Cass. com., 13 septembre 2023, n° 22-12.047
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Bedouet
Avocat :
Me Haas
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2021), rendu en référé, la société Temsys a signé avec la société KC technologies un contrat cadre portant sur la location de 22 véhicules utilitaires.
2. Par une lettre recommandée avec avis de réception reçue le 24 septembre 2019, la société Temsys, se prévalant de la clause résolutoire de plein droit, a mis en demeure la société KC technologies de lui régler sous huit jours une somme de 197 495,62 euros représentant les loyers impayés.
3. Par ordonnance du 11 décembre 2019, le président d'un tribunal, statuant en référé, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire incluse dans le contrat, au 1er octobre 2019, ordonné la restitution des véhicules sous astreinte et condamné la société KC technologies à payer une provision.
4. Le 26 décembre 2019, la société KC technologies a été mise en redressement judiciaire, la société BCM étant désignée administrateur judiciaire et la société Alliance MJ, mandataire judiciaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la société Temsys irrecevable en sa demande de provision
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la société Temsys irrecevable en sa demande de résolution du contrat du 11 avril 2021
Enoncé du moyen
6. La société Temsys fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa demande de résolution du contrat du 11 avril 2021, alors « que la règle d'interdiction des poursuites individuelles ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résiliation d'un contrat bail par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du preneur ; qu'en infirmant l'ordonnance ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 1er octobre 2019 et en déclarant irrecevable la demande en résolution du contrat de bail, du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société KC technologies, cependant que la résolution du contrat de bail du 11 avril 2016 avait produit ses effets avant l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 622-21 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 622-21 I du code de commerce :
7. Le principe édicté par ce texte, de l'interruption ou de l'interdiction des actions en justice de la part des créanciers, dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de location de véhicules par application d'une clause résolutoire de plein droit ayant produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du locataire.
8. Pour déclarer irrecevable la société Temsys en sa demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt retient que l'action de cette société ne peut, en l'absence de décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société KC technologies. Il ajoute que la demande se heurte, devant la juridiction des référés statuant au provisoire, à la règle de l'interdiction des actions en paiement dès lors que l'ouverture et la poursuite de la procédure collective de la société KC technologies interdisent l'action en référé engagée par la société Temsys tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat pour défaut de paiement des loyers.
9. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de la clause résolutoire, le 1er octobre 2019, était intervenue antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société KC technologies, de sorte que la demande de la société Temsys de constat de la résiliation du contrat de location à cette date était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de déclarer irrecevable la demande de provision, la cassation encourue sur l'irrecevabilité de la demande d'acquisition ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant l'ordonnance du 11 décembre 2019, il déclare la société Temsys irrecevable en sa demande d'acquisition de la clause résolutoire et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.