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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 30 novembre 2018, n° 17/07992

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire Grand Ouest (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

M. Pothier, Mme Gelot-Barbier

Jex, du 9 oct. 2017

9 octobre 2017

EXPOSE DU LITIGE

Suivant jugement du juge de l' exécution de Nantes du 26 juin 2015, la société Banque Populaire Atlantique (la BPA) a été déclarée adjudicataire d'un bien immobilier situé [...]

Après avoir fait procéder, par acte du 3 novembre 2015, à la signification du jugement, et fait délivrer, le 13 juillet 2016, un commandement à M. Lucien N. de quitter les lieux, la BPA a fait dresser, le 28 juillet 2017, un procès-verbal d'expulsion.

Suivant ce même acte, il a été fait sommation à M. N. de retirer ses meubles dans le délai d'un mois et il lui a été délivré assignation à comparaître à l'audience du juge de l' exécution de Nantes du 11 septembre 2017 afin qu'il soit statué sur le sort des meubles qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience.

Par jugement du 9 octobre 2017, le juge de l' exécution a :

•            déclaré abandonnés les biens laissés par M. N. dans le logement situé[...], biens dépourvus de valeur marchande ou présentant une valeur inférieure aux frais de procédure de vente, de publicité et de transport,

•            dit que la partie requérante pourra leur donner la destination de son choix,

•            dit que les biens précités pourront notamment, préalablement à leur destruction, être proposés à telle association caritative qu'il plaira à la partie requérante,

•            laissé à la charge du défendeur le soin de faire un tri dans ses papiers administratifs de telle sorte qu'une quantité égale au contenant d'une enveloppe A4 soit placée sous scellé conformément aux dispositions de l'article R. 433-6 du code des procédures civiles d' exécution ,

•            dit que les papiers et documents personnels seront conservés sous enveloppe pendant deux ans par l'huissier de justice,

•            condamné M. N. à payer à la BPA une indemnité de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. N. a relevé appel de ce jugement le 17 novembre 2017, en demandant à la cour de :

•            dire que la procédure est irrégulière en raison de la nullité du procès-verbal d'expulsion,

•            débouter la BPA de toutes ses demandes,

•            condamner la BPA à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La BPA demande quant à elle à la cour de :

•            confirmer le jugement attaqué,

•            débouter M. N. de toutes ses demandes,

•            condamner M. N. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

•            condamner M. N. à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'à une amende civile,

•            condamner M. N. aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. N. le 31 août 2018, et pour la BPA le 16 février 2018, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 septembre 2018.

EXPOSE DES MOTIFS

M. N. soulève l'irrégularité de la procédure au motif que le procès-verbal d'expulsion ne contient pas la reproduction in extenso des articles R.432-1 et R. 432-2 du code des procédures civiles d' exécution , et que l'inventaire dressé par l'huissier est incomplet, ce à quoi la BPA oppose l'irrecevabilité de la demande comme n'ayant pas été régularisée dans les formes de l'article R. 442-2 du code des procédures civiles d' exécution , et de surcroît comme étant une demande nouvelle en appel.

Mais le juge de l' exécution statuant sur le sort des meubles qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience conformément aux dispositions des articles R. 433-5 et R. 433-6, a compétence pour statuer sur la régularité du procès-verbal d'expulsion, en sorte que le moyen tiré de l'application en la cause de l' article R. 442-2 est inopérant.

D'autre part, la demande de nullité du procès-verbal d'expulsion n'est destinée qu'à faire écarter les prétentions adverses et est donc recevable pour la première fois devant la cour en application de l'article 564 du code de procédure civile.

S'agissant du moyen tiré du défaut de reproduction dans le procès-verbal d'expulsion des articles R.432-1 et R. 432-2, aucun texte ne prévoit la reprise de ces textes dans le procès-verbal d'expulsion, et, au surplus, M. N. ne démontre pas en quoi le défaut de rappel de ces textes lui aurait fait grief, ni en quoi l'huissier aurait méconnu les prescriptions imposées par ceux-ci.

M. N. reproche ensuite à l'huissier de ne pas avoir fait figurer sur le procès-verbal d'expulsion l'inventaire des meubles avec l'indication qu'ils paraissent avoir une valeur marchande, et n'a pas défini la nature du mobilier qui doit être enlevé, ni identifié son mobilier professionnel.

Il ressort cependant du procès-verbal d'expulsion du 28 juillet 2017 que celui-ci comporte un inventaire précis des biens ou objets dans chaque pièce de l'immeuble permettant leur identification, ainsi qu'un album photographique illustrant les biens garnissant chacune de ces pièces.

A ce titre, aucun texte n'impose à l'huissier de distinguer le mobilier à usage professionnel, l'objectif de cet inventaire étant de permettre à la personne expulsée de vérifier que tous ses biens sont bien visés, ce qui n'est pas contesté par M. N..

L'inventaire doit en outre permettre de renseigner le juge de l' exécution sur le fait de savoir si les biens ont une valeur marchande ou non, et, à cet égard, l'huissier a noté que 'l'ensemble du mobilier est très usagé, d'entrée de gamme et sans valeur marchande', ce qui est du reste confirmé par la description faite de chacun des objets et des photographies annexées.

Par ailleurs, il ressort des mentions de l'acte que sommation a été faite à M. N. de retirer les meubles dans le délai d'un mois et celui-ci n'indique pas dans ses écritures en quoi il aurait été empêché d'y procéder, alors qu'il ressort au contraire du courrier de l'huissier du 6 septembre 2017 que M. N. a eu accès aux lieux le 23 août 2017 pour lui permettre de reprendre à sa demande différents dossiers, et que, par ailleurs, il ressort également des mentions de l'acte qu'une clé de la boîte aux lettres lui a été laissée lors de l'expulsion pour qu'il bénéficie d'une domiciliation postale.

Ainsi, M. N. n'établit pas que l'huissier n'aurait pas rempli son obligation de restitution des meubles séquestrés.

Dans ces conditions, M. N. sera débouté de sa demande de nullité du procès-verbal d'expulsion.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge après avoir relevé que la description des objets laissés sur place par la partie expulsée faisait apparaître que l'ensemble de ceux-ci était dépourvu de valeur marchande ou présentait une valeur insuffisante pour couvrir les frais de vente, vente que du reste M. N. n'a pas sollicité, a en conséquence déclaré abandonnés les biens énumérés dans le procès-verbal d'expulsion conformément aux dispositions des articles L. 433-2 et R. 433-6 du code des procédures civiles d' exécution .

Il convient en conséquence de confirmer en tous points le jugement attaqué.

La BPA demande par ailleurs la condamnation de M. N. à une amende civile et au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, mais elle ne démontre pas en quoi le droit de l'appelant d'exercer une voie de recours que la loi lui ouvrait ait en l'espèce dégénéré en abus.

Il serait toutefois inéquitable de laisser à la charge de la BPA l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Déclare recevable la demande de M. N. en nullité du procès-verbal d'expulsion du 28 juillet 2017, mais l'en déboute ;

Confirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 9 octobre 2017 par le juge de l' exécution de Nantes ;

Déboute la société Banque Populaire Atlantique de sa demande en paiement d'une amende civile et de dommages-intérêts ;

Condamne M. Lucien N. à payer à la société Banque Populaire Atlantique la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Lucien N. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.