Livv
Décisions

CA Lyon, 6e ch., 5 septembre 2019, n° 19/01102

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Clerc, Mme Stella

JEX Villefranche-Sur-Saône, du 8 janv. 2…

8 janvier 2019

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

La SCI A.J.LL & Co vient aux droits de Claude P. qui a consenti le 1er mars 2012 un bail commercial à Habi H. pour un terrain à usage de stockage et exposition de 1.500 m² et un local à usage de bureaux de 90 m², le tout situé au [...].

Il était fixé un loyer annuel de 12.000 euros ht soumis à TVA, payable d'avance le 1er de chaque mois.

A la suite de défaut de paiement du loyer, le juge de référés du tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône, statuant par ordonnance du 22 mars 2018, a notamment ordonné l'expulsion de M. H. passé un délai de 2 mois suivant un commandement de quitter les lieux et condamné celui-ci au paiement d'une indemnité d'occupation.

L'ordonnance a été signifiée à M. H. le 3 avril 2018, en même temps qu'un commandement de quitter les lieux.

Le 19 juin 2018, le bailleur a fait dresser par huissier de justice un procès-verbal de reprise des lieux constatant la présence de divers objets, dont un chalet, un escabeau, une bétonnière, une poubelle et une bouteille de gaz.

Le même jour, l'huissier de justice a fait sommation à M. H. de reprendre lesdits objets dans un délai d'un mois à compter du 19 juin 2018 et lui a fait interdiction d'entrer dans les lieux en dehors de toute autorisation.

Saisi par le même acte, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône, statuant par jugement du 8 janvier 2019, a :

• rejeté la demande de sursis à statuer formée par M. H. (en l'attente de la décision de la cour d'appel de Lyon saisie par M. H. de son appel contre l'ordonnance du 22 mars 2018) ;

• dit que les biens inventoriés dans le procès-verbal de reprise des locaux du 19 juin 2018 ayant une valeur marchande seront mis en vente aux enchères publiques et que les biens n'ayant aucune valeur marchande sont déclarés abandonnés à l'exception des papiers et documents de nature personnelle ;

• rappelle que le produit de la vente viendra en premier lieu en déduction de la créance du bailleur, le reliquat éventuel étant remis au débiteur ;

• condamné M. H. à payer à la SCI A.J.LL & Co la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

• débouté M H. de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

• condamné M. H. aux entiers dépens de la procédure ;

• rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

M. H. a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 février 2019.

Par ordonnance du 18 février 2019, le président de la chambre, faisant application des dispositions des articles 905 du code de procédure civile et R.121-20 al.2 du code des procédures civiles d'exécution a fixé l'affaire à l'audience du 11 juin 2019 à 13h30.

En ses dernières conclusions du 10 mai 2019, Habi H. demande à la Cour ce qui suit, au visa de l'article 564 du code de procédure civile :

• déclarer recevable et bien fondé l'appel de la décision qui a :

• dit que les biens inventoriés dans le procès-verbal de reprise des locaux du 19 juin 2018 ayant une valeur marchande seront mis en vente aux enchères publiques, et que les biens n'ayant aucune valeur marchande sont déclarés abandonnés à l'exception des papiers et documents de nature personnelle,

• rappelé que le produit de la vente viendra en premier lieu en déduction de la créance du bailleur, le reliquat éventuel étant remis au débiteur,

• condamné M. H. à payer à la SCI A.J.LL & Co la somme de 6.960 euros ttc au titre des frais de remise en état du terrain,

• condamné M. H. à payer à la SCI A.J.LL & Co la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

• débouté M. H. de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

• condamné M. H. aux entiers dépens de la procédure ;

le réformer de ces chefs, en conséquence,

• débouter la SCI A.J.LL & Co de l'intégralité de ses demandes comme infondées ;

• débouter la SCI A.J.LL & Co de sa demande reconventionnelle à hauteur de 1.188,95 euros pour cause d'irrecevabilité ;

• condamner la SCI A.J.LL & Co à payer à M. H. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

• condamner la SCI A.J.LL & Co aux dépens avec distraction directe au profit de Me C., avocat sur son affirmation de droit.

Par dernières conclusions du 11 avril 2019, la SCI A.J.L.L. & Co demande à la Cour de confirmer en tous ses points le jugement du 8 janvier 2019 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône ;

y ajoutant,

• juger recevables et bien fondés de la SCI A.J.LL & Co, les appels incidents formés par elle,

en conséquence,

• condamner M. H. à régler à la SCI A.J.LL & Co les sommes suivantes :

• 596,88 euros au titre de la location de la benne pour permettre l'enlèvement des déchets laissés par M. H. ;

• la passivité de M. H. a contraint ainsi la SCI A.J.LL & Co de procéder par elle-même au retrait des déchets et au nettoyage du terrain, obligeant ainsi la SCI A.J.LL & Co à louer une benne et une mini-pelleteuse, pour un montant total de 7.765,73 euros ;

• 208,85 euros au titre de la location de pelleteuse pour permettre l'enlèvement des déchets laissés par M. H. ;

• 1.188,95 euros au titre du remplacement des volets abîmés par M. H. ;

• condamner H. à régler à la SCI A.J.LL & Co la somme de 3.000,00 euros au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

en tout état de cause,

• rejeter les demandes de M. H. ;

• le condamner à payer à la SCI A.J.LL & Co la somme de 1.800,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile exposé pour la procédure d'appel, outre aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est versé aux débats l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la 8ème chambre de la cour de céans qui a confirmé l'ordonnance de référé du 22 mars 2018. La demande de sursis à statuer n'est donc plus en débat.

