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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 3 juin 2021, n° 20/16927

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebée

Conseillers :

M. Malfre, M. Gouarin

JEX Bobigny, du 12 nov. 2020, n° 20/0083…

12 novembre 2020

Par jugement du 9 avril 2019, signifié le 3 juillet 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a, notamment, adjugé à Mme C. l'appartement situé [...] appartenant à M. P., moyennant le prix de 481 000 euros.

En exécution de cette décision, Mme C. a, le 3 juillet 2019, fait délivrer à M. P. un commandement de quitter les lieux au plus tard le 3 septembre 2019.

Suivant acte du 30 octobre 2019, Mme C. a fait procéder à l'expulsion de M. P. et l'a invité à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny afin de voir statuer sur les biens qui n'auraient pas été retirés des lieux.

Par jugement du 12 novembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a déclaré abandonnés les biens qui se trouvaient dans les lieux occupés par M. P. et énumérés dans l'inventaire annexé au procès-verbal d'expulsion en date du 30 octobre 2019, invité la propriétaire des lieux à proposer les biens en question à une association caritative avant de les faire transporter à la décharge publique, rejeté la demande d'indemnité de procédure et condamné M. P. aux dépens.

Selon déclaration du 23 novembre 2020, M. P. a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 17 janvier 2021, signifiées à étude à l'intimée le 19 janvier 2021, l'appelant, outre des demandes de «'constater'» ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de dire et juger que le mobilier inventorié dans le procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2019 ont une valeur marchande et ne sont pas des biens abandonnés, d'infirmer le jugement attaqué «'dans tout son dispositif'», statuant à nouveau, de débouter Mme C. de ses demandes, d'ordonner la restitution de ses biens laissés sur place et ce, sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, subsidiairement, de condamner l'intimée à lui payer la somme de 30 000 euros correspondant à la valeur des biens laissés sur place, celle de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de signification des actes d'appel et du timbre fiscal, dont distraction au profit de son conseil.

Mme C. n'a pas constitué avocat.

Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.

SUR CE

Il résulte des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-992 du 26 septembre 2019 applicable à la cause que les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. À défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification du procès-verbal d'expulsion.

Selon l' article R. 433-5 dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-992 du 26 septembre 2019 applicable à la cause, si les biens laissés sur place ou déposés en un lieu lieu approprié ont une valeur marchande, le juge peut décider qu'ils seront mis en vente aux enchères publiques, y compris ceux qui sont insaisissables par leur nature, le produit de la vente étant consigné à la Caisse des dépôts et consignations au profit de la personne expulsée.

L' article R. 433-6 dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-992 du 26 septembre 2019 applicable à la cause prévoit notamment que les biens qui n'ont pas de valeur marchande peuvent être déclarés abandonnés, à l'exception des papiers et documents à caractère personnel.

Le premier juge a retenu que, dans le procès-verbal d'expulsion, il était indiqué que des biens dont l'énumération était faite avaient été laissés sur place et que ces biens n'avaient apparemment aucune valeur marchande et que rien n'indiquait que ces biens avaient été retirés dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution, de sorte qu'il y avait lieu de les déclarer abandonnés.

Cependant, il ressort du procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2019 que se trouvaient dans les lieux un canapé trois places, un canapé deux places, un fauteuil, une télévision, un grand réfrigérateur américain, une fontaine, un lit, un luminaire, une table, quatre chaises, un miroir, un meuble bas, un djembe, trois tabourets de bar, un réfrigérateur, une cuisine équipée, un lit deux places, une armoire, un chevet, un lit deux places, une armoire, un lit deux places, un bureau et une télévision, cet acte d'huissier mentionnant que le tout paraissait avoir une valeur marchande et était séquestré sur place.

Par ailleurs, il résulte du procès-verbal d'expulsion et des productions que M. P. était présent lors des opérations d'expulsion, qu'il avait été décidé par les parties que celui-ci pourrait retirer les meubles laissés sur les lieux le 25 novembre 2020, ce qu'il n'a pas fait, et que l'appelant avait sollicité le 28 novembre 2019 la possibilité de récupérer ces meubles le lendemain, soit avant l'expiration du délai d'un mois qui lui était imparti, demande à laquelle l'huissier en charge de l'expulsion n'a pas donné suite en raison de sa tardiveté.

Ainsi, les biens laissés sur les lieux par M. P. paraissent avoir une valeur marchande, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et, en l'absence de demande d'autorisation de mise en vente aux enchères desdits biens, d'ordonner leur restitution par Mme C. à M. P. dans un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, sans que les circonstances actuelles justifient d'assortir cette obligation d'une astreinte.

M. P. soutient, au visa de «'l'article 1382 du code civil'», avoir subi un préjudice matériel et moral résultant de la résistance abusive de Mme C..

Faute pour M. P. de produire de justificatifs de nature à démontrer la réalité du préjudice qu'il invoque, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.

Mme C., qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie de condamner Mme C. à payer à M. P. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne Mme C. à restituer à M. P., dans un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, les biens mentionnés au procès-verbal d'expulsion du 30 octobre 2019, à savoir un canapé trois places, un canapé deux places, un fauteuil, une télévision, un grand réfrigérateur américain, une fontaine, un lit, un luminaire, une table, quatre chaises, un miroir, un meuble bas, un djembe, trois tabourets de bar, un réfrigérateur, une cuisine équipée, un lit deux places, une armoire, un chevet, un lit deux places, une armoire, un lit deux places, un bureau et une télévision ;

Rejette les demandes d'astreinte et de dommages-intérêts formées par M. P. ;

Condamne Mme C. aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à M. P. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.