Tribunal au principe de sécurité juridique concernant les délits et les peines serait dépourvue de sens puisque ce principe ne viserait qu’à protéger les individus contre les sanctions imposées par l’État, tandis que, en l’espèce, il serait appliqué pour justifier, en définitive, une décision préjudiciable à l’égard de prétendus bénéficiaires. Au contraire, le principe de sécurité juridique justifierait la conclusion inverse selon laquelle aucune ressource étatique ne serait engagée, comme cela aurait été démontré dans le cadre du premier moyen, puisque l’imposition d’amendes serait impossible.

59 D’autre part, selon IGG, la pratique administrative consistant à ne pas imposer aux commerces frontaliers de percevoir une consigne lorsque les acheteurs signent la déclaration d’exportation est, à tout le moins, très proche du cas de figure d’une autorisation expresse, comme c’était le cas dans l’affaire Eventech (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, point 16).

60 En effet, la Commission aurait démontré, dans la décision litigieuse, que l’objectif de la pratique administrative n’aurait pas été d’exonérer les commerces frontaliers d’amendes, mais que les autorités régionales allemandes compétentes auraient estimé que les commerces frontaliers ne sont pas tenus de percevoir une consigne. Le Tribunal aurait souscrit à cette interprétation au point 103 de l’arrêt attaqué concernant l’absence de perception de la TVA. Or, le Tribunal n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle la même logique ne s’appliquait pas à l’absence d’imposition d’amendes, ce qui suffirait, en soi, pour conclure qu’aucune ressource d’État n’aurait été engagée en raison de l’absence d’un « lien suffisamment direct ».

61 Par son troisième moyen, IGG reproche, en substance, au Tribunal d’avoir commis, aux points 166 à 203 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en exigeant une analyse complète du droit national applicable par la Commission. À cet égard, elle avance qu’une telle exigence, pour les mêmes raisons que celles développées dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, revient à retenir une interprétation erronée du concept de « lien suffisamment direct ».

62 Dansk Erhverv est d’avis que le premier moyen est irrecevable, d’une part, en ce que IGG tente de modifier l’objet du litige devant le Tribunal, en violation de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, en prétendant que le Tribunal a substitué sa propre motivation à celle de l’auteur de la décision litigieuse. D’autre part, ce moyen serait irrecevable dans la mesure où IGG reprocherait au Tribunal d’avoir apprécié le contenu de la législation allemande en cause dans une mesure qui ne relevait pas de sa compétence, sans avoir ni invoqué ni démontré que le Tribunal aurait dénaturé la loi allemande applicable. En outre, le premier moyen serait inopérant ou dénué de fondement dans la mesure où un « lien suffisamment direct » existerait également lorsque l’avantage accordé au bénéficiaire entraînerait un « risque économique suffisamment concret de charges » grevant le budget de l’État (arrêt du 19 mars 2013, Bouygues e.a./Commission e.a., C 399/10 P et C 401/10 P, EU:C:2013:175, point 109).

63 S’agissant de la seconde branche du deuxième moyen, Dansk Erhverv rétorque, d’une part, que sans le critère supplémentaire imposé au point 146 de l’arrêt attaqué, à savoir la nécessité d’une clarification graduelle des normes, les autorités régionales allemandes compétentes peuvent recourir aux prétendues difficultés d’interprétation pour continuer à accorder indéfiniment, en violation du droit de l’Union, un traitement plus favorable à certaines entreprises.

64 D’autre part, Dansk Erhverv fait valoir que l’argument d’IGG selon lequel l’objectif allégué de la mesure d’aide devait être déterminant aux fins de l’appréciation de l’absence d’imposition d’amendes est irrecevable étant donné qu’il n’apparaît pas dans la décision litigieuse et a pour effet de modifier l’objet du litige devant le Tribunal, en violation de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure. En outre, cet argument interpréterait de manière erronée l’arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C 279/08 P, EU:C:2011:551), dont il découlerait que la Cour aurait considéré comme étant déterminant non pas l’objectif de la mesure d’aide concernée, mais plutôt l’effet de cette mesure.

65 En ce qui concerne le troisième moyen, Dansk Erhverv relève que l’interprétation et la détermination du contenu du droit national font partie de l’appréciation des circonstances factuelles relevant de la compétence du Tribunal. Ainsi, dans l’arrêt du 1er février 2017, Portovesme/Commission (C 606/14 P, EU:C:2017:75, points 62 et 63), la Cour aurait estimé que l’interprétation, par le Tribunal, du droit national relevait de l’appréciation des faits et qu’elle n’était compétente que pour vérifier l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve.

