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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 15 mars 2021, n° 20/01861

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

SPW (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, M. Frey

JEX Colmar, du 16 juin 2020

16 juin 2020

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par ordonnance du 20 août 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Colmar a constaté la résiliation du bail commercial conclu le 18 octobre 2013 entre la Sci Saint-Louis, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Sa SPW, et l'association Grillen-Art-Broc, à la date du 17 juin 2018.

Il a ordonné l'expulsion sans astreinte de l'ancienne locataire et l'a condamnée outre aux entiers frais et dépens, à payer à la société Sa SPW une provision de 15 846, 28 euros à valoir sur l'arriéré locatif arrêté au 19 juin 2018 ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant égal à celui des loyers révisables et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi. Enfin l'association Grillen-Art-Broc a été condamnée à verser à la Sa SPW une indemnité de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Cette ordonnance a été signifiée à l'association Grillen-Art-Broc par acte du 3 octobre 2018 ainsi qu'un commandement de quitter les lieux.

Poursuivant l'exécution de cette décision, l'huissier en charge de la procédure a dressé le 8 janvier 2019 un procès verbal d'expulsion, signifié à l'association le 9 janvier 2019 par dépôt de l'acte à l'étude et comprenant une sommation de retirer les meubles dans le délai d'un mois suivant cette signification ainsi qu'une assignation à comparaitre devant le juge de l'exécution de Colmar à l'audience du 5 mars 2019 afin qu'il soit statuer sur le sort des meubles qui n'auraient pas été retirés avant cette date, sur les frais en résultant, sur les dépens de la procédure et une demande en paiement d'une indemnité de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 16 juin 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Colmar a :

- déclaré régulière et recevable l'intervention volontaire de Mme Justa K.-C., présidente de l'association Grillen-Art-Broc,

- constaté que tous les biens meubles inventoriés par l'huissier instrumentaire dans son procès-verbal d'expulsion des lieux loués sis à [...] du 8 janvier 2019, sont abandonnés,

- dit que les frais engagés pour le transport, l'entrepôt et la destruction du mobilier seront mis à la charge de l'association Grillen-Art-Broc,

- dit que les papiers et documents, de nature personnelle de Mme K.-C., qui seraient restés sur place, devront être placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice et qu'avis en sera donné à la personne expulsée au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception adressée à l'adresse actuelle ou si celle-ci est inconnue, au lieu de sa dernière adresse connue,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné l'association Grillen-Art-Broc et Mme K.-C. outre aux dépens à verser à la Sa SPW une somme de 250 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juge a constaté que les meubles laissés dans les lieux n'avaient pas été revendiqués et que par attestation datée du 2 avril 2019 Mme K. C., en sa qualité de présidente de l'association, avait affirmé que les éventuels objets laissés sur place étaient abandonnés et que le propriétaire était autorisé à les faire enlever et transporter à la déchèterie à ses frais.

Cette décision a été notifiée à l'association Grillen-Art-Broc par lettre recommandée réceptionnée le 24 juin 2020.

Par déclaration au greffe en date du 7 juillet 2020 l'association Grillen-Art-Broc et Mme K. C. ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions en date du 27 septembre 2020, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé de l'intégralité de leurs moyens et prétentions, l'association Grillen-Art-Broc et Mme K. C. entendent voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré abandonné les meubles inventoriés par l'huissier et mis à la charge de l'association les frais engagés pour leur transport, leur entrepôt et leur destruction, rejeté le surplus des demandes et condamné l'association et Mme K.-C. aux dépens et à indemnité pour frais irrépétibles de la Sa SPW. Elles demandent à la cour, statuant à nouveau sur ces points :

- d'enjoindre à la Sa SPW de fournir tout renseignement sur le sort des meubles depuis l'expulsion,

- d'ordonner la vente aux enchères des meubles garnissant le local litigieux,

- de condamner la Sa SPW outre aux dépens des deux instances, à payer à leur conseil un montant de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, elles affirment que les biens garnissant le local pris à bail, pour certains de «'grande valeur'» avaient vocation à être cédés aux adhérents de l'association et donc à renflouer sa trésorerie mais que des désordres ayant affecté le local loué n'avaient jamais permis d'accueillir du public, entraînant la perte de revenus, pour partie à l'origine de l'impayé locatif.

Mme K.-C., présidente et seule membre actif de l'association, affirme avoir multiplié les démarches pour reprendre les meubles dans le mois suivant l'expulsion et affirme avoir pris à bail un box, le jour même de l'expulsion auprès de la société Costockage pour y entreposer un maximum de meubles. Elle soutient n'avoir jamais obtenu de rendez-vous avec l'huissier pour ce faire mais souligne que l'association a pu mettre en vente quelques biens dans le cadre d'une braderie.

Les appelantes contestent que les meubles aient été abandonnés et soient sans valeur marchande et entendent faire valoir que le propriétaire du local doit être considéré comme leur dépositaire, au sens des articles 1927 et suivants du code civil. Elles entendent pouvoir les récupérer ou à tout le moins les voir vendre aux enchères afin de leur permettre de désintéresser la société SPW.

Mme K.-C. sollicite également la remise des documents personnels la concernant que l'huissier a nécessairement conservés.

