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Décisions

Cass. 2e civ., 23 septembre 2004, n° 02-21.141

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sené

Rapporteur :

M. Moussa

Avocat général :

M. Kessous

Avocats :

SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Vier et Barthélemy

Aix-en-Provence, du 25 sept. 2002

25 septembre 2002

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le trésorier principal de Saint-Raphaël (le trésorier) a fait pratiquer à l'encontre de Mme X... une saisie-vente, qui a porté sur les meubles et matériels du bar-restaurant exploité par elle en vertu d'un contrat de location-gérance consenti par M. Y... ; qu'après la vente forcée des biens saisis, M. Y... a contesté la saisie, soutenant qu'elle avait porté sur ses biens, et a demandé la réparation de son préjudice ; qu'un juge de l'exécution a annulé la saisie et ordonné une expertise comptable pour évaluer le préjudice de M. Y... ; que le trésorier a interjeté appel de cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le trésorier fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la procédure de saisie-vente et de l'avoir condamné à payer à M. Y... une certaine somme en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen, que ne commet aucune faute le créancier qui saisit les biens se trouvant dans un local occupé par le débiteur, et partant sont en sa possession, puis procède à la vente forcée de ceux-ci, dès lors qu'en l'absence de demande en nullité formée par le débiteur ou d'action en revendication d'un tiers, il pouvait légitimement ignorer que les biens saisis n'appartenaient pas à son débiteur ; qu'en estimant néanmoins que la responsabilité du trésorier poursuivant se trouvait engagée, dans de telles circonstances, à l'égard du tiers revendiquant, au motif qu'il appartenait au créancier saisissant de vérifier, en présence d'un contrat de location-gérance, si les meubles saisis puis vendus appartenaient bien au débiteur, imposant ainsi au créancier saisissant d'effectuer des recherches approfondies quant à la propriété des biens mobiliers du débiteur saisi, malgré la présomption de propriété édictée par l'article 2279 du Code civil en faveur du possesseur, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1382 et 2279 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par des motifs non critiqués, que le contrat de location-gérance, ayant fait l'objet d'une publication au registre du commerce et des sociétés et ayant été enregistré à la recette principale des Impôts, ne pouvait être ignoré du trésorier, la cour d'appel a pu retenir qu'il incombait à ce dernier de vérifier, par l'examen de l'inventaire annexé au contrat, si les meubles saisis puis vendus appartenaient bien à son débiteur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 16 et 568 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel doit, lorsqu'elle entend faire usage de son droit d'évocation, mettre les parties en mesure de conclure sur les points qu'elle se propose d'évoquer ;

Attendu que pour condamner le trésorier à payer à M. Y... une certaine somme en réparation de son préjudice, l'arrêt retient que l'expert désigné par le premier juge pour chiffrer le préjudice a déposé son rapport lequel a été communiqué au trésorier, que ce dernier n'a pas discuté le montant des sommes retenues par l'expert et ne s'est pas non plus opposé à ce que la cour d'appel évoquât l'affaire pour fixer le préjudice et que les conditions de cette évocation étaient ainsi réunies ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des conclusions du trésorier que celui-ci n'avait nullement conclu sur la fixation du préjudice, la cour d'appel, qui n'a pas mentionné que le trésorier avait été mis en demeure de présenter ses observations sur ce point, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le trésorier principal de Saint-Raphaël à verser à M. Y... la somme de 64 968,13 euros, l'arrêt rendu le 25 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.