Cass. 1re civ., 6 octobre 2011, n° 10-21.822
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Rapporteur :
Mme Crédeville
Avocat général :
M. Domingo
Avocats :
SCP Roger et Sevaux, SCP de Chaisemartin et Courjon
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le magazine Le Point a publié dans son édition du 17 juin 2010 un article de M. X..., intitulé " Les enregistrements secrets du Maître d'hôtel ", qui avait comme sous-titre " Affaire Y.... Les conversations de la milliardaire avec ses proches, captées à leur insu, révèlent une femme sous influence " et dont il ressortait que le maître d'hôtel de Mme Y... avait, une année durant, à partir du mois de mai 2009, capté les conversations tenues dans la salle de l'hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine où Mme Y... tenait " ses réunions d'affaires " avec certains de ses proches, dont M. Z... chargé de la gestion de sa fortune ; que cet article fut suivi le 1er juillet, d'autres articles publiés tant dans l'hebdomadaire que sur le site internet du magazine Le Point ; que M. Z... a assigné en référé la société d'exploitation du magazine Le Point, MM. A..., directeur de la publication, et X..., journaliste, pour voir ordonner le retrait du site de tout ou partie de la transcription des enregistrements réalisés au domicile de Mme Y..., l'interdiction de toute nouvelle publication de ces retranscriptions et la publication d'un communiqué judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 566 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevables certaines des prétentions de Mme Y..., la cour d'appel a énoncé que celles-ci, relatives à la publication les 24 juin et 1er juillet 2010 d'autres extraits des enregistrements formant des actes de publication distincts ayant trait à des contenus différents de ceux analysés constituaient des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;
Qu'en statuant ainsi, quand ces demandes issues des mêmes enregistrements tendaient aux mêmes fins et constituaient le complément de celles dont avait été saisi le premier juge, compte tenu de l'évolution des circonstances de fait, la cour d'appel a violé par refus d'application le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 226-1 et 226-2 du code pénal, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme Y..., tirées de l'existence d'un trouble manifestement illicite constitué par la publication d'enregistrements réalisés à son insu à son domicile de conversations privées et du dommage imminent susceptible de lui être causé, l'arrêt énonce que l'article 226-2 du code pénal prend place au chapitre VI intitulé " Des atteintes à la personnalité " et à la première section de ce chapitre qui traite exclusivement, " De l'atteinte à la vie privée ", que sauf à se méprendre sur la portée de ces dispositions qui, définissant une infraction pénale, ne peuvent qu'être strictement interprétées, l'article 226-2 n'englobe pas dans sa prévention tout enregistrement de propos effectués sans le consentement de l'auteur qui les a tenus, mais uniquement ceux qui portent " atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui " ; que l'arrêt ajoute que les entretiens litigieux portent sur les rapports entre Mme Y..., MM. B... et Z..., sur les libéralités consenties par cette dernière et sur la gestion patrimoniale et financière dont M. Z... rendait compte à Mme Y..., que les propos litigieux sont, dans leur ensemble, de nature professionnelle et patrimoniale et rendent compte des relations que Mme Y... pouvait entretenir avec celui qui gérait sa fortune et que les informations ainsi révélées, mettant en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public ;
Attend u cependant que constitue une atteinte à l'intimité de la vie privée, que ne légitime pas l'information du public, la captation, l'enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il ressort de ses propres constatations que les entretiens litigieux présentaient un tel caractère, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° 330 rendu le 23 juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.