66 En outre, Dansk Erhverv demande une substitution de motifs à l’égard des points 135 à 138 de l’arrêt attaqué. À l’appui de cette demande, Dansk Erhverv fait valoir que les deuxième à cinquième moyens soulevés par IGG sont inopérants dès lors que le Tribunal a commis une erreur de droit auxdits points en rejetant la première partie de la troisième branche de son moyen unique lorsqu’il a admis que la Commission était autorisée à introduire un nouveau critère, tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable. Dansk Erhverv précise que l’absence d’imposition d’amendes a été comparable aux situations ayant donné lieu aux arrêts du 1er décembre 1998, Ecotrade (C 200/97, EU:C:1998:579, points 42 et 43), du 17 juin 1999, Piaggio (C 295/97, EU:C:1999:313, points 41 à 43), et du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C 279/08 P, EU:C:2011:551).

67 En effet, ainsi qu’il ressortirait des points 149 à 155 de l’arrêt attaqué, la situation juridique aurait été suffisamment claire en ce qu’une consigne devait être perçue également par les magasins frontaliers et l’absence d’imposition d’amendes constituait donc une pratique contra legem. En outre, Dansk Erhverv fait valoir que, pour pouvoir exclure la présence d’une aide d’État, la Commission devait établir que la pratique de la déclaration d’exportation était légale en droit allemand, ce que la Commission n’aurait même pas tenté d’établir dans la décision litigieuse.

Appréciation de la Cour

–  Rappels liminaires

68 Il y a lieu, en vue de l’appréciation du premier moyen, de la seconde branche du deuxième moyen et du troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C-509/21 P, de rappeler la jurisprudence constante de la Cour portant sur les obligations qui s’imposent à la Commission dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la décision litigieuse faisant l’objet de l’arrêt attaqué ayant été adoptée à l’issue de celle-ci et, partant, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

69 La procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut, dès lors, s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché intérieur. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 17 novembre 2022, Irish Wind Farmers’ Association e.a./Commission, C 578/21 P, EU:C:2022:898, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

70 La notion de « difficultés sérieuses » revêtant un caractère objectif, la preuve de l’existence de telles difficultés, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision prise à l’issue de l’examen préliminaire que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêt du 17 novembre 2022, Irish Wind Farmers’ Association e.a./Commission, C 578/21 P, EU:C:2022:898, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

71 Partant, il incombe au juge de l’Union européenne, lorsqu’il est saisi d’une demande d’annulation d’une telle décision, de déterminer si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure nationale en cause, aurait dû objectivement susciter des doutes concernant la qualification d’aide de cette mesure, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen (arrêt du 17 novembre 2022, Irish Wind Farmers’ Association e.a./Commission, C 578/21 P, EU:C:2022:898, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

72 Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission dispose, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes en ce qui concerne la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être rapportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission, C 647/19 P, EU:C:2021:666, point 115, et du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 81 ainsi que jurisprudence citée).

73 En l’occurrence, l’argumentation d’IGG, telle que résumée aux points 54 à 61 du présent arrêt, soulève la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit lors de l’appréciation du critère relatif aux « ressources d’État », énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de nature à démontrer que la Commission avait rencontré des difficultés sérieuses au cours de l’examen de la mesure litigieuse, consistant en l’absence d’imposition d’une amende aux entreprises qui ne perçoivent pas la consigne, difficultés qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

74 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

75 Partant, seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État ou constituant une charge supplémentaire pour l’État sont à considérer comme étant des « aides », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, il résulte des termes mêmes de cette disposition et des règles de procédure instaurées à l’article 108 TFUE que les avantages accordés par d’autres moyens que des ressources d’État ne tombent pas dans le champ d’application des dispositions en cause (arrêt du 19 mars 2013, Bouygues e.a./Commission e.a., C 399/10 P et C 401/10 P, EU:C:2013:175, point 99 ainsi que jurisprudence citée).

76 S’agissant de la condition relative à l’engagement de ressources d’État, selon une jurisprudence constante, la notion d’« aide » comprend non seulement des prestations positives telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, de ce fait, sans être des subventions, au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, point 33 et jurisprudence citée).