Dans ses dernières conclusions en date du 27 octobre 2020, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé de l'intégralité de ses moyens et prétentions, la Sa SPW entend voir confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et réclame la condamnation des appelantes outre aux frais et dépens à lui verser une indemnité de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève que le jugement du 16 juin 2020 a été exécuté et soutient que ce n'est que par pure opportunité que les appelantes tentent aujourd'hui de soutenir que les meubles laissés sur place n'ont pas été abandonnés, alors qu'il n'a jamais été question de les reprendre, ainsi qu'il ressort de l'attestation daté du 2 avril 2019, remise à l'huissier.

Elle affirme que par courrier adressé à l'huissier instrumentant le 7 février 2019, Mme K. C. a sollicité l'ouverture du local, mais uniquement au motif qu'elle était persuadée d'y avoir égaré son portefeuille et des documents très importants.

L'affaire a été fixé à l'audience du 25 janvier 2021 par ordonnance du 1er septembre 2020.

MOTIFS

Aux termes des articles L.433-1, L.433-2, R.433-1 et R.433-2 du code des procédures civiles d'exécution, régissant le sort des meubles laissés sur place lors des opérations d'expulsion, que ceux-ci sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne et à défaut, après que l'huissier a dressé avec précision leur inventaire, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié. L'huissier de justice chargé de l'exécution doit faire sommation à la personne expulsée, en caractères très apparents, d'avoir à retirer ces meubles dans un délai d'un mois, non renouvelable, faute de quoi, les biens qui n'auront pas été retirés pourront être, sur décision du juge, mis en vente aux enchères publiques ou être déclarés abandonnés.

En l'espèce, l'inventaire détaillé établi par Me C. dans le procès-verbal d'expulsion qu'il a dressé le 8 janvier 2018 permet de relever que l'ensemble des biens meubles laissés dans les lieux par l'association Grillen-Art-Broc ne présente aucune valeur marchande, compte tenu des frais générés pour la tenue d'une vente aux enchères. Sommation était faite à l'association, par une mention portée sur ledit procès-verbal en caractères gras et soulignés, d'avoir à retirer les meubles dans un délai d'un mois à compter de la signification dudit procès-verbal, qui comprenait en outre assignation à comparaitre à l'audience du juge de l'exécution de Colmar du 5 mars 2019.

Ce procès-verbal a été signifié à l'association Grillen-Art-Broc par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier le 9 janvier 2019.

Mme K.-C. justifie dans ses pièces avoir adressé à l'huissier instrumentant un courriel en date du 13 février 2019, proposant plusieurs dates pour débarrasser le local, affirmant avoir loué un espace de stockage à ce titre. L'huissier répondait à ce courriel en invitant Mme K.-C. à se déplacer à l'étude.

Bien que le délai d'un mois suivant la sommation d'avoir à retirer les meubles soit expiré, il ressort du courriel en date du 27 mars 2019 émanant de l'huissier déjà mentionné qu'il rappelait à Mme K.-C. que «'le propriétaire avait suffisamment attendu'» et qu'il était impératif que les locaux soit totalement évacués pour le 3 avril 2019 au plus tard.

Les appelantes qui allèguent que l'huissier aurait fait obstacle à la reprise des meubles n'en justifient ainsi par aucune pièce, alors qu'il apparaît que l'officier ministériel a, au contraire, été particulièrement arrangeant.

En tout état de cause, le 2 avril 2019, Mme K.-C. représentant l'association Grillen-Art-Broc, a remis à l'huissier précité une attestation mentionnant «'que les éventuels objets laissés par nous, sur place, sont abandonnés. Nous autorisons le propriétaire à les faire enlever et transporter à la déchetterie, à nos frais'».

Les appelantes ne peuvent aujourd'hui être admise à soutenir une position contraire et exiger la vente aux enchères des biens qu'elles ont abandonnés et dont elles ont accepté la destruction voire qu'il soit enjoint à la société SPW de donner tout renseignement sur le sort des meubles après l'expulsion.

Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a dit y avoir lieu de faire application de l'article R.433-6 du code des procédures civiles d'exécution en constatant que les biens inventoriés étaient abandonnés, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice où ils peuvent être récupérés. En outre le premier juge a, à juste titre, rappelé que l'association Grillen-Art-Broc devra supporter les frais engagés pour le transport et la destruction du mobilier.

Le jugement déféré sera également confirmé s'agissant des dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Mme K.-C. et l'association Grillen-Art-Broc, succombant en la présente instance en supporteront les entiers frais et dépens et seront déboutées de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

En revanche, il sera fait droit à la demande de la Sa SPW au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution de Colmar en date du 16 juin 2020,

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme Justa K.-C. et l'association Grillen-Art-Broc de leurs demandes de renseignement sur le sort des meubles abandonnés dans les lieux et de leur demande de mise en vente aux enchères desdits meubles,

DEBOUTE Mme Justa K.-C. et l'association Grillen-Art-Broc de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme Justa K.-C. et l'association Grillen-Art-Broc à verser à la Sa SPW une somme de 1000 euros (mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme Justa K.-C. et l'association Grillen-Art-Broc aux dépens.