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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 12 décembre 2019, n° 19/03435

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebée

Conseillers :

M. Malfre, M. Gouarin

JEX Melun, du 22 janv. 2019, n° 18/03203

22 janvier 2019

Par jugement devenu irrévocable du 15 juin 2018, le tribunal d'instance de Melun a, notamment, dit que le bail conclu le 8 septembre 2017 entre M. L. et M. G. constituait un bail d'habitation principale soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, a prononcé la résiliation de ce bail, a ordonné l'expulsion de M. G. et a condamné celui-ci à payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à la libération effective des lieux.

En exécution de cette décision, M. L. a fait délivrer, le 17 juillet 2018, un commandement d'avoir à quitter les lieux.

L'expulsion de M. G. est intervenue le 30 octobre 2018.

Par acte d'huissier du 31 octobre 2018, M. L. a fait signifier le procès-verbal d'expulsion comportant convocation de M. G. devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Melun aux fins, notamment, de voir statuer sur les biens laissés dans les lieux.

Par jugement réputé contradictoire du 22 janvier 2019, le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Melun a déclaré abandonnés les biens mobiliers décrits au procès-verbal d'expulsion comme n'ayant aucune valeur marchande, appartenant à M. G. et qui n'ont pas été retirés, à charge pour M. L. de proposer ces meubles à l'organisme caritatif de son choix, débouté M. L. de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. G. aux dépens.

Par déclaration du 14 février 2019, M. G. a interjeté appel de cette décision.

Le 12 décembre 2018, M. L. a fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de M. G., déclarée valable par jugement du juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 7 mars 2019.

Par dernières conclusions du 4 octobre 2019, M. G. demande à la cour, outre des demandes de «'constater'», de «'donner acte'» et de «'dire et juger'» qui ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, de dire et juger nuls le procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2018, le procès-verbal comportant assignation du 31 octobre 2018 ainsi que le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré abandonnés les biens non retirés et l'a condamné aux dépens, statuant à nouveau, de dire dépourvue d'objet la procédure en abandon de biens, de débouter M. L. de toutes ses demandes, de condamner celui-ci à lui payer les sommes de 2 000 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance, de 2 990,89 euros en remboursement des frais d'expulsion, de 50 000 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, d'ordonner sa réintégration dans les lieux sous astreinte et de condamner l'intimé à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 16 mai 2019, M. L. demande à la cour, outre des demandes de «'constater'» qui ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, de dire et juger que le procès-verbal d'expulsion et le jugement entrepris ne sont pas nuls, de dire et juger les demandes de M. G. irrecevables, de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, de débouter M. G. de toutes ses demandes et de condamner l'appelant à une amende civile, à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.

L'instruction a été clôturée le 31 octobre 2019.

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes formées par M. G.

M. L. conclut à l'irrecevabilité des demandes formées par M. G. sans, toutefois, formuler aucun moyen à l'appui de cette demande, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur celle-ci.

Sur la validité du procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2018, signifié le 31 octobre 2018

Contrairement à ce que soutient M. G., la nullité du procès-verbal d'expulsion prévue à l' article R. 432-1 du code des procédures civiles d' exécution ne sanctionne que le défaut des mentions précisées aux 1° et 2° du premier alinéa de cet article et non l'absence de la signature des personnes ayant concouru aux opérations d'expulsion, prévue au second alinéa de cet article . Au surplus, l'appelant ne justifie d'aucun grief qui aurait été causé par cette irrégularité. Ce moyen sera donc rejeté.

Comme le soutient à juste titre M. L., le procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2018 et le procès-verbal de signification de cet acte, en date du 31 octobre 2018, correspondent, au cas d'espèce, à deux actes distincts qui peuvent valablement être signifiés par deux huissiers de justice différents.

Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connu, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.

Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.

Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.

M. G. soutient que l'huissier instrumentaire n'a pas recherché le destinataire de l'acte à l'adresse à Genève figurant sur le contrat de bail et n'a pas cherché à signifier l'acte litigieux sur son lieu de travail aisément déterminable compte tenu du fait qu'il est un homme de presse connu et président du groupe VSD dont le siège est à Paris. L'appelant fait valoir qu'il n'a reçu ni la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ni la lettre simple prévues par les dispositions précitées et que ces irrégularité lui ont causé un grief, n'ayant pu se défendre devant le premier juge. Il affirme avoir eu connaissance de l'expulsion par l'intermédiaire des gendarmes et avoir pu ainsi récupérer ses meubles le 21 novembre 2018.

M. L. fait valoir que l'adresse à Genève mentionnée au contrat de bail était l'ancienne adresse de M. G. et qu'il ne connaissait pas l'adresse professionnelle de celui-ci, faisant observer que le k-bis de la société VSD mentionne l'adresse des lieux loués comme adresse personnelle de M. G., son gérant. L'intimé soutient que l'huissier instrumentaire a adressé à M. G. la lettre recommandée et la lettre simple prévues par les dispositions précitées. Il affirme que le fait que M. G. a récupéré ses meubles démontre qu'il a eu connaissance de l'expulsion.