77 Par conséquent, aux fins de la constatation de l’existence d’une aide d’État, il doit être établi un lien suffisamment direct entre, d’une part, l’avantage accordé au bénéficiaire et, d’autre part, une diminution du budget étatique, voire un risque économique suffisamment concret de charges grevant celui-ci (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, point 34 et jurisprudence citée).

78 Afin d’apprécier l’existence de ce lien, il y a, notamment, lieu de vérifier si, de par sa finalité et son économie générale, la mesure tend à créer un avantage qui constitue une charge supplémentaire pour l’État (arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97, point 21).

79 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 131 à 135 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les autorités régionales allemandes compétentes considèrent qu’il n’existe, lors d’un achat de boissons dans le cadre de la déclaration d’exportation, aucune infraction à la réglementation qui serait passible d’une amende, de telle sorte que, l’absence de perception de la consigne étant conforme à cette réglementation, telle que ces autorités l’interprètent, il serait nécessairement exclu d’infliger une amende aux commerces frontaliers. Le Tribunal en conclut qu’un tel contexte, dans lequel l’absence d’imposition d’une amende est indissociable de l’absence de perception de la consigne et, donc, de l’interprétation de la réglementation pertinente, ne correspond à aucune des hypothèses jusqu’alors examinées par la jurisprudence de la Cour. En particulier, la dispense de consigne et, corrélativement, l’absence d’imposition d’une amende ne résulterait ni d’une exonération explicite adoptée par l’auteur de la réglementation nationale en cause ni d’une autorisation préalable et transparente, édictée par un texte, mais résulterait d’une simple pratique des autorités régionales allemandes compétentes. Partant, ce serait à juste titre que la Commission se serait fondée sur un nouveau critère juridique, tiré des difficultés d’interprétation de la norme applicable.

80 Ainsi qu’il ressort des points 38 à 40 du présent arrêt, le Tribunal a néanmoins conclu, aux points 157, 163 et 203 de l’arrêt attaqué, que la Commission a fait une application erronée de ce nouveau critère.

–  Sur l’existence d’une erreur de droit dans l’appréciation du critère des « ressources d’État »

81 D’emblée, en ce qui concerne la recevabilité de l’argumentation d’IGG, il convient d’écarter, d’une part, l’allégation de Dansk Erhverv selon laquelle IGG tenterait, dans le cadre du premier moyen, de modifier, en violation de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’objet du litige devant le Tribunal en prétendant que celui-ci avait substitué sa propre motivation à celle de la Commission. En effet, force est de constater qu’IGG ne soulève pas un tel argument, mais fait, au contraire, valoir que l’impossibilité juridique d’imposer des amendes découle des propres conclusions du Tribunal. Quant à l’allégation selon laquelle IGG reproche au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation erronée du droit national qui échapperait à la compétence du Tribunal, il suffit de constater que, par son premier moyen, IGG cherche à remettre en cause non pas l’interprétation du droit national effectuée par le Tribunal, mais les conséquences que ce dernier en a tirées pour l’examen de la question de savoir si la mesure litigieuse impliquait l’octroi d’un avantage au moyen de ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Une telle argumentation, qui vise à démontrer que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit concernant l’interprétation et l’application de cette disposition du droit de l’Union, est recevable au stade du pourvoi.

82 D’autre part, doit également être écartée l’argumentation de Dansk Erhverv selon laquelle IGG chercherait, dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, à modifier, en violation de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’objet du litige devant le Tribunal en faisant valoir que l’objectif allégué de la mesure d’aide devait être déterminant aux fins de l’appréciation de l’absence d’imposition d’amendes. En effet, force est de constater que l’argumentation d’IGG ne constitue pas une modification de l’objet du litige, mais vise à se fonder sur l’analyse effectuée par le Tribunal, notamment au point 93 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « afin d’apprécier l’existence du lien [suffisamment direct], il y a notamment lieu de vérifier si, de par sa finalité et son économie générale, la mesure tend à créer un avantage qui constituerait une charge supplémentaire pour l’État ».

83 Concernant le bien-fondé de l’argumentation d’IGG, selon laquelle un lien suffisamment direct entre la non-imposition d’une amende et le budget de l’État ne pourrait être établi que si l’imposition d’une amende était juridiquement possible, il importe de relever qu’il est inhérent à tout système juridique qu’un comportement défini au préalable comme étant légal et licite n’expose pas les sujets de droit à des sanctions (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, point 36).

