CA Riom, 1re ch. civ., 12 octobre 2021, n° 20/00143
RIOM
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Valleix
Conseillers :
M. Acquarone, Mme Bedos
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte sous-seing privé en date du 23 septembre 2014, M. René J. a donné à bail à Mme Émilie F. P. un local d'habitation situé [...].
Par jugement du 23 août 2019, le tribunal d'instance de Moulins a, notamment, constaté que par l'effet du congé notifié le 17 septembre 2018 par Mme Émilie F. P., celle-ci était déchue de tout titre d'occupation depuis le 17 décembre 2018 et ordonné son expulsion.
Requis à cette fin par M. J., maître R., huissier de justice, après signification à Mme F. P. le 2 septembre 2019 d'un commandement d'avoir à libérer les locaux, conformément à l'article L411-1 du code des procédures civiles d'exécution, a procédé à la reprise des lieux suivant procès-verbal dressé le 16 septembre 2019 contenant l'inventaire des biens mobiliers laissés sur place par Mme F. P.. Ce procès-verbal a été signifié à cette dernière à sa nouvelle adresse le 19 septembre 2019.
Par jugement réputé contradictoire en date du 28 novembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Moulins, saisi par M. J., a :
-Déclaré abandonnés les biens appartenant à Mme Émilie F. P., objets de l'inventaire annexé à l'acte du 16 septembre 2019 et laissés dans le logement qu'elle occupait à [...] ;
-Autorisé la destruction des biens appartenant à Mme Émilie F. P., objets de l'inventaire annexé à l'acte du 16 septembre 2019 et laissés dans le logement qu'elle occupait à [...] ;
-Rappelé que, le cas échéant, les papiers et documents de nature personnelle seraient placés sous enveloppe scellée et conservée pendant deux ans par l'huissier de justice ;
-Condamné Mme Émilie F. P. à payer à M. René J. la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Mme F. P. a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 22 janvier 2020.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 20 mai 2021 .
Vu les écritures transmises par voie électronique par Mme Émilie F. P. le 16 septembre 2020 aux termes desquelles celle-ci sollicite l'infirmation du jugement, demandant à la cour de :
-Dire que les biens laissés dans le logement situé [...] ne doivent pas être déclarés abandonnés ;
-Dire qu'il y a lieu de lui restituer les objets personnels laissés dans le logement situé [...] ;
-Dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2020 par M. J. aux termes desquelles celui-ci demande à la cour de :
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution de Moulins en date du 28 novembre 2018 ;
-Condamner Mme F. P. à lui payer les sommes de 3000 euros en réparation de son préjudice moral et 1440 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner Mme F. P. aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile , il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il sera rappelé, à titre liminaire, qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...», ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile , mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.
Au soutien de ses demandes présentées devant la cour , Mme F. P. explique qu'elle n'a pas été en mesure de procéder à l'enlèvement des meubles et objets demeurés dans le logement en raison de problèmes de santé qui l'ont amenée à être hospitalisée à certaines périodes de sorte qu'elle n'a pu se préoccuper des questions purement matérielles. M. J. s'oppose aux demandes formulées, rappelant que Mme F. P. a donné son congé dès le 12 septembre 2018 et qu'elle a déjà bénéficié de larges délais pour libérer les lieux.
La procédure concernant le sort des biens découverts sur les lieux à l'occasion des opérations d'expulsion est prévue par les articles L. 433-1, L. 433-2, et R. 433-1 et suivants, reproduits ci-dessous, dans leur version applicable au litige :
Article L433-1:
Les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire.
Article L433-2 :
A l'expiration du délai imparti et sur autorisation du juge, il est procédé à leur mise en vente aux enchères publiques.
Le juge peut déclarer abandonnés les biens qui ne sont pas susceptibles d'être vendus.
Le produit de la vente est remis à la personne expulsée après déduction des frais et de la créance du bailleur.