Est régulière la signification selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile du procès-verbal d'expulsion comportant convocation devant le juge de l' exécution pour voir statuer sur le sort des meubles non retirés par l'expulsé, dès lors que l'huissier instrumentaire précise avoir procédé à une enquête auprès des services de gendarmerie et de l'ancien propriétaire du destinataire de l'acte qui n'ont pas permis de retrouver la nouvelle adresse du destinataire de l'acte.

Il ne saurait être reproché à l'huissier instrumentaire de ne pas avoir effectué de recherches à l'adresse à Genève figurant sur le contrat de bail de 2017, dès lors que ce même bail et l'attestation d'assurance mentionnent que M. G. établissait sa résidence principale dans les lieux loués, cette adresse étant d'ailleurs celle mentionnée au k-bis de la société dont il est le gérant, et que ce dernier ne justifie pas de la validité de cette adresse en Suisse à la date de l'expulsion. Il ne saurait davantage être reproché à l'huissier instrumentaire de ne pas avoir effectué des recherches supplémentaires concernant le lieu de travail de l'intéressé dont il n'est pas établi que M. L. avait connaissance.

Même si, comme le relève l'appelant, l'acte ne mentionne pas que l'huissier instrumentaire a effectué cette diligence, M. L. établit, par le justificatif de dépôt à La Poste, que l'huissier instrumentaire a bien adressé à M. G., le 2 novembre 2018, la lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue par les dispositions précitées.

Le procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2018 et le procès-verbal de sa signification en date du 31 octobre 2018 doivent donc être déclarés valides.

Sur la validité du jugement entrepris

M. G. soutient que le premier juge n'a pas respecté le principe de la contradiction et méconnu le caractère oral de la procédure menée devant lui en rendant sa décision alors que ni le demandeur ni le défendeur n'était comparant ou représenté à l'audience du 11 décembre 2018 et que M. L. n'avait pas soutenu oralement les demandes figurant au procès-verbal d'expulsion comportant convocation de M. G.. Il fait valoir que le premier juge aurait dû déclarer irrecevables les demandes de M. L. faute d'avoir été soutenues oralement.

M. L. fait valoir qu'en matière de procédure orale, l'absence de comparution ou de représentation des parties ne fait pas obstacle à ce que le juge rende sa décision.

Aux termes de l'article R. 121-8 du code des procédures civiles d' exécution , la procédure suivie devant le juge de l' exécution est orale.

Il résulte des dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile qu'en matière de procédure orale, sauf disposition contraire le prévoyant et autorisation du juge à formuler leurs prétentions par écrit sans se présenter à l'audience, les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien.

Il résulte des dispositions de l' article 468 du même code qu'en l'absence de comparution du demandeur sans motif légitime, le juge ne peut rendre de jugement sur le fond que si le défendeur le requiert.

Il ressort des énonciations du jugement entrepris que le premier juge a statué sur les prétentions de M. L., contenues dans l'acte d'huissier du 31 octobre 2018 comportant convocation de M. G., sans que M. L. soit comparant ou représenté à l'audience du 11 décembre 2018, première audience à laquelle a été appelée cette affaire.

En l'absence des parties à ladite audience du juge de l' exécution et alors qu'il a été régulièrement convoqué à cette audience, M. G. ne saurait se prévaloir d'une quelconque violation du principe de la contradiction, seul moyen invoqué à l'appui de sa demande d'annulation du jugement entrepris, laquelle sera rejetée.

Sur les autres demandes formées par M. L.

Comme le soutient à juste titre M. G., les demandes de M. L. tendant à voir déclarer abandonnés les biens non retirés avant la date de l'audience par M. G. à l'issue de l'expulsion sont dépourvues d'objet, dès lors qu'il ressort des pièces produites par l'intimé lui-même que M. G. a récupéré, le 21 novembre 2018, l'intégralité des biens mentionnés à l'inventaire dressé par l'huissier de justice figurant au procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2018.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

La solution du litige conduit à débouter M. L. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes de M. G.

Le procès-verbal d'expulsion ayant été valablement signifié à M. G.. comme l'exige l'article R. 432-2 du code des procédures civiles d' exécution , les demandes formées par M. G. tendant à sa réintégration des lieux, à la condamnation de M. L. au paiement de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance, de son préjudice moral et des frais d'expulsion seront rejetées.

Succombant en ses principales prétentions, M. G. sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d'annulation du jugement entrepris formée par M. G. ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré abandonnés les biens sans valeur marchande non retirés par M. G. ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,

Dit sans objet les demandes de M. L. tendant à voir déclarer abandonnés les biens non retirés avant la date de l'audience devant le juge de l' exécution par M. G. ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M. G. aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.