84 Or, il ressort du point 155 de l’arrêt attaqué que les autorités régionales allemandes compétentes ont décidé, à la suite des ordonnances des juridictions allemandes de 2003, telles que mentionnées au point 15 du présent arrêt, de ne pas adopter de nouvelles mesures de contrainte administrative à l’égard des commerces frontaliers n’appliquant pas la consigne. En effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 131 de l’arrêt attaqué, lesdites autorités considèrent qu’il n’existe, dans le cas d’un achat de boissons dans le cadre de la déclaration d’exportation, aucune infraction à l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, de la VerpackV, qui serait passible d’une amende et que, dans une telle situation, l’absence de perception de la consigne étant conforme à cette réglementation, il était nécessairement exclu d’infliger une amende aux commerces frontaliers.

85 Ainsi que le Tribunal l’a constaté, aux points 160 à 164 de l’arrêt attaqué, cette application du droit national est conforme à l’interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale dans les ordonnances des juridictions allemandes de 2003, telles que mentionnées au point 15 du présent arrêt. Il ressort ainsi des propres constatations du Tribunal que les autorités régionales allemandes compétentes ont appliqué la réglementation nationale sans être confrontées à des difficultés d’interprétation de la norme applicable.

86 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de légalité des peines est consacré à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ce principe exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 40, ainsi que du 24 mars 2021, Prefettura Ufficio territoriale del governo di Firenze, C 870/19 et C 871/19, EU:C:2021:233, point 49).

87 En outre, la Cour a déjà précisé que la clarté de la loi s’apprécie au regard non seulement du libellé de la disposition pertinente, mais également des précisions apportées par une jurisprudence constante et publiée (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C 266/06 P, EU:C:2008:295, points 40 et 46).

88 Dans ce contexte, il apparaît que les conclusions du Tribunal, figurant aux points 157 et 203 de l’arrêt attaqué, telles que rappelées aux points 39 et 40 du présent arrêt, selon lesquelles la décision litigieuse a procédé à un examen insuffisant et incomplet de l’absence d’imposition d’amendes aux commerces frontaliers sont entachées d’erreurs de droit.

89 À cet égard, il ressort plus particulièrement des points 146 à 157 de l’arrêt attaqué que le Tribunal reproche à la Commission de ne pas avoir examiné si les difficultés d’interprétation auxquelles les autorités régionales allemandes compétentes ont été confrontées étaient temporaires et s’inscrivaient dans un processus de clarification graduelle des normes.

90 Toutefois, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 83 et 86 du présent arrêt, seul un comportement qui est défini clairement – et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux – comme une infraction qui engage la responsabilité de la personne concernée, permet d’imposer des sanctions administratives.

91 Il s’ensuit que, même s’il existait des difficultés d’interprétation de la norme applicable présentant un caractère durable, ce constat ne serait pas suffisant pour en conclure que la condition relative aux ressources d’État était remplie. À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 57 à 60 de ses conclusions, l’exigence d’une clarification graduelle méconnaît la portée de la jurisprudence citée au point 86 du présent arrêt.

92 En effet, le Tribunal a, certes, retenu à juste titre, au point 147 de l’arrêt attaqué, que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC Treuhand/Commission (C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 41), le principe de légalité des délits et des peines ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre. Il n’en demeure toutefois pas moins qu’il ne saurait en être déduit, comme l’a fait le Tribunal aux points 146 et 157 de l’arrêt attaqué, qu’un processus de clarification graduelle doive toujours exister.

93 Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les considérations du Tribunal contenues aux points 143 et 145 de l’arrêt attaqué selon lesquelles, lors de la transposition d’une directive dans l’ordre juridique d’un État membre, il est indispensable que le droit national en cause garantisse effectivement la pleine application de cette directive et qui suggèrent qu’une réglementation nationale dont le sens n’a pas été précisé permettrait aux États membres, qui en sont les auteurs, de se soustraire, sans aucune limitation temporelle, à leurs obligations en matière d’aides d’État.

94 En effet, en l’occurrence, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 94/62 n’oblige pas les États membres à exiger la perception d’une consigne auprès des acheteurs au détail d’emballages à usage unique aux fins de la consommation de boissons en dehors de son territoire, ainsi que la Commission l’a constaté aux considérants 63, 65 et 70 de la décision litigieuse et sans que ce constat ait été remis en cause par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

95 À cet égard, il convient de rappeler que cette disposition prévoit que les États membres veillent à ce que soient instaurés des systèmes assurant la reprise et/ou la collecte des emballages utilisés et/ou des déchets d’emballages provenant du consommateur. Or, lorsque les consommateurs qui résident dans un État membre achètent des emballages de boissons dans un autre État membre afin d’en consommer le contenu dans leur État membre de résidence, les emballages vides deviennent des déchets, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2008/98, dans ce dernier État membre.

