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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 27 septembre 2022, n° 21/01634

ANGERS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

Avocats :

Me Pigeau, Me Bruneau

JEX Le Mans, du 2 juill. 2021, n° 19/038…

2 juillet 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé du 12 mai 2011, M. [U] a donné à bail à Mme [S] [I] un bien immobilier à usage d'habitation situé [Adresse 3], moyennant un loyer mensuel de 760 euros.

Par arrêt du 17 avril 2018, la cour d'appel d'Angers a notamment constaté la résiliation du bail conclu le 12 mai 2011, à effet du 14 mai 2017, eu égard au congé pour vendre délivré le 22 juillet 2016, ordonné l'expulsion de Mme [I] et de tout occupant de son chef et condamné Mme [I] à verser à M. [U] une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux.

Selon procès-verbal du 24 octobre 2019 dressé par Maître [R] [F], huissier de justice, il a été procédé aux opérations d'expulsion, en exécution de l'arrêt du 17 avril 2018.

Le procès-verbal d'expulsion du 24 octobre 2019 remis à Mme [I] en personne contenait assignation à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Mans, à l'audience du 9 décembre 2019, 9 heures, en vue de :

- voir statuer sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience ;

- condamner Mme [I] à payer à M. [U] une indemnité de procédure de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 2 juillet 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire du Mans a :

- déclaré abandonnés les biens non retirés par Mme [I], à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice ;

- dit que les biens ayant une valeur marchande qui pourraient être découverts lors de l'évacuation des biens, laissés sur place par Mme [I], seront mis en vente aux enchères publiques, y compris ceux qui sont insaisissables par nature ;

- condamné Mme [I] à payer à M. [U] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [I] aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 15 juillet 2021, Mme [I] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a déclaré abandonnés les biens non retirés par elle, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice ; dit que les biens ayant une valeur marchande qui pourraient être découverts lors de l'évacuation des biens n'ayant pas de valeur, laissés sur place par elle, seront mis en vente aux enchères publiques, y compris ceux qui sont insaisissables par nature ; l'a condamnée à payer à M. [U] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux aux dépens de l'instance; intimant M. [U].

Suivant avis du greffe du 16 septembre 2021 pris au visa des articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 21 février 2022 en conseiller rapporteur, avec clôture au 7 février 2022.

Par acte d'huissier du 21 septembre 2021 signifié selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile, Mme [I] a fait signifier à M. [U] la déclaration d'appel et l'avis de fixation.

Mme [I] a conclu le 12 octobre 2021.

M. [U] a constitué avocat le 15 octobre 2021.

Mme [I] a signifié ses conclusions par R.P.V.A le 19 octobre 2021.

M. [U] a conclu le 26 octobre 2021.

Une ordonnance du 7 février 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, aux conclusions des parties déposées au greffe :

- le 12 octobre 2021 pour Mme [I],

- le 26 octobre 2021 pour M. [U],

aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :

Mme [I] demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle est recevable et fondée en son appel du jugement du juge de l'exécution en date du 2 juillet 2021;

- infirmer cette décision en toutes ses dispositions ;

- statuer ce que de droit en ce qui concerne les biens non retirés par elle lors de son expulsion ;

- lui donner acte du fait qu'en raison de l'inondation de la cave, ces biens ne pouvaient plus être récupérés ;

- infirmer la décision critiquée en ce qu'elle l'a condamnée à verser à M. [U] une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

- débouter M. [U] de toutes ses réclamations;

- condamner M. [U] à lui verser une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

- condamner M. [U] en tous les dépens de la présente instance.

M. [U] demande à la cour de :

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré abandonnés les biens non retirés par Mme [I] à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice ; dit que les biens ayant une valeur marchande qui pourraient être découverts lors de l'évacuation des biens n'ayant pas de valeur, laissés sur place par Mme [I], seront mis en vente aux enchères publiques, y compris ceux qui sont insaisissables par nature ; condamné Mme [I] à payer à M. [U] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [I] aux dépens de la présente instance,

- prononcer le retrait de l'aide juridictionnelle accordée à Mme [I] dans le cadre de l'instance initiée devant la cour d'appel d'Angers en suite de la déclaration d'appel n° 21/01480 en date du 15 juillet 2021, enrôlée sous le numéro 21/01634 devant la chambre A commerciale,

- condamner Mme [I] à payer la somme de 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [I] au paiement des entiers dépens.

