Livv
Décisions

Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 05-40.561

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazars

Chambéry, ch. soc., du 30 nov. 2004

30 novembre 2004

Attendu que Jean-Luc X... a été engagé le 16 août 1988 comme VRP exclusif par la société Alpes distribution Argos, aux droits de laquelle vient la société Argos hygiène ; que le salarié a démissionné par lettre du 7 juin 2003 ; que, par lettre recommandée du 16 juin 2003, l'employeur a accusé réception de la démission du salarié et exigé l'application pour douze mois de la clause de non-concurrence prévue par l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP en lui adressant après exécution de son préavis en octobre et novembre 2003 des bulletins de paie portant paiement de la contrepartie financière prévue par l'accord ; que le salarié a retourné à l'employeur le paiement et les bulletins de paie, estimant n'être lié à son égard par aucune clause de non-concurrence valable ; que l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'injonction au salarié de cesser toute activité concurrente et en dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ; que le salarié a présenté des demandes incidentes en paiement de sommes au titre de retenues indues sur rémunérations et dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 17 de l'Accord national interprofessionnel des VRP, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour décider qu'aucune clause de non-concurrence n'était opposable au salarié et condamner l'employeur à lui payer la somme de de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué énonce qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, si elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; qu'une contrepartie pécuniaire doit être considérée comme prévue dès lors que le contrat de travail se réfère expressément à un accord collectif prévoyant lui-même une contrepartie pécuniaire aux clauses de non-concurrence ; que M. X... a été embauché comme VRP exclusif et que son contrat de travail était expressément soumis "aux dispositions du statut des VRP et de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975" et contenait une clause de non-concurrence précisant la contrepartie pécuniaire accordée au salarié (et correspondant à celle de l'ANI des VRP) et la pénalité encourue par le salarié en cas de violation ; que, toutefois, les parties ont adopté un "avenant n° 2" du 13 mai 1998, rappelant que M. X... a été embauché comme VRP exclusif mais précisant que "les relations entre les parties sont régies par la convention collective nationale des commerces de gros" et que "ce présent contrat d'un commun accord annule et remplace dans toutes ses dispositions le précédent contrat en date du 16 août 1998 et l'avenant du 1er mai 1993" ; que cet avenant contient une clause de non-concurrence, réduite de deux à un an, concernant un territoire précisé, ce qui n'était pas le cas de la première, maintenant la pénalité encourue par le salarié (réduite de vingt-quatre mois de salaire à douze mois) mais ne prévoyant plus de contrepartie pécuniaire ; que, toutefois, la convention collective nationale des commerces de gros n'envisageait pas de contrepartie pécuniaire à une clause de non-concurrence ; qu'ainsi, le contrat, qui ne prévoyait pas de contrepartie pécuniaire à l'obligation de non-concurrence imposée au salarié, se référait à une convention collective qui ne contenait aucune disposition en ce sens ; que cette clause était donc nulle et qu'il n'existe aucune clause de non-concurrence valable opposable à M. X... ; que la référence à l'Accord national interprofessionnel des VRP sur les bulletins de paie ouvre au salarié la possibilité d'en invoquer les dispositions qui lui sont favorables, mais non à l'employeur de se prévaloir de ses dispositions pour voir valider une clause nulle et encore moins appliquer au salarié une clause contraignante non prévue par le contrat de travail" ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention collective de la branche d'activité dont relève l'entreprise n'est susceptible de s'appliquer au VRP que si elle comporte des dispositions particulières, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si la convention collective nationale des commerces de gros comportait bien des dispositions particulières applicables au VRP, a privé sa décision de base légale ;

Sur le deuxième moyen :

Vu les articles 16 et 568 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que la cour d'appel doit, lorsqu'elle entend faire usage de son droit d'évocation, mettre les parties en mesure de conclure sur les points qu'elle se propose d'évoquer ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de prélévements indus et congés payés afférents, l'arrêt attaqué énonce que M. X... a conclu sur sa demande reconventionnelle depuis le 7 avril 2004 pour l'audience du 6 mai; que l'appelante n'a pas répondu pour le 3 juin, où devaient avoir lieu les débats sur ce point devant le conseil de prud'hommes, ni devant la cour d'appel, se contentant, alors que, par courrier du 7 septembre 2004, elle demandait que les débats sur les quatre appels aient lieu à l'audience du 26 octobre et qu'elle bénéficiait des mêmes délais que pour conclure sur sa propre demande principale, d'invoquer le double degré de juridiction et de demander un renvoi au conseil de prud'hommes et, subsidiairement, à une autre audience pour lui permettre de conclure au fond ; qu'interrogée à l'audience sur une éventuelle décision d'évocation, elle s'est référée à cette position; que s'agissant d'une demande de paiement du salaire, il s'agit là d'une attitude dilatoire et qu'il convient de statuer ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir enjoint à la société Argos hygiène de conclure sur les questions qu'elle voulait évoquer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.