96 Il s’ensuit, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, aux points 49 à 51 de ses conclusions, que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 94/62 n’exige pas la perception d’une consigne dans des circonstances telles que celles qui sont à l’origine du présent pourvoi, où la vente de boissons en canettes dans des commerces frontaliers à des consommateurs qui signent une déclaration d’exportation s’apparente à la vente de marchandises à des opérateurs en vue de l’exportation pour laquelle le vendeur n’est pas tenu de percevoir une consigne.

97 En outre, force est de constater que la Cour a jugé qu’un système de consigne ne peut atteindre les objectifs poursuivis par la directive 94/62 que lorsque les consommateurs ayant payé le montant de la consigne peuvent facilement le récupérer sans devoir retourner sur le lieu d’achat initial (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz, C 309/02, EU:C:2004:799, point 46). Par conséquent, l’objectif de la directive 94/62 visant la collecte efficace des déchets n’implique pas la perception d’une consigne sur des emballages à usage unique non éliminés sur le territoire de l’État d’exportation, et cela indépendamment du fait que, ainsi qu’il ressort du point 200 de l’arrêt attaqué, les magasins frontaliers n’ont pas été autorisés, malgré leurs efforts et à la suite de l’opposition de Dansk Erhverv, à rejoindre le système de consigne danois.

98 Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 157 et 203 de l’arrêt attaqué, que la Commission, dans la décision litigieuse, avait procédé à un examen insuffisant et incomplet de l’absence d’imposition d’amendes aux commerces frontaliers, en ce qu’elle n’a pas vérifié si les difficultés d’interprétation auxquelles les autorités régionales allemandes compétentes ont été confrontées étaient temporaires et s’inscrivaient dans un processus de clarification graduelle des normes, de telle sorte que cette institution n’était pas en mesure de surmonter, au stade de la phase préliminaire d’examen, toutes les difficultés sérieuses rencontrées pour déterminer si cette absence d’imposition d’amende constituait une aide d’État.

99 Partant, il y a lieu d’accueillir le premier moyen, la seconde branche du deuxième moyen et le troisième moyen et, en conséquence, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

Sur le pourvoi dans l’affaire C 508/21 P

100 À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 264 TFUE et du principe de proportionnalité, en ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que l’accueil de la troisième branche du moyen unique entraîne l’annulation de la décision litigieuse dans son ensemble. Le deuxième moyen est tiré de l’existence d’une motivation défaillante et contradictoire. Le troisième moyen est tiré de l’existence d’une erreur de droit constituée par le constat que les trois mesures litigieuses sont indissociables.

101 Eu égard à l’annulation de l’arrêt attaqué en raison de l’accueil du pourvoi dans l’affaire C-509/21 P, il n’est cependant plus nécessaire de statuer sur le pourvoi introduit par la Commission dans l’affaire C 508/21 P.

Sur le recours devant le Tribunal

102 Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

103 Tel est le cas en l’espèce, les moyens du recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et leur examen ne nécessitant d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier.

104 Dansk Erhverv a invoqué un moyen unique devant le Tribunal, tendant à démontrer que la Commission, en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, malgré les difficultés sérieuses que suscitait l’examen des mesures litigieuses, a violé les droits procéduraux dont elle dispose, en vertu de la même disposition, en qualité de partie intéressée.

105 Par la troisième branche de ce moyen unique, Dansk Erhverv soutient, en substance, que la Commission a effectué un examen insuffisant de la mesure consistant en l’absence d’imposition d’une amende, cette mesure étant accordée au moyen de ressources d’État.

106 À cet égard, il ressort des motifs exposés aux points 83 à 99 du présent arrêt qu’il ne peut être reproché à la Commission d’avoir, dans la décision litigieuse, procédé à un examen insuffisant et incomplet de l’absence d’imposition d’amendes aux commerces frontaliers.

107 En particulier, il ressort des motifs exposés aux points 83 à 85 du présent arrêt que la Commission a relevé à bon droit, au considérant 50 de la décision litigieuse, que les autorités régionales allemandes compétentes n’ont pas exonéré les commerces frontaliers des sanctions administratives et du paiement des amendes qui seraient normalement dues au budget de l’État, mais ont considéré, sans avoir été confrontées à des difficultés d’interprétation de la norme applicable, qu’il n’existe, dans le cas d’un achat de boissons dans le cadre de la déclaration d’exportation, aucune infraction à la réglementation nationale qui serait passible d’une amende, auquel cas l’absence de perception de la consigne étant conforme à cette réglementation, il était nécessairement exclu d’infliger une amende aux commerces frontaliers.