MOTIFS

- Sur le sort des biens laissés dans les lieux

Mme [I] explique que lorsqu'elle s'est déplacée en concertation avec l'huissier de justice, en vue de récupérer les biens laissés sur place, entreposés dans la cave, elle a constaté que la cave était inondée, de sorte que les objets n'étant plus utilisables compte tenu de leur état, elle n'avait plus aucun intérêt à les récupérer.

Elle indique avoir renoncé à un recours quelconque contre M. [U] et n'avoir ainsi formé aucune réclamation particulière ou observation sur les demandes de M. [U] concernant le sort des biens non enlevés, lors de l'audience devant le premier juge.

Elle prétend que suite à l'inondation de la cave où se trouvaient encore entreposée une partie de ses biens qui garnissaient le logement, il n'y a plus lieu de statuer sur le sort des biens non retirés lors des opérations d'expulsion.

M. [U] soutient que la décision rendue par le juge de l'exécution le 2 juillet 2021 quant au sort des biens est justifiée et doit être confirmée, en ce qu'il résulte du procès-verbal d'expulsion du 24 octobre 2021 qu'il demeurait dans la cave dépendant du logement loué à Mme [I] des biens appartenant à celle-ci qui n'avaient pas été évacués au jour de l'audience et qu'elle ne souhaitait pas récupérer.

Sur ce

En application de l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, les meubles se trouvant dans les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et sont décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois à compter de la signification du procès-verbal d'expulsion conformément à l'article R 433-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Selon l'article L 433-2 du code des procédures civiles d'exécution dans sa version applicable au litige, à l'expiration du délai imparti et sur autorisation du juge, il est procédé à leur mise aux enchères publiques.

Le juge peut déclarer abandonnés les biens qui ne sont pas susceptibles d'être vendus.

Le produit de la vente est remis à la personne expulsée après déduction des frais et de la créance du bailleur.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal d'expulsion du 24 octobre 2019 que Mme [I], M. [T] et leur six enfants étaient présents lors des opérations d'expulsion, qu'ils ont emporté en quittant les lieux une partie des biens présents dans le logement, en particulier leurs affaires personnelles et les papiers ou documents personnels, que le reste des biens de Mme [I] a fait l'objet d'un inventaire par l'huissier de justice ayant procédé aux opérations d'expulsion, précisant que l'ensemble ne paraissait pas avoir de valeur marchande et a été laissé sur place dans la cave de la maison appartenant à M. [U].

Aux termes du procès-verbal d'expulsion qui lui a été remis le jour même, Mme [I] s'est vue sommer de retirer, dans le délai d'un mois suivant la signification du procès-verbal, les meubles qui garnissaient encore au jour de l'expulsion les lieux qu'elle occupait.

Le procès-verbal contenait également assignation à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Mans, à l'audience du 9 décembre 2019, 9 heures, en vue notamment de voir statuer sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience.

Le juge de l'exécution a été saisi par le dépôt au greffe d'une copie du procès-verbal d'expulsion.

Il résulte d'une lettre adressé le 7 novembre 2019 à M. [U] par l'huissier de justice qui a procédé aux opérations d'expulsion, qu'après le 24 octobre 2019, un dégât des eaux dont l'huissier de justice indique ne pas connaître l'origine, a eu lieu dans la cave où avaient été laissés les biens appartenant à Mme [I], la cave se trouvant partiellement remplie d'eau.

L'huissier de justice a invité M. [U] à faire intervenir une entreprise spécialisée, en indiquant que même si les biens non retirés lui paraissaient sans valeur, il était responsable de leur conservation jusqu'à la signification de la décision à intervenir du juge de l'exécution qui les déclarera abandonnés.