Article R433-1 :
Si des biens ont été laissés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié, le procès-verbal d'expulsion contient, en outre, à peine de nullité :
1° Inventaire de ces biens, avec l'indication qu'ils paraissent avoir ou non une valeur marchande ;
2° Mention du lieu et des conditions d'accès au local où ils ont été déposés ;
3° Sommation à la personne expulsée, en caractères très apparents, d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, faute de quoi les biens qui n'auront pas été retirés pourront être, sur décision du juge, vendus aux enchères publiques ou déclarés abandonnés selon le cas ;
4° Convocation de la personne expulsée d'avoir à comparaître devant le juge de l'exécution du lieu de la situation de l'immeuble à une date déterminée qui ne peut être antérieure à l'expiration du délai imparti au 3°, afin qu'il soit statué sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience. L'acte reproduit les dispositions des articles R. 121-6 à R. 121-10.
Article R433-2 :
Le délai prévu par l'article L. 433-1 est d'un mois non renouvelable à compter de la signification du procès-verbal d'expulsion.
Article R433-5 :
Si les biens laissés sur place ou déposés en un lieu approprié ont une valeur marchande, le juge peut décider qu'ils seront mis en vente aux enchères publiques, y compris ceux qui sont insaisissables par leur nature.
Après inventaire de ces biens, il est procédé à leur vente forcée comme en matière de saisie-vente.
Le produit de la vente, après déduction des frais et s'il y a lieu du montant de la créance du bailleur, est consigné auprès de la Caisse des dépôts et consignations au profit de la personne expulsée qui en est informée par l'officier ministériel chargé de la vente au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à sa demeure actuelle ou, si celle-ci est inconnue, au lieu de son dernier domicile.
Article R433-6 :
Les biens n'ayant aucune valeur marchande peuvent être déclarés abandonnés, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice.
Avis en est donné à la personne expulsée, comme il est dit au dernier alinéa de l'article R. 433-5.
A l'expiration du délai prévu au premier alinéa, l'huissier de justice détruit les documents conservés et dresse un procès-verbal qui fait mention des documents officiels et des instruments bancaires qui ont été détruits.
En l'espèce, l'huissier requis pour procéder aux opérations d'expulsion a constaté en premier lieu l'absence de tout document ou papier de nature personnelle dans le logement repris, et a dressé un inventaire précis des biens meubles trouvés sur place. Conformément aux dispositions applicables, il a fait sommation Mme F. P. d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois à compter de la signification du procès-verbal.
Mme F. P. ne conteste ni la régularité de la procédure suivie par l'huissier de justice requis pour mener les opérations d'expulsion, ni l'absence de toute valeur marchande des biens laissés sur place, et sa demande s'analyse en réalité comme tendant à l'octroi de délais supplémentaires pour récupérer les objets inventoriés, étant rappelé que l'huissier de justice a précisé n'avoir trouvé aucun document ou papier de nature personnelle devant être placé sous enveloppe scellée et conservé pendant deux ans par ses soins.
Or, il ressort expressément de l'article R433-2 du code des procédures civiles d'exécution que le délai accordé à la partie expulsée pour retirer les biens laissés sur place, en application de l'article L. 433-1 du même code, soit un mois dans la version des textes alors en vigueur, ne peut être renouvelé, de sorte que la demande de Mme F. P. doit être rejetée, étant observé au demeurant qu'il n'est nullement justifié par les pièces communiquées qu'elle se soit trouvée dans l'impossibilité d'évacuer complètement les lieux dans le délai d'un mois prévu par les textes, alors que les éléments médicaux produits démontrent que, si elle a effectivement connu des problèmes de santé au cours des années 2018 et 2019, elle n'a jamais été hospitalisée plus de deux journées consécutives.
Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise.
M. J. sera quant à lui débouté de sa demande de dommages et intérêts alors que le retard dans l'aboutissement de la procédure d'expulsion est lié à l'exercice de son droit de recours par Mme F. P. dont il n'est pas démontré qu'il soit abusif.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme F. P. aux dépens de première instance et à payer à M. J. la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Mme F. P., qui succombe à l'instance, supportera les entiers dépens d' appel ce qui exclut qu'elle puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
Il serait en revanche inéquitable de laisser M. J. supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts devant la cour . Mme F. P. sera condamnée à lui payer la somme de 1440 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile , étant précisé que M. J. produit la facture d'honoraires émise par son conseil au titre des frais irrépétibles exposés en cause d' appel .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Mme Émilie F. P. à payer à M. René J. la somme de 1440 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme F. P. à supporter les dépens d' appel.