Sur les biens abandonnés

Il résulte des articles L.433-1 et R.433-2 du code des procédures civiles d'exécution que les meubles dans les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai d'un mois non renouvelable.

Selon l' article L.433-2 du même code, à l'expiration du délai imparti et sur autorisation du juge, il est procédé à leur mise en vente aux enchères publiques.

Le juge peut déclarer abandonnés les biens qui ne sont pas susceptibles d'être vendus. Le produit de la vente est remis à la personne expulsée après déduction des frais et de la créance du bailleur.

M. H. reproche vainement à la SCI A.J.LL & Co d'avoir sollicité le retrait des divers objets restés dans les lieux loués sans attendre l'issue de son appel de l'ordonnance de référé, le bailleur n'ayant fait qu'user de son droit à ses risques et périls dès lors que la décision était exécutoire de plein droit.

L'appelant ne prétend pas avoir effectué une quelconque démarche pour libérer les lieux des divers biens litigieux dans le délai imparti et, par suite, n'est pas fondé à critiquer la décision du juge de l'exécution qui, en conformité avec les dispositions précitées, a dit que les biens inventoriés dans le procès-verbal de reprise des locaux du 19 juin 2018 ayant une valeur marchande seront mis en vente aux enchères publiques, et que les biens n'ayant aucune valeur marchande sont déclarés abandonnés à l'exception des papiers et documents de nature personnelle et rappelé que le produit de la vente viendra en premier lieu en déduction de la créance du bailleur, le reliquat éventuel étant remis au débiteur.

Sur les frais de remise en état des lieux

Il s'agit bien d'une demande relative à l'exécution de la décision d'expulsion qui, par nature, fait obligation au preneur de libérer les lieux loués. Le juge de l'exécution a fait la juste appréciation de sa compétence pour statuer sur ce point.

Le premier juge a fait droit à la demande formée par le bailleur sur la base d'un devis établi par l'entreprise Baniak à hauteur de 6.960 euros.

En appel, la SCI A.J.LL & Co expose qu'elle a été contrainte de procéder elle-même au retrait des déchets et au nettoyage du terrain mais formule une demande pour un montant incompréhensible à hauteur de 7.765,73 euros, somme correspondant à l'addition du montant du devis et des frais de location d'une benne à déchets (596,88 euros) et d'une mini-pelleteuse avec sa remorque (208,85 euros).

Au regard de ces éléments, dès lors qu'elle ne justifie pas avoir fait appel à l'entreprise Baniak, l'intimée ne peut prétendre qu'au remboursement des frais qu'elle a effectivement exposés, soit 596,88 + 208,85 = 805,73 euros.

Sur le remplacement du volet

La demande n'est pas reconventionnelle, au sens de l'article 567 du code de procédure civile, dès lors qu'elle émane de l'intimée qui était demanderesse en première instance.

Il s'agit d'une demande nouvelle qui procède d'un fait postérieur à la saisine du premier juge, dont l'audience s'est tenue le 25 septembre 2018, la facture des travaux étant datée du 19 octobre 2018.

Si cette demande n'est ainsi pas irrecevable comme étant nouvelle, elle l'est en revanche en ce qu'elle n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions initiales. En effet, elle ne ressort pas directement des suites de l'expulsion, le remplacement ou la rénovation d'un accessoire du local (volet roulant) ne s'assimilant pas à l'enlèvement des objets abandonnés.

Au surplus, la demande ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution mais du juge du fond quant à l'indemnisation des éventuels dommages imputables au locataire.

Sur les autres demandes

L'exercice du droit d'appel par M. H. ne constitue pas une résistance abusive constitutive d'un préjudice. La demande de dommages et intérêts de ce chef est rejetée.

L'appelant, partie perdante en principal, supporte les dépens de première instance et d'appel, conserve la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés et doit indemniser l'intimée de ses frais à hauteur de 1.800 euros en sus de l'indemnité allouée par le premier juge.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 8 janvier 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône, sauf en ce qu'il a condamné Habi H. à payer à la SCI A.J.LL & Co la somme de 6.960 euros ttc au titre des frais de remise en état du terrain ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Habi H. à payer à la SCI A.J.LL & Co la somme de 805,73 euros au titre des frais d'enlèvement des biens abandonnés dans les lieux loués ;

Déclare irrecevable la demande de la SCI A.J.LL & Co en paiement de la somme de 1.188,95 euros au titre du remplacement des volets abîmés ;

Condamne Habi H. aux dépens d'appel ;

Condamne Habi H. à payer à la SCI A.J.LL & Co la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.