Il n'est justifié ni des suites qui auraient été données à cette lettre par M. [U], ni de démarches effectuées par Mme [I] pour retirer les biens laissés dans la cave, ou signifier à M. [U] qu'elle n'était pas en mesure de les retirer compte tenu de l'inondation de la cave ou de leur état suite à cette inondation et porter réclamation à son encontre, ou pour lui signifier qu'elle n'entendait pas les retirer.

L'affaire relative au sort des biens laissés dans la cave par Mme [I], venue à l'audience du 9 décembre 2019 du juge de l'exécution du Mans, a fait l'objet de multiples renvois, dont le jugement du 2 juillet 2021 précise qu'ils ont été sollicités par l'une ou l'autre des parties, jusqu'à l'audience du 17 mai 2021 à laquelle elle a été retenue.

Mme [I] ne conteste pas qu'à cette audience qui s'est tenue 18 mois après les opérations d'expulsion, elle n'a présenté aucun moyen opposant à la demande de M. [U] tendant à voir déclarer abandonnés les biens non retirés dans le délai imparti après l'expulsion et à se voir autorisé à en disposer et n'a présenté aucune réclamation à l'encontre de celui-ci.

En cause d'appel, Mme [I] ne présente toujours aucun moyen pour s'opposer aux demandes de M. [U] concernant le sort des biens laissés dans les lieux lors de l'expulsion et dont elle ne conteste pas qu'ils n'ont pas été retirés par elle dans le délai imparti ou postérieurement, avant la décision critiquée, sollicitant de la cour, aux termes du dispositif de ses conclusions, qu'elle 'statue ce que de droit en ce qui concerne les biens non retirés par elle lors de son expulsion'.

Il convient dés lors de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré abandonnés les biens non retirés par Mme [I], à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice et dit que les biens ayant une valeur marchande qui pourraient être découverts lors de l'évacuation des biens, laissés sur place par Mme [I], seront mis en vente aux enchères publiques, y compris ceux qui sont insaisissables par nature.

- Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens

Mme [I] s'estime fondée à solliciter le rejet des demandes formées par M. [U] fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre des frais irrépétibles de première instance que d'appel, au regard de l'évolution du contentieux entre les parties et compte tenu de sa situation économique, précisant qu'elle est actuellement dans emploi.

M. [U] fait valoir que dés lors qu'il n'était pas autorisé à procéder à l'évacuation et à la destruction des biens, même sans valeur, non repris par Mme [I] dans les lieux dans le délai imparti, il n'avait d'autre choix que de solliciter du juge de l'exécution qu'il constate l'abandon des biens laissés dans les lieux et l'autorise à en disposer.

Il souligne que la décision critiquée intervient près de deux ans après la décision ayant ordonné l'expulsion de Mme [I] et qu'après avoir dû exposer de nombreux frais pour reprendre les lieux, il a de nouveau été contraint de constituer avocat devant la cour d'appel suite à l'appel régularisé par Mme [I].

Il s'estime en conséquence fondé à solliciter la confirmation de la décision critiquée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles et la condamnation de Mme [I] à lui payer la somme de 1 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Il demande en outre à la cour, en application des dispositions des articles 50 et 51 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, de prononcer le retrait de l'aide juridictionnelle accordée à Mme [I].

Selon l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Selon l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [S] [I] aux dépens.

Le jugement critiqué sera également confirmé en ce qu'il a condamné Mme [S] [I] à payer à M. [U] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En outre, partie perdante, Mme [S] [I] sera condamnée aux dépens d'appel et sera condamnée à payer à M. [U] une somme de 1 250 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

L'appel de Mme [S] [I], même s'il se révèle non fondé, n'en est pas pour autant abusif.

La demande de retrait de l'aide juridictionnelle sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe;

- CONFIRME le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire du Mans du 2 juillet 2021 ;

y ajoutant,

- CONDAMNE Mme [S] [I] aux dépens d'appel et à payer à M. [O] [U] la somme de 1 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel;

- REJETTE la demande tendant à voir retirer l'aide juridictionnelle à Mme [S] [I] ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.