108 Si la Commission a, certes, indiqué, au considérant 51 de la décision litigieuse, que le libellé de l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV pouvait suggérer, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 du présent arrêt, que cette disposition imposait aux commerces frontaliers l’obligation de percevoir la consigne, elle a, toutefois, estimé, aux considérants 52 et 53 de cette décision, rappelés au point 25 du présent arrêt, que l’absence d’une telle obligation pour les commerces frontaliers s’ils vendaient des boissons en canettes exclusivement à des consommateurs « résidents étrangers » s’engageant à consommer ces boissons hors du territoire allemand pouvait être considérée comme étant cohérente avec l’objectif poursuivi par la VerpackV consistant à promouvoir la restitution des emballages de boissons à usage unique en Allemagne.

109 En outre, ainsi qu’il résulte du raisonnement exposé aux points 93 à 96 du présent arrêt, la Commission a relevé, à juste titre, aux considérants 63, 65 et 70 de la décision litigieuse, qu’une approche différente des autorités régionales allemandes compétentes ne s’imposait pas non plus eu égard aux obligations incombant aux États membres, lors de la transposition d’une directive dans leur ordre juridique, de garantir la pleine application de cette directive, étant donné que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 94/62 n’oblige pas ces États membres à exiger la perception d’une consigne auprès des acheteurs au détail d’emballages à usage unique en vue de la consommation de boissons en dehors de son territoire.

110 S’il est vrai que la Commission, ainsi qu’il ressort, notamment, des considérants 69 et 70 de la décision litigieuse, a considéré, par ailleurs que, « même si » le droit national devait être interprété en ce sens que les commerces frontaliers sont tenus, en toute hypothèse, de percevoir la consigne, l’absence d’imposition d’amende résulterait néanmoins, dans un tel cas, d’une interprétation raisonnable de ce droit national, il apparaît, à la lumière des points 107, 108 et 109 du présent arrêt, que ces considérations revêtent un caractère surabondant par rapport au raisonnement figurant, notamment, aux considérants 50, 52, 53, 63, 65 et 70 de la décision litigieuse.

111 Dans la mesure où la pratique des commerces frontaliers de ne pas percevoir de consigne constitue ainsi un comportement défini au préalable comme étant légal et licite qui n’expose pas ces commerces à des sanctions, l’absence d’imposition d’une amende n’est, par conséquent, pas une mesure accordée au moyen de ressources d’État (voir, par analogie, arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, point 36).

112 Eu égard à ce qui précède, le moyen unique soulevé par Dansk Erhverv devant le Tribunal doit être rejeté comme étant non fondé.

113 Partant, le recours en annulation introduit par Dansk Erhverv devant le Tribunal doit être rejeté.

1. Sur les dépens

114 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

115 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

116 En l’espèce, s’agissant du pourvoi formé dans l’affaire C 509/21 P, IGG ayant obtenu gain de cause, il y a lieu, conformément à ses conclusions, de condamner Dansk Erhverv à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par IGG.

117 Quant au pourvoi dans l’affaire C 508/21 P, aux termes de l’article 149 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190 de celui-ci, en cas de non-lieu à statuer, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 142 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184 de celui-ci, les dépens sont, dans ce cas, réglés librement par la Cour. En l’occurrence, il y a lieu de condamner Dansk Erhverv aux dépens afférents au pourvoi dans l’affaire C 508/21 P.

118 Par ailleurs, le recours devant le Tribunal étant rejeté, Dansk Erhverv est condamnée à supporter l’entièreté des dépens afférents à la procédure de première instance.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1) Les affaires C 508/21 P et C 509/21 P sont jointes aux fins de l’arrêt.

2) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 juin 2021, Dansk Erhverv/Commission (T 47/19, EU:T:2021:331), est annulé.

3) Le recours en annulation introduit devant le Tribunal de l’Union européenne par Dansk Erhverv est rejeté.

4) Il n’y a pas lieu de statuer sur le pourvoi dans l’affaire C 508/21 P.

5) Dansk Erhverv est condamnée aux dépens exposés en première instance et dans le cadre des procédures de pourvoi par Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG) ainsi que par la Commission européenne.